Interpréter la guerre en Afrique

Les descriptions des guerres africaines oscillent souvent entre l’ignorance et une vision sensasionnaliste fondée sur la violence extrême et l’ethnicité. Si, au lieu de ne découvrir les problèmes que lorsque le conflit éclate, on remontait en arrière, on s’apercevrait que la privatisation des armées et de l’État est un phénomène structurel et qu’elle induit le type d’économie politique qu’on rencontre en temps de guerre. Quant à la violence, il faut la penser dans le contexte mais aussi en analysant précisément les systèmes de croyance en vigueur dans le sociétés africaines. Face à ce paysage, les puissances occidentales tendent à déléguer ou à privatiser leur diplomatie en espérant, cyniquement, que la carte des États se restructure par la guerre | Par Roland Marchal.


Citation : Roland Marchal. Interpréter la guerre en Afrique. In Espaces Temps, 71-73, 1999. doi : 10.3406/espat.1999.4073 (Fait partie d’un numéro thématique: De la guerre. Un objet pour les sciences sociales pp. 114-129).

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[Introduction] 

L’effondrement du mur de Berlin et l’intervention internationale contre l’Iraq en 1991 ont engendré des espoirs sur la fin des conflits “périphériques”, notamment en Afrique, et l’accession à la paix universelle. En effet d’une part, la fin de la bipolarité devait entraîner celle du soutien des grandes puissances à leurs alliés locaux, une plus grande considération pour la nature des régimes politiques qui les dirigeaient: de façon tout à fait symptomatique, c’est, pour l’opinion occidentale, à cette époque que débute la vague de démocratisations en Afrique même si les spécialistes la datent d’avant. D’autre part, l’effondrement du bloc soviétique laissait augurer l’émergence d’une civilisation fondée sur la globalisation des marchés, des valeurs démocratiques et des solidarités internationales dont l’ONU aurait été l’expression internationale. On sait ce qu’il est advenu de cette position amplement diffusée chez une majorité de théoriciens des relations internationales: il n’aura fallu peu de temps pour basculer de la paix universelle au clash des civilisations…

La théorie comme la nature ayant horreur du vide, on est en l’espace de quelques années passé à l’autre extrême du spectre d’analyse. Des guerres périphériques suscitent des descriptions sensationnalistes de la violence qui les parcourt, leurs dimensions politique et sociale sont minorées au profit des aspects les plus criminels de la quête des ressources nécessaires pour les mener, les identités et les solidarités primordiales deviennent une explication pratiquement exhaustive des affrontements armés. Sans doute, ces aspects sont souvent constitutifs de la réalité, quelquefois même essentiels, mais on ne trouve guère de réflexion sur la priorité qui leur est accordée dans la description ou l’analyse.

En fait, on peut inscrire ce basculement de l’analyse à partir de la crise yougoslave qui débute au printemps 1991. Il est fort probable, mais ce n’est ici qu’une opinion, que si les nouveaux conflits n’avaient éclaté qu’en Afrique, le champ scientifique aurait réagi autrement en privilégiant un discours et des attitudes qui existaient déjà dans la période antérieure: sous la déférence humanitaire, l’indifférence compassée et le renvoi du continent noir à ses vieilles haines “ancestrales” et son exotisme violent. Évidemment, s’il est de bon ton de s’horrifier du génocide rwandais de 1994, peu d’analyses non africanistes le réfèrent à d’autres génocides qui ont pris place dans cette période dorée de la guerre froide avec une apathie de l’opinion publique internationale… On a à ce niveau une forte continuité entre les deux périodes. En janvier 1999, alors que la presse s’émeut avec raison du nouveau massacre de 45 personnes à Racak au Kosovo, aucun journaliste ou homme politique ne met en parallèle ce drame avec ce qui se passe simultanément en Afrique : dans la même semaine des combats à Freetown ont fait plus de 1500 morts; un massacre d’une tout autre ampleur a eu lieu dans la République démocratique du Congo; l’estimation du nombre de victimes a triplé en quelques jours sans susciter d’autres réactions qu’un entrefilet dans les grands quotidiens pour rectifier le premier chiffre. Les morts n’ont certes pas le même poids en politique mais, lorsqu’il s’agit de l’Afrique, soit on n’en parle pas, soit si l’on franchit ce cap, on utilise une grille d’explication basée sur l’horrible, le criminel et le primordial.

Pour qui est attaché à l’analyse de situations concrètes, il semble important ici de préciser que ces rappels critiques ne visent absolument pas le besoin de théoriser ces guerres sur le continent africain et ailleurs et d’en décrire les effets sur le système international: “sans une théorie les faits sont silencieux” disait Hayek. Mais force est de constater que certaines leçons de la période antérieure n’ont pas été tirées, y compris dans le champ scientifique, ou sont prolongées dans la période actuelle.

Dans cet article qui n’a aucune prétention typologique ou théorique, on voudrait donc souligner quelques thèmes qui sont un peu à l’interface entre les insuffisances de la période antérieure et les questionnements actuels. Pour ce faire, sont examinées dans un premier temps certaines apodes inscrites dans tant d’études sur des conflits durant la guerre froide. Un second thème concerne lui la guerre, ses buts et ses acteurs, car il est vrai que certaines des formes de la guerre ont changé. Le dernier envisage l’attitude du système international et la dialectique inégale qui s’établit entre ces conflits et ce dernier. Il ne s’agit cependant ni d’un bilan, ni d’un ordre du jour pour de nouvelles recherches à mener, mais simplement du rappel de questions importantes et complexes qui devraient être traitées avec rigueur sans tomber dans les nouvelles modes intellectuelles.

Sur quelques impasses de la théorie

De nombreuses apodes sont sous-jacentes à l’importante littérature consacrée aux conflits sur le continent africain durant la guerre froide. Il serait erroné de penser qu’elles ont été totalement remises en cause et rectifiées par la production scientifique après 1991. Trois paraissent particulièrement importantes en première analyse: la conception de la guerre, la surévaluation du global par rapport au local, l’inévitable spécificité africaine de la guerre.

La conception de la guerre est le plus souvent marquée par l’histoire européenne post-westphalienne. La guerre suppose l’existence d’États, d’intérêts nationaux et de calculs rationnels sur la manière de les mener à bien. Elle implique une forte distinction entre le porteur d’armes légal et le rebelle, entre le mercenaire et le brigand. Elle présuppose aussi un degré élevé de discipline militaire et un impressionnant degré d’obéissance des subordonnés vis- à-vis de leurs supérieurs hiérarchiques1. Or cette perception est déjà souvent non pertinente pour ce qui concerne les guerres qui ont éclaté durant la guerre froide sur le continent africain. Ainsi le conflit érythréen débute en 1961 et son objectif proclamé est clair puisqu’il s’agit de recouvrer l’indépendance, le régime éthiopien ayant annulé l’accord de fédération mis au point en 1950 sous les auspices des Nations-unies.

Mais ce soulèvement prend forme dans une zone traditionnelle de banditisme social2 et le comportement des combattants renvoie dans les premières années moins à l’image épique du “combattant de la liberté” qu’aux bandes armées prédatrices de la guerre de Trente ans. La création du Front populaire de libération de l’Érythrée, dix ans plus tard, souvent appelé avec une pincée d’ironie la “Rolls Royce” des mouvements de libération, s’analyse notamment comme un dépassement critique d’une forme d’organisation et de comportement des combattants tant dans la menée de la guerre que dans les rapports avec la population civile3. La guerre de libération au Zimbabwe, pour ne pas parler de certaines guérillas éthiopiennes4 des années soixante, a un objectif tout aussi clair mais les comportements des combattants auraient certainement conduit à une crise ouverte avec leur base sociale, la paysannerie, si la paix n’avait été conclue à Lancaster House en 19805.

On postule également une identification des mouvements rebelles à leurs dirigeants sans prendre la mesure de l’importance du spécifique, c’est-à-dire de la construction d’une organisation violente dans des sociétés qui ne sont pas, c’est un délicat euphémisme, marquées par la même histoire étatique que l’Europe occidentale, ou par la problématique prégnance du mode d’organisation léniniste. La guerre au Sud-Soudan est un très bon exemple de ces approximations successives qui ont conduit à une certaine incompréhension de la situation actuelle ou à sa caricature en guerre de religions. Ce conflit débute formellement en 1955 par une mutinerie mais, comme la plupart des conflits dits de basse intensité, on pourrait le faire débuter à un autre moment, ici en 1961 ou 1962 tant les affrontements sont rares pendant les années antérieures.

Il faudrait alors également parler des guerres car si l’aspiration est grossièrement la même, différentes organisations autonomes les unes par rapport aux autres se battent contre Khartoum et ne s’unifient que tardivement, quelques années (sans doute deux) avant la signature d’accords de paix à Addis-Abeba en 1972. La guerre qui éclate en 1983 est perçue comme un prolongement de la première puisque les protagonistes sont toujours les Sudistes contre les Nordistes6, à condition évidemment de minorer quelques dimensions importantes : les premiers groupes qui entrent en guerre dans les années quatre-vingt sont ceux qui avaient opté pour un règlement politique du conflit dès le milieu des années soixante ; la découverte du pétrole autant que la marginalisation de leurs élites sont des éléments saillants dans la mobilisation ; l’unité du mouvement sous la houlette de John Garang n’est obtenue que dans un bain de sang et ne dure que jusqu’en 1991, date du renversement du régime mis en place par Mengistu Haile Mariam ; la plus importante fraction du mouvement qui reste commandée par John Garang est traversée alors par d’importantes contradictions et divisée suivant le charisme de certains warlords locaux bien avant la fin de l’aide éthiopienne et bien après la mobilisation américaine derrière l’Ouganda et l’Erythrée pour soutenir celle-ci contre un pouvoirsoudanais trop hospitalier vis-à-vis de certains groupes terroristes.

De la même manière on s’interroge peu, pendant longtemps, mais peut-être est-ce l’une des multiples conséquences du mythe des années soixante du prétorianisme modernisateur, sur le fonctionnement réel des armées gouvernementales, leur économie politique et leur insertion dans les dispositifs du pouvoir. Bien avant la destruction du mur de Berlin se met en place un dispositif qu’on a appelé ailleurs la privatisation de la coercition sous le registre d’une double milicianisation de l’armée7 et de la population. La désinstitutionnalisation de l’armée et des autres appareils répressifs est une donnée cruciale des processus guerriers bien avant 1991 même s’il est sûr que l’ampleur de ce phénomène est bien plus apparente depuis. Ceux-ci tirent de moins en moins leurs revenus de l’État mais des ressources confisquées à la société ou volées aux civils. Ce processus débute très tôt dans certains conflits en Éthiopie, en Somalie mais aussi au Mozambique, pour ne citer que ces exemples. C’est lui qui conduit aujourd’hui dans la même dynamique à l’emploi de plus en plus fréquent de compagnies de sécurité privées ou de mercenaires8, présents d’ailleurs souvent des deux côtés de la ligne de front comme en Angola ou en République démocratique du Congo.

Ainsi il faudra attendre l’opération de maintien de la paix au Mozambique pour que certains s’étonnent publiquement du rôle joué par l’armée mozambicaine (ou à tout le moins, certains de ses officiers supérieurs) dans la contrebande d’armes vers le Kwazulu-Natal sud-africain mais on aurait pu évoquer le lot commun, la surévaluation des effectifs à des fins de détournements de fonds publics ou le statut pratiquement servile des soldats face à leurs officiers, qui n’ont pas été pour rien dans le manque de motivation de cette armée bien avant la signature des accords de paix avec la Renamo en 1992. On pourrait faire l’archéologie des différentes interventions militaires françaises au Tchad ou au Zaïre pour souligner la similarité des situations de ces armées nationales, situations à peine moins aiguisées que celles auxquelles elles sont confrontées dans les années quatre-vingt-dix. Cette dimension, comme on l’a dit, s’est encore développée dans les crises violentes des dernières années comme le suggèrent les exemples du Rwanda et de Guinée-Bissau, mais elle n’est pas nouvelle. L’offensive du Front patriotique rwandais en 1990 prend par surprise l’armée gouvernementale, moins par les talents de stratège des anciens officiers tutsis de l’armée ougandaise que parce que l’essentiel de la logistique militaire du Rwanda est mobilisé dans le commerce parallèle mené depuis Dar Es-Salam jusque dans les pays d’Afrique centrale. Le conflit entre le président Vieira et son armée en Guinée Bissau éclate en janvier 1998 à la suite de la découverte d’un important trafic d’armes au profit des rebelles sénégalais de Casamance…

Si de telles approximations sont validées, c’est à la fois pour des raisons objectives (il n’est pas si simple de mener une sociologie des appareils militaires, non tant pour des raisons théoriques que pour des modalités de recherche délicates et quelquefois périlleuses) mais aussi parce qu’en dernière instance, ce qui compte réellement est plus le type de référence idéologique et la quête d’un soutien international, guerre froide oblige. La gestion sociale de la guerre, l’économie politique du conflit sont souvent des aspects peu considérés car elles sont jugées secondaires par rapport à un autre niveau plus politique ou plus géopolitique. Les superpuissances arment, entraînent et financent leurs clients locaux et induisent un ordre politique, une structuration des forces militaires qui fournissent une cohérence globale et locale, même si certaines dimensions du conflit ne répondent pas exactement à cette rationalité par extraversion. Ces détails de l’histoire sont alors renvoyés aux anthropologues de terroirs spécifiques car ils n’affectent que très marginalement le sens profond de l’affrontement, la définition des buts de la guerre et son impact sur le système international.

De plus, ces conflits armés sont le plus souvent perçus comme de véritables boîtes noires en ce sens qu’ils ont des causes et des conséquences mais que leur analyse en terme de processus sociaux ne fait guère question9. Ce qui est important, c’est le positionnement international, les rapports de clientélisme avec l’une ou l’autre des grandes puissances mondiales et régionales. Pourtant, le FPLE n’a guère changé ni dans sa politique, ni dans son idéologie, ni dans sa gestion du conflit une fois que les armes de l’armée éthiopienne ont été livrées non plus par les États-Unis mais par l’Union soviétique. L’Unita bénéficie également jusqu’aux élections avortées (ou inachevées) de 1992 d’un soutien occidental presque total, bien que son organisation interne et ses relations avec les populations, le type de pouvoir qui se construit dans la guerre s’inspirent plus du modèle maoïste que du libéralisme de ses alliés internationaux. Pourtant bien d’autres paramètres pouvaient donner plus de consistance à l’analyse. Ces guerres sont longues et conditionnent des reclassements sociaux et des recompositions politiques qui à leur tour influent sur leur déroulement. Ainsi, le conflit en Afrique du Sud a connu différentes phases et l’on peut affirmer sans hésitation que son versant militaire a été un échec pour l’ANC10. Les groupes d’autodéfense créés au lendemain de la grande grève de 1985 constituent une transformation importante d’une stratégie militaire jusqu’alors centralisée à l’extrême pour aboutir à une diffusion de la violence qui rend les townships ingouvernables certes avant 1990 mais tout aussi dangereux après la libération de Nelson Mandela et la sortie négociée de l’apartheid.

L’Afrique jouit également d’un privilège très discutable, celui d’être avec une belle permanence renvoyée à sa prétendue spécificité et à sa non-histoire11. Il y a, comme le rappelle un chercheur à propos du génocide rwandais, des préjugés sur l’Afrique nourris par le fantasme persistant d’une violence africaine primitive, mal domestiquée, toujours prompte à surgir12. Un autre thème qui affleure sans cesse est celui de l’ethnicité, thème omniprésent dans la période de la guerre froide mais qui a retrouvé une seconde jeunesse tant la période actuelle est scandée par des conflits où l’identité joue en première analyse un rôle central. Ce serait le tribalisme qui serait à la fois la cause et l’effet de ces haines ancestrales, irrémédiables : cette structuration des sociétés africaines en communautés ethniques est perçue à la fois comme une dimension primordiale et un dispositif explicatif des pires violences qui se déroulent en leur sein. C’est ce fonctionnement apparent qui sert téléo- logiquement à réinterpréter toute dynamique historique en Afrique. Peu importe que l’ethnie actuelle soit une création doublement moderne, à la fois dans sa mise en place et dans son lien à l’État13. Peu importent la complexité du fait identitaire et les stratégies qu’il suppose14.

Ces discours ne sont pas “faux”, au sens d’abord où ils s’inscrivent dans un régime de vérité qui a peu à voir avec la démonstration historique rigoureuse. Ils ne sont pas faux non plus parce qu’ils sont souvent parties intégrantes des discours que tiennent certains protagonistes des conflits dans le cadre d’une stratégie de construction d’acteurs collectifs, d’ennemis ou d’identification de soi. Reste à savoir s’ils représentent des catégories d’analyse pertinentes.

La fin de la polarisation du système international a donc incité à une relecture radicale des conflits sur le continent et il faut s’en féliciter même si celle-ci est tardive et met l’accent quelquefois de façon très unilatérale sur certaines de leurs dimensions, en en occultant d’autres: les formes de violence extrême, la criminalisation15, la gestion coercitive des différents acteurs armés aux dépens de leurs visées politiques, de leurs bases sociales et des oppressions multiformes auxquelles ils peuvent le plus souvent constituer une réponse sociale partiale et partielle.

La guerre aujourd’hui: ses enjeux et ses acteurs

Les conflits sur le continent africain sont dans leur très grande majorité des guerres civiles qui, on le voit en Afrique centrale, peuvent déboucher également sur des guerres entre États: elles ne correspondent en rien au modèle de la guerre interétatique qui a marqué le continent européen depuis plus de trois siècles. Certains auteurs sont allés jusqu’à prédire la fin de ce type d’affrontement, renvoyant une fois de plus mais avec une érudition certaine le continent africain à ses guerres pré-modernes16. Pourtant, on doit se situer dans une optique qui est radicalement différente et qui conduit à affirmer au contraire la très grande modernité de ces conflits, au-delà d’ailleurs du discours de ses protagonistes.

De nombreux auteurs s’attachent à souligner la perte de légitimité de l’État, sa faible institutionnalisation, le fait qu’il n’ait pour ainsi dire jamais été un État qui a policé son territoire et renvoyé la violence armée à ses frontières17. Mais peu prennent la mesure des processus concrets qui ont abouti à un tel résultat et qui, bien souvent, constituent les paramètres d’une marginalisation de groupes sociaux et de leur socialisation violente croissante.

D’ailleurs, l’attitude des populations, le comportement des mouvements armés par rapport à elles, qui étaient évalués à l’aune des positionnements géopolitiques globaux dans la période antérieure, ne sont réintroduits qu’à partir du milieu des années quatre-vingt à partir souvent non d’une analyse du dispositif guerrier mais du rôle ambigu que joue l’humanitaire dans les conflits. Pourtant, on touche là à l’un des aspects sur lesquels les recherches les plus fructueuses ont été engagées.

La crise somalienne est souvent datée de 1991 puisque, comme expliqué auparavant c’est à cette date que le dictateur quitte le pouvoir et que s’installe l’absence d’État. Pourtant, c’est un peu un déni de sens de parler d’un effondrement de l’État à ce moment-là. Tout le dispositif qui mène en effet à cette forme très particulière de réalité qui perdure en Somalie depuis 1991 est déjà largement façonné dans les années qui précèdent l’affrontement violent. Les institutions de l’État ne fonctionnent plus sauf dans leurs relations à la rente internationale que constitue jusqu’à l’ultime moment l’aide humanitaire ou la coopération étrangère. Les services publics de base n’existent plus, la prévarication et la confusion entre privé et public atteint des sommets, au point que certains dignitaires se plaignent aux responsables de l’intervention internationale de l’occupation de leurs résidences pourtant construites avec les deniers publics. Pourtant, il y a bien plus que cette corruption qui fait sourire alors qu’elle s’est traduite par l’absence de tout système de santé, d’enseignement dans ce pays pour maintenant près d’une génération. Il faut prendre la mesure du reste qui est à la fois une marchandisation des rapports sociaux poussée à l’extrême pour les besoins d’une économie de la survie, la montée des illégalismes plus ou moins encadrés par un appareil de coercition hautement prédateur, une violence aussi des interactions entre corps social et appareils d’État qui préfigure celle qui se déchaîne plus tard dans la guerre18. La Somalie n’est en ce sens qu’un cas particulier et, disons-le, même pas extrême d’une situation qui prévaut dans bien d’autres pays et qui sert de base à la prolifération des identités ethniques ou claniques, à la constitution de classes dangereuses, à une définition du rival ou de l’adversaire en terme d’ennemi qu’il convient de réduire, d’éliminer19 et non plus de soumettre. C’est dans un contexte radicalement différent la situation qui prévaut également en Angola où les deux pouvoirs armés, celui de I’Unita et celui du parti-État, ont réussi par un lancinant travail politique à construire ce qui apparaît aujourd’hui aux populations comme une évidence irrécusable et qui les pousse à basculer à nouveau dans la guerre après l’échec de l’accord de Bicesse répété par celui de Lusaka en 1994.

Il faut également constater que l’enjeu de ces conflits n’est pas la délimitation d’un territoire qui serait contrôlé par un pouvoir armé qui se perpétuerait dans la guerre. Tous les protagonistes aspirent à diriger un État. Il est vrai, et cela a été fort bien décrit dans le cas du Mozambique20, que l’analyste peut avoir un temps la forte impression que ce qui est important est moins la prise du pouvoir que la propre reproduction d’un corps social guerrier. En effet, la guerre crée des statuts, différencie le social, classe, assujettit, gouverne et peut générer des groupes sociaux dont l’une des préoccupations premières est leur propre reproduction, indépendamment des buts de la guerre. Néanmoins, cette thèse a quelques faiblesses. D’une part, au niveau factuel, on parle certes de la guerre de Cent ans mais celle-ci n’a pas été menée en continu: de longues trêves incertaines et fragiles l’ont scandée. De la même manière, si le conflit somalien perdure, c’est moins par la volonté de se maintenir dans cet état de mobilisation guerrière que par l’incapacité des protagonistes à régler de manière décisive par le feu et le sang ou par la politique leurs désaccords: la première solution a été tentée en 1991-1992 et a complètement échoué, ce qui fait que les bases d’une mobilisation d’ampleur est aujourd’hui hautement improbable, quelles que soient à l’occasion les intentions de tel ou tel dirigeant. D’autre part, il y a le problème réel de l’échelle historique pertinente pour asseoir une telle appréciation. Même la guerre au Mozambique qui a été longue, trop longue, reste en deçà d’une génération. En Angola ou en Erythrée dans la période précédente, cet argument n’est guère valable mais l’objectif que se sont fixé les protagonistes est sans aucune ambiguïté tout au long des combats: le pouvoir d’État et la prise de la capitale21. Le Liberia a également fourni un cas-limite où l’impression des observateurs allait dans le sens d’une guerre de mille ans, chaque partie trouvant les ressources pour sa perpétuation. Reste qu’en 1997 Charles Taylor entre dans Monrovia et accède à la présidence du pays.

Ce qui est vrai, et visible dans sa diversité, tant par exemple au Liberia qu’en Erythrée est qu’il est difficile malgré l’accession au pouvoir d’État de changer de culture politique et de manières de faire. Ainsi le conflit érythréo-éthiopien débuté en mai 1998, au-delà de ses causes immédiates, traduit la difficulté des dirigeants érythréens, après déjà l’épisode des Hanish qui les mène à une guerre ouverte avec le Yémen, de se distancier d’un ethos guerrier et de recourir à des moyens politiques et diplomatiques conformes aux us et coutumes de la société des États.

Une seconde constatation est également conservatrice. Malgré les discours récurrents sur l’artificialité des frontières – mais pourquoi en Afrique plus qu’ailleurs?22 – force est de constater qu’il n’y a guère eu de contestation des frontières issues de la décolonisation, au Biafra près23. La crise du Katanga, antérieure, est largement suscitée par l’ancien colonisateur. L’irrédentisme somalien qui se traduit surtout par la guerre de l’Ogaden en 1977 et le renversement des alliances géopolitiques dans la Corne24 a une histoire autrement complexe et a servi de ressource politique essentielle à la dictature de Siyad Barre, plus que de ferment nationaliste dans la population, très amère sur les promesses non tenues huit ans après le coup d’État25. Le cas érythréen est lui tout à fait particulier puisque l’Érythrée était une colonie italienne et que l’accord de fédération (sous la couronne éthiopienne) décidé par les Nations-unies et mis en œuvre en 1952 a été très rapidement vidé de tout contenu sans aucune réaction internationale (déjà). Le cas très récent du Somaliland qui proclame son indépendance de la Somalie en 1991 est également ambigu. D’une part, cette décision est prise dans des conditions très particulières sans aucune sanction populaire26. De l’autre le Somaliland est une ancienne colonie britannique devenue indépendante le 26 juin I960 et fusionnant quelques jours plus tard avec l’ancienne colonie italienne, elle sous mandat international, pour créer la Somalie. Deux cas sont en fait plus intéressants à examiner: le cas sud-soudanais et le cas tchadien. Dans les deux cas, le discours sur l’autodétermination d’une partie du pays a existé à différents moments du conflit sans jamais se traduire concrètement même lorsque ses locuteurs en avaient le moyen, comme au moment de la conférence nationale au Tchad27. Dans les deux cas également, c’est la découverte de ressources monnayables sur le marché international qui a permis un certain durcissement du débat politique sur de telles positions. Néanmoins, force est de constater, pour prendre l’exemple soudanais, que ce discours n’a acquis une crédibilité politique que lorsque les islamistes sont arrivés au pouvoir et grâce à eux; non qu’ils aient eu l’intention de se séparer du Sud mais ils ont utilisé ce thème pour gagner la sympathie et le soutien de certaines factions sudistes et diviser le mouvement de John Garang allié aux grands partis traditionnels du Nord. On ne pouvait avoir fonts baptismaux plus controversés!

Pourtant de telles réflexions n’épuisent pas, loin s’en faut, la question de la frontière et de la territorialité du conflit. Simplement, elles indiquent qu’il faudrait dépasser ce qui n’est que la fausse évidence pour repenser la frontière comme une ressource de la guerre comme elle l’est également pour le commerce informel et les migrations forcées induites par la guerre.

Il y a un autre aspect de la tragique modernité de la guerre en Afrique. Toute une tradition polémologique fait des campagnes le lieu privilégié de la guerre, de la théorie maoïste à celle guévariste, pour rester dans la période contemporaine. Pourtant, l’évolution actuelle semble incliner beaucoup plus nettement vers les villes. Il ne s’agit pas d’y voir une critique en acte de la théorie du foco car les affrontements qui s’y déroulent semblent peu calculés et relever le plus souvent d’une tactique émeutière radicale à laquelle s’associent d’emblée ou en différé des forces armées plus organisées. On pense ici aux trajectoires de villes comme Monrovia, Freetown, Mogadiscio, Brazzaville. Cette évolution peut s’expliquer par différents phénomènes.

Il y a d’abord une évidence sur laquelle les plus subtils des mouvements armés ou des États ont bâti de véritables politiques : la ville fait du bruit, c’est là que séjournent les étrangers, les journalistes. Et c’est souvent à partir d’une telle prise de conscience que se prescrivent des gestions de l’information de plus en plus sophistiquées et manipulatrices28. Il y a également un versant démographique qui exige que le contrôle des population passe par le contrôle de la ville, quelquefois de la capitale qui regroupe jusqu’à 30% de la population du pays tout entier. Mais il y a bien plus.

Lorsque les insurgés somaliens surnomment Siyad Barre le maire de Mogadiscio, ils manifestent certes un rapport de force en leur faveur mais ils indiquent également que le pouvoir n’est pas mort, qu’il se donne encore à voir dans un lieu, ce qui lui permet d’en retirer encore quelques avantages, par exemple les fonds pour payer les mercenaires. Dans des États qui se sont effondrés, la capitale constitue souvent la dernière illusion d’une souveraineté contestée. Elle devient alors une cible puisque son contrôle équivaut à celle du pays tout entier. C’est ce qui s’est passé en Somalie même si les forces loyales au dictateur se sont réfugiées dans une ville du sud et ont mené pendant un an des offensives qui ont créé les conditions de la terrible famine de 1992 et de l’intervention internationale. C’est aussi d’une certaine manière ce qui est toujours en train de se passer à Brazzaville dans un silence sidérant de la communauté internationale où les quartiers non totalement acquis sont passés au peigne fin par les milices soutenant le nouveau président Sassou N’Guesso29.

La jeunesse occupe une place de choix dans ces mobilisations guerrières. Le rôle des enfants dans les conflits contemporains n’a fait que croître, et avec lui la réprobation de l’opinion publique internationale. Les conflits au Liberia et au Sierra Leone constituent sans doute l’idéal-type de ces mobilisations juvéniles sanglantes. À l’inverse de ceux qui ont été cités jusqu’à présent, ces conflits ne sont pas des excroissances cancéreuses de la tension Est-Ouest, ni des conflits menés (au moins au niveau rhétorique) entre mono- théismes prosélytes comme au Soudan. Dans ces deux pays, le conflit a été lancé par de petits groupes de rebelles visant à renverser des régimes particulièrement corrompus. Rapidement, ces derniers ont perdu le contrôle de la guerre qui s’est nourrie des rivalités pour contrôler des ressources monnayables sur le marché international (diamant, gomme, or) relevant de réseaux commerciaux internationaux et surtout une jeunesse en armes, dont l’implication est sans doute l’une des variables explicatives de ce conflit et de ses modalités. Si les formes de violence paraissent extrêmes par rapport à bien d’autres guerres30, il faut y voir notamment l’effet d’une manipulation des jeunes et d’une désocialisation/résocialisation violente qui s’est faite en utilisant des moyens modernes, par exemple, la drogue et les films de kung-fu, Rambo et Bruce Lee. Souvent complètement enveloppés dans cet univers irréel, ces adolescents ou enfants ont commis des actes qui les ont coupés de leurs communautés au point d’y être pourchassés et mis à mort s’ils tentaient d’y revenir après leurs exactions, leur offrant comme seule issue le maintien dans la guerre derrière l’un ou l’autre des warlords31. Avec des moyens autrement plus rudimentaires, c’est également une stratégie qu’a employée la Renamo avec succès32. Pourtant, il ne faudrait pas y voir, à l’instar de certains33, un simple phénomène de classes d’âge. Il y a certes un problème des jeunes en Afrique34, sans doute autant voire plus qu’ailleurs, mais cette jeunesse est hétérogène socialement, culturellement et identitairement, et l’on aurait tort de faire de son attrait pour une consommation branchée sur la globalisation (des chaussures Nike aux Ray-Ban) l’indice de son basculement dans la violence. D’autres procédures de socialisation violente sont nécessaires et impliquent des acteurs différents relevant d’autres classes d’âge ou, plus radicalement, d’autres catégories d’analyse. On pourrait d’ailleurs rappeler le cas de ceux qu’on désigne aujourd’hui comme miliciens et qui étaient encore il y a quelques années nommés les mooryaan35 de Mogadiscio. Ils se sont constitués comme groupe social par une greffe entre jeunes urbains souvent délinquants ou vivant des multiples illégalismes populaires dans la capitale et jeunes ruraux mobilisés par les anciens qui trouvaient dans la guerre les moyens de migrer vers la villes et de s’y installer.

La violence extrême et la cruauté appartiennent de plus en plus à cet univers guerrier et exigeraient de longs développements. La difficulté de leur analyse est double. D’une part, leur usage s’inscrit toujours dans la logique d’un système de croyances partagé tant par le bourreau que par la victime. Leur existence suppose également, en citant Véronique Nahoum-Grappe36, la présence de trois paramètres: l’impunité liée à l’exercice de la tyrannie, la recherche de la “volupté” par perversion ou ennui, c’est-à-dire une économie des pulsions accrue par l’assouvissement ; le désir de dominer tous les possibles (tant dans le monde visible qu’invisible), de les épuiser dans une spirale qui conduit mécaniquement à déployer dans son entier le programme de la cruauté avec toutes ses variantes sur un même canevas. Il n’y a donc aucune alternative à l’analyse circonstanciée de ces systèmes de croyances37 pour expliciter les conditions de cette violence extrême. D’autre part, il faut prendre la mesure des reconstructions identitaires dans lesquelles la violence joue un rôle cardinal, de cette crise des “voisinages” où elle s’exprime dans un premier temps38. Une telle recherche incite à dépasser bien vite le cadre superficiel de l’analyse ethnique simple et à s’interroger sur la mémoire historique, ses épisodes violents et l’identité sociale et politique de ses locuteurs39.

Nouveaux enjeux de la guerre en Afrique centrale?

Depuis août 1998, la République démocratique du Congo est à nouveau ravagée par la guerre. Celle-ci pourtant ne s’inscrit pas dans le même environnement régional que celle qui avait débuté près de deux ans auparavant et avait mis fin dans les conditions que l’on sait au régime du maréchal Mobutu. De plus, le silence des grandes puissances, à commencer par la France et les États- Unis, est assourdissant : plus de polémiques sur le devenir des réfugiés ou des civils dans une guerre pourtant sans rémission, pas plus d’ailleurs que sur les multiples ingérences déclarées. Il s’agit d’observer et d’attendre l’apparition des nouveaux rapports de forces. Pourtant, ce qui se passe en Afrique centrale est bien plus qu’un épisode de la dérive d’un régime incapable de tenir ses promesses SLir la reconstruction démocratique du Congo ou de l’implosion de l’État initiée sous Mobutu: ce conflit peut en effet être analysé comme un véritable laboratoire où se testent et se mettent en place bien des règles implicites régissant la communauté internationale dans la période de l’après-guerre froide. Essayons donc d’en mentionner quelques-unes unes, certaines évidentes et d’autres moins apparentes.

La première, la plus choquante et la plus dramatique, est un déni de reconnaissance. La vie politique zaïroise n’était certes pas un modèle de société démocratique mais la dictature avait été entamée bien avant 1997. Avec toutes ses limites, cette société manifestait depuis 1990 une certaine démocratisation dont les grandes pLiissances n’ont pas voliIu tenir compte au moment de l’offensive de l’hiver 1996. La forclusion du politique non armé était alors totalement assumée. La confrontation entre Kabila et Mobutu était celle de deux pouvoirs armés mais elle a été décrite comme la progression d’un mouvement de libération fusionnant toutes les couches sociales de la population dans la lutte contre une dictatLire minée par sa propre corruption. L’enchantement de la victoire ne pouvait cependant dissimuler longtemps les ressorts des alliances sous le discours de la renaissance africaine, comme le révéla la suite: interdiction des partis politiques, mise au pas de la population et refus de reconnaître les multiples oppositions intérieures, qu’elles aient été le fait d’associations, de courants religieux ou de la presse. Dans la crise actuelle, la même myopie prévaut, alors qu’une fois de plus la guerre aidant, la polarisation des positions politiques réduit tout espace de débat en sollicitant de façon plus ou moins coercitive une identification aux protagonistes armés du conflit sous le regard au mieux indifférent de la communauté internationale.

Une seconde leçon de ce conflit est que le scénario de la guerre interétatique est plus que jamais à l’ordre du jour sur le continent africain. Certains analystes avaient théorisé un peu vite, à l’image d’un Van Creveld40, la métamorphose de la guerre clausewitzienne en des guerres ethniques et tribales qui renverraient l’Afrique à son prétendu passé ancestral. La crise actuelle, qui met aux prises sept armées nationales, sans même recenser les multiples catégories de mercenaires recrutés par les uns et les autres, indique au contraire l’actualité de cette forme de guerre. D’ailleurs, la crise congolaise n’a pas le douteux privilège d’inaugurer ce cycle. De nombreux incidents depuis plusieurs années montraient que cette voie était plus que jamais ouverte. Quelles qu’en soient les justifications, les aventures militaires de l’Ethiopie en Somalie, celle de Khartoum au Nord-Ouganda, celle de l’Erythrée dans l’Est soudanais, sans évoquer le conflit du Sahara occidental avant, indiquaient déjà que la sanctuarisation et l’appui logistique aux mouvements armés n’étaient plus la règle mais des moments particuliers d’une capacité d’intervention plus large. La communauté internationale n’en a eu cure, de même qu’elle a pudiquement détourné le regard de l’intervention angolaise au Congo-Brazzaville, décisive pour renverser un gouvernement sans doute peu recommandable mais qui avait néanmoins SLir son adversaire l’avantage, selon des critères avancés à l’envi par les grandes puissances, d’être légitimé parce qu’élu. Les arguments conjoncturels ont eu plus de force que des principes qu’on pouvait penser fermement établis.

Pendant des décennies, les frontières coloniales ont été considérées comme un véritable tabou: c’était, malgré les anicroches somalienne et érythréenne, l’une des décisions majeures de la jeune Organisation de l’unité africaine. Le pan-somalisme déjà bouté du Kenya dès 1964 ne résista pas à la défaite de la guerre de l’Ogaden en 1978, le régime somalien qui avait osé braver cet interdit ne se releva pas non plus de ce conflit. Les nationalistes éry- thréens, avec de bonnes raisons, pouvaient faire remarquer que les Nations-unies n’avaient pas fait respecter l’accord de fédération de 1952: il leur fallut trente ans d’affrontement et deux ans de négociations avec Addis-Abeba et les Nations-unies pour tenir dans un territoire qu’ils contrôlaient depuis juin 1991 un référendum d’autodétermination en avril 1993. Mais cet acte fondé en loi internationale a pris une signification radicale que renforcent aujourd’hui à la fois la résurgence de guerres interétatiques et le discours ambigu des penseurs libéraux inquiets de l’échec de l’État en Afrique41. De la même manière qu’en Europe occidentale, où l’État avait fait la guerre et la guerre avait fait l’État, ces derniers en viennent à penser en s’inspirant des travaux de Tilly42 que cette même logique darwinienne pourrait aujourd’hui fournir une réponse à l’effondrement d’entités déclarées non-viables comme l’est à leurs yeux l’actuelle République démocratique du Congo. Cette option aurait l’avantage de dessiner de nouveaux ensembles dotés d’une meilleure viabilité économique et d’une gouvernance plus effective que celle qui a prévalu jusqu’à aujourd’hui. De plus, merveille diplomatique, une telle procédure ne s’inscrit pas dans une nouvelle conférence de Berlin, à l’instar de celle au siècle passé où les grandes puissances s’étaient partagé le continent noir. Elle est, entend-on, une solution africaine à des problèmes africains. Cela permet aux grandes puissances de discuter avec tous et de parier simultanément sur les maîtres d’oeuvre de ces réajustements continentaux comme, dans le cas de la crise congolaise, l’Angola et l’Ouganda.

Une telle évolution appelle des remarques sur les hypothèses et les conséquences de tels choix. Il est tout d’abord inquiétant de voir un parallèle aussi réducteur fait entre les histoires étatiques européenne et africaine. D’une part, si la guerre a sans nul doute été un élément central de la formation de l’État sur notre continent, elle l’a été dans un contexte nourri d’emprunts fondamentaux au droit romain et au christianisme comme l’a magistralement démontré, parmi d’autres, l’historien Kantorowitz. Elle l’a été sur une période de plusieurs siècles, et non de quelques mois ou années comme certains semblent opportunément le croire: il n’y eut pas moins de quarante-sept guerres entre le traité de Westphalie (1648) et la Révolution française. Surtout, le rapport à la société internationale est aujourd’hui radicalement différent de ce qu’il a pu être dans l’Europe post-westphalienne: les guerres européennes ont aidé à la constitution simultanée d’États et d’une société des États. Dans la période actuelle, cette société existe et s’exhibe à Washington, New York ou Bmxelles, et ses multiples organisations réduisent fortement la nature africaine de cette résolution très particulière des crises. N’est-ce pas le Fonds monétaire international qui accepte sans sourciller une augmentation officielle du budget de la défense Ougandais de 26%, à l’heure des restrictions budgétaires? Ne sont-ce pas des sociétés pétrolières qui paient rubis sur ongles le service de la dette angolaise dont la nomemklatura de Luanda se soucie comme d’une guigne? Peut-être faudrait-il également s’interroger sur les motivations de régimes à bout de souffle comme en Namibie, au Zimbabwe et au Soudan, qui essaient de trouver dans ces équipées militaires les ballons d’oxygène qui leur permettront de remettre une élection ou de durer une autre année Sur fond d’affairisme.

Quant aux effets, ils sont potentiellement désastreux à voir ce qui est en train de se passer sur le territoire congolais. La guerre devient un scénario possible, rationnel et admis internationalement même si les cénacles internationaux multiplient les vertueuses exhortations et les appels à la raison. Si la guerre devient une ressource politique légitime pour contester des entités non-viables (qualification dont le sens mériterait sans doute quelque précision), il faut dès maintenant prédire au continent un bel avenir dans le prochain siècle humanitaire. Il suffit d’un rapide survol du continent pour déceler d’autres zones qui sont déjà ou seront demain violemment contestées: le Sud-Soudan, le Sud-Tchad, la Casamance, mais on peut faire confiance aux nouveaux entrepreneurs militaires, États ou mouvements, pour ouvrir de nouveaux fronts. Contrairement à la dynamique de l’État en Occident, ces États ou ces mouvements armés ne rejettent pas la violence à leurs frontières mais au contraire la cultivent à l’intérieur: la prédation et la milicianisation de la société ne peuvent que se développer en parallèle avec ces menées extérieures.

Ces guerres n’aideront guère à constituer ces identités nationales étatiques qui font la nostalgie des diplomates occidentaux sur le continent africain. L’exemple tragique des Banyamulenge, groupe aussi zaïrois que l’était Mobutu, montre comment ces conflits redessinent des citoyennetés à dimension variable où clivages sociaux et politiques, compétitions agraires, agrémentés de mobilisation ethno-nationaliste réduisent les liens sociaux à leur plus simple expression. La République démocratique du Congo n’est pas un cas atypique, bien au contraire. L’Ouganda n’arrive pas à mettre un terme à des rébellions dans le Nord et aujourd’hui dans l’Ouest et celles-ci s’appuient à un titre ou à un autre sur la configuration du pouvoir à Kampala léguée par la guerre civile qui amena Yoweri Museweni au pouvoir en 1986. Cette mise en cause est d’autant plus préoccupante qu’elle informe d’autres évolutions parallèles dans des pays qui ne sont pas déchirés par les conflits. La rapide détérioration du statut des Burkinabés en Côte d’Ivoire sous la présidence de Konan Bédié en est un exemple parmi dix. L’attentisme des grandes puissances n’est pas sans conséquences. Six mois après le voyage d’un président américain en Afrique on peut y voir l’effondrement d’une politique et d’un discours que la France a connu il y a deux ans. Reste que le refus d’intervenir ne constitue nullement une politique, sauf à accepter que l’Afrique centrale et ses populations doivent vivre sous le joug de la guerre pour des années. Évidemment, il est plus commode de décréter la construction de l’État par la guerre lorsqu’on est à Paris ou à Washington, qu’à Kisangani ou Bukavu. Les implications à moyen terme sur les régulations de la communauté internationale sont très préoccupantes. Ce n’est pas simplement la montée en puissance d’organisations mercenaires privées qui assistent les forces en présence, c’est également l’affaiblissement des partenaires régionaux sur lesquels beaucoup avait été misé depuis la fin de la guerre froide. La SADC est aujourd’hui tétanisée par la rivalité entre Angola et Afrique du Sud, I’IGAD incapable de s’atteler à une résolution des conflits régionaux, l’OUA plus que jamais une coquille vide incapable de jouer le rôle d’une véritable organisation continentale. Faire de la force militaire le paramètre essentiel d’une réorganisation régionale ou continentale revient ainsi à s’en remettre à ceux dont la nuisance armée est la plus conséquente, en mettant hors jeu les expressions politiques civiles.

Notes et références

  1. John Keegan, Histoire de la guerre, Paris : Dagorno, 1996.
  2. «Eric Hobsbawm, Bandits, New York : Pantheon, 1981. Pour une critique d’un concept malgré tout intéressant et autrement plus pertinent que celui plus à la mode actuellement de warlord dans le contexte africain, voir «Anton Blok, “The Peasant and the Brigand : Social Banditry Revisited”, Comparative Studies in Society and History, vol. 14, n° 4. 1972.
  3. «Stefano Poscia, Eritrea. Colonia tradita, Rome : Edizioni Associate, 1989- Pour une critique, se reporter notamment à «Shumet Shishane, “The Genesis of the Differences in the Eritrean Separatist Movement (1960- 1970)”, in Taddese Beyene, Proceedings of the Eighth International Conference of Ethiopian Studies, Addis Abeba : Institute of Ethiopian Studies, 1988, vol. 2.
  4. «Gebru Tareke, Ethiopia : Power and Protest. Peasant Revolts in the Twentieth Century, Cambridge : University Press, 1991-
  5. «Terence Ranger, “Bandits and Guerillas: The Case of Zimbabwe” in Donald Crummey (dir.), Banditry, Rebellion and Social Protest in Africa, Londres : James Currey, 1986 • Norma Kriger, Zimbabwe’s Guerilla War. Peasant Voices, Cambridge : University Press, 1992.
  6. «Abel Alier, Southern Sudan. Too Many Agreements Dishonoured, Exeter, Ithaca Press, 1990 ; «Roland Marchai, “Soudan: chronique d’une guerre oubliée” in Cean, L’Afrique politique 1995. Le meilleur, le pire, l’incertain, Paris/Bordeaux: Karthala, 1995.
  7. «Roland Marchai, Christine Messiant, Les chemins de la guerre et de la paix. Fins de conflit en Angola, Mozambique, Erythrée, Somalie, Paris : Karthala, 1997.
  8. «Richard Banegas, “De la guerre au maintien de la paix : le nouveau business mercenaire”, Critique Internationale, n°1, 1998 • Une thèse diamétralement opposée est soutenue par «David Shearer, “Private Armies and Military Intervention ” Adelphi Papers, n° 316, 1998 • Pour une réflexion qui replace la question des mercenaires dans un contexte historique plus ample, voir «Janice Thomson, Mercenaries, Pirates and Sovereigns. State Building and Extraterritorial Violence in Early Modem Europe, Princeton: University Press, 1994.
  9. Illusion que dénonce de façon très argumentée «Michel Dobry, Sociologie des crises politiques: la dynamique des mobilisations multi-sectorielles, Paris : Presses de Sciences Po, 1992.
  10. «Stephen Davis, Apartheid’s Rebels. Inside South Africa ‘s Hidden War, New Haven/Londres: Yale University Press, qu’on lira parallèlement à • Kumi Naidoo, “The Politics of Youth Resistance in the 1980s : The Dilemmas of a Differentiated Durban ” Journal of Southern African Studies, vol. 18, n° 1, 1992.
  11. Pour faire justice à cette question, on se reportera à l’ouvrage majeur de • Jean-François Bayait, L ‘État en Afrique, La politique du ventre, Paris: Fayard, 1989. De telles conceptions ne sont pas seulement l’apanage des journalistes et des diplomates mais fleurissent également dans le champ scientifique. Une sociologue travaillant sur l’Afrique rappelait avec émoi la réponse d’une revue scientifique prestigieuse à une proposition d’article qui affirmait que, concernant le continent noir, ce ne pouvait être que de l’anthropologie. Une autre revue, tout aussi prestigieuse, s’interdit de publier des textes sur l’Afrique puisque aucun fait n’y serait verifiable …
  12. «Claudine Vidal, “Le génocide des Rwandais tutsis: cruauté délibérée et logiques de haine” in Françoise Héritier (dir.), De la violence, Paris: Odile Jacob, 1996, p. 329.
  13. «Jean-Loup Amselle, Elikia M’Bokolo (dir), Au cœur de l’ethnie : Ethnies, tribalismes et État en Afrique, Paris : La Découverte, 1985 • «Leroy Vail (dir.), The Creation of Tribalism in Southern Africa, Londres : James Currey, 1994 • Sur le cas particulier du Rwanda, voir «Claudine Vidal, Sociologie des passions, Paris : Karthala, 1992.
  14. «Dents-Constant Martin, Cartes d’identité. Comment dit-on “nous” en politique?, Paris : Presses de Sciences Po, 1994.
  15. «Jean-François Bayart, Stephen Ellis, Béatrice Hibou, La criminalisation de l’État en Afrique, Bruxelles : Complexe, 1997. Les auteurs sont toutefois autrement plus rigoureux que bien de leurs lecteurs.
  16. «Martin Van Creveld, La transformation de la guerre, Monaco: Éd. du Rocher, 1998, ouvrage par ailleurs très intéressant et riche même si certaines formulations relèvent bien des critiques formulées plus haut dans ce texte.
  17. «Anthony Giddens, The Nation- State and Violence, Berkeley: University of California Press ; «Kalevi Holsti, The State, War and the State of War, Cambridge : University Press, 1996.
  18. Roland Marchai, Christine Messiant, op. cit. n. 7.
  19. Primo Levi, Les naufragés et les rescapés. Quarante ans après Auschwitz, Paris : Gallimard, 1989, p. 119.
  20. «Christian Geffray, La cause des armes au Mozambique. Anthropologie d’une guerre civile, Paris : Karthala, 1990 • «Alex Vines, Renamo. Terrorism in Mozambique, Londres/Bloodmington: James Currey/Indiana University Press, 1991 • Michel Cahen, Mozambique. La révolution implosée, Paris : L’Harmattan, 1987.
  21. «John Marcum, The Angolan Revolution, Cambridge : MIT Press, 1969 et 1978 (2 vol.) ; «Christine Messiant, “Angola, les voies de l’ethni- cisation et de la décomposition7′, Lusotopie, 1994 et Lusotopie, 1995.
  22. «Michel Foucher, Fronts et frontières. Un tour du monde géopolitique, Paris : Fayard, 1991.
  23. Pour une thèse contraire qui est ici contestée, voir «Marie-Christine Aquarone, Les frontières du refus: six séparatismes africains, Paris : CNRS, 1987 • Sur la guerre au Biafra, voir notamment: «Wayne Nafziger, The Economies of Political Instability. The Nigerian-Biafran War, Boulder : Westview Press, 1983 • «Axel Harneit- Sievers et al., A Social History of the Nigerian Civil War, Enugu/Hambourg: Jemezie Associates/LIT Verlag, 1997.
  24. «Jeffrey Lefrebvre, Arms for the Horn. US Security Policy in Ethiopia and Somalia 1953-1991, Pittsburgh University Press, 1991 • el «Robert Patman, The Soviet Union in the Horn of Africa. The Diplomacy of Intervention and Disengagement, Cambridge University Press, 1991.
  25. «Daniel Compagnon, Les regulations politiques du régime Siyad Barre, Pau, thèse de doctorat en sciences politiques, 1995.
  26. «Daniel Compagnon, “Somaliland un ordre politique en gestation”, Politique Africaine, n° 50, juin 1993.
  27. «Robert Buijtenhuijs, La conférence nationale souveraine du Tchad. Un essai d’histoire immédiate, Paris : Karthala, 1993 • Toute une tradition polémologique fait des campagnes le lieu privilégié de la guerre, de la théorie maoïste à celle guévariste, pour rester dans la période contemporaine. Pourtant, l’évolution actuelle semble incliner beaucoup plus nettement vers les villes.
  28. «Nik Gowing, New Challenges and Problems for Information Management in Complex Emergencies. Ominous Lessons from the Great Lakes and Eastern Zaire in Late 1996 and Early 1997, Bruxelles : ECHO, mai 1998 • «Jean-Pierre Chrétien (din), Rwanda: les médias du génocide, Paris : Karthala, 1995.
  29. «Rémy Baznguissa-Ganga, “Milices politiques et bandes armées à Brazzaville”, Les Études du Ceri, n° 13, avr. 1996. Pour une approche historique du contexte de cette crise, voir • Florence Bernault, Démocraties ambiguës en Afrique centrale. Congo- Brazzaville, Gabon, 1940-1965, Paris : Karthala, 1996.
  30. «Human Rights Watch, Sierra Leone : sowing terror, Washington : Human Rights Watch, juillet 1998.
  31. «Paul Richards, “Rebellion in Liberia and Sierra Leone : A Crisis of Youth ?” in Oliver Furley (din), Conflict in Africa, Londres : I. B. Tauris Publishers, 1995. Voir également dans le même ouvrage la contribution d’Oliver Furley, “The Child Soldiers”.
  32. Christian Geffray, La cause des armes au Mozambique, op. cit. n. 20. Voir notamment les développements sur les m’jiba.
  33. «Robert Kaplan, “The Coming Anarchy”, Atlantic Monthly, n° 273, fév. 1994.
  34. «Achille M’Bembe, Les jeunes et l’ordre politique en Afrique noire, Paris : L’Harmattan, 1985 ; «Donald Cruise O’Brien, “A Lost Generation ? Youth Identity and State Decay in West Africa” in Robert Webner et Terence Ranger, (din). Post-colonial Identities in Africa, Londres/New Jersey : Zed Books Ltd., 1996.
  35. «Roland Marchai, “Les mooryaan de Mogadiscio. Formes de la violence dans un espace urbain en guerre”, Cahiers d’Études Africaines, n° 137, 1993.
  36. «Véronique Nahoum-Grappe, “L’usage politique de la cruauté : l’épuration ethnique (ex- Yougoslavie 1991-1995)”, in Françoise Héritier, De la violence, Paris : Odile Jacob, 1996.
  37. «Stephen Ellis, “Liberia 1989-1994. A Study of Ethnic and Spiritual Violence”, African Affairs, vol. 94, 1995 • «African Rights, Rwanda. Death, Despair and Defiance, Londres: African Rights, 1994. Ce dernier texte est un document exceptionnel sur le génocide des Tutsis rwan- dais.
  38. «Christine Obbo, “What Went Wrong in Uganda”, in Hôlger Bernt Hansen. Michael Twaddle, Uganda Now, Londres/Nairobi: James Currey/Heinemann, 1998. Ce texte se réfère bien sûr à la guerre civile ougandaise qui se conclut avec l’arrivée au pouvoir de Yoweri Museweni.
  39. «Liisa Makki, Purity and Exile. Violence, Memory and National Cosmology Among Hutu Refugees in Tanzania, Chicago/Londres: University of Chicago Press.
  40. Martin Van Creveld, op.cit. n. 16.
  41. «Jeffrey Herbst, “Responding to State Failure in Africa”, International Security, 21 (3), hiver 1996-1997.
  42. «Charles Tilly (dir.), The formation of National States in Western Europe, Princeton : University Press, 1975.
  43. «Human Rights Watch, Sierra Leone: sowing terror, Washington : Human Rights Watch, juil. 1998.

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