LE MONDE, Sélection Hebdomadaire, ’’Le Rwanda et l’Ouganda poursuivent leur effort de guerre au Congo’’. Rémy Ourdon., Vendredi 09 octobre 1998.
Les combats ont repris dans le centre de la République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre) entre les combattants rebelles et les forces loyales au président Laurent-Désiré Kabila. L’enjeu est le contrôle de la ville de Kindu, dernière base de l’armée gouvernementale dans l’est de la RDC. CINQ PAYS africains au moins Angola, Zimbabwe, Namibie, Soudan et Tchad ont envoyé des troupes afin de soutenir M. Kabila. Du côté rebelle, il apparaît chaque jour plus évident que le Rwanda et l’Ouganda ne soutiennent pas seulement les mutins, mais qu’ils commandent les opérations militaires sur place. LE CHEF de cette guerre menée par Kigali et Kampala au Congo est le mystérieux «commandant James». À GOMA, les Rwandais utilisent, pour mener leur combat, des avions qu’ils ont réquisitionnés et dont ils ont pris les équipages en otage.
Depuis le début du conflit au Congo-Kinshasa, le Rwanda et l’Ouganda démentent être impliqués dans la guerre déclenchée le 2 août par des officiers mutins de l’armée congolaise. Tout juste le Rwanda reconnaît-il qu’il est «en guerre politiquement et diplomatiquement» contre Laurent-Désiré Kabila. La réalité est ailleurs. Non seulement Kigali et Kampala sont militairement engagés aux côtés des rebelles congolais, mais les officiers rwandais et ougandais sont les véritables commandants des opérations. A Goma, quartier général de la rébellion, chacun est conscient du rôle du Rwanda et de l’Ouganda : la population, les militaires, les opposants politiques… Mais le silence est la règle d’or.
Contrairement à la guerre contre Mobutu Sese Seko en 1996-97, Rwandais et Ougandais sont cette fois invisibles. Pourtant, derrière chaque commandant congolais se cache un officier rwandais ; les chefs de l’Agence nationale de renseignement (ANR) sont en liaison permanente avec Kigali ; et derrière le chef militaire rebelle, Jean-Pierre Ondekane, il y a le « commandant James », un proche de Yoweri Museveni, le président ougandais, et de Paul Kagame, l’homme fort du Rwanda. James Kabare est, selon nos informations recueillies sur place, «le chef opérationnel incontestable» de la rébellion, et le Rwanda est décrit par des officiers comme étant «le cerveau de cette guerre», «la plaque tournante» du dispositif militaire (lire ci-dessous). Chaque jour, des avions décollent de Goma et vont à Kigali et Kampala chercher des hommes, des armes et des munitions.
Double Visage
L’effort de guerre des armées rwandaise et ougandaise, bien équipées, très disciplinées, entraînées dans leurs pays respectifs par des instructeurs américains, est considérable. La guerre congolaise a ainsi un double visage. D’un côté, la rébellion lancée par des mutins congolais, sincèrement dépités par la politique de Laurent-Désiré Kabila, notamment à l’égard de l’armée. De l’autre côté, une invasion menée sans états d’âme par deux pays voisins. Après l’avoir porté au pouvoir à Kinshasa au printemps 1997, le Rwanda et l’Ouganda n’avaient jamais réussi à s’entendre avec M. Kabila. Ils reprochent surtout au président autoproclamé de la République démocratique du Congo (RDC) de ne pas avoir combattu les opposants rwandais et ougandais qui, depuis leurs bases congolaises, lancent des attaques meurtrières et dangereuses pour Kigali et Kampala. Le Rwanda accuse même M. Kabila d’avoir armé les extrémistes hutus qui, après avoir fui à la fin du génocide de 1994, tentent de revenir au Pays des mille collines par les armes.