Crises au Rwanda, Transition et déstabilisation du Zaïre, et guerre sans fin en RDC

Dans cette chronologie commentée, nous présentons l’histoire des acteurs, des enjeux, ainsi que toutes les informations pertinentes pour comprendre comment on en est arrivé au drame humain et existentiel congolais.  Il ressort de cette chronologie que la République Démocratique du Congo subit les conséquences non pas du génocide rwandais tel qu’on l’aime cyniquement le dire, mais celles des soubresauts géostratégiques et géoéconomiques régionaux ainsi que la malveillance des diplomaties occidentales qui ont construit une géopolitique de la mort dans la lutte pour les richesses du Congo et ce contre le peuple congolais, peuple qui est devenu le symbole d’une souveraineté confisquée par les puissances étrangères.


Avant 1990

Il y a 4 ou 5 siècles : Migration d’Hamites (Tutsi), venant des Hauts plateaux d’Éthiopie et de la région du Nil (d’où le nom de “Nilothiques”), éleveurs avec leur bétail, vers le Sud de l’Ouganda, le Nord Est du Congo (en Ituri : Ajur et Bahema), le Rwanda et le Burundi. Progressivement, souvent grâce à leurs vaches et leur sens de la diplomatie, ils se collaborent aux chefs locaux (Bantu au Rwanda et Burundi) et apprennent la langue des peuples autochtones. Ils constituent environ 15% de la population au Rwanda et au Burundi.

●  Colonisation belge : Au Rwanda, l’autorité belge de tutelle met en place une politique favorisant les Tutsi, méprisant les Hutu. De force, le dernier chef coutumier hutu est remplacé par un Tutsi dans les années 30.

● Années 1950 : Émergence d’une prise de conscience des Hutu de leurs potentialités. D’où le désir de démocratie. Ils prennent le pouvoir en 1959 par des élections libres, facilitées par l’autorité de tutelle. Le premier président démocratiquement élu est le Hutu Grégoire KAYIBANDA. Le nouveau gouvernement Hutu, emporté par la logique de rivalité attisée par la colonisation, gère mal la démocratie : des exterminations des milliers de Tutsi en 1959, en 1962 et en 1963 ont lieu. Des milliers des Tutsi s’enfuient chaque fois vers le l’Ouganda, le Zaïre et le Burundi.

● 1973 : Le commandant militaire hutu Juvénal Habyarimana prend le pouvoir par un coup d’État. Les Tutsi sont minorisés dans beaucoup des domaines, par exemple dans les écoles et ils n’ont droit qu’à 10% des places. En même temps, des jeunes Tutsi grandissent en Ouganda, entrent dans l’armée de libération de Museveni (contre le président civil Obote) pour l’amener au pouvoir. “Ensuite, je vous aiderai à reprendre le pouvoir à Kigali”. Certains jouent un rôle important dans l’armée ougandaise et constitueront par après les cadres de leur nouvelle “Armée Patriotique Rwandaise (APR)”.

1990 : l’Horreur fait tente en Afrique centrale

● Le 01 octobre 1990 : L’APR attaque le Rwanda à partir de l’Ouganda. Son avancée est très lente. Dans les régions du front, au Nord du pays, la population, surtout hutu, se replie vers le Sud, ils seront jusqu’à 900.000 dans les “camps des déplacés”. Les soldats Tutsi tuent de civils hutu sur leur passage (premier ‘génocide’ des Tutsi sur les Hutus?).

● En 1993 : Après des longs pourparlers à Arusha, les dirigeants H. et T. arrivent à un accord. Un parlement proportionnel, mais forte disproportion dans la nouvelle armée rwandaise : les tutsi obtiennent 50% des officiers et 40% des troupes. Fin décembre 1993, suite aux accords, 600 soldats Tutsi sont amenés à Kigali “pour protéger les nouveaux parlementaires et ministres Tutsi”. Ils sont le cheval de Troie dans la ville. Des listes des personnes à éliminer, des deux ethnies, circulent. Et les Hutu disposent d’“escadrons de la mort”.

● Le 06 avril 1994 : des soldats tutsi se dispersent discrètement dans la ville. Vers 20h, l’avion du président Hbyarimana (en compagnie du président du Burundi) est abattu à sa descente près de l’aéroport. Le génocide des Hutu sur les Tutsi commence aussitôt. On note une excitation fanatique par la radio “Mille collines”. Beaucoup des Tutsi s’enfuient vers des pays voisins. Les médias internationaux ont recours au stéréotype confortable de la guerre «ethnique» ou «tribale», mais la violence est politique, du moins au début (elle est devenue plus complexe par la suite). Ceux qui sont tués par les extrémistes Hutu sont  leurs adversaires, hutu comme tutsi. Parmi eux figurent des hommes politiques favorables au changement politique et/ou soutenant la mise en œuvre de l’Accord d’Arusha, des personnes actives dans les organisations de défense des droits de l’homme, des dirigeants de la société civile, des journalistes et des Tutsi en général, considérés dans leur ensemble comme des alliés de la rébellion du Front patriotique rwandais (FPR). Au cours de la même période, lors de son avancée, le FPR Tutsi commet  des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité à grande échelle, principalement contre des Hutus.

● Le 05 juillet 1994 : début de l’Opération Turquoise de l’armée française.

● 17 juillet 1994 : l’APR entre victorieusement à Kigali. Après sa victoire militaire début juillet 1994, le FPR hérite d’un pays dévasté. En termes humains, le bilan était épouvantable : environ 1,1 million de morts ((Sur une population totale d’environ 7,8 millions d’habitants, soit près de 13 %), 12 millions de réfugiés à l’étranger, plus d’un million de personnes déplacées à l’intérieur du pays, des dizaines de milliers de survivants du génocide profondément traumatisés, etc. Sur une population totale d’environ 7,8 millions d’habitants, soit près de 13 %. Une tentative d’établissement d’un chiffre des victimes a été faite par Filip Reyntjens (Filip Reyntjens, Estimation du nombre de personnestuées au Rwanda en 1994, dans S. Marysse et F. Reyntjens (dir.), L’Afrique des grands lacs, Annuaire 1996–1997 (L’Harmattan, Paris, 1997), p. 179–86). Un recensement effectué par le gouvernement rwandais en 2000 aboutit au chiffre comparable mais ridiculement précis de 1 074 017 (République Rwandaise, Ministère de l’Administration locale, de l’information et des affaires sociales, Dénombrement des victimes du génocide. Rapport final, Kigali , novembre 2002). Cependant, il faut préciser que les deux estimations ne se renforcent pas, car le chiffre du gouvernement affirme qu’au moins 94 % des victimes étaient des Tutsi, une hypothèse contredite par les données démographiques (les Tutsi étaient bien inférieurs à 1 million) et les faits empiriques (plus de 200 000 Tutsi ont survécu au génocide et des centaines de milliers de Hutu sont morts aux mains d’autres Hutu et du FPR). Les dégâts matériels sont eux aussi conséquents : infrastructures détruites, banques et commerces pillés, fonction publique, système judiciaire, services de santé et d’éducation en ruines, récoltes et bétail perdus. Plus d’un demi-million de réfugiés Tutsi qui s’étaient enfuient reviennent, et les Hutus s’enfuient massivement à leur tour : environ 2 000 000 vers le Zaïre, et environ 300 000 vers la Tanzanie.

● Mai et juin 1996 : des soldats “Banyamulenge” (Tutsi, immigrés au Congo), reviennent du Rwanda, où ils se sont battus à coté de l’APR, vers le Kivu.

La première guerre d’Agression du Zaïre

● Aout 1996 : Fondation de l’AFDL (ensemble des 4 partis, dont Laurent Désiré Kabila est le porte parole).

Début octobre 1996 : Les Banyamulenge déclenche la guerre à partir des hauts-plateaux de Minembwe, où ils vivent, contre les soldats des Forces Armées Zaïroises (FAZ) et des milices d’autodéfense lococales.

● Le 18 octobre 1996 : Signature de l’accord de LEMERA, de l’AFDL.

● Le 25 octobre : L’AFDL déclare vouloir renverser Mobutu.

● Du 29 au 30 octobre 1996 : Prise de Bukavu par des soldats rwandais et assassinat par eux de Mgr Christophe Munzihirwa, archevêque de Bukavu, le 29 octobre.

● Le 31 octobre 1996 : Prise de Goma à partir du Rwanda. En même temps, attaques contre les camps des réfugiés Hutus par des bombardements et l’infanterie. Les réfugiés s’enfuient vers l’intérieur du Zaïre, mais sont poursuivi et tués par des soldats Tutsi. En même temps, dans les régions “libérées”, l’AFDL recrute et entraine aussitôt des jeunes congolais, dont des mineurs, (“Kadogo”) “pour aller chasser Mobutu”.

● Le 15 nombre 1996 : Environ 500 000 réfugiés restant de la région de Goma commencent à retourner au Rwanda. L’ONU vote l’intervention d’une force internationale pour secourir les réfugiés. Cette intervention est sabotée le 13 décembre 1996 par les États-Unis, “car il n’y a pas de réfugiés au Zaïre”.

● Le 28 novembre 1996 : Arrivée des soldats ougandais au Nord-Kivu.

● Décembre 1996 : Premières découvertes dans la région de Goma des “charniers” de réfugiés. Les violations des droits de l’homme ont été colossales, tant contre les réfugiés hutus rwandais que contre les civils congolais. Dès la fin de 1997, des preuves convaincantes étaient disponibles grâce à un grand nombre de rapports et de témoignages (ex. Human Rights Watch, Democratic Republic of the Congo: WhatKabila is hiding: Civilian killings and impunity in Congo, New York, October 1997 ; Amnesty International, Democratic Republic of Congo : Deadly alliances in Congolese forests, London, 3 December 1997 ; F. Reyntjens, La guerre des grands lacs : alliances mouvantes et conflits extraterritoriaux en Afrique centrale, L’Harmattan, Paris, 1999, pp. 113-16.). En juin 1998, une équipe d’enquêteurs du secrétaire général de l’ONU a conclu que l’APR avait commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité à grande échelle.

Le rapport est allé plus loin en suggérant qu’un génocide aurait pu se produire. Cependant, cela nécessitait une enquête supplémentaire : ”Le massacre systématique de ceux (réfugiés hutus) restant au Zaïre était un crime odieux contre l’humanité, mais la justification sous-jacente de la décision est importante pour savoir si ces meurtres constituaient un génocide, c’est-à-dire une décision d’éliminer, en partie” (UN Security Council, Report of the Investigative Team Charged with Investigating Serious Violations of Human Rights and International Humanitarian Law in the Democratic Republic of Congo, S/1998/581, 29 June 1998, para. 96). Quelque 200 000 réfugiés Hutu étaient ‘portés disparus’ (Médecins sans Frontières, Refugee Numbers Analysis, 9 May 1997). Deux témoignages de victimes offrent un récit  émouvant sur ces atrocités : M. B. Umutesi, Fuir ou mourir au Zaïre: Le vécu d’une réfugiée rwandaise (L’Harmattan, Paris, 2000) ; M. Niwese, Le peuple rwandais un pied dans la tombe : Récit d’un réfugié étudiant, L’Harmattan, Paris, 2001.

18 décembre 1996 : Mobutu déclare “lancer une contre-offensive foudroyante”. Zéro !

Entre Janvier et Mai 1997 : Les troupes rwandaides, les recrues congolaises (kadogo) et les “gendarmes katangais” (revenus de l’Angola) avancent rapidement, quoique le plus souvent à pied, vers le Sud et l’Ouest. Ils chassent et tuent devant eux des dizaines des milliers des réfugiés, à Shabunda, à Tingitingi, etc. Emma Bonini, déléguée du parlement européen, estime qu’il y a 400.000 réfugiés “introuvables” et accuse Kabila “d’avoir transformé l’Est du Zaïre en abattoir”.

Le 17 mai 1997 : Les forces “rebelles” (armées ougandaise, rwandaise, burundaise et certains soldats congolais recrutés) entrent à Kinshasa et Kabila se proclame Chef de l’État, à la surprise des chefs de l’axe Rwanda-Ouganda. La réalisation d’un rêve vieux de plus de 35 ans. Mais est-ce “Mission accomplie”? Il ne tardera pas à découvrir que non. En fait, il y avait deux objectifs simultanés : (1) Chasser (éliminer) les Hutu des camps pour “protéger les frontières des trois pays voisins, et (2) détrôner Mobutu. Est-ce tout? Que d’autre prévoyaient les accords de LEMERA? Nous ne le savons pas? La redéfinition des frontières (par annexion du Kivu au Rwanda ou par création d’un État tampon) était comprendra-t-on après, l’un des enjeux majeurs de l’agression du pays dès 1996 (Discours de Pasteur Bizimungu, puis de Paul Kagame à sa suite, 1997). La deuxième guerre du Congo confirmera la volonté de balkaniser le pays et dévoilera l’appétit pour les richesses minières.

Juillet 1998 : Le président Kabila remercie les Rwandais et les Ougandais pour les services rendu et leur demande de rentrer dans leur pays. C’est partie pour une nouvelle guerre.

La deuxième guerre d’agression de l’ex-Zaïre (RDC)

Le 2 août 1998 : Les troupes rwandaises reviennent au galop. A Bukavu et à Goma, où s’installe vite un gouvernement “rebelle”, le Rassemblement Congolais pour la démocratie (RCD). A Kitona,  une base militaire, où des militaires et instructeurs rwandais rééduquent et entrainent l’armée congolaise. Ce jour, plusieurs gros porteurs acheminent à partir de Goma et du Rwanda beaucoup des soldats, des armes et des munitions.  Grace à l’aide militaire de l’Angola et du Zimbabwe, Kinshasa est sauvé de justesse et le Bas-Congo est repris aux rebelles. Mais pourquoi cette deuxième guerre? L’objectif : chasser Kabila, car il est un nouveau dictateur. Mais en réalité, se venger sur lui, et s’assurer le pouvoir à Kinshasa, par des congolais plus maniables interposés, à défaut des tutsi chassés par Kabila et en même temps, exploiter les richesses du pays à leur profit. Enfin, continuer la chasse et l’élimination des Hutus restant (sous prétexte de protéger les frontières). Les “rebelles” avancent plus lentement qu’en 1996-1997, le peuple n’adhérant cette fois pas. Il y a deux fronts : Celui du Nord (Ougandais + certains congolais) et celui du Sud (Rwandais et Burundais). Derrière le front : les milices d’autodéfense congolaises (maï-maï et autres), ex-FAR et militaires congolais les attaquent dans le dos; mais dérangent aussi gravement la population locale.

Octobre 1998 : Vendredi 30 octobre 1998, Susan Rice (secrétaire d’État adjointe aux Affaires africaines, États-Unis) visite Kinshasa. Au cous de sa visite, lors d’une rencontre avec les membres de la société civile à Kinshasa, elle déclare : “Une de trois grandes préoccupations de Washington est celle de garantir, dans la Région des Grands Lacs, un espace pour l’ethnie tutsi, pas seulement pour les banyamulenge, tutsi autochtones du Congo, mais également pour le groupe d’origine nilotique plus en général”. Car “les États-Unis, veulent éviter un nouveau génocide”, a-t-elle poursuivi. Logique étrange, c’est le moins que l’on puisse dire : le souci d’éviter un autre génocide devrait plutôt pousser les américains à exercer une pression sur les régimes dictatoriaux tutsi et exiger le dialogue, la réconciliation nationale et la démocratie en Ouganda, au Rwanda et au Burundi. Par contre, leur appui à l’agression et à l’occupation du Congo ne fait que créer les conditions susceptibles de provoquer le drame humain qu’ils disent vouloir éviter, après toutes les violences et les humiliations infligées à la population congolaise.

1999 : Les relations entre le Rwanda et l’Ouganda se détériorent et ils dévéloppent  rapidement une profonde hostilité, dramatiquement démontrée lorsque leurs armées se sont affrontées à plusieurs reprises à Kisangani. La rupture entre ces anciens alliés avait plusieurs causes. Alors que l’Ouganda souhaitait éviter de répéter l’erreur commise en 1996-1997 lors du parachutage de Kabila au pouvoir, le Rwanda préférait une solution militaire rapide et l’installation d’une autre figure de proue à Kinshasa. De plus, les “entrepreneurs de l’insécurité” des réseaux d’élite tutsi des deux pays se sont lancés dans une compétition pour extraire les ressources congolaises. Enfin, Museveni en voulait aux ambitions géopolitiques de son petit voisin rwandais, et au manque de reconnaissance affiché par Kagame, dont l’accession au pouvoir n’aurait pas été possible sans le soutien de l’Ouganda.

Le 13 avril 1999 : Résolution 1234 du Conseil de Sécurité demandant un accord de paix.

Le 10 juillet 1999 : Signature d’un cessez-le-feu à Lusaka par les chefs d’État concernés. C’est la victoire des pays de l’East Africa Community sur le Congo. On appela dialogue intercongolais la discussion entre ses agresseurs, les criminels et les violeurs, on appela accord de paix entre congolais un accord où occidentaux, Kagame et Museveni dictaient les règles, on humilia notre pays pour mieux le piller. L’accord a confirmé la partition de facto de la RDC en trois parties : la zone contrôlée par le RCD/Rwanda, la zone MLC/Ouganda et la zone gouvernement/Angola/Zimbabwe. En fait, ces accords furent paragraphe après paragraphe totalement problématiques pour la République Démocratique du Congo : (1) les Accords niaient l’agression criminelle dont le Congo était la victime, (2) Les Accords facilitaient la liquidation du régime nationaliste de Kabila, (3) Les Accords facilitaient la division et la partition du Congo, (4) Les accords de Lusaka étaient un feu vert pour l’ingérence américaine au Congo, (5) Les accords de Lusaka: garantissaient la nationalité aux ennemis du Congo, (6) les accords validaient la thèse fausse et ridicule du leitmotiv ségrégationniste contre les tutsi comme cause de la guerre (Ludo Martens. Analyse de l’Accord de Lusaka et de ses pièges : Les plans américains pour la division et la mise sous tutelle du Congo, 1999).

Mais, plus grave encore, les Accords offrent aux Rwandais le prétexte pour continuer leur agression – les Interahamwe. En effet, cinq jour avant la signature officielle des Accords de Lusaka, Kagame lance : «La dictature au Congo pouvait continué pendant des centaines d’années sans notre implication. Mais aussi longtemps que cette dictature arme les Interahamwe et les pousse à traverser nos frontières, ça veut dire que vous m’invitez sur votre territoire. Les Interahamwe doivent être désarmés, sinon nous n’avons pas d’autre alternative que d’aller les chercher et de les combattre. Nous avons un problème de sécurité qui vient du Congo et nous ne pouvons pas permettre que cela continue. Notre intervention au Congo peut continuer des années sans problème. Nous sommes habitués à combattre sans dépenser beaucoup d’argent. Nos hommes vont à pied et mangent peu» (AFP, 05.07.1999 16 :30 GMT ; IRIN-CEA, n° 707, 05.07.99).

Associated Press écrit  : «Sans un mécanisme de contrôle efficace, le Rwanda craint qu’il sera impossible d’identifier et de traquer les miliciens hutu qui peuvent facilement mettre des uniformes congolais et zimbawéens» (AP, Hrvoje Hranjski, Bukavu, 27.07.1999). Le porte parole de l’Armée rwandaise, le major Ndahiro, avait d’ailleurs déjà accusé le Zimbabwe «d’entrainer activement des membres des ex-FAR et de la milice Interahamwe» (Reuters, Kigali, 22.07.1999). Et Mazimhaka avait enchaîné quelques jours plus tard : «Ils les entraînent, même après avoir signé l’accord» (AP, Bukavu, 27.07.1999).

Le Rwanda a donc déjà fabriqué un prétexte pour continuer à faire la guerre aux armées congolaise et zimbabwéenne : elles auraient engagé des Interahamwe ... Et puis, pour Kagame, il y a de bons et de mauvais Interhamwe. Les bons Interhamwe sont ceux qu’il sort des prisons et qui vont se battre du côté des agresseurs tutsi rwandais. Les mauvais Interhamwe sont ceux qui se battent sur le territoire congolais contre des envahisseurs.  Kabila a donc souligné à juste titre : «Quand monsieur Kagame envoie des Hutus de la prison sur le front pour qu’ils se battent pour lui, c’est là encore un autre génocidaire qui, lui, est libre. Alors, qui a les Interahamwe ? C’est d’abord lui» (ACP, 14.07.99, interview Kabila radio RFI, 13.07.1999).

Que signifient donc encore aujourd’hui ces groupes en face de l’armée redoutable dont dispose la bourgeoisie tutsie rwandaise? Kabila a bien compris que l’argument «nous ne partirons pas avant que tous les Interahamwe sont désarmés et neutralisés» sert uniquement à perpétuer l’agression et l’occupation.

2001 : Amnesty International a accusé l’APR/FPR et son mandataire, le RCD-Goma, d’avoir attaqué et tué des dizaines de milliers de civils congolais, soulignant que de nombreux massacres ont eu lieu dans des zones riches en minerais (Amnesty International, DRC : Rwandese-controlled eastern DRC- Devastating human toll, ).

2002 : Un examen minutieux couvrant la période d’août 1998 à fin 2000 donne l’image d’atrocités systématiques et délibérées à grande échelle (J. Migabo Kalere, Génocide au Congo? Analyse des massacres de populations civiles, Broederlijk Delen, Brussels, 2002, p. 216).

  16 décembre 2002, est signé à Pretoria, en Afrique du Sud, entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda, les principaux belligérants de la Deuxième Guerre du Congo, un accord de partage du pouvoir politique et militaire, l’Accord global et inclusif. Aboutissement d’un processus (de paix?) sur fond de défaite de la RDC et des pressions des puissances mondiales, cet accord qui démarra en 2003, a laissé sur la RDC une trace indélébile : des élections en 2006, la réunification du pays, une nouvelle constitution qui entérina les droits des citoyens comme jamais auparavant. Mais le revers de la médaille est que les postes au sein du gouvernement de transition, du parlement et d’autres institutions de l’État furent répartis entre les différents signataires, dont des grands criminels, et leurs ailes armées furent intégrées dans la nouvelle armée dite “nationale”, les FARDC. Cet accord de “paix” connut un certain succès dans l’intégration des anciens combattants au sein de l’armée nationale et du gouvernement de transition. À l’exception des groupes armés en Ituri, toutes les parties belligérantes s’y sont ralliées, attirées par les lumières brillantes et les coffres pleins de la capitale, Kinshasa, et inquiets de l’opprobre international en cas de refus de l’accord.

Ainsi, ce processus introduisit également deux nouvelles dynamiques qui allaient favoriser la la persistance de la mobilisation armée : l’intégration dans l’armée d’anciens belligérants fit des mécontents, qui recoururent à de nouvelles insurrections pour négocier. Ils furent encouragés par cette logique de la transition axée sur le partage des pouvoirs qui, pour ainsi dire, «tolérait» que l’on recoure à la violence pour s’arroger des pouvoirs politiques (Denis Tull et Andreas Mehler, «The Hidden Costs of Power-sharing: Reproducing Insurgent Violence in Africa», African Affairs 104 (2005), p. 375–98). La seconde dynamique avait l’air anodin: l’existence de rivalités politiques dans un contexte de la démocratie. Cependant, dans un environnement fortement militarisé caractérisé par des antagonismes ethniques, certains politiciens se tournèrent vers la mobilisation armée et ethnique pour veiller directement à maintenir leur influence. Les élections firent également des perdants, dont certains recoururent à la violence. Ces dynamiques se manifestèrent plus nettement dans le parcours du très impopulaire RCD. Ce groupe, qui avait contrôlé près d’un tiers du pays, se retrouva avec seulement 15 des 500 sièges à l’Assemblée nationale après les élections de 2006. Cette marginalisation se fit particulièrement sentir parmi la communauté Tutsi, qui était devenue extrêmement influente grâce au RCD, c’est-à-dire, grâce aux armes.

2003 : Un panel de l’ONU mis en place en 2001, a publié un certain nombre de rapports de plus en plus détaillés sur la façon dont les “réseaux d’élite” rwandais ont systématiquement pillé la partie de la RDC sous leur contrôle militaire, et montré comment la présence de l’APR/FPR au Congo visait à assurer l’accès sur les richesses biens et non à établir la sécurité des frontières. Les rapports montrèrent que ce fut l’objectif d’un certain nombre d’autres États. Après la prorogation de son mandat, le rapport final du Groupe a été publié le le 23 octobre 2003 le Rapport final du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocratique du Congo, S/2003/1027. Cependant, les conclusions substantielles peuvent être trouvées dans le précédent rapport, le Rapport final du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocratique du Congo, S/2002/1146, du 16 octobre 2002.  L’implication des réseaux de l’élite rwandaise dans les groupes criminels internationaux est une tendance inquiétante. Deux panels de l’ONU ont souligné que Viktor Bout, un trafiquant et transporteur d’armes notoire et recherché à l’échelle internationale, dont les activités sont largement illégales dans la région, opérait à partir de Kigali, entre autres (Rapport final du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocratique du Congo, S/2002/1146, du 16 octobre 2002, paragraphe 72-3 ; Rapport du Groupe d’experts sur les violations des sanctions du Conseil de sécurité contre l’UNITA, S/2000/203, 10 mars 2000, paragraphe 26).

Ces pratiques prédatrices ont aggravé la criminalisation de l’État et de l’économie rwandais, et finalement rendu inabordable un désengagement durable du Rwanda en RDC. C’est pourquoi le Rwanda, après avoir officiellement retiré ses troupes en 2002, a changé de tactique en recherchant des alliés alternatifs sur le terrain et en parrainant des mouvements autonomistes, afin de consolider son influence à long terme dans l’est du Congo et de tirer le meilleur parti de la région du Kivu (International Crisis Group, The Kivus: The forgotten crucible of the Congo conflict, Nairobi-Brussels, 24 January 2003). En outre, même après son retrait officiel, le Rwanda a maintenu une présence militaire clandestine en RDC. De nombreuses sources de la société civile au Nord et au Sud-Kivu ont signalé des mouvements de troupes rwandaises à travers la frontière et la MONUC a ouvertement suspecté la présence de troupes rwandaises sur le sol congolais (MONUC denounces obstruction of verification missions ineast, IRIN, Nairobi, 29 October 2003).

La partie non publiée du rapport final du Panel de l’ONU d’octobre 2003 est particulièrement accablante à cet égard. À la demande du Groupe, cette section devait rester confidentielle et ne pas être diffusée au-delà des membres du Conseil de sécurité, car elle “contient des informations très sensibles sur les acteurs impliqués dans l’exploitation des ressources naturelles de la RDC, leur rôle dans la perpétuation du conflit, ainsi que des détails sur le lien entre l’exploitation illégale et le commerce illicite des armes légères et de petit calibre” (Lettre datée du 20 octobre 2003 de Mahmoud Kassem, Président du Groupe, au Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan). Les conclusions montrent une présence continue de l’armée rwandaise en RDC. Le Groupe d’experts a constaté qu’il avait continué d’expédier des armes et des munitions vers les Kivus et l’Ituri, dispensé une formation, exercé le commandement, soutenu la milice du gouverneur du Nord-Kivu Serufuli, aidé à préparer une nouvelle rébellion dans la province du Kasaï Oriental et manipulé les ex-FAR/Interahamwe en y infiltrant des officiers de l’armée rwandaise. Le «réseau rwandais» a été considéré par le Groupe “comme la menace la plus sérieuse pour le gouvernement congolais d’unité nationale. Le principal acteur de ce réseau est l’appareil de sécurité rwandais, dont l’objectif est de maintenir la présence et le contrôle rwandais dans les Kivus et éventuellement en Ituri” (Paragraphe 2 de la Section V non publiée du rapport S/2003/1027). Un rapport note que “au Royaume-Uni, l’ancienne secrétaire au développement international Clare Short a réussi à exclure la conduite du Rwanda en RDC du dialogue bilatéral du Royaume-Uni avec Kigali” (J. Shattuck, P. Simo, W. J. Durch, Ending Congo’s Nightmare : What the U.S. can do to promote peace in Central Africa (John F. Kennedy Library Foundation, International Human Rights Law Group, The Henry L. Stimson Center, Boston-Washington, DC, October 2003), p.17) et trouve “particulièrement déconcertant que le 30 juillet 2003, deux jours après l’ONU La résolution 1493 a imposé un embargo sur les armes aux groupes impliqués dans le conflit au Congo, les États-Unis ont levé leur propre embargo bilatéral sur les armes contre le Rwanda” (Ibid., p. 19).

Mai 2004 : Signature de l’accord global et inclusif, accord qui a donné pendant un temps l’espoir de restauration de la paix en RDC après deux guerres consécutives qui ont morcelé le pays en plusieurs factions de rébellion sur fond d’agression. Mais c’était sans compter avec Laurent Nkundabatware (connu sous le nom de «Laurent Nkunda»), un officier supérieur de l’armée issue de l’ex-rébellion du Rassemblement Congolais pour la Démocratie/Goma (RCD/Goma). Ainsi, la principale insurrection de cette période fut en partie due à cette perte de pouvoir et annonçait ce qui est en fait devenu la stratégie des ceux qui tiraient les ficelles : perpétuer le chaos pour mieux contrôler les sites miniers. Menés donc par le général Laurent Nkunda, plusieurs anciens officiers Tutsi du RCD refusèrent de s’intégrer dans l’armée, de même que trois brigades qui leur étaient fidèles. Ils bénéficiaient du soutien de fonctionnaires à Goma et Kigali soucieux de protéger leurs propres intérêts économiques et politiques dans le Kivu.

Le général Nkunda et Jules Mutebusi attaquent Bukavu. Sous l’offensive de l’armée régulière et la pression de la communauté internationale, les forces rebelles se retirent «sans conditions» de Bukavu, en expliquant qu’elles s’étaient trompées sur le génocide des Banyamulenge et en renonçant, du même coup, à leur principale revendication de remplacer le commandant de la 10e  région militaire. La prise de Bukavu et la révolte qu’elle provoque dans les populations de la RDC a des conséquences graves sur la sécurité à l’est. Le 22 juin 2004, le Conseil de sécurité publie une autre déclaration présidentielle pour inviter le Secrétaire général à déterminer précisément le besoin d’une capacité de force de réaction rapide pour la Mission des Nations Unies en RDC (MONUC), forte depuis l’adoption de la résolution l’adoption de la résolution 1493 du 28 juillet 2003, de 10 800 hommes.

2006 (juillet) : Après avoir fait défection de l’armée en 2003, Nkunda forma le Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP) en 2006; mouvement qui allait devenir l’un des groupes armés les plus puissants du pays, en partie grâce au soutien du Rwanda. Dans des entretiens, six anciens haut gradés du CNDP conviennent que le Rwanda a été décisif dans sa décision initiale de faire défection, bien que certains insistent sur le fait que Nkunda agissait souvent de manière autonome et était régulièrement en désaccord avec ses alliés à Kigali. “L’ordre est venu de Kigali ; ils avaient besoin d’un plan B au cas où la transition n’aurait pas fonctionné», déclara un de ces officiers. «Nous recevions tous des appels de Kigali”, ajouta un autre, “ils nous disaient que si nous nous rendions à Kinshasa nous en reviendrions dans des cercueils” (Stearns, Jason, et Raphaël Botiveau. “Repenser la crise au Kivu : mobilisation armée et logique du gouvernement de transition”, Politique africaine, vol. 129, no. 1, 2013, pp. 23-48).

L’establishment sécuritaire rwandais joua donc un rôle clé en s’assurant de la défection de Nkunda et en coordonnant celle d’autres officiers, puis en les conseillant et en leur fournissant une aide sporadique. Le Rwanda autorisa le recrutement de soldats par le CNDP au Rwanda et y participa sans doute, convoyant aussi des armes lors de son offensive sur Bukavu en juin 2004, et aidant ce même CNDP à prendre le contrôle de la base militaire de Rumangabo en octobre 2008, bien que son implication fut moins notable dans les étapes initiales du mouvement, en 2003 et 2004 (Rapport du Groupe d’experts des Nations unies, document du Conseil de sécurité S/2004/551, 15 juillet 2004, p. 22-25 ; Rapport intérimaire du Groupe d’experts…, op. cit. ; Stearns, Jason, et Raphaël Botiveau. “Repenser la crise au Kivu : mobilisation armée et logique du gouvernement de transition”, Politique africaine, vol. 129, no. 1, 2013, pp. 23-48).

6 – 23 janvier 2008 : Accords de Goma créant le programme Amani, le STAREC, et l’UNSSSS qui a suivi – transformé plus tard en ISSSS. Opérations militaires conjointes du Rwanda et de la RDC, et de la MONUC et de la RDC, pour désarmer/expulser tous les groupes armés nationaux et étrangers restants. Dans la crise de Goma de l’été 2008, outre, les fournitures de soutiens multiformes (armements, ravitaillements, recrues, base de repli et de débordement des Fardc, soutiens tactiques…), des unités rwandaises sont intervenues pour appuyer la milice dissidente de Nkunda face aux FARDC (Groupe d’Experts sur la RDC, S/2008/772 et S/2008/773).

23 mars 2009 : Accord CNDP-Kabila. L’accord de paix du 23 mars 2009 conclu entre le gouvernement congolais et le CNDP n’a en rien modifié les chaînes de commandement et a conféré une amnistie totale aux auteurs d’atteintes aux droits de l’homme. Cela a eu pour effet de corrompre l’accord. En janvier 2009, les paramètres d’un accord de paix furent annoncés: le leader du CNDP Laurent Nkunda fut arrêté par l’armée rwandaise, qui déploya ensuite des troupes dans les Kivus pour pourchasser les FDLR dans le cadre d’opérations menées conjointement avec les FARDC. Un accord fut signé deux mois plus tard, le 23 mars, stipulant que le CNDP devait se transformer en parti politique et que ses troupes devaient être intégrées dans l’armée congolaise. Refusant d’être redéployés dans d’autres régions du pays, de nombreux officiers CNDP restèrent dans les Kivus, où ils constituèrent un réseau influent qui allait jouer un rôle prépondérant lors d’une autre série d’opérations visant les FDLR.Cet arrangement résolut certes un problème, mais il en créa d’autres. L’accord passé avec le CNDP suscita une grande rancœur.

Le plus gros reproche était que des modalités d’intégration favorables avaient été accordées au CNDP, qui maintint des chaînes de commandement parallèles, un service de renseignement et une logistique au sein de l’armée. En outre, d’anciens officiers du CNDP dominèrent les structures de commandement opérationnel nouvellement créées pour les Kivus, et des brigades contrôlées par l’ex-CNDP furent déployées dans les sites les plus riches en ressources, ce qui leur permit d’étendre leur influence militaire et économique bien au-delà de leur fief traditionnel de Masisi. Cela confirma ce dont étaient déjà persuadés de nombreux officiers FARDC et leaders de groupes armés: les Tutsi et les Hutu bénéficiaient d’un traitement de faveur dans l’armée (Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2010/596, «Rapport final du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo», 29 novembre 2010, p. 42–6 ; Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2011/738, «Rapport final du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo», 2 décembre 2011, p. 89–90).

Juin 2010  : la MONUC devient la MONUSCO avec pour mandat principal de rétablir l’autorité de l’État et de protéger les civils.

Avril 2010 : Engagement du CNDP à mettre fin à l’administration parallèle.

11 juillet 2010 : Les derniers attentats du 11 juillet 2010, à la veille du sommet de l’UA à Kampala, commis par les milices islamiques somaliennes des Chabaabs à Kampala, visant à forcer le retour à la maison des forces ougandaises de l’Amisom, conjuguée à la la menace régionale posée par l’insurrection ougandaise de la LRA, ont conduit à replacer Yoweri Museveni au centre du jeu diplomatique régional puis géostratégique. Au lendemain de ces attaques, il entonnait un cantique anti-terroriste, qui lui a valu la réaffirmation du soutien américain dans la lutte contre le terrorisme, puis il promettait d’augmenter la présence ougandaise dans l’Amisom et plaidait pour des règles d’engagement plus proactives des forces de l’Amisom (imposition de la paix). Toute chose qui lui vaut la bienveillance de la société internationale. Dans ce contexte, en rétorsion aux divers rapports des Groupes d’Experts de l’ONU sur le désarmement en RDC qui l’accuse de violer le régime de sanctions sur le désarmement en RDC par la fourniture de soutiens politiques, logistiques et d’unités de l’armée ougandaise aux insurgés du M23, Kampala menace de retirer ses troupes de l’Amisom.

A l’issue de son étape de Kampala de l’été 2012, Hilary C. déclarait voir ce pays jouer un rôle stabilisateur de la Région des Grands lacs et affirmait accroître la fourniture d’équipement militaire ainsi que de soutien logistique à l’UPDF qui traque les armées irrégulières trans-nationales dans la région. De plus, en saluant les électeurs kenyans pour avoir refusé le chantage de la CPI suite à l’élection de Kenyatta, sous le coup d’un mandat de cette cour, Kampala se réaffirmait comme un soutien régional de taille. S’il est clair que ses relations avec le Soudan d’Omar El Béchir sont orageuses, les deux pays soutenant des GA hostiles, elles ne sont pas moins tendues avec la RDC et le Rwanda. De plus, la lutte de pouvoir géopolitique et régionale entre Kigaliet Kampala ne va pas sans poser de difficultés sur la situation sécuritaire dans les Kivu voisins car in fine les relations entre Kampala et Kigali sont au cœur des enjeux sécuritaires à l’Est de la RDC.

23 mars 2012 : L’accord d’intégration signé le 23 mars 2009 s’effondra début 2012 en raison d’un différend entre Kinshasa et le leadership de l’ex-CNDP, entraînant une énième phase de mobilisation. La cause? Le fait que les FARDC tentaient de redéployer le leadership de l’ex-CNDP à l’écart des régions des Kivus où ils avaient créer une armée dans l’armée et instauré un pillage des ressources du pays, et en partie du fait des pressions internationales sur Bosco Ntaganda, recherché par la Cour pénale internationale. Cette dissidence se transforma en une nouvelle rébellion, qui prit le nom de M23.

La crise du M23 se fit sentir dans toute la région, déclenchant la formation ou la consolidation de plusieurs groupes antagonistes dans sa zone de déploiement de Rutshuru, notamment les FDLR-Soki, les Maï-Maï Shetani, le Mouvement populaire d’autodéfense (MPA) et les Forces pour la défense des intérêts du peuple congolais (FDIPC). Cette mobilisation croissante était également le résultat des efforts entrepris par le M23 et ses alliés au Rwanda pour former des alliances ou créer de nouveaux groupes dans tout l’est du pays, tels que l’Alliance pour la libération de l’est du Congo (ALEC) à Uvira et la Force œcuménique pour la libération du Congo (FOLC) dirigée par le déserteur des FARDC Hilaire Kombi dans la région de Beni, dans la partie nord du Nord-Kivu. Le M23 tenta également d’organiser des coalitions de groupes armés en Ituri — efforts qui pour la plupart furent vains. Outre les déserteurs de l’armée comme Kombi, des politiciens marginalisés jouèrent un rôle crucial dans ces efforts de mobilisation. Dans le nord du Nord-Kivu, Antipas Mbusa Nyamwisi, député et ancien ministre des Affaires étrangères, organisa un soutien politique significatif en faveur du groupe de Kombi et lui donna des armes (Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2012/843, p. 19–27). Au Sud-Kivu, le candidat parlementaire malheureux Gustave Bagayamukwe fut l’initiateur d’un nouveau satellite du M23 appelé l’Union des forces révolutionnaires du Congo (UFRC) fin 2012. Cependant, la plupart de ces groupes étaient de faible envergure et le M23 ne parvint pas à déstabiliser la région au sens large.

Décembre 2012, la gauche américaine eproche à Susan Rice, ambassadeur américain au Conseil de Sécurité, de protéger régime de Kigali en empêchant l’adoption de sanctions internationales à l’ONU contre lui pour ses incursions dans l’Est de la RDC en soutien au M23 apparenté («Susan Rice renonce au département d’État», BBC Afrique, 14 décembre 2012. Consécutif à ces accusations, elle renonçait à sa candidature au poste de secrétaire d’État américain).

Juin 2012 : Un addendum au Rapport intérimaire du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo (S 2012 348) concernant les violations de l’embargo sur les armes et du régime de sanctions par le Gouvernement rwandais a détaillé le soutien du Rwanda au M23, y compris les armes lourdes, les troupes, les recrues, le territoire et les combattants hautement entraînés et organisés. La documentation de l’ONU sur le soutien a marqué un développement significatif car le Rwanda a une histoire d’interventions dans l’est du Congo, soit par le biais de ses propres troupes, soit par le soutien de groupes rebelles, y compris le CNDP, sur le sol congolais. Pourquoi le Rwanda est-il si fasciné par le Congo ? L’intérêt du Rwanda pour l’est du Congo découle de diverses raisons économiques et politiques.

Le 28 juin 2013 : Reuters rapporte que des officiers de l’armée rwandaise aident les rebelles du M23 au Congo, selon un rapport de Juin 2013 des experts de l’ONU. “Le recrutement et d’autres formes de soutien aux rebelles du M23 ont diminué ces derniers mois, bien que les forces insurgées constituent toujours une menace pour la sécurité dans l’est du Congo”, a déclaré le Groupe d’experts de l’ONU. “Depuis le début de son mandat actuel, le groupe n’a à ce jour trouvé aucune indication de soutien aux rebelles depuis l’intérieur de l’Ouganda, et a recueilli des preuves d’un soutien continu – mais limité – au M23 depuis l’intérieur du Rwanda”, indique le rapport. Ils ont déclaré que des membres actuels et anciens du M23 ont rapporté que des officiers de l’armée rwandaise ou leurs représentants ont traversé la frontière vers Chanzu ou Rumangabo dans l’est du Congo pour rencontrer Makenga. Selon le rapport, 14 anciens soldats du M23 ont déclaré au Groupe d’experts que les Rwandais qui avaient déserté le M23 et tenté de rentrer chez eux au Rwanda avaient été «renvoyés de force au M23» par des officiers de l’armée rwandaise. Selon l’article de reuters (notre traduction) “L’année dernière (2012, NDLR), les experts ont accusé le ministre rwandais de la Défense de commander la rébellion du M23, qui, selon lui, était armée par le Rwanda et l’Ouganda, qui ont tous deux envoyé des troupes pour aider l’insurrection”.

Le 20 novembre 2012  : le M23 prend Sake et Goma, y ​​compris l’aéroport de Goma/MONUSCO. En plus de l’initiative rwandaise de constitution du M23, destiné à prendre la relève de l’ex-Cndp, les leaders militaires rwandais «dans l’exercice de leurs fonctions officielles soutiennent les rebelles en leur fournissant des armes, du ravitaillement militaire et de nouvelles recrues» (Groupe d’Experts sur la RDC, S/2012/348 et S/2012/348/Add.1 et S/2012/843). Par la suite, dans son rapport final (Groupe d’Experts sur la RDC, S/2012/843), le Groupe d’Experts note que Kigali et Kampala, appuient militairement en armements, en renseignements et en conseils politiques les miliciens tutsis congolais du M23. Mieux, le groupe affirme que l’UPDF et la RDF sont intervenus pour appuyer une série d’offensives des miliciens du M23 dans le Rutchuru et sur Goma. En particulier les forces spéciales rwandaises sont directement intervenues dans la capture des villes de Kiwandja et de Goma après avoir défait la coalition Fardc/Monusco forte de 3500 hommes et dotée d’hélicoptères d’attaque. L’armée rwandaise aurait fournis des armes parmi lesquelles des mortiers, des roquettes anti-char, des mitrailleuses lourdes; tandis que la chaîne de commandement du M23 remonterait à Bosco Ntaganda puis directement au ministre rwandais des affaires étrangères, le général James Kabarebe.

Mais dans cette crise, préparée de longue date par Kigali (Groupe d’Experts sur la RDC, S/2012/348 et Annexe S/2012/Add.1), malgré les interventions des unités des armées rwandaises et ougandaises aux côtés du mouvement insurrectionnel du M23 ainsi que l’implication hautement élevé du ministre rwandais de la défense dans la chaîne de commandement de la rébellion, les diplomates à l’ONU ainsi que le Conseil de Sécurité ne consentent pas à sanctionner ces fonctionnaires de haut rang.

Le 28 juillet 2013. Les États-Unis demandent au Rwanda de cesser de soutenir les rebelles du M23 au Congo. Il s’agit de la première réponse de Washington aux affrontements du M23 avec les forces gouvernementales congolaises près de Goma, la plus grande ville de la région orientale riche en minéraux de la RDC. Mais il est évité d’impliquer directement le président rwandais Paul Kagame, un allié américain. “Nous appelons le Rwanda à mettre immédiatement fin à tout soutien au M23 (et) à retirer le personnel militaire de l’est de la RDC”, déclare alors la porte-parole du département d’État, Jen Psaki. L’appel intervient deux jours avant que le secrétaire d’État américain John Kerry ne préside une session spéciale du Conseil de sécurité de l’ONU sur la région des Grands Lacs en Afrique.

En août 2013, une vaste offensive FARDC contre le M23 — soutenue par la Brigade d’intervention (FIB) récemment mise en place par les Nations Unies — a remporté plusieurs victoires militaires. Mais même si

Mardi 5 novembre 2013. La défaite du M23 met fin à la révolte au Congo, suscitant des espoirs de paix.  Le M23 a annoncé qu’il désarmerait et poursuivrait les pourparlers politiques quelques heures après que les forces gouvernementales ont chassé les rebelles des villages de Tshanzu et Runyoni avant l’aube. Une offensive de deux semaines soutenue par l’ONU avait coincé les insurgés dans les collines luxuriantes le long de la frontière avec l’Ouganda et le Rwanda. “Le chef d’état-major et les commandants de toutes les grandes unités sont priés de préparer les troupes au désarmement, à la démobilisation et à la réintégration selon des modalités à convenir avec le gouvernement congolais”, a déclaré le chef du M23, Bertrand Bisimwa, dans un communiqué. Les États-Unis ont salué la déclaration comme une “étape positive significative” pour l’est du Congo. Des millions de personnes sont mortes de la violence, de la maladie et de la faim depuis les années 1990 alors que les insurgés, crées et soutenus par le Rwanda et l’Ouganda essentiellement aient menés une série de rébellions, souvent pour le contrôle des riches gisements d’or, de diamants, de coltan, d’étain, etc., de la région.

Samedi 23 avril 2022 : Des combats reprennent entre l’armée congolaise et le M23 (Mouvement du 23 mars) dans l’est de la République démocratique du Congo, au premier jour des consultations du gouvernement de Kinshasa avec des groupes rebelles congolais à Nairobi. «Ces affrontements ont repris cet après-midi. Nous sommes en position de légitime défense. On se défend pour ne pas céder un seul mètre du territoire aux envahisseurs», a déclaré à l’AFP le lieutenant-colonel Muhindo Lwanzo, directeur de cabinet de l’administrateur militaire du territoire de Rutshuru (Nord-Kivu, est). «Les combats ont commencé à 15h50. Les FARDC (Forces armées de la RDC) ont réussi à prendre le contrôle de la colline de Bugusa ce soir» tenue par les militaires du M23, a indiqué Damien Sebuzanane, président de la société civile du groupement Jomba à Rutshuru. «En ce moment, les FARDC sont au contact de nos troupes sur plusieurs de nos positions. Le M23 se protégera jusqu’au bout des attaques des FARDC», a écrit dans un communiqué le major Willy Ngoma, porte-parole de ce groupe armé.

Ces combats ont éclaté quelques heures après l’ouverture à Nairobi des consultations des groupes armés par des délégués du président Félix Tshisekedi avec la médiation du président kényan Uhuru Kenyatta, comme l’avait préconisé jeudi 21 avril 2022 un sommet de quatre chefs d’État des pays d’Afrique de l’Est. En début de soirée, la présidence congolaise a indiqué dans un communiqué que sa délégation «a exigé et obtenu de la facilitation Kényane l’expulsion immédiate de la salle (des consultations) du M23/Makenga», une branche de ce mouvement accusée d’avoir attaqué des postions de l’armée congolaise. Pour sa part, le secrétaire général des Nations Unies «exhorte tous les groupes armés locaux en République démocratique du Congo à participer sans condition au processus politique, et tous les groupes armés étrangers à désarmer et à retourner sans condition et immédiatement dans leurs pays d’origine respectifs», a déclaré son porte-parole Eri Kaneko.

Un modème d’implication

Le Groupe d’experts des Nations Unies sur le Congo est l’organe d’enquête multilatéral le plus crédible axé sur les crises en cours dans la région. À partir de 2004, une série de rapports de ce groupe a montré des cas répétés d’implication rwandaise dans la déstabilisation et l’exacerbation des conflits et des violations des droits de l’homme dans l’est du Congo. Ces rapports montrent que le gouvernement du Rwanda et l’armée rwandaise ont fourni un soutien aux groupes rebelles combattant le gouvernement congolais et perpétrant d’horribles violations des droits de l’homme contre des civils congolais. En outre, les rapports ont démontré que Kigali a soutenu et profité d’une exploitation illégale substantielle des ressources naturelles congolaises, en particulier les minerais de conflit que sont l’étain, le tantale, le tungstène et l’or.

Le soutien aux groupes rebelles liés au Rwanda et la présence de troupes rwandaises au Congo ont été utilisés comme moyen d’extraire et de faire passer en contrebande des ressources au Rwanda pour l’exportation officielle rwandaise. Il est clair que le Rwanda continuera d’intervenir négativement dans les affaires congolaises pour protéger ses propres intérêts si des mesures ne sont pas prises pour dissuader Kigali de le faire. Si le gouvernement américain et les autres pays donateurs ne poussent pas au changement, il n’y a aucune raison de croire que l’État rwandais dévierait de sa trajectoire actuelle, qui, selon lui, peut être menée sans répercussions (Aaron Hall, U.S.-Rwandan Relations and a Path Forward in Eastern Congo, June 2012).

Conclusion

Le discours sur la guerre en République Démocratique du Congo (RDC) est aujourd’hui complètement dominé par l’idée que les haines inter-ethniques et la lutte pour les terres sont les causes essentielles des troubles et massacres que subit le peuple congolais. Si l’analyse de la guerre à l’Est de la RDC ne peut être déconnectée du long processus de désintégration politique et à l’extrême faiblesse de l’État congolais, lui-même prédateur ; une étude de la logique de cette guerre depuis 1998 montre une relation étroite entre l’expression de ces griefs et les intérêts économiques derrières (à savoir ici le pillage des mines de Coltan, de diamant, d’or, de lithium et autres ressources naturelles, cause de fond des conflits et massacres). Or, il est aujourd’hui établit que certains groupes, nations et multinationales bénéficient de ces minerais à vil prix, lisez au prix de millions des vies congolaises. Ces groupes ont donc un certain intérêt à l’initier et à le maintenir, et les deux dernières décennies l’ont prouvé suffisamment.

Il est donc temps de rétablir la vérité : l’Ouganda, le Rwanda, etc. ont soutenu et soutiennent encore dans l’Est de la République Démocratique du Congo pour des intérêts économiques des mouvements rebelles et des milices (ethniques) dans un contexte d’alliances en constante évolution et d’un pays au tissu social, politique, sécuritaire et économiques détruits. Ni l’ethnicité, ni la lutte pour les terres ne sont la cause primordiale du conflit qui ravage l’Est de la RDC. Par contre, sur fond de la faiblesse extrême de l’État congolais, les loyautés culturelles sont manipulées comme instruments de mobilisation, alors que les troupes mobilisées par les étrangers, en grande partie car faites de leurs propres rejetons, sont utilisées pour réaliser des objectifs économiques. Ceci a été bien résumé par Emizet F. Kisangani : “le conflit congolais a créé une nouvelle idée de prédation dans laquelle piller les ressources d’un voisin sans tenter de conquérir a été jugée acceptable par la communauté internationale”. C’est ainsi que continue la boucherie et les troubles dans lesquels le pillage est facilité.

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