Le gouvernement intérimaire rwandais face à un génocide provoqué : Rapport du témoin-expert HELMUT STRIZEK dans le procès contre CASIMIR BIZIMUNGU et al. devant le TPIR

RAPPORT DU TÉMOIN EXPERT Dr HELMUT STRIZEK DANS LE PROCÈS CONTRE CASIMIR BIZIMUNGU et al. DEVANT LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR LE RWANDA, Bonn,  novembre 2006 [1].

Résumé :  Le génocide[2] anti-tutsi[3] de 1994 est le résultat condamnable de provocations[4] permanentes envers la population civile rwandaise par l’application d’une stratégie de guérilla dans la guerre de conquête du pouvoir par les rebelles du Front Patriotique Rwandais (FPR) entre 1990 et 1994. Les réactions meurtrières des « provoqués» pouvaient être limitées par des actions conjointes des différents gouvernements rwandais et de la communauté internationale jusqu’à l’assassinat du Président Habyarimana et de son homologue burundais Cyprien Ntaryamira le 6 avril 1994. L’offensive du 8 février 1993 du FPR a provoqué la généralisation d’une haine anti-tutsi dans les camps de réfugiés internes accrus à un million de personnes. Ces déplacés internes ont dû vivre dans des situations lamentables suite à la situation économique catastrophique causée par la guerre. 

Le succès militaire du FPR pour la conquête du pouvoir est impensable sans la décision de l’administration Clinton de favoriser la victoire de la guérilla du FPR prise autour du 5 octobre 1993. La non-réaction de la communauté internationale à l’assassinat du Président burundais Melchior Ndadaye le 21 octobre 1993 qui a perturbé l’équilibre régional était un encouragement pour le FPR d’envisager la conquête militaire du pouvoir contraire au partage de pouvoir stipulé par les Accords d’Arusha. L’attentat du 6 avril 1994 a détruit tout garde-fou pour contenir la «bête humaine» qui avait le champ libre en conséquence. En vue des réactions néfastes prévisibles du million de déplacés internes, le FPR et ses alliés ont préparé un dispositif de mesures et d’explications pour divertir l’opinion internationale de sa responsabilité pour les conséquences de l’attentat du 6 avril 1994 et la reprise de la guerre. Depuis maintenant 12 ans, le refus de presque toute la « communauté internationale », y inclus le Procureur du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR), de mener une investigation sérieuse sur cet attentat, en liaison avec les justifications contenues dans la « Délivrance de Mandats d’arrêts internationaux » par le juge Jean-Louis Bruguière le 17 novembre 2006, prouve la responsabilité du FPR et de ses alliés pour cet attentat.[5] 

L’implication de l’administration américaine de l’époque d’empêcher une intervention en faveur des tutsi menacés par la décision du Conseil de sécurité du 21 avril 1994 n’est plus à démontrer.[6]  En application de la Convention de 1948, la Communauté Internationale aurait dû et aurait pu empêcher les massacres des deux camps, mais a refusé de le faire en faveur de la victoire des rebelles pour des raisons peu éclaircies. La constitution du gouvernement intérimaire est le résultat inévitable de la planification du FPR d’empêcher l’établissement d’un gouvernement d’union nationale sur base des Accords d’Arusha du 4 août 1993. L’hypothèse de la planification d’un génocide par les personnes qui n’auraient jamais pu accéder au pouvoir sans l’attentat du 6 avril 1994 est par conséquent à exclure.  Vu les péripéties ultérieures, on doit constater que la «confession de culpabilité » initiale de Jean Kambanda est déplorable parce qu’en empêchant un procès, elle a porté préjudice à la recherche de la vérité. Ses explications ultérieures doivent néanmoins être prises en considération sérieusement.

Il apparaît clairement que le gouvernement intérimaire et les Forces Armées Rwandaises (FAR) avaient l’obligation de combattre une agression militaire illégale. Appeler la population à combattre ces agresseurs était légitime. Le simple fait d’avoir été membre du gouvernement intérimaire, lequel avait l’intention d’organiser une telle résistance, ne permet en aucun cas d’affirmer une quelconque culpabilité pour avoir planifié les massacres contre la population tutsi. Selon les documents à ma disposition, Casimir Bizimungu n’a jamais incité aux massacres et les accusations du Procureur s’y référant sont sans fondement. Le Procureur l’aurait accusé pour des raisons politiques internes du « nouvel ordre de Kigali » après la victoire militaire du FPR.

En conclusion, il faut constater que les massacres anti-tutsi condamnables et condamnés par le gouvernement intérimaire sont la suite des provocations entreprises par le FPR en anéantissant les camps minables du million de réfugiés internes et en massacrant – la population connaissait rapidement ces faits – en grand nombre la population civile dans les territoires sous son contrôle.


Remarques préliminaires

Les avis exprimés dans le présent rapport sont le résultat de longues recherches entreprises depuis 1994. Ils reflètent une approche impartiale sine ira et studio. Ils ne peuvent en aucun cas être interprétés – comme cela a été fait parfois – comme négationnistes, anti-tutsi, pro-hutu, pro-français ou anti-américain. J’assure d’interpréter les faits historiques dans un esprit de stricte neutralité de recherche, ce qui n’exclut pas des appréciations basées sur les valeurs générales retenue dans la Charte des Nations Unies. J’ai déduit mes conclusions sur base des publications et informations auxquelles j’ai eu accès, inter alia d’une partie des transcriptions des auditions d’experts devant le Tribunal et des matériaux que la défense était en mesure de me fournir.

Depuis mes auditions devant le TPIR du 5 au 8 mai 2003 et du 8 au 13 mai 2005, le public a pu prendre connaissance – complémentaire au récit du Général Dallaire (DALLAIRE 2003) – de matériaux importants. Il faut noter notamment les livres présentés par Abdul Ruzibiza (RUZIBIZA 2005), Pierre Péan (PÉAN 2005) et Charles Onana (ONANA 2005).[7] Ils confirment le résultat de l’instruction préparée par le juge d’instruction français Jean-Louis Bruguière dont la presse internationale a fait mention en mars 2004[8]. Ce rapport rend le FPR et ses alliés – sur base d’une recherche poussée et de témoignages étonnants – responsable de l’attentat du 6 avril 1994. Le rapport n’a longtemps pas été publié, mais le contenu n’a pas été démenti par le juge. Enfin, le 17 novembre 2006 Bruguière, premier vice-président du tribunal de grande instance de Paris, a signé une ordonnance demandant au Procureur de la République le lancement de mandats d’arrêts internationaux contre 9 personnes et de saisir – à cause de l’immunité d’un chef d’Etat respectée par la France – le Secrétaire Général des Nations Unies en vue d’une accusation du Général Paul Kagame par la justice internationale. Cette ordonnance de 64 pages est un fait majeur et devrait amener le TPIR à entreprendre une enquête approfondie sur cet événement fatidique.[9]

Le présent rapport se situe dans la ligne d’argumentation que j’ai développée dans les expertises soumises au TPIR en 2003 et 2005[10]. Les hypothèses de travail y contenues se résument ainsi : (1) la responsabilité du FPR pour l’attentat du 6 avril 1994, (2) la non-existence d’une planification générale de ce génocide par les accusés du TPIR, (3) la création et le maintien d’un vide au niveau étatique par le FPR et une partie de la communauté internationale pour empêcher le gouvernement intérimaire de mettre de l’ordre et de faciliter la victoire militaire des rebelles, (4) l’existence de massacres généralisés dans les territoires dominés par le FPR à partir de 1992/1993 provocant la généralisation d’une haine ethnique anti-tutsi, (5) la caractérisation de Jean-Pierre Turatsinze comme agent du FPR, (1) la mise en doute de la plus grande partie des documents anonymes présentés comme preuves pour la thèse de la planification par le Procureur et Alison Des Forges.

Je peux constater maintenant que ses hypothèses de travail se sont avérées justes.  Par comparaison aux rapports antérieurs soumis au TPIR, cette troisième expertise approfondit le fait de la provocation intentionnée par les agresseurs d’inciter « les hutu » à commettre des crimes en vue de la justification ex-post de la conquête militaire du Rwanda par le FPR. Par ce fait, ce mouvement de guérilla voulait faire oublier que cette conquête était une infraction au principe de partage du pouvoir régissant les Accords d’Arusha signés le 4 août 1993.

Le présent rapport approfondit également les remarques critiques[11] concernant la neutralité et la qualité des innombrables témoignages d’Alison Des Forges. Elle peut désormais être considérée, de par sa coopération étroite avec Rakiya Omaar[12], comme ayant déjà appartenu, en 1993, à une sorte de « network » inavoué du FPR[13]. L’accomplissement le plus important de Madame Des Forges avant la publication du livre «Leave none to tell the story – élaboré au nom de Human Rights Watch et de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) – est l’organisation de la «Commission Internationale d’Enquête» (CIE) de janvier 1993. Pierre Péan a le mérite d’avoir découvert l’étroite collaboration de Mme Des Forges avec Jean Carbonare qui – membre du FPR – était le «mastermind» derrière cette action de propagande pro-FPR.[14] Pour dénigrer le livre de Péan, Alison Des Forges a dit le 5 octobre 2006 devant le TPIR : «Pierre Péan, as I understand it, made 65 errors of fact in his book, including the astonishing assertion that the French national assembly inquiry had paid no attention to the shooting down of Habyarimana’s air plane when, in fact, the published reports of that inquiry include an entire chapter on the subject. On that basis, I find Mr. Péan’s research methodology lacking and would not be inclined to rely upon him, unless he were to put forward something which I had independently verified». Cette affirmation effleure la malhonnêteté puisque Mme Des Forges sait très bien que l’Assemblée Nationale de la France n’a pas mené une enquête (inquiry). La Commission d’information parlementaire a seulement dressé un « BILAN DES THÈSES EN PRÉSENCE». Le rapport constate finalement à la page 243 «L’impossibilité d’une enquête immédiate».

I. Bref rappel des faits historiques jusqu’à l’attentat du 6 avril 1994

Étant donné qu’une multitude de rapports relatant l’histoire de Rwanda en général et de l’ère post-coloniale ont été soumis au TPIR[15], je me limite ici à quelques points, à mon avis cruciaux, pour la compréhension du drame rwandais en 1994.

La question de l’ethnicité

Je viens de publier en allemand une histoire des royaumes rwandais et burundais sous la domination « indirecte » allemande entre 1897 et 1915[16]. Je peux clairement y démontrer que les groupes sociaux s’appelant eux-mêmes hutu, tutsi et twa étaient bien présent avant l’arrivé du Comte von Götzen en 1894. C’était le premier visiteur allemand d’un des territoires qui furent attribués par la Conférence de Berlin en 1884/1885 à la zone d’influence allemande. Lui et ses successeurs sont arrivés comme chercheurs pour informer le gouvernement et le public Allemand sur ces «colonies-cadeaux» puisqu’on ne savait rien d’elles et le gouvernement allemand n’avait même pas fait des efforts pour s’y installer.

Tous ces premiers visiteurs ont unanimement constaté que les relations des groupes sociaux, souvent appelés races et plus tard ethnies, étaient caractérisées par une pyramide de domination. Les éleveurs nobles tutsi, représentant une minorité des habitants des deux royaumes, figuraient à la pointe de cette pyramide sociale et politique. La minorité des twa, chausseurs et potiers, fut méprisée par les deux autres composantes de la population. Selon les observateurs allemands, la majorité paysanne hutu n’aimait pas la domination tutsi, mais semblait se résigner à son sort. Pour les Allemands, les rois tutsi, notamment au Rwanda, semblaient bien maîtriser la situation. C’est pour cette raison qu’ils ont opté pour la collaboration avec la monarchie dans un système qu’ils appelaient «Residentursystem»[17] et ont combattu toute résistance hutu à la monarchie et aux colonisateurs allemands. Le point culminant de cette suppression coordonnée fut une campagne militaire conjointe des soldats allemands et d’une armée royale pour anéantir à jamais toute velléité d’indépendance des royaumes hutu du nord en 1911/1912. La dynastie Nyiginya fut sauvée d’une menace dangereuse.

Il est donc à retenir que toute affirmation que les groupes hutu, tutsi et twa seraient l’invention des colonisateurs ou des missionnaires chrétiens est erronée. Et toute affirmation d’une coexistence harmonieuse entre ces groupes pendant des siècles n’est pas confirmée par les faits historiques, malgré leur langue et leur religion en commun.

On a beaucoup spéculé sur l’influence de la religion, notamment catholique, sur le drame rwandais. Il est un fait que la hiérarchie catholique sur la base fondée par les Allemands et maintenue par les Belges a longtemps[18] opté pour une préférence donnée à l’oligarchie tutsi. Quand les missionnaires catholiques se sont mis du côté de la majorité de la population en vue de la création d’une église nationale après l’indépendance prévisible, la déception de la noblesse tutsi fut grande et irréparable jusqu’à ce jour. Elle ne voulait pas accepter le choix politique de la population, partit en exil et a créé une tradition terroriste avec la fondation des «inyenzi»[19] pour renverser les résultats historiques. L’indépendance fut gâchée par leurs incursions jusqu’en 1967 (voir le «relevé sommaire» de ces exactions en Annexe 4).

La réaction de la population hutu fut également brutale, notamment en 1963/1964, et l’on voit apparaître un schéma qui prévaut jusqu’à ce jour. Toute action provocante de la part des exilés a causé une réaction de force de la population hutu, avec une tendance anti-tutsi grandissante. Le génocide contre l’élite hutu au Burundi en 1972 en est le premier point culminant. Cependant, la prise de pouvoir par le Général Habyarimana avec le soutien des pays occidentaux en 1973 avait un effet calmant, et Juvénal Habyarimana est resté jusqu’à son assassinat le 6 avril 1994 une sorte de « protecteur » des tutsi. Toute comparaison de Habyarimana avec Hitler, lequel a effectivement conçu, planifié et exécuté un génocide, comme Alison Des Forges l’a faite dans « Leave none to tell the story »[20], est donc absurde pour quelqu’un qui est arrivé au pouvoir pour protéger le groupe social des tutsi menacé. En même temps, il était considéré par la communauté internationale occidentale pendant la guerre froide comme « président-développeur » et admiré en comparaison avec beaucoup d’alliés anti-communistes de l’époque, le voisin Mobutu en premier lieu. Mais, sous l’influence des crises du marché de café mondial à partir de 1985 et de la raréfaction des sols arables suite à une croissance démographique galopante, sa « démocratie militaire » montrait des signes de fatigue[21]. Ayant vécu au Rwanda entre 1980 et 1983 et étant chargé des dossiers de la coopération allemande pour le Rwanda et le Burundi entre 1987 et 1989, je suis un témoin oculaire de ces constatations.

L’environnement international au moment de l’invasion du Front Patriotique Rwandais (FPR)[22] le 1er octobre 1990

Par rapport à la majorité des chercheurs [23], j’ai toujours mis un accent particulier sur les effets de l’ingérence extérieure dans les affaires des États concernés. La catastrophe de l’Afrique des Grands Lacs n’est pas uniquement – même pas en premier lieu – une affaire africaine. Cette affirmation se justifie avant tout par le fait que toutes les armes utilisées dans les guerres ont dû être importées et pour la plupart financées par des partenaires extérieurs. Le Rwanda, le Burundi et le Congo-Kinshasa ont en commun d’avoir été sous dominance belge et d’avoir obtenu leurs indépendances rapidement et par là mal préparées sous la pression du monde extérieur. Le Rwanda et le Burundi, ayant été sous la tutelle des Nations Unies, furent déjà pendant la phase préparatoire de l’indépendance impliqués dans la lutte idéologique de la guerre froide. L’Union Soviétique s’est prononcée en faveur d’une indépendance rapide sans transformation des structures dynastiques. L’occident par contre favorisait une structure démocratique. En outre, la « révolution sociale » et républicaine de 1959-1961 avait au Rwanda l’Église Catholique comme alliée parce que l’archevêque André Perraudin favorisait la transformation de « l’église tutsi » en une «église du peuple».[24] Au Burundi, la dynastie a été maintenue en 1962 sous la forme d’une monarchie constitutionnelle avant d’être renversée par un coup d’État militaire effectué par Michel Micombero en 1966. Pendant toute la guerre froide, on peut observer une certaine sympathie de l’Union Soviétique et de la Chine populaire – et par là d’une partie de la gauche occidentale – en faveur de l’oligarichie destituée (devenue anti-catholique) se trouvant en exil en Ouganda et au Burundi notamment. Le régime de Kigali a toujours été dénoncé comme « papiste » par les milieux socialistes et libéraux de l’Europe occidentale. Dans les années 1990, quelques groupes ultra protestants («evangelicals») des États-Unis et de la Grande-Bretagne se sont ralliés à l’opposition anti-hutu c’est-à-dire anticatholique dans le cadre de l’engagement du « Prayer Breakfast Network ». Ces groupes mettent toujours en relief l’engagement temporaire[25] de l’archevêque Vincent Nsengiyumva au Comité Central du MRND, engagement qui servait plutôt à empêcher Habyarimana d’appliquer une politique de planning familial efficace qu’à favoriser une politique anti-tutsi comme on peut le lire souvent.

Début septembre 1990, le pape a «exhorté» Habyarimana de s’engager davantage en faveur d’un retour des exilés tutsi au Rwanda. Le processus de négociations déjà entamé a été renforcé ensuite. L’église catholique a par ailleurs soutenu le processus de démocratisation prôné à partir de mars 1990 – dans une concertation rare – par la France et les États-Unis. Cette concertation n’était pas appréciée par les «jeunes-turcs» tutsi en exil. Suivant les traditions «de la gauche», ils avaient opté pour une «guerre de libération » et pour l’établissement au Rwanda d’un régime autoritaire du type «maoïste»[26] selon l’exemple d’un régime militaire appelé «démocratie sans partis» mise en place en Ouganda par Yoweri Museveni.

La fin définitive de la guerre froide en novembre 1989 et la disparition de l’Union soviétique ont eu des répercussions profondes sur l’Afrique en général et le Rwanda en particulier. On n’était pas préparé à un changement tellement rapide des alliances habituées. Déjà au mois de mars 1990, le ministre des Affaires étrangères américain James Baker a rendu visite au Maréchal Mobutu, lui signifiant que les alliances de la guerre froide étaient supposées se transformer à l’avenir[27]. Les alliés de la France ont entendu le même message délivré par le Président Mitterrand au mois de juin 1990 lors du sommet franco-africain à La Baule. A cette époque, la France et les États-Unis se sont encore concertés sur l’exigence suivante : Tout soutien devrait désormais dépendre d’une plus grande légitimation démocratique des régimes alliés. Il ne s’agissait pas d’introduire « la démocratie » à n’importe quel prix. Il s’agissait plutôt d’une « démocratisation douce » répondant aux revendications démocratiques exprimées par beaucoup d’organisations autochtones. L’UDPS au Zaïre et le FRODEBU au Burundi en sont les exemples les plus frappants. La création des partis comme MDR, PSD et PL au Rwanda correspondaient à ces bouleversements historiques.

Les répercussions du bouleversement des alliances à la fin de la guerre froide sur l’État et l’exil rwandais

(a) L’État rwandais

Le Président Habyarimana était bien conscient des dangers d’un tel bouleversement du cadre international. Il craignait que cela soit une invitation à toutes sortes de rebelles de prendre le pouvoir par la force. Mais Habyarimana se résignait. En substance, il disait à M. Aurillac, ministre français de la Coopération de 1986 à 1988 : “Je vais démocratiser mon régime (…) et je serai assassiné”[28]. Mitterrand a essayé de calmer son pessimisme en donnant des garanties contre ces dangers et promettait un soutien militaire le cas échéant dans le cadre des accords de coopération militaire existants. Mais il y avait d’autres raisons sérieuses qui menaçaient la «démocratie militaire» rwandaise reposant sur le parti unique MRND et l’armée.

Comme déjà évoqué, la chute des prix de café à partir de 1985 a perturbé la situation économique. Jusque-là, le régime Habyarimana avait maîtrisé mieux que la plupart des États de la région la gestion de son économie en évitant un endettement exagéré. Le manque de terres disponibles suite à une croissance démographique galopante et les revenus diminués des producteurs de café constituaient un réel défi. Le Rwanda dépendait presque totalement des recettes d’exportation des produits agricoles (café et thé) depuis la disparition de la société minière SOMIRWA et sa fonderie d’étain en 1985. La faillite de cette société belgo-rwandaise était une sorte de « menetekel » pour la stabilité de l’ordre établi. (Mais il ne faut jamais oublier que seulement la guerre imposée par le FPR a plongé le Rwanda dans un appauvrissement effroyable.)

Une opposition contre Habyarimana s’est développée au sein de l’armée[29]. « L’affaire Mayuya »[30] et l’exil de Pasteur Bizimungu, une sorte de « poids lourd » hutu, et de Valens Kajeguhakwa, le riche tutsi avec des liens très étroits avec la famille présidentielle, en 1989, furent des avertissements fatidiques sur le plan politique. En plus, Habyarimana perdait de plus en plus le soutien, presque inconditionnel jusqu’à ce moment, des ONG de tendance protestante. L’article écrit en novembre 1992 par Helmut Keiner, un pasteur allemand servant au Rwanda, intitulé « Allmählich schwand die Bewunderung für ‘Habis’ Regime » (Tout doucement disparaissait l’admiration envers le régime de ‘Habi’)[31] dénonçant Habyarimana comme horrible dictateur fut une sorte de « cri de guerre » du côté protestant allemand.

Ce mouvement fut renforcé par une partie du monde catholique quand l’abbé André Sibomana, qui publiait des articles très critiques dans la revue catholique Kinyamateka, est devenu le « héros » de l’opposition contre le régime établi. Christian Terras de la revue GOLIAS (tendance catholique de gauche) est devenu un chantre du FPR.

Les États – je connais personnellement l’attitude allemande[32] – ont encore longuement gardé la face diplomatique et ont même défendu Habyarimana contre ses critiques. « Regarding human rights, the 1990 report of Amnesty International shows that the organization is satisfied with the situation of human rights in Rwanda. In its 1990 report on Sub-Saharan Africa, the World Bank states that Rwanda has been able to increase production without such injustices which sometimes accompany development in other countries. »[33] Le vent « officiel » a commencé à souffler dans sa face à partir du mois d’octobre 1993.

(b) La situation des exilés tutsi

Le changement du cadre international a alerté également l’opposition tutsi en exil en Ouganda et au Burundi. Les exilés aspirant, en tant que successeurs spirituels des « inyenzi » des années soixante, à la reprise du pouvoir craignaient la disparition de leurs atouts idéologiques, à savoir le manque de démocratie au Rwanda et l’inclinaison limitée du Président Habyarimana de trouver une solution pour le problème des réfugiés tutsi en Ouganda. Même avant la chute du mur de Berlin, il était prévisible que le régime de Kigali devrait céder au « wind of change » imminent. Il était également prévisible qu’une forte pression serait exercée sur Habyarimana pour trouver une solution au problème des réfugiés.

En anticipation des événements qui se sont effectivement déroulés un peu plus tard, leur network international a décidé, lors d’une conférence organisée à Washington par le Prof. Alexandre Kimenyi en 1988 – avec le soutien de Roger Winter, président de «US Committee for Refugees»[34] – de préparer la reconquête militaire parce qu’ils savaient qu’ils n’avaient aucune chance d’accéder au pouvoir par le biais d’élections démocratiques. Ces milieux étaient bien conscients que le vent de la démocratisation les empêcherait de reconquérir le pouvoir. Il fallait donc faire vite et cacher leurs vrais desseins. Dans cet objectif, ils ont présenté leur mouvement « Front Patriotique Rwandais » comme un « pressure group » de libération nationale visant un « changement démocratique » au Rwanda et le renversement de «la dictature» du MRND. Le network a bien fonctionné, et Paul Kagame[35] a bien raison en constatant : «Nous avons mené la guerre de la communication et de l’information mieux que quiconque»[36].

Mais puisque les choses se sont précipitées en 1990 sur le plan international, ils ont été obligés de lancer leur offensive à la hâte le 1er octobre, suite aux initiatives américaines et françaises déjà mentionnées et suite à la mise en œuvre presque achevée d’un règlement du retour des exilés rwandais en Ouganda. L’offensive prématurée se soldait par une débâcle.

La solution du problème de l’exil tutsi

Le premier signe de flexibilité de la part du Président Habyarimana fut un discours prononcé à Semuto en Uganda le 5 février 1988. Habyarimana proposait une commission mixte rwando-ougandaise pour trouver une solution. Au Rwanda, Casimir Bizimungu a présidé, en sa qualité de ministre des Affaires étrangères, une Commission Spéciale. En juillet 1990, en collaboration avec l’ONU, l’OUA et l’Ouganda, on a pu mettre au point un cadre de solution du problème des réfugiés rwandais. A ce propos, je me permets de reprendre les explications données dans mon rapport fourni au TPIR en 2005 :«Le FPR avait peur que la mise en exécution de l’accord bilatéral Rwando-Ougandais sur une solution pacifique au problème des réfugiés rwandais, qui avait été signé le 31 juillet 1990[37] à Kigali sous les auspices du HCR et de l’OUA, pouvait mettre à mal l’argument selon lequel le gouvernement rwandais empêchait les exilés rwandais de rentrer. Cet argument avait valu aux rebelles un soutien international fantastique, depuis la conférence de Washington en 1988. Pour empêcher la perte de cette carte maîtresse, le FPR avait tout intérêt à ce que la réunion prévue à Kigali le 24 septembre 1990 pour aplanir les obstacles restants n’ait pas lieu. Le FPR était allé jusqu’à inciter ouvertement les réfugiés en Ouganda à boycotter la première phase de l’accord qui demandait un recensement de la population des exilés pour savoir l’ampleur du problème. Le recensement devait fournir les données fiables sur le nombre de ceux qui souhaitaient retourner au Rwanda, ceux qui voulaient la nationalité ougandaise, ainsi que ceux qui voulaient conserver leur nationalité rwandaise, tout en obtenant un permis d’établissement permanent en Ouganda. Il devenait de plus en plus clair que Habyarimana, qui avait répété à plusieurs reprises qu’un retour inconditionnel et massif des exilés pouvait causer de sérieux problèmes au Rwanda, donnait de plus en plus de signes de flexibilité, surtout après la visite au Rwanda du pape Jean Paul II au début du mois de septembre 1990. La réunion programmée à Kigali pour le 24 septembre 1990 fut annulée. Une semaine plus tard, les rebelles du FPR envahirent en effet le Rwanda, et le problème des réfugiés ne pouvait jamais être résolu pacifiquement».

Donc, ce problème ne pouvait plus servir de prétexte pour la prise d’armes par les exilés tutsi en octobre 1990. Mais, ils se sont néanmoins aventurés dans une guerre pour des raisons expliquées ci-dessus.

Le déroulement de la guerre de reconquête du pouvoir par l’exil tutsi

Avant l’attaque du FPR, le Président Museveni a tout fait pour calmer les inquiétudes du Président Habyarimana concernant une invasion de « his rwandan boys ». Habyarimana avait envoyé Casimir Bizimungu, alors ministre des Affaires Etrangères auprès du Président ougandais pour l’avertir des informations disponibles à Kigali. Museveni aurait demandé à Casimir Bizimungu de demander à son président de « ne perdre aucune minute à cause de ce problème »[38]. Cette invasion du Rwanda par un groupe armé à partir de l’Ouganda le 1er octobre 1990[39] remplit toutes les conditions d’une agression non provoquée interdite par le droit international[40]. Par conséquent, d’un commun accord, les États-Unis et la France ont soutenu le gouvernement rwandais contre cette agression du 1er octobre 1990 dans le cadre de la « démocratisation douce ». Fin octobre 1990, tout le monde croyait que l’essai des « inyenzi »[41] de reconquérir le pouvoir avait échoué comme beaucoup d’autres. Mais les choses ont évolué différemment. Le président ougandais, tout en niant son soutien aux «déserteurs» de son armée, avait un intérêt vital de se débarrasser de «ses rwandais» pour des raisons de stabilité intérieure[42]. Il cherchait à convaincre ses amis, au début notamment britannique plus tard américains, néerlandais et scandinaves, que la stabilisation de son pays avec le retour des « inkotanyi » comme allié dans la guerre contre Khartoum au Sud-Soudan serait également dans leur intérêt.

Pour y arriver, différentes étapes ont dû être parcourues. Puisqu’il était impensable de trouver un soutien solide pour la reconquête du pouvoir, le FPR et ses amis ont opté en public pour un arrangement avec Habyarimana. Chaque provocation de l’État rwandais a affaibli son ordre intérieur et en même temps son soutien extérieur. La réaction du gouvernement Habyarimana à l’offensive du 1er octobre 1990 a beaucoup terni l’image de président rwandais. Les arrestations massives de tutsi à partir du 6 octobre 1990 étaient une manne pour la propagande du FPR. On ne sait toujours pas exactement ce qui se cache derrière les rumeurs d’une attaque imminente de Kigali par le FPR[43]. Le régime Habyarimana a pris un temps incompréhensiblement long pour rectifier l’erreur de ces internements. Il fallait la demande de Casimir Bizimungu, alors Ministres des Affaires étrangères, auprès du Président Habyarimana pour l’établissement d’une Commission, laquelle recommandera ensuite la libération des internés. Elle fut exécutée tout de suite après l’installation de Sylvestre Nsanzimana à titre de ministre de la justice le 4 février 1991.

La prise de Ruhengeri pendant le 23 janvier 1991, en infraction au cessez-le-feu conclu le 28 octobre 1990 entre le Rwanda et le FPR, a provoqué des exactions contre la population Bagogwe. Le gouvernement rwandais a pu arrêter ces massacres, mais le network du FPR a néanmoins pu alerter le public international contre «la fureur hutu». La stabilité interne du Rwanda fut atteinte par la pression extérieure grandissante en faveur d’une démocratisation rapide de l’État rwandais. Les partis en faveur d’un règlement pacifique avec les rebelles avaient toute confiance en leurs paroles démocratiques. Un armistice a été conclu. Le gouvernement, sous la direction d’un membre du parti oppositionnel MDR, Dismas Nsengiyaremye, fut installé en avril 1992. Il a tout de suite commencé à prendre contact avec le FPR en vue d’une solution des conflits prévalents. Mais déjà en juin 1992, le FPR cherche un prétexte pour saboter les arrangements avec ce gouvernement et a lancé une offensive au nord du pays. Un succès d’un gouvernement démocratique n’était pas du tout dans son intérêt. Cette offensive fut un succès militaire et politique. Le FPR a pu occuper définitivement un petit bout de terrain dans le nord et exercer une terreur contre la population locale qui a pris la fuite. Mais, cela n’a pas empêché « les partis de paix » de chercher un arrangement global avec le FPR. Un nouvel armistice fut conclu le 12 juillet 1992 et, entre le 18 août 1992 et janvier 1993, une série d’accords furent signés. Cela avait le risque inhérent pour le FPR de détourner ses amis de la lutte contre la « dictature Habyarimana ». Il fallait donc les convaincre que les exactions contre la population tutsi étaient insoutenable. Une action médiatique de grande envergure fut lancée.

La «Commission Internationale d’Enquête» (CIE)[44] dont les membres très liés à l’FPR (Jean Carbonare, Eric Gillet, William Schabas, Philippe Dahinden, René Degni-Segui[45] et Alison Des Forges notamment)[46] ont lancé, avant de quitter le pays le 21 janvier 1993, l’accusation infâme que Habyarimana et le gouvernement Nsengiyaremye, bien qu’engagé dans le processus de paix à Arusha, entretiendraient des « escadrons de la mort »[47] et prépareraient un « génocide ».[48] Notamment Jean Carbonare, ce «Nestor de la gauche tiers-mondiste» française, qui avait adopté l’idéologie de la « guerre de libération nationale» propagée par le FPR, a eu un retentissement énorme en France[49] en répétant à la télévision française ces accusations. Bien avant la publication du rapport de la CIE le 8 mars 1993, tous les médias occidentaux parlaient des horreurs du régime Habyarimana/Nsengiyaremye. L’objectif caché visant à faire oublier l’offensive militaire du 8 février 1993 en infraction du cessez-le-feu fut atteint.[50] La communauté internationale commençait sous cette impression d’arrêter ou au moins de diminuer leurs apports financiers à l’Etat rwandais. (On reviendra sur le rapport de la CIE au Chapitre III.)

Pour un observateur avisé, il est évident que le FPR voulait saboter un accord de partage de pouvoir en discréditant tout pouvoir à Kigali, car il est tellement hors proportion d’attribuer à un gouvernement sous la direction d’un homme comme Dismas Nsengiyaremye, issu de l’opposition démocratique et prêt à négocier un compromis politique avec l’exil tutsi, de planifier l’extinction de la population tutsi au Rwanda. L’attaque du 8 février 1993 est le point tournant du développement intérieur qui, en outre, était caractérisé par l’expression accentuée d’un régionalisme Nord-Sud.

Avant l’offensive du 8 février 1993, une partie de la communauté hutu du Sud considérait longtemps le Président Habyarimana comme « l’ennemi principal » par rapport au FPR. Mais la reprise de la guerre en février 1993, qui a coûté la vie à environ 40.000 hutu[51], a bouleversé l’échiquier politique interne. Pour la plus grande partie de la classe politique rwandaise, y compris une partie de la population tutsi, le FPR est devenu «l’ennemi N°1».

L’effet de cette offensive était catastrophique. Un million de déplacés internes se trouvaient dorénavant dans des camps de réfugiés minables autour de Kigali. Puisque l’État ne disposait plus de moyens suffisants pour accommoder dignement ces réfugiés suite à la situation économique catastrophique causée par la guerre, ces camps sont devenus un berceau pour toutes sortes d’extrémisme[52].

Le succès militaire du FPR a diminué la confiance en la volonté du FPR de chercher un compromis raisonnable avec l’État en place. Une grande partie de la population hutu commençait à faire confiance à ceux qui, dès le début de la guerre, ont affirmé que le FPR voulait rétablir l’ordre d’avant 1959.

Peu après l’offensive du 8 février 1993, tous les « partis de la paix » se sont scindés en une aile pro-FPR et une aile anti-FPR. Au sein du MRND, la lutte entre les différentes tendances (« conservateurs » vs. « progressistes », « nordistes » vs. « sudistes ») s’est aggravée. Le rôle de la « droite » de la politique rwandaise, représentée notamment par la Coalition pour la Défense de la République CDR (fondée en mars 1992), s’est accru. Dans les mots de James Gasana, ce fait se lit ainsi : « L’attaque du 8 février 93 marque le début de la bipolarisation de la société sur le phénomène FPR ».

Une voix inattendue confirme aujourd’hui cette analyse. Abdul Ruzibiza, ex-membre des forces armées du FPR et issu de la famille royale Nyiginya, qui a soumis une description détaillée des actions du FPR dans un livre paru en 2005 (RUZIBIZA 2005), disait en 2004 : « Entre-temps, il y a eu l’attaque du 8 février 1993 qui avait pour objectif de tester la capacité de marcher sur Kigali, d’évaluer le travail accompli par le Network dans la recherche des motifs de rouvrir les hostilités, même si les négociations étaient en cours. Des atrocités ont été commises à ce moment, parce que là où je me trouvais dans certaines communes de Ruhengeri, je me souviens qu’à « Base » au mois de février, les militaires qui étaient là ont tué des gens dont ils ont brûlé les cadavres. N’ayant pas pu être enterrés, ces corps se sont décomposés le long de la route et de la rivière « Base », jusqu’au moment où des militaires du GOMN vinrent à passer. Ils s’indignèrent de cet état de décomposition des corps et se permirent d’aller demander si nous n’avions pas honte de vivre avec des cadavres en décomposition. Nous avons appelé la population pour aider à enterrer ces cadavres, mais lorsque le GOMN se retira, ces gens furent également tués. C’est au même moment que débutèrent des actes cruels de destruction d’infrastructures comme les pylônes électriques de Ntaruka, des attaques des maisons d’habitations des autorités à la grenade ; je me rappelle que les maisons de Rucagu et du Colonel Gasake ont été ainsi détruites, c’était à Nyarutovu et à Cyeru. Personne ne peut oublier les atrocités commises à Ruhengeri quand les Inkotanyi se sont retrouvés dans l’impossibilité d’occuper la ville. Les gens savent ce qui s’est passé à Musanze, à l’Itiru et à Karwasa, Kigombe et Kinigi, ce qui s’est passé dans cette localité ne sera jamais oublié par les habitants de cette région. Et personne n’ignore les atrocités commises par les Inkotanyi à Ngarama, Buyoga et ailleurs. » (RUZIBIZA 2004).

Même un observateur américain, dont la perspective était influencée par sa fiancée tutsi, a dû admettre que le danger d’un nouvel éclatement de la guerre était visible : « In January 1994, I was driving my closest Rwandan friend, Victor, and his wife home from work. They lived on the side of Mount Kigali in the Nyamirambo section of Kigali. Although their house was not a palace, it was pleasant, surrounded by a beautiful garden, and was high enough on the mountainside to enjoy a magnificent view of Kigali below and the hillsides in the distance. On some of these distant hills one could make out white specks dotting the landscape. With Victor’s high-powered binoculars, one could readily discern that the white specks were tents – tents that had been placed there to accommodate the large number of internally displaced people from northern Rwanda who had fled the RPF’s 1993 February offensive. (…) That Rwanda was a country in the throes of a war was hard to ignore when one could see its consequences from a vantage point within Kigali’s city limits. » (TAYLOR 1999: 7)

Il est, en outre, particulièrement révélateur de lire à ce propos ce qu’a écrit Dallaire après la première visite de ces camps en août 1993.

“And then, in the middle of this rural idyll, we came across a hellish reminder of the long civil war. We smelled the camp before we saw it, a toxic mixture of feces, urine, vomit and death. A forest of blue plastic tarps, covered an entire hillside where 60,000 displaced persons from the demilitarized zone and the RPF sector were tightly packed into a few square kilometres. When we stopped and got out of our vehicles, we were swarmed by a thick cloud of flies, which stuck to our eyes and mouths and crawled into our ears and noses. It was hard not to gag with the smell, but breathing through the mouth was difficult with the flies. A young Belgian Red Cross worker spotted us and interrupted her rounds to guide us through the camp. The refugees huddled around small open fires, a silent, ghostlike throng that followed us listlessly with their eyes as we picked our way gingerly through the filth of the camp. I was deeply impressed by the young Belgian women’s calm compassion as she gently administered what aid she could to these desperate souls. It was obvious that she could see through the dirt and despair to their humanity. The scene was deeply disturbing, and it was the first time I had witnessed such suffering unmediated by the artifice of TV news.”[53]

Cependant, malgré ses succès militaires, les effets négatifs de l’offensive du 8 février 1993 obligeaient le FPR et ses alliées de faire une marche arrière tactique et temporaire. Une dernière fois, l’administration Clinton n’ayant pas encore développée sa politique anti-française ultérieure, un entendement entre la France et les USA imposait au FPR un retrait militaire aux positions tenues avant l’attaque.

Malgré une forte opposition interne, une campagne médiatique organisée par le network du FPR et une pression de la communauté internationale sans précédent a finalement réussi à convaincre l’État rwandais de conclure les Accords d’Arusha le 4 août 1993. L’expression manifeste de cette opposition fut la création, en juillet 1993, de la station privée « Radio-Télévision des Mille Collines » (RTLM) par des milieux proches du Président Habyarimana. Cette station avait pour vocation de contrebalancer la propagande anti-gouvernementale émise par Radio Muhabura, la station créée dans les territoires « libérés » par le FPR après son offensive en 1992. Radio Muhabura était la première « Radio de la haine », mais le monde extérieur ne s’en occupait pas. Par contre, RTLM fut tout de suite présentée par le Network du FPR comme une station de radio raciste puisqu’elle appelait – invoquant les effets de l’offensive du 8 février 1993 – la population à être vigilante concernant l’application des Accords d’Arusha. Tous les massacres survenus pendant la guerre ont été attribués par radio Muhabura à des groupes extrémistes hutu prêts à préparer un génocide anti-tutsi. Une opinion publique internationale favorable à ces hypothèses s’est créée. Aujourd’hui, on est à même d’affirmer que cette propagande se fondait sur beaucoup de mensonges, comme le prouvent par exemple les assassinats de Gapyisi et Gatabazi (voir infra).

Le rôle peu connu – et même mal compris par Habyarimana lui-même – du Prayer Breakfast Network, représenté par l’américain David P. Rawson et l’allemand Rudolf Decker[54], a contribué – en passant le message de la bonne volonté du Président Museveni – d’une façon non négligeable à l’affaiblissement de l’État rwandais. Comme par hasard, Rawson arrive à Kigali comme ambassadeur américain en décembre 1993 quand Museveni et Kagame étaient en train de préparer la « solution finale » pour Habyarimana. Rawson a dû préparer l’évacuation de son ambassade à partir du 7 avril 1994 après l’arrivée du colonel Charles Vukovic le 6 avril 1994, six heures avant l’attentat[55]. Sa présence n’était sûrement pas un hasard. C’est une claire indication que les services spécialisés américains étaient informés sur la planification de cet événement. Rawson n’a jamais révélé ce qu’il en sait[56].

Globalement, les Accords d’Arusha favorisaient le FPR, mais ils contenaient l’obligation d’organiser des élections démocratiques après une phase transitoire. Le FPR et le président ougandais, encouragés par l’armée tutsi du Burundi, ont tout de suite essayé d’éviter l’application de ces Accords. A ce moment, on pouvait apercevoir un désir évident de la France de se retirer – notamment sous l’influence d’un gouvernement de cohabitation sous Edouard Balladur – du « bourbier rwandais » le plus vite possible. Quand la France a réalisé ce désir avant Noël 1993[57], avant l’établissement du gouvernement de transition convenu à Arusha au mois d’août 1993, la voie pour la préparation de l’assaut final était libre. La propagande commença à présenter le Président Habyarimana comme le plus grand dictateur de l’Afrique. L’opinion internationale était finalement prête à croire qu’étant un «Hitler africain», il avait bien mérité sa mort. Après son voyage au Rwanda à l’initiative de Jean Carbonare[58], en 1997, l’ancien Premier ministre français, le Protestant Michel Rocard, a beaucoup contribué à maintenir cette image en vue du début des travaux du TPIR avec son long rapport de mission paraphrasant le « nazisme tropical » du régime Habyarimana[59].

Pendant la période allant du 8 février 1993 au 6 avril 1994, une dialectique meurtrière domine les événements. Tandis que la droite hutu, baptisée faussement[60] «Hutu power» par ses adversaires, a manifesté son mécontentement avec les négociations et les résultats des Accords d’Arusha, le FPR a pu cacher son mécontentement – pour des raisons différentes – avec ces Accords.

Par exemple, le discours prononcé par Léon Mugesera le 22 novembre 1992, déversant avant tout de la haine contre les partenaires du MRND dans le gouvernement de coalition, n’a pas servi son objectif de discréditer les partis d’opposition. Sur base d’une phrase anti-tutsi, ce discours s’est avéré être un «cadeau» inattendu au FPR. Ce discours a été exploité largement par la « Commission Internationale d’Enquête» (CIE). Lugan a bien démontré en outre que Habyarimana n’a jamais qualifié de « chiffon de papier » des premiers Accords d’Arusha.[61]

Se cachant derrières de telles accusations, le FPR a éliminé avec une brutalité que les médias croyaient impossible, les personnes – tutsi et hutu confondu – qui ont œuvré en faveur de l’application des Accords. On sait maintenant que Emmanuel Gapyisi et Félicien Gatabazi[62], tous les deux considérés comme des voix de la raison, ont été tués par le FPR le 15 mai 1993 et le 21 février 1994 respectivement[63]. Le FPR a longtemps pu faire croire au public que le régime Habyarimana en était responsable. L’assassinat de Gatabazi était un grand « succès » du point de vue FPR puisqu’il a entraîné l’assassinat de Martin Bucyana de la CDR, étant donné que le public croyait que Gatabazi a été tué par la CDR qui effectivement n’aimait pas du tout cet homme politique soupçonné de faire partie de la cinquième colonne du FPR. Lugan a détecté que, pendant les premières négociations avec le FPR, «les politiciens hutu» de leur part ont essayé d’«utiliser le FPR contre le président Habyarimana», manœuvre qui finalement s’est retourné contre eux (LUGAN 2004: 131).

Le 5 octobre 1993 – date cruciale pour la préparation de l’assaut définitif par le FPR et son «Armée patriotique Rwandaise» (APR)

Le retrait français avant l’établissement du gouvernement de transition prévu dans les accords d’Arusha était précédé par une sorte de « hasard historique ». Le 3 octobre 1993, 18 « marines » américains furent tués par les soldats du « warlord » Aidid à Mogadishu. Les téléspectateurs américains étaient témoins d’un traitement atroce de ces cadavres. Le Président Clinton a tout de suite « fui l’Afrique », avec des conséquences imprévisibles.

Le 5 octobre 1993, à l’occasion du débat sur la création de la MINUAR, la représentante permanente américaine auprès des Nations Unies, Madeleine Albright, a dû informer le Conseil de Sécurité que son gouvernement ne respecterait plus ses engagements pris en faveur de sa participation à la MINUAR lors de la conclusion des Accords d’Arusha le 4 août 1993. Et effectivement, à partir de ce moment, l’administration Clinton a opté en faveur de la victoire du FPR[64].

Pour protéger ses intérêts en Afrique, l’administration Clinton a commencé à coopérer avec de « willing » régimes militaires appelés « la nouvelle génération de leaders africains ». Cette « nouvelle génération » était supposée défendre les intérêts occidentaux « par procuration » suite au retrait des soldats américains de l’Afrique après la débâcle du 3 octobre 1993 à Mogadishu. Kagame et Museveni ont vite compris qu’une MINUAR affaiblie de telle sorte ne représenterait plus un obstacle majeur.

Le Président Habyarimana ne faisant pas partie de cette « nouvelle génération », il se trouvait bientôt dans le collimateur du monde anglophone. En même temps, après l’assassinat du Président burundais Melchior Ndadaye, le 21 octobre 1993, le silence américain était la première étape de l’exécution d’une politique favorisant la conquête militaire du pouvoir par le FPR. L’assassinat de Ndadaye a provoqué entre autres un flux de réfugiés hutu burundais qui se sont ralliés, notamment au sud du Rwanda, à la « bête humaine » responsable pour le génocide anti-tutsi.

Depuis cet assassinat, l’application des Accords d’Arusha n’était plus à l’ordre du jour à Washington et à Londres. La mission du Général Dallaire était organisée de sorte à ne pas empêcher cette politique et à faire croire à l’opinion internationale que l’exécution de ces Accords était toujours un objectif des Nations Unies. Déjà, en automne 1993, le premier rapport du Général Dallaire présenté au Secrétariat Général des Nations Unies est partisan et suggère le soutien de la victoire militaire du FPR.[65]

II. La propagande de la «libération nationale»

La gauche européenne et une grande partie des mouvements protestants anglo-saxons ont pris l’habitude de présenter l’action du FPR comme une « libération nationale » justifiée comme lutte anticoloniale légitime. Or, la caractérisation de l’agression du FPR en octobre 1990 comme une action de «libération nationale» est absolument aberrante vu le fait que l’État rwandais était libéré du joug colonial déjà en 1962. D’où vient l’idée de l’exil tutsi de se présenter comme un tel mouvement ?

L’idée est née avec la rupture d’un groupe de « jeunes turcs » avec la première génération de l’exil tutsi après la victoire militaire de Yoweri Museveni en Ouganda en 1986. Ces jeunes gens s’étaient joints aux rangs des maquisards ougandais et ont beaucoup contribué à leur victoire. Cela leur a donné une confiance en leurs capacités militaires pour reprendre la lutte de reconquête du pouvoir au Rwanda perdu par leurs parents. Le « héros » de cette nouvelle génération fut Fred Rwigema. Son ami Paul Kagame faisait partie des pères fondateurs de leur organisation « Front Patriotique Rwandais» FPR. Le FPR est sorti d’une organisation de réforme du parti UNAR avec le sigle RANU. Par comparaison de la RANU royaliste, le FPR a rompu dès le début avec la monarchie, sans pourtant déclarer cela ouvertement.

Sous l’influence de Roger Winter, président de « US Committee for Refugees » – par ce biais lié de longue date aux exilés tutsi en Ouganda – et d’Alexandre Kimenyi, professeur tutsi aux Etats Unis, le nouveau mouvement révolutionnaire s’est présenté comme une organisation qui voulait « libérer » le Rwanda de la dictature du Président Habyarimana. Le FPR voulait passer pour un mouvement démocratique d’union nationale. Pour cette raison, dès le début, il s’est doté d’une sorte de «troupes auxiliaires hutu», représentées notamment par le Colonel Kanyarengwe et de Seth Sendashonga, qui était adversaire du régime Habyarimana dès ses journées d’étudiant à Butare pendant les années 70.

Le FPR est passé à l’action lors d’une conférence organisée par Roger Winter et Alexandre Kimenyi en 1988 à Washington. A cette occasion un cercle restreint – à l’exclusion des participants hutu – a pris la décision d’entamer la lutte armée pour la reconquête du pouvoir à l’instar du modèle Museveni. L’idéologie de « libération nationale » – si illogique soit-elle – fut mise en avant avec beaucoup de succès.

Pierre Péan (PÉAN 2005) et Charles Onana (ONANA 2005) notamment[66] ont réussi à décrire le système de propagande politique qui a produit cette sympathie «anti-coloniale» en faveur du FPR.

La diaspora du FPR a réussi à créer un network « blanc »[67] pour faire passer ce message. Comme personnages-clé de ce network, Péan et Onana ont identifié notamment Jean Gol et Jean Carbonare, l’ex-président de l’organisation SURVIE.

Concernant Jean Gol, Pierre Péan écrit : “Jean Gol est un homme politique atypique qui a commencé sa carrière très à gauche ; proche du mouvement trotskiste, il a rejoint ensuite le mouvement régionaliste wallon avant de rallier le courant libéral, c’est-à-dire la droite laïque, et finir à droite. (…) Très marqué par la Shoa – ses parents s’étaient exilés en Grande-Bretagne pendant la Seconde Guerre mondiale et ses grands-parents avaient été tués -, Jean Gol a milité toute sa vie pour Israël et la cause sioniste. (…) Son deuxième engagement profond est humaniste. Il est initié le 26 novembre 1966 à la loge Delta, à l’Orient de Liège. (…) Je ne sais pas quand s’est produit chez lui le déclic de son engagement rwandais. Toujours est-il que plusieurs personnes sont allées vers lui à la fin des années 80, pour le convaincre de la justesse de leur cause (…) Tous ont insisté sur le parallélisme entre les Tutsis menacés de génocide et les Juifs qui en furent victimes : les Tutsi devaient être considérés comme les « Juifs d’Afrique », toujours persécutés, toujours menacés par les Hutus racistes”.[68]

L’anti-cléricalisme des libéraux belges a également contribué à adopter la cause tutsi, car les tutsi exilés sont farouchement anti-catholiques depuis la révolution sociale de 1959.

Pour l’adoption de la cause du FPR par la gauche européenne, Jean Carbonare a joué un rôle plus important encore que Jean Gol. Carbonare était par sa réputation anticolonialiste, acquise pendant sa lutte contre la guerre française en Algérie, le personnage idéal pour contacter la gauche européenne. Par le biais de l’organisation SURVIE, il a pu influencer notamment des milieux de la gauche protestante française (p.ex. l’ancien Premier ministre Michel Rocard), mais également allemande (par exemple, Ursula Eid du parti des Verts[69]).

Concernant Jean Carbonare, suivons encore une fois Pierre Péan : «Convaincu de la justesse de la cause du FPR par les membres de la diaspora tutsie, il a recouvré d’anciens réflexes, ceux qu’il avait quand il militait pour le FLN et contre la France. Vieil anticolonialiste protestant, il a réactivé des réseaux autrefois éprouvés, fait vibrer quelques cordes distendues chez d’anciens notables de la gauche, tels Jean Lacouture ou Michel Rocard, et renoué avec quelques personnalités protestantes… En très peu de temps il est devenu le grand agent d’influence de Paul Kagame en France». [70]

Il n’est pas étonnant de voir apparaître Jean Carbonare[71] sur la scène rwandaise, en janvier 1993, à titre de membre de la « Commission Internationale d’Enquête » – déjà mentionnée – organisée par Alison Des Forges. Plus tard, Jean Carbonare surgit comme conseiller spécial de Paul Kagame à Kigali.[72]

III. Planification du génocide anti-tutsi avant l’assassinat du Président Habyarimana?

Depuis douze ans, j’étudie la question de savoir s’il y a des indications irréfutables de l’hypothèse d’une planification du génocide anti-tutsi par des «extrémistes hutu», et je suis obligé de constater en toute honnêteté que personne n’a pu présenter de telles preuves. Pour souligner ce constat je voudrais brièvement analyser quelques hypothèses principales avancées, encore récemment[73], par Alison Des Forges et le Procureur en faveur d’une telle planification. (Note : La question de la définition de l’ennemi souvent présentée comme preuve pour la préparation du génocide n’est pas traitée dans ce chapitre mais dans le chapitre VII qui s’occupe de la question de «l’auto-défense»).

(a) Les accusations de la « Commission internationale d’enquête sur les violations des Droits de l’homme au Rwanda » (CIE) en janvier 1993

Le résultat de l’enquête de la CIE[74] a été présenté par HRW et FIDH comme preuve de la planification d’un génocide[75] de longue date par des « extrémistes hutu ». C’est la première fois qu’une telle accusation a été formulée à l’encontre du Président Habyarimana et le gouvernement dirigé par Dismas Nsengiyaremye. La stratégie de la diffamation utilisée par le FPR jusqu’à ce jour fut introduite.

A l’aide de cette commission, le FPR a attribué sans scrupule au régime Habyarimana une série de meurtres politiques ayant eu lieu à travers le pays. C’est ainsi que les violences de Kibilira au début de 1991, les tuerires des Bagogwe au début de 1991 et les tueries du Bugesera au début du mois de mars 1992 y sont reprises comme étant une preuve de début d’entraînement en vue de commettre le génocide. Non seulement des enquêtes ont été faites pour identifier les personnes responsables et les punir, mais des investigations neutres (Lugan, Desouter et al.,) confirment que le FPR fut toujours l’instigateur de ces violences en vue de jeter un discrédit sur le régime Habyarimana. La CIE a également exploité les « informations » à partir de la prison d’un certain Janvier Afrika sur l’existence des « escadrons de la mort »[76]. Comme on sait aujourd’hui par un Janvier Afrika repenti, l’attribution de la responsabilité pour leur organisation à Habyarimana en personne fut une pure invention. Accuser le gouvernement Nsengiyaremye, lequel s’est engagé à négocier avec le FPR, de la préparation d’un génocide était contre tout bon sens. Mais, cet incendie a atteint son but.

Surtout, les livres de James Gasana, de Robin Philpot, de Pierre Péan, de Bernard Lugan[77] et de Charles Onana ont dévoilé in extenso l’objectif de cette commission de divertir le grand public des effets néfastes de l’offensive du 8 février 1993. Pro forma, la commission a critiqué le FPR pour ses crimes de guerre, lesquels sont toujours présentés comme réactions aux actes « génocidaires » des FAR. De fait, ce rapport se range bien dans la stratégie du FPR de malmener l’opinion publique.

(b) La lettre anonyme d’un soi-disant groupe « AMASASU » du 20 janvier 1993

Cette lettre anonyme se range dans la préparation médiatique de l’offensive du 8 février 1993. Il est à noter qu’elle a été préparée juste au moment quand les « enquêteurs » de la CIE se trouvaient au Rwanda. Le 28 janvier 1993, William Shabas accusait le gouvernement rwandais de préparer un génocide contre la population tutsi. Alison Des Forges fait une équation simple : Lettre AMASASU = Bagosora[78]. Pourtant, rien ne permet de l’affirmer. Pourquoi un « commandant Mike » comme signataire aurait-il adressé au nom des officiers de la ligne dure une lettre à un président qui est présenté par Mme Des Forges et également par Filip Reyntjens comme le dur des durs ? Ces militaires étaient en contact régulier avec lui et ils avaient toutes les possibilités de le prévenir du danger que représente le FPR. Dans un pays où les informations sont rapidement répandues, l’existence d’un groupe comme AMASASU serait vite trahi. Est-ce que Bagosora et ses amis auraient couru un tel risque ? C’est peu probable.

J’attribue ce document au FPR dans son souci de divertir l’opinion publique internationale des effets négatifs que provoquera son offensive déjà programmée à cette date et qui aura lieu le 8 février 1993. Ce qui est intéressant est le fait que le Premier ministre Nsengiyaremye est présenté comme «le bon», contrairement à ses ministres «mauvais». Cela pourrait être la tentative d’isoler Léon Mugesera qui, dans un discours du 22 novembre 1992, avait diffamé tous les alliés du MRND au sein du gouvernement de coalition. La lettre AMASASU a d’ailleurs atteint un autre objectif : faire en sorte que le ministre de la défense James Gasana se croit menacé par ses adversaires au sein de l’armée et de son parti MRND. Gasana était dangereux pour le FPR parce qu’il était en mesure de mettre de l’ordre dans les rangs des FAR et d’augmenter leur combativité. Dans sa lettre de démission, Gasana a écrit : «Je me sens contraint de prendre cette décision en raison des menaces persistantes et des actions de sabotage dont je fais l’objet dans mes fonctions actuelles. Ces menaces qui me placent, ainsi que ma famille, dans une situation d’insécurité permanente, sont l’œuvre d’un groupe politico-militaire anonyme qui s’est donné pour nom ‘AMASASU’ et dont les visées restent obscures».[79]

Cet extrait montre que James Gasana a pris au sérieux les menaces dont il faisait l’objet, mais qu’il n’avait cependant pas une idée précise de l’identité des auteurs des menaces, ceux-ci ayant gardé l’anonymat.

(c) La lettre des « militaires modérés » du 3 décembre 1993 au Général Dallaire

La lettre adressée au Général Dallaire relatant un « plan machiavélique » préparé par Habyarimana est également anonyme, et personne n’en a jamais réclamé ou reconnu la responsabilité. La lettre se range bien dans la stratégie de diffamation appliquée par le FPR. Car on a de fortes indications qu’elle provient du côté FPR puisque l’auteur annonce l’assassinat de Félicien Gatabazi. Cet assassinat a effectivement eu lieu plus tard mais, suite aux recherches d’André Guichaoua, on sait que le FPR en est responsable (fait confirmé par Abdul Ruzibiza). Le TPIR possède un rapport de l’Auditorat Militaire Belge qui fut rédigé à l’issue d’une mission effectuée au Rwanda vers la fin de l’année 1994. Le Ministre rwandais de la justice, Alphonse Nkubito, a dit aux enquêteurs belges que cette lettre était une fabrication de M. Twagiramungu. Je ne puis confirmer cette affirmation de M. Nkubito. Elle démontre seulement que, déjà à cette époque, un ministre du premier gouvernement sous dominance du FPR qui l’a quitté plus tard a donné une indication visant le FPR, M. Twagiramungu étant à cette époque très proche du FPR.

(d) Le témoignage de « Jean-Pierre » du 10 janvier 1994 et la télécopie du Géneral Dallaire du 11 janvier 1994

Le « témoin » Jean-Pierre, dont la veuve a affirmé qu’il a rejoint le quartier général du FPR à Mulindi, peut être qualifié aujourd’hui sans risque d’erreur[80] d’agent du FPR.[81] Le témoignage de Joseph Bukeye devant le TPIR, le 8 septembre 2006, dans le cadre du procès « Militaires I », confirme l’identité de « Jean-Pierre ». Aboukabar alias « Jean-Pierre » Turatsinze était pendant un certain temps son chauffeur et il entretenait des contacts avec la famille Turatsinze. Il n’est pas étonnant que « Jean-Pierre » ait été considéré par le FPR comme un homme qui savait trop et qu’il ait trouvé la mort dans des circonstances cachées même à son épouse.

On se demande pourquoi l’opinion publique internationale n’a pas pris en considération dans une forme appropriée l’aveu sensationnel de son épouse. Kofi Annan devrait retirer officiellement le Rapport Carlsson (UNO; CARLSSON 1999) – préparé à sa demande – puisque celui-ci se base principalement sur les accusations de cet agent du FPR. Il n’est pas étonnant d’apprendre[82] que même le télégramme du Général Dallaire du 11 janvier 1994, adressé à Maurice Baril, son interlocuteur préféré au quartier général de l’ONU, en contournant les canaux officiels, ait été falsifié dans le sens de la planification d’un génocide. Voilà une page scandaleuse tournée de l’histoire. Tout un système de mensonges s’est écroulé.[83]

(e) Les importations de machettes

Je voudrais aborder brièvement la question des machettes importées en vue de la préparation du génocide. Malgré le fait que Desouter a très bien dévoilé ce non-sens, l’histoire introduite par Des Forges et al. est colportée jusqu’à ce jour.[84]

Voilà ce que Serge Desouter en dit : «Quelques semaines avant le génocide «le Gouvernenement» (?) aurait fait importer des machettes imihoro. Cette «preuve» est pour le moins grotesque quand on sait que chaque Rwandais a au moins sa propre machette, qui est un outil de travail courant et journalier dans toute cette région de l’Afrique. Que représente une commande pour 525.000 $USA pour toute la population rwandaise ?[85] Quelques dizaines de mille d’exemplaires ? Par ailleurs, dans le procès de Monseigneur Augustin Misago à Kigali, la question de la commande de machettes s’est avérée non fondée.[86] Au cours de sa déposition devant la Chambre I dans l’affaire Akayezu, Des Forges a soutenu la même accusation mais sans vraiment convaincre et a prétexté que les recherches sont en cours en vue de donner plus de précisions.[87] Voilà que bientôt huit ans après, ses recherches n’ont pas encore abouti !..

Or il y avait et il y a toujours plusieurs importateurs de machettes au Rwanda. Elles sont même fabriquées localement notamment par Rwandex et par des artisans villageois. Il n’y avait pas que Félicien Kabuga qui les importait de la Chine. Il y avait également plusieurs autres dont même des importateurs tutsi tels qu’Uziel Rubangura. Une grande importation avait été faite en 1993 par la société « Jobanputras qui oeuvre encore aujourd’hui au Rwanda. Cette société n’a jamais été inquiétée, et ce à juste titre ! »[88] Et que dire de la Croix-Rouge qui après 1994 était amenée à distribuer gratuitement dans les camps des réfugiés des « kits de survie » qui contenaient entre autres… une machette ?!… »[89]

Il vaut la peine de mentionner un des «side effects» de cette histoire des machettes comme «outil du génocide». L’Abbé Daniel Nahimana a témoigné le 20 octobre 2000 sur le site «Cercle solidaire» : «J’étais à Goma lors de l’épidémie du cholera. J’ai monté une équipe de ramassage des cadavres et j’ai assisté au travail des excavateurs : un cauchemar. (…) Mais je tiens à rappeler que ce cholera n’aurait pas eu lieu si on n’avait pas soustrait aux paysans qui se pressaient à la douane zairoise leurs machettes présentées par la propagande FPR comme les armes du génocide. (…) Le paysan rwandais était si bien formé en matière d’hygiène qu’il n’aurait jamais bu de l’eau du lac Kivu sans l’avoir fait bouillir. Mais n’ayant pas de machette pour couper le bois et faire bouillir l’eau, il a été la proie facile du cholera».

(f) Les listes préparées

Malgré des informations fournies par le Général Ndindiliyimana à Mme Des Forges le 19 octobre 1997, dans son livre de 1999, celle-ci a persisté « à véhiculer des inexactitudes » concernant la question des listes «of persons thought to be supporters of the RPF» trouvé le 6 mars 1993 dans la voiture du Général Déogratias Nsabimana. Ndindiliyiman a écrit : «A ce sujet vous auriez pu, au minimum, informer vos lecteurs que c’est moi-même qui ai trouvé la liste. (…) Interrogé par mes soins après sa convalescence, le chef d’Etat-major de l’armée, le Général Nsabimana, a répondu que la liste provenait du FPR». [90] Mais, elle ne fournit pas cette information au lecteur et faisait croire qu’il s’agissait d’une liste des tutsi à tuer établie par les militaires des FAR ![91] C’est un bon exemple de l’absence de fondement des soi-disant «listes à tuer» attribuées aux «extrémistes hutu».

IV. L’attentat du 6 avril 1994 et la reprise de la guerre par le FPR

L’attentat du 6 avril 1994 et la reprise de la guerre par le FPR en annihilant les Accords d’Arusha sont les facteurs-clés pour le déclenchement du génocide des tutsi. L’attentat n’est pas du tout un élément secondaire comme Mme Des Forges, le FPR et le procureur veulent le faire croire. La responsabilité du FPR pour cet attentat n’est plus à démontrer après la publication de l’ordonnance du juge Bruguière du 17 novembre 2006. Ce juge confirme les témoignages de beaucoup de dissidents du FPR, notamment d’Abdul Ruzibiza devant le TPIR le 9 mars 2006, mais également de Aloys Ruyenzi, Jean-Pierre Mugabe, Christophe Hakizabera, Sixbert Musangamfura, Joseph Matata[92] et Deus Kagiraneza.

On a une idée claire sur une partie des personnes ciblées. Du point de vue du FPR, il fallait écarter avant tout le Président Habyarimana et la partie la plus importante de la direction des FAR. Cependant, on n’a pas encore une idée claire pourquoi l’ancien ambassadeur rwandais en Allemagne Juvénal Renzaho se trouvait à bord. Est-ce qu’il en savait trop concernant les contacts étroits de l’aile allemande du Prayer Breakfast Movement avec la famille Habyarimana?

Quant au nouveau président hutu du Burundi, sa présence à bord est normalement présentée comme un hasard. A mon avis, son écartement est plutôt le résultat d’une planification prudente de la part du FPR et du Président Museveni[93]. En décapitant l’État burundais, comme le 6 avril 1994 au Rwanda, ils voulaient s’assurer de l’appui de l’Armée burundaise dans la guerre que le FPR avait décidé de reprendre au Rwanda. Les effets néfastes de la reprise de la guerre par le FPR ne sont également plus à démontrer. Car c’est juste la provocation des déplacés internes en traversant leurs camps et en les chassant de nouveau qui a déclenché la haine sans mesure de ces « défavorisés des défavorisés ». Leur fuite à travers le pays a laissé cette trace de sang inimaginable. Le monde entier a observé sans réaction appropriée ce « génocide sui generis » perpétré « par une masse contre une masse » difficilement attribuable à des individus.

V. Le Rwanda pendant l’existence du gouvernement intérimaire

Remarques préliminaires

À ma connaissance, jusqu’à ce jour, il n’existe pas encore une étude scientifiquement incontestable sur le déroulement du génocide contre les tutsi, lequel était pourtant bien observé par les services spécialisés américains[94]. Le livre «Leave None To Tell The Story» préparé en 1998 et publié en 1999 par Alison Des Forges au nom des organisations HRW et de FIDH, a été écrit avec l’objectif inavoué de servir de document de référence pour le procureur du TPIR. Malgré ses mérites incontestables, il ne peut pas être qualifié comme une étude de recherche neutre[95]. Ce livre est partisan et une bonne partie de ses affirmations ont été infirmées entre temps[96].

Ce livre ne prend pas assez en compte les provocations du FPR. Car, pour le génocide anti-tutsi, l’offensive militaire du FPR à partir du 7 avril 1994 était déterminante. À partir de cette attaque, ni le pouvoir civil ni les forces armées n’étaient plus en mesure d’arrêter les massacres. L’avis du colonel Marcel Gatsinzi, chef de l’état-major des FAR à ce moment, exprimé lors d’une rencontre organisée par Booh Booh le 15 avril 1994, est pertinent. Dans le compte-rendu de cette rencontre, on lit : Marcel Gatsinzi «regrette cependant de dire qu’il est impossible d’arrêter les massacres tant que les combats se poursuivent. Il jure que ces massacres n’ont pas été programmés». [97]

Les massacres qui ont été perpétrés contre la population tutsi notamment sont criminels sans aucun doute. Mais la question cruciale persiste : Pourquoi ce crime des crimes n’a-t-il pas été empêché ?

Cela aurait été faisable. Le «Rapport Masire» commandité par l’OUA a très bien documenté ce fait[98]. Sur la responsabilité du Conseil de Sécurité pour le sacrifice des tutsi, la vérité peut être considérée comme établie entre autres[99] par les publications de Samantha Power[100], de Linda Melvern[101], de Michael Barnett[102]. Les témoignages des différents dissidents du FPR (Abdul Ruzibiza, Aloys Ruyenzi, Jean-Pierre Mugabe, Christophe Hakizabera, Sixbert Musangamfura, Deus Kagiraneza et alii) et même celui du Général Dallaire au TPIR en janvier 2004 ont certifié que Paul Kagame avait considéré ces sacrifices « comme le prix à payer ».

Avec cet arrière fond international, un gouvernement intérimaire mis en place le 9 avril 1994 a dû prendre en charge un État décapité. Ce gouvernement ne disposait jamais du soutien international nécessaire pour lui permettre de contenir cette avalanche humaine meurtrière.

La constitution du gouvernement intérimaire

Selon ses propres mots, tard dans la soirée du 6 avril 1994, Jacques-Roger Booh Booh, le chef politique de la MINUAR, a suggéré au Colonel Bagosora de contacter Mme Uwilingiyimana «qui était légalement en fonction». Dallaire a soutenu cette position. Bagosora a «dit avec énergie que jamais les militaires ne prendraient contact avec Madame la Première ministre qui avait été rejetée par l’armée, les membres de son propre gouvernement et le peuple rwandais».[103] Néanmoins, Dallaire a essayé de la faire escorter à Radio Rwanda pour qu’elle s’adresse à la population. Cela a échoué et, dans la matinée du 7 avril, Mme Uwilingiyimana a été assassinée.

Je ne peux pas m’exprimer sur la responsabilité de cet assassinat parce que, à mon avis, l’identité des militaires qui l’ont tuée n’a pas été établie[104]. Dans un livre publié en 2005, le Général Rusatira suggère qu’une partie des militaires participant à la réunion du 7 avril était responsable de cet assassinat pour contrecarrer la majorité de cette réunion prête à coopérer avec Mme Uwilingiyimana[105]. Dans une lettre ouverte signée par les Généraux Ndindiliyimana et Kabiligi, le Colonel Renzaho, les Lt. Colonels Nsengiyumva et Setako et le Major Ntabakuze adressée au Général Rusatira à partir de la prison d’Arusha le 23 avril 2006, on lit : «Selon les déclarations des témoins devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, le Premier Ministre Agathe Uwiringiyimana a été tuée le 7 avril 1994 aux environs de 11 heures pendant que la réunion de l’ESM était en cours. Ces mêmes témoins affirment qu’elle a été tuée par une bande de militaires mutins dont les enquêtes n’ont pas jusqu’à présent déterminé avec exactitude les unités militaires aux quelles ils appartenaient. Rusatira ne peut donc pas soutenir que ces prétendus officiers proches de Bagosora ont quitté la réunion à laquelle lui-même assistait, pour commander ces mutins. Nous pouvons donc affirmer que ni Rusatira, ni ces officiers, personne ne savait, au moment de la mise en place de ce comité de crise, que le chef du gouvernement avait été liquidé par des militaires mutins, ou par des infiltrés du FPR dont des cellules clandestines étaient aussi présentes dans la Ville de Kigali». [106]

On ne sait pas si la majorité des participants à la réunion dans la matinée du 7 avril était effectivement prête à accepter l’autorité de Mme Uwilingiyimana. On ne sait pas non plus s’il s’agissait d’un meurtre politique commis par le FPR, comme par exemple dans le cas de Félicien Gatabazi. Cette hypothèse n’est pas à exclure à priori vu le fait que le FPR n’était pas disposé à négocier un partage de pouvoir avec qui que ce soit.

Booh Booh fournit un document qui explique en partie pourquoi Bagosora avait mis en doute la possibilité de Mme Uwilingiyimana de gagner la confiance d’une armée qui était supposée se battre contre le FPR. Dans un compte-rendu d’une réunion du 15 janvier 1994, l’incident significatif suivant a été retenu : «D’entrée de jeu, le président Habyarimana a engagé une vive polémique avec sa Première ministre Agathe Uwilingiyimana qu’il accusait d’avoir fait échouer les cérémonies de prestation de serment des députés et des ministres le 5 janvier. (…)

Visiblement blessé dans son amour propre, Madame la Première ministre a interpellé sans ménagement le chef de l’Etat, le traitant de fourbe qui chercherait à faire échouer l’accord de paix d’Arusha qu’il n’a pas hésité à appeler quelque part ‘chiffon de papier’. Prenant le représentant spécial et l’ambassadeur de Tanzanie à témoins, Madame la Première ministre, très indignée, a déclaré que ‘les Rwandais sont des menteurs et que cela fait partie de leur culture. Dès le jeune âge on leur apprend à ne pas dire la vérité surtout si cela peut leur nuire’, et a conclu que ‘le premier menteur du pays c’est Habyarimana’, qu’elle a pointé du doigt».

Commentaire Booh Booh : “Le divorce était consommé entre le président et la Première ministre”. [107] À ce commentaire, il faut ajouter que la mention du ‘chiffon de papier’ était une insulte à l’endroit d’Habyarimana, étant donné qu’il n’a jamais caractérisé les premiers Accords d’Arusha de cette façon. Habyarimana a pourtant dit, le 15 novembre 1992 : «Moi-même, au nom du MRND, je dis que le MRND soutient les négociations. Je les soutiens personnellement dans l’espoir qu’elles nous ramèneront la paix. Mais la paix, ce n’est pas les papiers, la paix c’est le cœur, la paix viendra quand tous les rwandais auront compris que celui qui parle en leur nom a dit ce qu’ils désirent. Qu’il n’a pas parlé au nom de tel ou tel parti, qu’il a respecté le mandat du Gouvernement, c’est ce que nous lui demandons. (Traduit par Eugène Shimamungu. (Voir LUGAN 2006 :55).

Bernard Lugan a longuement décrit ses réflexions sur les événements qui ont suivi l’attentat. Il arrive à la conclusion que la constitution du gouvernement intérimaire n’est pas le résultat d’un coup d’État militaire et que la position du Général Dallaire de déclarer Mme Uwilingiyimana comme chef d’État intérimaire ne se justifiait pas. Le refus du Colonel Bagosora d’accepter cette proposition a «fait dire au général Dallaire qu’un coup d’État est en marche et la littérature va dupliquer ses propos. En disant cela le général va peut-être vite en besogne. Depuis le 1er janvier 1994, dernier jour du mandat du gouvernement provisoire, Agathe Uwilingiyimana n’a plus de légitimité et son gouvernement ne gouverne plus, même si, en théorie il expédie les affaires courantes. Quant au GTBE, comme il n’a pas été installé, il n’a par définition aucune réalité institutionnelle. Par voie de conséquence, le Premier ministre, faisant fonction mais n’exerçant pas, a une ‘existence légale’ toute relative, pour ne pas dire discutable». [108]

La question de savoir si Mme Uwilingiyimana était habilitée à diriger le Rwanda après la disparition du président Habyarimana est devenue théorique le 7 avril 1994. Il fallait trouver une autre solution puisque le FPR n’a pris aucune initiative d’établir un gouvernement d’union nationale. S’il l’avait voulu, on aurait pu faire appel à Faustin Twagiramungu qui se trouvait sous la protection du Général Dallaire. Il était mandaté par les Accords d’Arusha pour présider le « Gouvernement de Transition à Base Elargie » (GTBE). Mais le FPR n’a pas demandé à Dallaire d’entreprende des démarches en ce sens.

Faute d’une réaction constructive du FPR, mais à cause surtout du fait que le FPR a lancé une attaque sur tous les fronts dès la nuit du 6 au 7 avril 1994, transformant ainsi une situation de paix (accords de paix d’Arusha) en situation de guerre, les militaires ont d’abord créé un Comité de Crise qui a géré le pays depuis le 6 avril 1994 au soir jusqu’au 9 avril 1994 à 10h00. Ensuite, ils ont demandé aux partis politique qui géraient le pays depuis avril 1992 de mettre en place un Gouvernement. Les Chefs des 5 partis politiques se sont rencontrés et ont décidé d’un programme politique d’un nouveau Gouvernement qui a prêté serment le 9 avril 1994. Sur la base des informations disponibles, on peut exclure l’hypothèse d’un coup d’État militaire planifié.

Tout observateur avisé doit reconnaître aujourd’hui que les personnalités qui se sont réunies en comité de crise tard la nuit du 6 avril 1994 étaient stupéfaites. Laissons parler un témoin oculaire. Le Colonel Marchal a dit dans un discours prononcé à Paris le 4 avril 2003 :

“Un comité de suivi composé des officiers supérieurs de l’armée et de la Gendarmerie s’y était constitué, afin d’analyser la situation et de prendre les mesures d’urgence qui s’imposaient suite à la disparition du chef de l’Etat et du Chef d’Etat-major de l’Armée. A aucun moment, et j’insiste, à aucun moment, je n’ai éprouvé de sentiment que je me trouvais face à des gens qui avaient organisé un coup d’Etat. Malgré le temps qui passe, le souvenir que je garde de ce moment historique, est toujours très précis dans ma mémoire, je sais que je me suis retrouvé en face d’hommes profondément désemparées par ce qui venait d’arriver. Leur façon de se comporter, l’intonation de voix, un doute exprimé, l’expression des visages, une question qui laisse percevoir la peur, sont des signes qui ne trompent pas. Sans la moindre hésitation, j’inclus également dans cette appréciation le Colonel Bagosora, du moins, pour les premières heures qui ont suivi l’attentat sur l’avion présidentiel. J’ai la ferme conviction que si les organisateurs de l’attentat s’étaient trouvés en ce moment-là autour de la table, cette réunion se serait déroulée tout à fait autrement. Et qui plus est, dans pareilles circonstances, la MINUAR était franchement invitée à participer à cette réunion”. [109]

Après la prestation de serment du 5 janvier 1994 du Président Habyarimana sur base de la constitution transitoire, les assassins du Président Habyarimana savaient que le pays se trouvait dans un vide institutionnel. Et puisque le FPR, comme co-signataire des Accords d’Arusha, refusait l’installation d’un gouvernement de transition prévu dans ces Accords, ceux-ci n’étaient plus applicables. En plus, le 9 avril 1994, Kagame a proclamé dans un «communiqué officiel à ‘Radio Muhabura’ la caducité des Accords d’Arusha»[110]. Cela confirme qu’il n’y avait presque pas d’autres choix, si on voulait rester dans un cadre constitutionnel, que de se référer à la Constitution de 1991 tout en respectant dans une certaine mesure les Accords d’Arusha. Pour démontrer la bonne volonté vis-à-vis du monde extérieur le Président Sindikubwabo qui n’était pas un « poids lourd » de la politique rwandaise fut choisi selon la Constitution de 1991 tandis que Jean Kambanda représentait une certaine continuité des Accords d’Arusha où son parti MDR l’avait déjà proposé comme Premier ministre de la transition.

Le gouvernement qui prêtait serment le 9 avril 1994 avait la volonté de rétablir la paix et la sécurité et de tout faire pour qu’un Gouvernement de Transition à Base Elargie soit mis en place dans une période de six semaines. Ce Gouvernement s’était attendu à ce que la Communauté Internationale aille lui prêter main forte surtout en l’aidant à parvenir à un cessez-le-feu rapidement. Du reste, ses émissaires tels que le Ministre Jérôme Bicamumpaka (Affaires Etrangères), le Ministre Casimir Bizimungu (Santé) et le Ministre André Ntagerura (Transports et Communication) recevaient des encouragements de la part de divers interlocuteurs internationaux durant leurs missions diplomatiques à l’extérieur du Rwanda. Mais la Communauté Internationale minait les actions positives du Gouvernement Intérimaire en retirant les casques bleus et en imposant un embargo sur les armes contre le Gouvernement de Kambanda alors que le FPR recevait des armes en abondance.

Malgré ses intentions raisonables, dans les circonstances prévalantes le gouvernement intérimaire doit être considéré plutôt comme fictif puisque ni le FPR ni la Communauté Internationale ne voulaient pas promouvoir le rétablissement de la paix et de l’ordre intérieur. Les grands de ce monde ont contrecarré l’établissement d’un vrai gouvernement puisque cela aurait perturbé la victoire militaire du FPR.

Dallaire est un témoin oculaire valable pour démontrer que l’autorité du gouvernement était très limitée. Il a fourni une description éloquente de l’atmosphère triste juste après la cérémonie de la prestation de serment :

«J’ai rencontré [à l’Hôtel des Diplomates] un certain nombre de ministres et leurs familles qui faisaient leurs valises et mettaient leurs biens dans leurs véhicules. Personne n’a voulu s’arrêter et me parler, chacun étant fort occupé à sortir de la ville. (…) Cette scène m’a fait davantage penser à la chute de Saigon qu’à l’installation d’un gouvernement déterminé à prendre le contrôle du pays». [111]

Il est un fait que ce gouvernement était pendant son existence presque toujours en fuite. Cependant, le Procureur a tendance de le responsabiliser complètement des crimes commis contre la population tutsi en 1994. Alison Des Forges a répété maintes fois son credo : «C’était une époque de conflits graves, de stress sérieux, mais ce n’était pas une situation de chaos ou d’anarchie. Les autorités ont continué à administrer, les ordres militaires étaient suivis, les civils recevaient des directives de la part de leur bourgmestre comme à l’accoutumée, de la part de leurs conseillers, de leurs responsables». (TPIR, 9.7.2002). Il paraît qu’elle a oublié que son organisation Human Rights Watch (HRW) a parlé encore au mois de mai 1994 du «”Président” du gouvernement fantoche, Théodore Sindikubwabo…» pour responsabiliser l’équipe gouvernementale plus tard pour l’éruption de la haine anti-tutsi tout en sachant que la communauté internationale, le Conseil de Sécurité en premier lieu, lui refusait les moyens pour arrêter «la fureur» meurtrière.

Une telle position ignore à dessein toutes les actions du FPR et de la communauté internationale visant à empêcher ce gouvernement de travailler « comme à l’accoutumée ».

Les actions du gouvernement intérimaire

Même si l’on reconnaît que formellement le gouvernement existait, il ne faut jamais oublier qu’il s’agissait pendant toute son existence d’un « gouvernement en fuite». La question de savoir si cette fuite était volontaire ou si le gouvernement a été, selon Kambanda[112], «chassé» par Marcel Gatsinzi, le chef de l’état-major intérimaire, est d’une importance secondaire. Ce gouvernement pouvait se doter de quelques signes extérieurs d’un gouvernement à son siège intérimaire près de la ville de Gitarama, mais la plupart des observateurs est de l’avis que ce gouvernement n’a jamais pu prendre effectivement le contrôle du pays. Il y avait un vide étatique complet avec quelques centres de décision occupés obligatoirement par les FAR dans une situation de guerre. Puisque le FPR a refusé les propositions du gouvernement intérimaire pour conclure un cessez-le-feu, il n’avait pas de possibilités de rétablir l’ordre dans le pays. Le désordre existant fut le préalable pour le génocide et la victoire du FPR.

Le retrait des casques bleus belges de l’École Technique Officielle et les massacres rendus possibles par ce départ le 12 avril 1994 furent un encouragement aux assassins. Le gouvernement ne pouvait plus compter du tout sur un soutien neutre à partir du retrait quasi-complet des casques bleus de la MINUAR par la décision du Conseil de sécurité le 21 avril 1994. Le gouvernement intérimaire ne disposait pas des moyens pour résister aux massacres. La présence de ses représentants à New York était sans utilité pratique parce que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont saboté toute initiative d’intervenir contre les assassins déchaînés. Cela se réfère même à la France qui est souvent accusée d’avoir soutenu le gouvernement intérimaire. Le Président Mitterrand était prêt à intervenir en faveur des tutsi pour empêcher un génocide.

Mais Édouard Balladur, son Premier ministre, s’y opposa fortement. Le 21 juin 1994, il a adressé une lettre au Président Mitterrand refusant tout nouvel engagement militaire français unilatéral: «Je suis frappé de notre isolement. Certes, les bonnes paroles et les encouragements ne font pas défaut. Mais il ne faut à aucun prix nous embourber seuls, à 8.000 kilomètres de la France, dans une opération qui nous conduirait à être pris pour cibles dans une guerre civile».

Balladur a confirmé cette position dans un article paru au FIGARO le 23 août 2004 : «Lorsque les massacres ont commencé à Kigali dans la nuit du 6 avril 1994 après que l’avion transportant le président Habyarimana eut été abattu, la présence militaire française n’est plus alors constituée que par une trentaine d’hommes, notre désengagement massif s’étant réalisé à compter d’octobre 1993. Le lendemain 7 avril 1994, dix Casques bleus belges sont assassinés et le Conseil de sécurité décidera, le 21 avril, le retrait des 2 500 soldats de la Minuar. Parallèlement, les forces françaises dans le cadre de l’opération Amaryllis évacuent entre le 8 et le 14 avril, date de rapatriement des derniers militaires français, environ 1 250 ressortissants français et étrangers. Le 8 avril 1994, la France décide de mettre l’embargo sur les ventes d’armes à destination du Rwanda. De fait, la dernière autorisation d’exportation des matériels de guerre (AEMG), déjà limitée depuis 1993 aux seules ventes de pistolets et de parachutes, remonte au 6 avril 1994. (…)

D’aucuns estimaient, comme certains responsables militaires, qu’il fallait intervenir militairement dans Kigali où se trouvaient stationnées, en vertu des accords d’Arusha, des forces du FPR. J’ai toujours rejeté cette solution, qui nous aurait impliqués dans la guerre civile, sans aucune chance de succès. Entreprendre, en effet, une intervention militaire aurait inévitablement entraîné la France dans une opération du type d’une expédition coloniale où elle serait apparue inévitablement comme le soutien du gouvernement hutu. Ce résultat aurait été désastreux et un tel choix contraire à la position adoptée par la France, qui, en application des accords d’Arusha, avait procédé au retrait des militaires français et estimait qu’elle n’avait à soutenir ni un homme, ni un groupe, mais des principes et une politique».

Analysant la situation avec une distance de 12 ans, on pourrait reprocher au gouvernement intérimaire de ne pas avoir compris que la communauté internationale avait opté pour une victoire militaire du FPR et que la résistance militaire était vouée à l’échec. Mais l’acquisition d’une telle clairvoyance fut rendue difficile par le fait que les grands de ce monde n’ont jamais avoué publiquement cet objectif. Kambanda et les FAR voulaient résister aux rebelles FPR jusqu’à ce que la communauté internationale les soutiendrait dans leurs combats contre cette invasion illégale. Cet espoir était compréhensible mais irréaliste vu l’embargo mentionné par Balladur. Le Premier ministre français a limité à tout prix l’«Opération turquoise» à deux mois laissant à la vengeance meurtrière une partie de la population sauvée par cette opération. Il est émouvant de lire chez le Colonel Hogard le sort réservé à trois personnes de bonne volonté, à savoir le sous-préfet Théodore Munyangabe, le major Augustin Cyiza et le Ministre de l’Intérieur Seth Sendashonga, qui ont bien voulu mettre de l’ordre dans la préfecture de Cyangugu après la défaite. Ils ont tous les trois été assassinés par le nouveau régime[113].

Lugan a résumé la situation : «À la fin du mois de mai, l’étau de l’APR se referme sur Gitarama. Le 2 juin, le gouvernement Kambanda, totalement dépassé, quitte Gitarama pour Mayamba en préfecture de Gisenyi».[114] C’est à ce moment que l’on peut dire à juste titre que le gouvernement intérimaire ne justifie plus d’être appelé «gouvernement». Un gouvernement qui avait existé un certain temps, mais qui n’a jamais disposé des moyens pour fonctionner, se trouvait en fuite et n’existait pratiquement plus. Lui attribuer une responsabilité pour l’ordre public est un non-sens. L’affirmation du Général Rusatira que les Rwandais auraient pu gagner la guerre s’ils avaient été prêts à lutter – sous son commandement bien sûr – manque également de bon sens. [115]

Malgré une littérature abondante attribuant au gouvernement intérimaire la responsabilité pour le génocide des tutsi, les informations objectives sur la vie quotidienne et sur les démarches politiques de ce gouvernement sont rares. Cela se comprend dans la mesure où la communauté internationale a tout intérêt de le présenter comme une institution organisatrice d’un génocide.

Mais cela est également dû au fait que le chef de ce gouvernement a plaidé coupable devant le TPIR. Le « grand procès » n’a donc pas eu lieu étant donné que cette déclaration a permis aux juges de prononcer directement un jugement. Que ce jugement était tout à fait contraire à ce que Kambanda attendait n’a pas permis de constituer la vérité. Sa condamnation à une peine de prison à vie a longtemps porté préjudice aux autres membres de ce gouvernement accusés devant le TPIR. On peut cependant espérer que l’époque où simplement la présence au sein de ce gouvernement était suffisante pour être présumé coupable est révolue avec les acquittements de deux anciens ministres du gouvernement intérimaire.

Il ne s’agit pas ici de traiter en détail le sort et le comportement étrange de Jean Kambanda[116]. Pour de plus amples informations, le lecteur est renvoyé aux livres de Thierry Cruvellier[117] et de Charles Onana[118]. Ce qui importe ici, c’est de savoir si les deux objectifs du gouvernement Kambanda – décrits dans des documents préparés après sa condamnation –– à savoir : (a) le soutien aux FAR pour lutter contre les combattants du FPR et (b) l’appel à la population de combattre les envahisseurs et leurs aides à l’intérieur du pays dans une sorte de «levée en masse» —  étaient illégales et s’il avait pu empêcher les massacres.

Mes conclusions : Kambanda n’avait pas de chance de rétablir l’ordre et d’empêcher la « bête humaine » lâchée par le FPR via l’assassinat de la direction du pays le 6 avril et provoquée par les massacres commis par le FPR des déplacés internes pendant la reprise de la guerre. Dans un petit pays avec des structures de communications informelles très développées, ces massacres furent connus par la population. Selon moi, même le discours prononcé par le Président intérimaire Théodore Sindikubwabo le 19 avril 1994 dans une situation fort désagréable pour lui[119], ne peut pas être interprété comme une incitation à l’extermination des tutsi. Il n’avait pas d’autre choix que d’appeler la population à la résistance contre les envahisseurs du FPR.

Les relations du gouvernement intérimaire avec les FAR

La démonstration de l’implication de l’armée rwandaise dans le génocide est une des tâches attribuées aux procès contre les militaires accusés. Ayant eu l’occasion de témoigner dans un de ces procès en 2005 et par conséquent, ayant été obligé d’étudier cette question, je ne peux que constater que cette preuve n’a pas encore pu être établie.

Même si on veut admettre que Jean Kambanda exagère quand il dit que le gouvernement intérimaire a été «chassé» de Kigali le 12 avril 1994 par Marcel Gatsinzi, cela donne d’une part une certaine indication sur la faible position du gouvernement et cela explique d’autre part partiellement pourquoi Gatsinzi fut remplacé dans ces fonctions par le Colonel Augustin Bizimungu le 16 avril par le gouvernement intérimaire. Je me retiens de spéculer trop sur cette décision. Je refuse seulement de l’interpréter comme un acte de planification du génocide. Après avoir signé le «Communiqué du commandement des Forces Armées Rwandaises» du 12 avril 1994[120] «rendu publique à l’insu»[121] du gouvernement, comme précise le Général Rusatira en 2005, il est compréhensible que Kambanda ne pouvait plus avoir confiance en cet homme. On peut même considérer la publication de cette déclaration à l’insu du gouvernement comme une tentative de coup d’État de la part des militaires dits modérés. Mais ce qui est beaucoup plus important c’est le fait que cette offre de dialogue avec le FPR, reprise quelques jours plus tard par le gouvernement intérimaire lui-même, fut rejetée par Kagame.

Le gouvernement intérimaire et les milices

Pour le grand public, il semble être un fait que les milices, notamment Interahamwe du MRND, ont une très grande responsabilité pour l’organisation du génocide. Sans vouloir contredire cette supposition, il faut néanmoins constater que le TPIR, en convainquant Dieudonné Niyitegeka de coopérer avec le Procureur et en lui fournissant une nouvelle identité, a laissé passer une grande chance. Il paraît que le public ne connaîtra jamais le contenu des vingt-six cassettes de l’enregistrement de ses déclarations entre 1997 et 1999.[122] C’est déplorable et cela nourrit le soupçon qu’il y a quelque chose à cacher et qu’il n’a pas dit ce que l’on attendait de lui.

Il est un fait qu’il y avait un changement complet du rôle des milices avant et après le 6 avril 1994. Avant cette date, les milices des partis politiques ont pris part dans la lutte d’influence brutale, il faut le dire, entre ces partis. Après cette date, on les a apparemment perçus souvent sur les horribles barrages de route. Mais on n’a pas pu établir avec exactitude, comme les procureurs et Mme Des Forges le prétendent, que le gouvernement commandait leurs actions. Avant le 6 avril 1994, les miliciens de chaque parti séparés et bien identifiables comme entités différentes ayant leurs propres uniformes ou signes d’identification. Après le 6 avril 1994, les miliciens appartenant à différents partis ne portaient aucun uniforme mais ils se sont fusionnés (Interahamwes, Abakombozi, Inkuba, Impuzamugambi ensemble). Un haut cadre oeuvrant pour le Comité International de la Croix Rouge (CICR) en avril 1994, le témoin WFQ1, a constaté que certaines personnes qui étaient actives aux barrières durant la période du génocide se sont présentés à lui après la victoire du FPR en juillet 1994 en portant des uniformes militaires du FPR.

Je ne peux en dire mieux que ce qu’en dit Bernard Lugan. «La création des milices en 1992 permet-elle, comme l’écrit Prunier, de soutenir que le génocide était en préparation à cette date ? Non, car tous les partis s’étaient dotés de telles forces supplétives destinées à l’origine à maintenir l’ordre durant les réunions publiques. (…)’ et même le parti totalement étranger à l’idéologie génocidaire et plus généralement à l’«ethno-nationalisme hutu» comme l’était le PSD avait la milice, les Abakombozi (Libérateurs)». [123]

On peut ajouter simplement que le parti MRND ne fut pas le premier à créer les milices, contrairement à l’opinion largement répandue. Ce fut en réaction au parti MDR qui le fit le premier. A ce propos, Eugène Shimamungu écrit[124] : «L’ex-Premier Ministre Nsengiyaremye Dismas a créé la première milice, les “Inkuba” “la foudre”, contrairement au principe n°4 de la Charte politique” (…) C’est en réaction contre cette violence que les Interahamwe vont être créés sur une idée d’un conseiller politique chargé de la stratégie du MRND, Anastase Gasana (…), partisan d’une ligue forte de la jeunesse du parti MRND». [125]

Dans son livre, Shimamungu[126] affirme d’ailleurs que le fondateur des Interahamwe est Anastase Gasana, lequel rejoindra plus tard le parti MDR, et fut ministre des affaires étrangères dans le gouvernement de Mme Uwilingiyimana. Il fut même reconduit sous le gouvernement du FPR. Rien n’exclut qu’il ait pu être un infiltré du FPR, d’abord au parti MRND, puis au MDR, après ses premiers contacts avec Alexander Kimenyi[127], «l’idéologue en chef» du FPR qui l’aurait inspiré à créer l’organisation Interahamwe. [128] Dans une lettre adressée à Kofi Annan le 5 mai 2001, Félicien Kanyamibwa, le coordinateur général de l’organisation OPJDR (Organization for Peace, Justice, and Development in Rwanda) demandait d’ailleurs à l’ONU de refuser l’accréditation comme représentant du Rwanda auprès des Nations unies à Gasana Anastase, suite à son passé politique qui laissait à désirer[129].

Ces faits sont à considérer à la lumière des témoignages d’Abdul Ruzibiza (RUZIBIZA 2004) et d’Aloyis Ruyenzi (RUYENZI 2004), qui affirment que le FPR avait infiltré les Interahamwe par ces agents, ne s’opposa pas aux milices, mais les utilisa. Aloys Ruyenzi a affirmé en janvier 2005 que Kagame « committed some of his crimes under the disguise of INTERAHAMWE » (Voir Annexe 5).

VI. Droit à la résistance contre l’agression de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) ?

Malgré la propagande en faveur des « libérateurs nationaux », il faut insister sur le droit et le devoir de l’État rwandais de défendre l’intégrité du territoire rwandais. Ce droit à la défense contre une agression extérieure ne peut être refusé à aucun État membre de la famille des Nations Unies. La défense contre une armée constituée majoritairement par des exilés était par conséquent légitime. Appeler «l’Armée Patriotique Rwandaise» du FPR «une armée tutsi» n’est pas une incitation au génocide. «L’ennemi» de la guerre déclenchée par le FPR était en effet majoritairement «tutsi». Évoquer ce fait ne peut pas être interdit et ne peut en aucun cas être interprété comme une position «génocidaire».

Mais c’est justement cela que la communauté internationale a suggéré à partir du mois d’octobre 1993 quand elle a commencé à adopter la position du « network tutsi » en faveur de la victoire militaire du FPR. Le génocide contre la population tutsi est la conséquence presque inévitable du chaos qui découlait de cette décision. Pour divertir le monde entier de ce fait, le gouvernement intérimaire est utilisé comme « bouc émissaire » du drame rwandais. Cette attribution de la responsabilité doit cacher le refus de la communauté internationale de tout soutien aux personnes en danger. N’oublions pas, en outre, que l’administration Clinton a interdit à son personnel d’appeler ces crimes un «génocide» jusqu’au moment de la victoire du FPR[130]. Il faut rappeler en plus que la communauté internationale refuse jusqu’à présent cette caractéristique aux victimes, des hutu en général, des massacres massifs survenus en territoires sous la domination du FPR. Ce qui est pire, toute investigation officielle concernant ces victimes[131], reconnues au moins partiellement même par le TPIR[132], a officiellement été refusée jusqu’à présent.

VII. La stratégie de guérilla et l’auto-défense de la population[133]

Remarque introductive

Le Procureur a introduit un document anonyme (P106) qui suggère effectivement que les mesures de défense civile visaient la mort du plus grand nombre de tutsi. Or, comme beaucoup d’autres documents de ce genre introduits par Mme Des Forges, ce document présente toutes les caractéristiques pour être considéré comme faux[134]. Je ne prends pas, par conséquent, ce document en considération. Par contre, les directives du Premier ministre Kambanda concernant la défense civile sont authentiques et sont analysées brièvement ci-dessous.

Quand Paul Kagame a pris la direction de l’APR vers la fin de l’année 1990, il a, comme déjà mentionné, tout de suite appliqué une stratégie de guérilla qui terrorise par définition la population civile. Il était inévitable que le problème ethnique revienne à la surface étant donné que les rebelles étaient vus comme la branche armée des exilés tutsi du Burundi et de l’Ouganda. Et tout le monde savait que les tutsi de l’intérieur pouvaient devenir la cible de la haine ethnique. Nous savons par les témoignages des différents dissidents du FPR que c’était bien l’objectif de Paul Kagame. Quand j’ai commencé à exprimer le soupçon qu’il a voulu se débarrasser des tutsi de l’intérieur comme concurrents dangereux pour l’établissement de sa dictature, cela m’a valu des critiques démesurés. Il est absolument surprenant de prétendre, comme Mme Des Forges le fait depuis toujours, que le problème ethnique et la guerre puissent être séparés.

Néanmoins, le gouvernement rwandais avait réussi à limiter le danger et les dégâts jusqu’à l’assassinat du président Habyarimana. Pourtant, le monde entier a pu observer que l’offensive du FPR du 8 février 1993 et l’afflux massif de déplacés de guerre autour de Kigali avait créé une situation explosive et à peine traitable. Mais, jusqu’à l’assassinat du président rwandais, la bombe de la haine ethnique n’avait pas pu exploser. La question ethnique s’est aggravée au début de l’année 1991 quand Paul Kagame a opté pour la guérilla. Historiquement, la réponse contre une telle stratégie a toujours été une sorte d’autodéfense. Au Rwanda, il était évident que la guérilla allait amener le « syndrome de la cinquième colonne», contre la population tutsi de l’intérieur.

En conséquence, ce n’était pas une expression de haine ethnique quand quelques officiers dont la tâche était de déterminer qui était l’ennemi ont déclaré dans un document que le tutsi collaborant avec l’ennemi principal, donc le FPR, devenait par extension un ennemi. Dans l’élaboration de ce document évoqué toujours par Alison Des Forges comme un document préparant le génocide anti-tutsi[135] a pris part, entre autres, Augustin Cyiza, qui ne peut pas être soupçonné d’avoir été un extrémiste anti-tutsi[136]. Marcel Gatsinzi, cet homme qui passe pour un modèle de «hutu modéré», y a également participé. Ni les militaires ni le gouvernement intérimaire n’ont jamais dit que tous les tutsi étaient des ennemis. Le document définissant l’ennemi fait la différence entre les hutu/tutsi qui veulent changer le gouvernement par des moyens démocratiques et ceux qui veulent renverser le gouvernement par la force.

La guérilla avait une tradition spécifique au Rwanda. Comme décrit dans une interview avec Aloys Ngurumbe[137], le parti monarchique UNAR créa en 1961 des milices, plus tard connues sous l’appellation d’INYENZI[138], essayant par tous les moyens de terroriser[139] les leaders hutu qui exigeaient des changements démocratiques dans le pays. Cela n’a pas produit l’effet escompté. Mais quand les hutu ont appliqué la même stratégie en 1963 après l’invasion des forces monarchistes, ce fut un « succès » macabre. En effet, après la mort de quelques 10.000 tutsi dans le pays, le parti UNAR et son armée arrêtèrent l’invasion. L’UNAR ne voulait pas sacrifier la population tutsi qui était restée à l’intérieur du pays.

Dès le début, les chefs du FPR étaient déterminés à ne plus appliquer une telle retenue. Ils couraient le risque de voir massacrer des milliers de tutsi de l’intérieur. Les rumeurs disent que les leaders du FPR n’informèrent pas les anciens représentants de l’UNAR de leurs plans d’invasion d’octobre 1990, de peur qu’ils ne s’y opposent pour éviter des représailles contre les tutsi.

Il fait partie de la tragédie rwandaise que, après l’attentat du 6 avril 1994, les Interahamwe et la radio RTLM voulaient faire croire à la population que la stratégie appliquée en 1963 pouvait fonctionner de nouveau. Ils n’ont pas compris, ou ne devaient pas le comprendre, que le FPR était déterminé à sacrifier[140] – comme l’a souligné le Général Dallaire au TPIR en janvier 2004 – un grand nombre de tutsi. Ce n’est que le 25 juin 1994 que la RTLM a appelé les hutu à arrêter de tuer les tutsi. C’est seulement à cette date que les propagandistes de la RTLM se sont rendus compte que le FPR n’était pas disposé à arrêter la guerre, et qu’au contraire la mort des tutsi justifiait la position du FPR devant la communauté internationale quand il disait qu’il se battait pour combattre les „génocidaires“[141].

Il faut souligner par ailleurs le caractère tout à fait différent de la RTLM avant et après le 6 avril 1994. Avant l’attentat, cette radio représentait la droite hutu qui essayait de contrebalancer la propagande contre Habyarimana de la Radio Muhabura du FPR. RTLM est devenue seulement après l’attentat « la radio qui tue ». Suite aux témoignages de Ruzibiza (notamment celui du 9 mars 2006 à Arusha) et de Ruyenzi, on dispose de fortes indications que la RTLM a été infiltrée par le FPR dans l’objectif de garantir une propagande anti-tutsi qui nourrissait la sympathie du monde entier envers le FPR.

Comme Lugan le met en évidence, la stratégie de la défense civile est en concordance avec l’approche classique des écoles militaires françaises. «La politique d’«autodéfense populaire» ou «autodéfense civile» fut définie dans un but qui, selon nous, n’était pas le génocide des tutsi, mais la Défense Opérationnelle du Territoire à l’image de DOT que les militaires français avaient peut-être enseignée à l’état-major rwandais, sans parler des officiers, dont le colonel Bagosora, qui avaient appris cette doctrine lors de leur stage à l’École de guerre à Paris. Cette «autodéfense populaire» était destinée à organiser la résistance en cas d’enfoncement des lignes des FAR par l’APR» (LUGAN 2004 : 183)

Même une personne comme Emmanuel Gapyisi, qui pouvait être considérée comme non aligné dans la configuration politique rwandaise, et qui ne peut pas être soupçonné d’avoir eu un quelconque esprit génocidaire, avait lancé en 1993, l’idée de la défense civile. Il sied de rappeler que même en Ouganda d’où naquit et mûrit le FPR, le concept de défense civile existait sous la forme des “Local Defence Force».

Jean Kambanda a expliqué l’esprit qui a dirigé la directive du Premier ministre du 25 mai 1994 (P 105 AD) au sujet de la défense civile. Il situe ces directives uniquement dans le souci légitime – mais pas réaliste – du gouvernement intérimaire de combattre l’offensive des rebelles.

Je constate que ces directives ne contiennent absolument rien qui permettrait de les caractériser comme incitation au génocide.

VIII. Le FPR – sauveur des tutsi ?

Aujourd’hui, on est en mesure d’affirmer que le FPR n’avait qu’un seul objectif : Gagner la guerre et imposer un gouvernement sous sa domination. Il était prêt à accepter tous les sacrifices possibles pour atteindre cet objectif. Dès le début de la reprise des combats, le FPR a refusé de courir le moindre risque militaire pour essayer de sauver la population tutsi. Eric Gillet, un des auteurs du rapport de la « Commission internationale d’enquête » (CIE), ne peut pas être soupçonné d’une antipathie exagérée envers le FPR. Il a fait le point dans sa lettre adressée au président – plutôt honoraire que réel – du FPR, le Colonel Kanyarengwe[142] le 2 mai 1994 : «We understand very well the reasons why the RPF would not want to accept an intervention force. But we cannot see any legitimate reason that the RPF might invoke to oppose a solution which would bring the necessary help to the civilian population without interfering with ongoing military operations».[143] Mme Des Forges a ajouté : «Diplomats at the Security Council also exerted pressure on the RPF, but without great success. On May 11, Radio Muhabura, the voice of the RPF, still maintained that “the genocide is already finished”». [144]

Sans pouvoir approfondir ici la question de savoir si le FPR aurait pu sauver les tutsi, la citation de l’ancien militaire de l’APR Aloys Ruyenzi est une indication de poids : «I cannot forget the pain that general Kagame inflicted to Rwandan of Tutsi ethnic group, his own tribe mates. Some were even killed on his orders. Others were deliberately left at the mercy of Interahamwe. He made sure that nobody comes to their rescue. Up-to-date, he is still pursuing his policy by repeating in Congo what he did in Rwanda. Why is he busy creating hatred between Banyamulenge minority and the rest of the Congolese population? Is it for the interest of Tutsis? Even in Rwanda, he does not spare anything to exacerbate tension between ethnic groups, by his policy of forced reconciliation. What he does will inevitably lead to a new wave of ethnic conflict and Tutsi will again be the main victims».[145]

Abdul Ruzibiza a témoigné ainsi : «Laissez moi vous démontrer que l’APR disposait de tous les moyens de venir au secours des personnes en danger, mais que pour Kagame cet objectif ne constituait pas du tout une priorité :

1. Les militaires des Inkotanyi avaient l’habitude d’effectuer une marche d’au moins 30 kms à 80 kms par jour, et de se mettre immédiatement au combat. Cela n’est pas une exagération parce que le 59ème Bataillon, parti de Butaro, est arrivé à Miyove avant la tombée de la nuit, alors que sa progression avait été longuement freinée par Kagame sous prétexte qu’il voulait d’abord donner de soit-disantes instructions, alors qu’il connaissait parfaitement les ordres qu’il avait donnés à ses commandants de compagnies. Le lendemain ce 59ème Bataillon a continué sa marche vers le CND pour arriver le 10/04 au cours de la journée. Les autres bataillons comme Bravo et Alpha, n’ont mis que deux jours, une partie du bataillon 101 est arrivée, avec les bataillons de tête, une partie de la Police Militaire est arrivée le 3ème jour c’est à dire le 09/04. En ces moments, les simples soldats et les caporaux transportaient un chargement de 30 kg chacun en plus de leur équipement individuel, en marchant la nuit et le jour parce qu’on avait besoin de suffisamment de cartouches pour briser le verrou qui fermait la route de Byumba. Ces exemples sont suffisants pour comprendre la force que nous avions pour effectuer une marche de plus de 100 kms pour ceux qui avaient quitté Butaro et qui étaient arrivés à Kigali en trois jours, et en combattant pendant tout le parcours.

2. Au fur et à mesure que les jours passaient, beaucoup d’enfants d’Inkotanyi rejoignaient le FPR en provenance du Rwanda, à tel point qu’à part les Ougandais qui disaient qu’il n’y avait plus de Tutsi vivants au Rwanda, que les Tutsi qui s’y trouvaient encore étaient des gourmands qui avaient refusé de s’exiler, ou qui avaient adopté la manière de penser des Hutu, nous, nous nourrissions la ferme volonté de venir au secours de nos parents qui périssaient. Ce qui fut le plus douloureux et qui a poussé certains de nos camarades à se suicider est qu’ils éprouvaient trop de peine à se voir interdire d’apporter secours aux personnes qui étaient tuées sous leurs yeux : des camarades prenaient leur fusil et se donnaient la mort en disant qu’ils s’étaient trompés en décidant de rejoindre les Inkotanyi. Seulement moi je ne me suis pas trompé, mais j’ai trop souffert d’être empêché de venir au secours de nos parents alors que nous en avions les moyens.

3. Nous connaissions la ville de Kigali plus que ses habitants, parce qu’il nous fallait connaître les passages qu’empruntaient même les rats. Nous connaissions Kigali de jour comme de nuit, avec la capacité de localiser sans erreur tous les coins et les recoins où pouvaient résider tous ceux qui avaient besoin de notre aide. Kigali mise à part, il était facile d’aller partout dans le pays, à cause des multiples provenances des enfants (Inkotanyi), et du grand nombre de ceux qui pouvaient nous en indiquer les emplacements.

4. Au Rwanda, les localités où il y avait une forte densité de Tutsi à secourir pour éviter qu’ils ne périssent étaient très bien connues, et elles n’étaient pas très nombreuses : il s’agissait du Bugesera, de Kibuye, de Butare, de Rwamagana, …, et ceux qui pouvaient intervenir dans une localité pouvaient continuer dans d’autres à proximité.

5. Et maintenant voyons comment Kagame n’a pas eu du tout la moindre volonté de secourir les Tutsi qu’ils venaient de jeter consciemment dans les griffes d’une mort certaine.

(…)

Je l’ai dit plus haut, laissez moi le répéter : Kagame nous a empêché de venir en aide à nos parents alors que nous en avions la capacité et la volonté.

Ce que je peux ajouter c’est que chaque fois qu’il s’agissait de secourir les gens, on y procédait de trois manières différentes :

1. Quelqu’un dont le FPR avait besoin pour l’employer après la prise de pouvoir.

2. Des gens qui pouvaient se trouver par hasard sur le parcours tracé par le FPR, il les libérait et les mettait en lieu sûr.

3. Les commandants saisis de pitié prenaient le risque de l’initiative à l’insu de Kagame. Jamais secourir la population tutsi ne fut envisagé par le plan d’attaque de Kagame. » (RUZIBIZA 2004).

Ce témoignage coïncide avec la révélation inattendue du Général Dallaire que Kagame – selon la formulation de l’ Agence Hirondelle du 28 janvier 2004 « aurait été averti par un ministre du gouvernement qu’en cas de reprise de la guerre les Tutsis seraient massacrés et il lui aurait répondu que les morts seraient considérés comme ‘du prix à paye’, c’est à dire comme ‘des sacrifices’, selon la déposition du général canadien. »

Et même un homme comme Alan Kuperman, qui traitait le FPR avec une certaine sympathie dans ses publications antérieures (par ex. KUPERMAN 2001), a changé d’avis en écrivant en 2004 : « From the start, the rebels expected their invasion to trigger a violent backlash against Tutsi civilians in Rwanda » (KUPERMAN 2004 : 61).

En d’autres mots : Le FPR a utilisé à dessein l’outil de la provocation de la population rwandaise au détriment des tutsi de l’intérieur pour déstabiliser un régime présenté calomnieusement comme «admirers of Hitler» par Alison Des Forges[146]. Est-ce que le FPR n’est pas responsable des événements prévisibles suite à ses actions ?

IX. L’accusation de Casimir Bizimungu

L’ancien Ministre des Affaires Etrangères sous Habyarimana et Ministre de la Santé du gouvernement intérimaire est accusé, en fait, pour avoir été membre du gouvernement intérimaire. Après avoir étudié les documents disponibles, je voudrais présenter tout de suite mes conclusions. Les arguments présentés par le Procureur et Madame Des Forges pour soutenir les chefs d’accusation ne semblent pas, à mon avis, propices à prouver une quelconque culpabilité de l’accusé.

On sent les difficultés du Procureur pour formuler l’acte d’accusation. Il est à exclure qu’un homme qui a œuvré pour le retour des exilés tutsi en 1989/1990 et pour libérer les internés tutsi en 1991 – voir ci-dessus – ait jamais mené une politique d’extermination des tutsi. Les informations dont je dispose démontrent que Casimir Bizimungu a eu de très bonnes relations avec les tutsi lorsqu’il travaillait à la Faculté de Médecine de Butare et qu’à cette époque, il fut un médecin privé de la reine Rosalie Gicanda. À Butare, il fut Directeur du Centre Universitaire de Santé Publique, qui comptait une centaine d’employés majoritairement tutsi. Ils étaient fort satisfaits de sa présence à la tête de cette institution. À Kigali, il fut deux fois Ministre de la Santé. Non seulement il traitait tous les employés sur le même pied d’égalité, mais il prit des initiatives en 1992 et 1993 de faire nommer des tutsi à des postes importants au sein de ce Ministère. C’est un risque qu’il prenait à un moment où des tensions interethniques avaient été ravivées par la guerre. Casimir Bizimungu s’est attelé à appliquer tous les objectifs du Gouvernement de Coalition Nationale dirigé par M. Dismas Nsengiyamremye y inclus celui d’assainissement de l’administration.

Il faut répéter que le génocide anti-tutsi n’était pas le résultat d’une planification du gouvernement intérimaire dont Casimir Bizimungu faisait partie. Il s’agissait d’une réaction criminelle d’un million de déplacés internes chassés de nouveau par l’APR après le 6 avril 1994 et soutenus partiellement par les milices et des déserteurs armés. Il s’agissait, donc, d’un génocide sui generis, c’est-à-dire d’un type de génocide historiquement unique.

Le FPR craignait les hutu modérés qui favorisaient un compromis avec le FPR parce qu’ils avaient de bons arguments de lui refuser en même temps le monopole du pouvoir. Les hommes comme Gapyisi et Gatabazi ont payé leur opposition à la prise du pouvoir par le FPR avec leurs vies. Le FPR a bien compris que ces modérés avaient une grande réputation nationale et internationale et voulait se débarrasser d’eux pour cette raison. Un des moyens de faire passer le message était l’agent Jean-Pierre Turatsinze, dont le rôle a déjà été débattu ci-dessus. Ce n’est pas par hasard que celui-ci a également contacté Casimir Bizimungu[147] parce qu’il était un ancien ami politique d’Emmanuel Gapyisi du temps de la création du « Forum Paix et Démocratie ». Turatsinze a dit à Casimir Bizimungu de faire attention car des « durs du MRND » pouvaient lui faire du mal. Comme dans le cas de James Gasana, menacé par le FPR via le groupe « AMASASU » ce message était crédible dans les yeux de Casimir Bizimungu ayant pour sa position « libérale »[148] pas mal d’adversaires dans le camp de l’aile droite du MRND et de la CDR.[149]. Néanmoins, il est peu probable que ce que Turatsinze disait ait été vrai. D’après tout ce qu’on sait aujourd’hui, il n’était pas dans une position d’obtenir de tels secrets du cercle intérieur du MRND. Et, en plus, une preuve formelle de ce prétendu danger n’a pas été établie. Ce qu’il convient de souligner, c’est que le FPR ne pouvait pas manquer une occasion de semer davantage de malentendus et de zizanie dans le camp gouvernemental. L’on ne peut pas s’empêcher de noter que, vers fin décembre 1993, lors de la désignation des Ministres devant faire partie du GTBE (Gouvernement de transition à base élargie comprenant le FPR), le camp des durs du MRND a tout mis en œuvre pour que Casimir Bizimungu ne figure pas sur la liste des 5 Ministres du MRND qui devaient en être membres.

Il est important de savoir que James Gasana a averti Casimir Bizimungu avant sa fuite sur les dangers qu’il courait. Cette information provenait probablement des milieux «AMASASU» (c’est-à-dire FPR) pour suggérer à C. Bizimungu de quitter également le pays.

Jean Kambanda a confié des missions importantes à Casimir Bizimungu parce que celui-ci avait une grande expérience sur la scène internationale et qu’il y jouissait de la réputation d’être un interlocuteur crédible. De prétendre, comme quelques témoins du procureur l’ont fait, qu’il aurait acheté des armes à ces occasions est démenti entre autres par la liste d’acheteurs d’armes fournie par André Guichaoua dans son rapport dans le cadre du procès dit Butare.

Le FPR et son network connaissait également sa réputation positive et avait tout intérêt de le mettre sur la liste des accusés du TPIR parce qu’il aurait pu rendre plus difficile la réalisation de son objectif d’écarter les hommes politiques «de poids» hutu de la gestion future du Rwanda.

Casimir Bizimungu a servi son pays dans l’espoir de pouvoir contribuer à convaincre la communauté internationale d’intervenir en faveur de l’arrêt des massacres, de l’obtention d’un cessez-le-feu (plusieurs fois auprès du Maréchal Mobutu qui était Médiateur dans le conflit rwandais, à Tunis lors du Sommet de l’OUA en juin 1994) et d’une aide humanitaire rapide en faveur surtout des millions de déplacés lors de l’Assemblée mondiale de la Santé à Genève en mai 1994. Il s’est trompé. Ils ne pouvait pas croire que «l’aile dure» de l’administration Clinton était fermement résolu[150] à les sacrifier au profit de la victoire des rebelles dits de «libération nationale».[151]

X. Conclusions

Il est un fait que les experts comme Filip Reyntjens[152], Gérard Prunier et André Guichaoua[153], qui ont salué la victoire du FPR pour avoir terminé un génocide, condamnent aujourd’hui l’ordre établi à Kigali[154]. Même Alison Des Forges[155] et HRW ont pris quelques distances vis-à-vis du régime de Kigali.[156] Ils reconnaissent l’obligation du TPIR de s’occuper des crimes commis par le FPR pendant sa guerre d’agression. Mais il est étonnant que ces auteurs défendent toujours globalement l’hypothèse de la planification d’un génocide par « les hutu extrémistes ».[157] Si planification il y avait, c’est plutôt à l’autre côté de la barrière qu’il faudrait l’attribuer à la lumière des publications de James Gasana, Abdul Ruzibiza, le RP Serge Desouter, Pierre Péan, Charles Onana[158] et alii.

Croire qu’un gouvernement, dont la naissance est caractérisée par le Général Dallaire comme une débâcle, aurait pu planifier une catastrophe de l’envergure vécue est peu probable. Mais ce qui est plus important encore : le gouvernement intérimaire ayant été en fuite pendant toute son existence ne disposait pas des moyens pour lutter contre une avalanche déclenchée par l’attentat du 6 avril 1994 et encouragée par le Conseil de sécurité le 21 avril 1994. Kofi Annan a raison de dire que la communauté internationale “aurait pu arrêter les tueries” en 1994, “mais la volonté politique n’existait pas, pas plus que les troupes »[159]. Mais il a oublié d’ajouter qu’il y avait une volonté ferme de quelques membres permanents du Conseil de Sécurité de ne pas les arrêter et de ne pas fournir les troupes nécessaires – même d’empêcher ceux qui étaient prêts à les fournir[160].

Même plus de douze ans après la création du TPIR, on est obligé de constater que la vérité sur l’arrière-fond des catastrophes qui ont eu lieu dans la région des Grands Lacs en Afrique centrale à partir de 1990 n’est pas encore établie d’une façon incontestable. Les archives les plus importantes n’ont pas encore dégagé leurs « trésors ». Par contre on est en mesure d’affirmer que les hypothèses qui régissent l’accusation, à savoir la planification de longue date par un groupe déterminé d’organiser un génocide, ne correspondent pas aux faits connus.

*

* *

La création du TPIR est impensable sans le procès de Nuremberg en 1945/1946. Beaucoup d’observateurs sont unanimes que l’innovation juridique majeure sur le plan du droit international était la condamnation, il y a juste soixante ans, d’une guerre d’agression. Malgré le fait que le TPIR est une sorte de successeur du tribunal de Nuremberg, il a omis de prendre en compte cette grande innovation. L’invasion du 1er octobre 1990 et les différentes reprises de la guerre par le FPR constituent une guerre d’agression qui est à la base du drame humanitaire du Rwanda. La guerre déclenchée par un groupe de rebelles soutenus par un État voisin n’a jamais vraiment préoccupé le TPIR. Cette guerre a connu sa prolongation au Zaïre/Congo depuis fin 1996. La guerre du FPR semble être considérée comme une sorte de force majeure. Pourtant, comme à Nuremberg l’accusation aurait dû choisir « une entente en vue de commettre une guerre d’agression » comme départ pour le traitement de tous les crimes consécutifs.

En second lieu le procès de Nuremberg s’est approché du traitement juridique des crimes – le terme génocide n’étant pas encore connu à cette époque – perpétrés par l’État allemand contre les juifs européens notamment. Puisque l’on n’osait pas encore mettre en doute le droit souverain de l’État de traiter ses sujets à sa guise – ce n’était pas seulement Staline qui était très vigilant à ce sujet – les juges de Nuremberg n’étaient pas aussi innovateurs que dans le cas de la guerre d’agression. Mais, après de longs débats, la communauté internationale a reconnu que l’on ne pouvait plus revenir, après le holocauste, à l’ordre du jour traditionnel. Raphaël Lemkin a finalement réussi à convaincre les Nations Unies d’adopter, en 1948, la «Convention contre le génocide»[161] qui régit le TPIR. Cependant, le Sénat des Etats Unis a ratifié cette Convention – à contrecoeur[162] – seulement en 1986. Malheureusement le gouvernement américain a refusé d’appliquer cette convention en 1994 au Rwanda.

La lutte contre une guerre d’agression et l’application de la Convention de 1948 auraient sûrement empêché le génocide anti-tutsi et les autres «crimes contre l’humanité» perpétrés au Rwanda à partir de 1990.

Abréviations

  • AMASASU : «Alliance des Militaires Agacés par les Séculaires Actes Sournois des Unaristes».
  • APR : Armée Patriotique Rwandaise.
  • CDR : Coalition pour la Défense de la République.
  • CICR : Comité International de la Croix Rouge.
  • CIA : Central Intelligence Agency.
  • CIE : Commission Internationale d’Enquête.
  • CLIIR Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda.
  • CND Conseil National de Développement.
  • DPKO United Nations Department of Peace Keeping Operations.
  • DOT Défense Opérationnelle du Territoire.
  • FAR Forces Armées Rwandaises.
  • FIDH Fédération Internationale des Droits de l’Homme.
  • FPR Front Patriotique Rwandais.
  • FRODEBU Front pour la Démocratie au Burundi.
  • GOMN Groupe d’Observateurs Militaires Neutres.
  • GTBE Gouvernement de Transition à Base Elargie.
  • HRW Human Rights Watch.
  • ISTO International Strategic and Tactical Organization.
  • MDR Mouvement Démocratique Républicain.
  • MINUAR Mission des Nations Unies au Rwanda.
  • MRND Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement (1975-1992).
  • MRNDD Mouvement Républicain National Pour La Démocratie et le Développement (à partir de 1992).
  • OUA Organisation de l’Unité Africaine.
  • PL Parti Libéral.
  • PSD Parti Social-Démocrate.
  • RANU Rwandese Alliance for National Unity.
  • RTLM Radio-Télévision Libre des Mille Collines.
  • TPIR Tribunal Pénal International pour le Rwanda.
  • UDPS Union Démocratique pour le Progrès Social.
  • UNAR Union Nationale Rwandaise.
  • USAID United States Agency for International Development

Références bibliographiques

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  50. STRIZEK, Helmut. 2004. Central Africa: 15 Years After the End of the Cold War. The International Involvement. INTERNATIONALES AFRIKAFORUM, Weltforumverlag Bonn 40 (3): 273-288.
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  52. STRIZEK, Helmut. 2006. „Geschenkte Kolonien“. Ruanda und Burundi unter deutscher Herrschaft. Mit einem Essay über die Entwicklung bis zur Gegenwart. Hrsg. PD Dr. Dr. Ulrich van der Heyden, Prof. Dr. Mechthild Leutner und Dr. Joachim Zeller. Bd. 4 der Reihe „Schlaglichter der Kolonialgeschichte“. Berlin: Christoph Links-Verlag. ISBN-10: 3-86153-390-1; 224 p
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ANNEXES

Annexe 1 : Lettre ouverte de Peter Erlinder, 6 avril 2006

To whom it may concern, The attached Open Letter to the Prime Minister was read to the International Press at a Press Conference at the United Nations International Criminal Tribunal for Rwanda on April 6, 2006. It is being forwarded to the Prime Minister via email and Fax from the United Nations Tribunal in Arusha, TZ.

Respectfully,

Prof. Peter Erlinder, Lead Defence Counsel ICTR — DCDMS Rm. S-224 — Arusha, TZ — Ext. 5073

——-

Open Letter to Prime Minister Harper : Regarding State Visit of Current President of Rwanda — April 6, 2006

Dear Mr. Prime Minister,

I am writing from the United Nations Criminal Tribunal for Rwanda (ICTR) in Arusha, TZ on this, the 12th Anniversary of the assassination of President Habyarimana of Rwanda, which preceded the terrible massacres that occurred after the April 6 assassination. I have learned that your Government has agreed to host a state visit by the current President of Rwanda, Mr. Paul Kagame. To prevent future embarrassment to you and your Government, and to comply with the ethical principles to which I am bound as an Officer of the Court of the ICTR, I am obligated to bring recent developments at the ICTR to your attention.

By way of background, please note that the March/April 2004 issue of the UK Economist reported on the 10th Anniversary of the horrific events in Rwanda by noting that the Kagame Regime is the most repressive military dictatorship in Africa. At that time, the identity of those who carried out the “assassination by missile” of former President Habyarimana by shooting down the presidential plane on April 6, 1994 (which all agree touched off the massive civilian killings in April-July 1994) was not known.

However, this circumstance changed during the past month at the ICTR which saw multiple witnesses, including: an “Africanist” Belgian Catholic Priest and Historian, who lived in Rwanda for 18 years; former RPF/RPA officers who were either present when the missiles were fired, or present at RPF/RPA Headquarters during 1993-94; as well as, numerous never-before-public UN documents which confirm the following:

1. The RPF/Rwandan Patriotic Army (RPA) had a 3-4/1 military-force advantage, which was known to then-General Kagame at least as of February 1993 when the RPF/RPA broke the Arusha ceasefire and nearly captured the capital, that the RPF/RPA had the military power to take power in Rwanda at will. It was the 1,000,000-plus displaced, brutalized refugees who became an ungovernable force that later engaged in civilian-civilian massacres.

2. Between February 1993 and April 1994, while pretending to negotiate a power-sharing agreement set out in the Arusha Accords, Gen. Kagame openly declared to RPA troops that they should prepare for war and he also threatened war repeatedly when speaking with UN and international delegations in early 1994, as reflected in contemporary UN documents.

3. During this same period, hundreds of tons of weaponry and ammunition were illegally brought into Rwanda in preparation for the final assault to seize power and stored in numerous “weapons caches” around the country.

4. By March 1994, UN documents show that the Rwandan Government Forces (RGF) had been decimated by the four-year war of invasion by elements of the Ugandan military, supported by the Ugandan government and military, and lacked the military capacity to fight an invading army AND use military force to stop civilian massacres by other civilians.

5. The former U.S. Ambassador to Rwanda, Hon. Robert Flaten, testified in June 2005 that he personally warned Gen. Kagame and Pres. Habyarimana that if either resumed war by breaking the Arusha Accords cease fire, they would be responsible for thousands of civilian casualties from retaliatory killings that U.S. State Department documents predicted should the war resume…similar to killings that swept Burundi/Rwanda in 1988.

6. On March 9-10, 2006 and again on April 3-6, 2006 the President of the ICTR heard testimony, with supporting U.N. and other documents, that Gen. Kagame ordered the assassination of President Habyarimana to de-stabilize his enemy, and that he ordered the final assault within minutes after learning of the successful missile attack….long BEFORE any retaliatory, civilian killings had occurred anywhere in Rwanda.

7. The evidence, confirmed in original UN documents, also shows that, between April 6, 1994 and the RPF military victory in mid-July 1994, the Rwandan Government and the RGF repeatedly asked for an unconditional cease-fire to permit its few, battle-hardened troops to use force to stop the massacres. When the RGF stated that it lacked the means to stop the massacres without a ceasefire, UN documents confirmed that this was known to be true by Gen. Dallaire and Gen. Kagame in March 1994, before the assassination of President Habyarimana.

8. Canadian General Dallaire testified in January 2004 that: (a) there were only about 5,000 dependable RGF troops; (b) the first obligation of all armies, including the Canadian Army and the RGF, is to defend the “security of the homeland;” (c) and, it was militarily impossible for the RGF/Gendarmes to fight a war of invasion AND stop long-predicted, retaliatory, civilian-civilian massacres.

9. Between April 1994 and July 1994, the RPF was the only military force in Rwanda which was militarily capable of stopping the massacres, with or without a cease-fire, however, on numerous occasions Gen. Kagame specifically ordered field officers NOT to use troops “to save civilians while RPF soldiers are dying” and, as Gen. Dallaire testified under oath, Gen. Kagame told him that civilian killings are “collateral damage” for his war plan.

10. According to sworn ICTR testimony, Gen. Kagame specifically ordered the creation of particular units responsible for “cleansing” civilians from areas controlled by the RPF and was personally present as tens of thousands of civilians were lured to Byumba Stadium in late April 1994 and massacred by RPF troops under his command, among other atrocities.

11. Much of this information can be found in: The Secret History of Rwanda by former RPF Officer Abdul Joshua Ruzibiza, recently published in Paris; the Report of Serge Desouter to the ICTR, an historian of the Belgian “White Fathers” century-old mission in Rwanda; the public and closed transcripts at the ICTR; and, original UN documents introduced as exhibits in the Military 1 case (Bagosora et al) at the ICTR.

12. In July 2003, then-ICTR Prosecutor Carla del Ponte announced that she had discovered enough evidence to prosecute BOTH sides in the Rwandan War. However, shortly thereafter, Pres. Kagame called for her resignation, as did Colin Powell and Kofi Annan. She was replaced two months later and, to this date, not ONE person associated with Gen. Kagame’s successful seizure of power has been called to account at the ICTR (unlike the ICTY in which leaders associated with all major actors have been indicted).

13. In light of the evidence now in the public record of the Tribunal, a formal Motion is being prepared which requests the President of the Tribunal, and the Office of the Prosecutor, to draft the Indictment of Paul Kagame for Murder, Conspiracy to Commit Murder, various War Crimes and Crimes Against Humanity and Conspiracy to commit such crimes, all committed by him, and the troops he commanded in Rwanda in 1994.

14. Motions to dismiss charges presently pending against former RGF Officers for actions properly attributed to the victors of the 1994 RPF War of Accession to Power.

Since the ICTR has not been well-covered in the western media, I have no doubt that you and your advisors have not been made aware of the above before issuing the invitation to the current Rwandan President. However, since this information is already in the public record, and more is being accumulated daily, I could not permit an accused war-criminal, on the same order as the recently arrested former-president Charles Taylor, to receive the endorsement of the Canadian Government, without putting the record straight….and putting the matter before your Government for evaluation.

I would be pleased to direct your staff to relevant materials in the public record at the ICTR, if that would be convenient to the Canadian Government.

Respectfully,

Prof. Peter Erlinder, ICTR Lead Defence Counsel Past-President, National Lawyers Guild, N.Y.C. USA Wm. Mitchell College of Law 875 Summit Av. St. Paul, MN 55105 (651) 290-6384 @wmitchell.edu U.N. No. (212) 963-2850 (ext. 5073)

Annexe 2 : Extrait du chapitre «TEMOIN EXPERT ALISON DES FORGE » du Rapport d’expertise de Serge Desouter soumis au TPIR en mars 2005

(Ref. bibliogr. DESOUTER 2005).

L’historienne

Alison Des Forges a indéniablement pesé sur le dossier rwandais comme « historienne du Rwanda » et comme témoin-expert du Procureur. Sans mettre en question l’idéal d’activiste des droits de l’homme de Des Forges, on peut s’interroger sur ses qualités scientifiques.

Si l’on regarde de près ses travaux scientifiques, on constate que dans un laps de temps de 20 ans (entre 1968 et 1987) ses activités scientifiques et historiques sur le Rwanda ou la région des Grands Lacs africains ne sont pas impressionnantes.

(…)

L’activiste

Des Forges a travaillé en 1991-1992 pour le compte du Gouvernement des Etats-Unis, une puissance hautement impliquée dans la guerre du Rwanda.[163] (…) Pourquoi à cette époque a-t-elle été envoyé au Rwanda pour «promouvoir la démocratie» ? (…)

Une des recommandations clées qu’elle émet est le changement des cartes d’identité. Que « la carte d’identité sans classification ethnique » ne change en rien le comportement. (…) Peut être que Des Forges ignore que la carte d’identité à « classification ethnique » a été instituée, en 1936 par la Tutelle belge, à la demande des Tutsi, pour pérenniser leurs privilèges héréditaires de père en fils ?

Le fait qu’elle a été un membre éminent de l’ex-AFRICA WATCH gêne et met mal à l’aise. Le parti pris de cette organisation pour la cause du FPR est bien connue. Que l’organisation soit ensuite réapparue sous un nouveau vocable de HUMAN RIGHTS WATCH AFRICA ne change en rien ses sympathies antécédentes ! Alison Des Forges y produit depuis lors ses écrits et y reçoit des demandes de consultation.

Il est vrai que fort de l’expérience passée dans la région des Grands Lacs, HUMAN RIGHTS WATCH se révèle de plus en plus prudent face aux accusations de complot et organisation « génocidaires », lancées de façon unilatérale et hélas souvent reprises telles quelles par la communauté internationale. (…)

Un regard sur le FPR

On comprend que l’Organisation et son lien avec l’Administration américaine ont pesé sur sa lecture des événements au Rwanda. Ses quelques déclarations récentes du bout des lèvres sur le régime de Kigali ne changent en rien à son attitude antérieure.

A lire et entendre Des Forges, le FPR est présenté comme un mouvement nationaliste sans liens avec l’ancien parti monarchiste et extrémiste UNAR. Ce mouvement regroupe Hutu et Tutsi autour d’un objectif commun: le retour des réfugiés Tutsi, l’instauration de la démocratie au Rwanda et une société sans ethnies. Mais n’est-ce pas surprenant et incroyablement naïf, quand on connaît les différences entre d’une part le discours affiché par le FPR et d’autre part ses objectifs et les faits réels ?[164])

Ce penchant — le terme est probablement trop faible — vers le FPR a été la politique de son Gouvernement américain.[165] Car tout porte à croire que l’Administration Clinton ne voulait sincèrement ni la fin de la violence ni le retour de la paix au Rwanda. Et pour cause! Deux éléments permettent de faire cette conclusion. Premièrement, elle ignore le rôle néfaste du FPR dans les violences en cours notamment par la reprise de la guerre généralisée. Et deuxièmement, elle s’est abstenue d’intervenir dans la médiation entre les parties pour le cessez-le-feu et le retour au processus de paix d’Arusha et a laissé la besogne à M. Roger Booh Booh, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies, et au Président de la Tanzanie. Ces derniers n’avaient pas de moyens adéquats pour mener à bien cette mission et n’avaient pas, contrairement à l’Administration américaine, d’influence réelle sur les parties en conflit.[166]

Une mission piégée

Des Forges a participé à la Commission des Droits de l’homme en 1993 pour AFRICA WATCH en compagnie de René Degni-Segui, Jean Carbonare[167], Eric Gillet et consorts, favorables au FPR. Cette « enquête » n’a duré que trois semaines (du 7 au 21 janvier 1993) et il est mentionné que les enquêteurs ont à peine pu entrer dans la zone FPR. Or, malgré l’interdiction de visite dans la zone FPR, le rapport de cette commission mentionne: « Des rapports et documentations rassemblés par ces personnes et associations ont formé la base du travail de la commission. »(pg 9) Ce seront ces personnes qui vont être à l’avant-scène dans l’élaboration des rapports et des idées invérifiables et universellement propagées et qui deviendront le « common wisdom » [168] international dans ce domaine. (…) Jamais ce Rapport n’a été validé par une confrontation de témoignages contradictoires. (…)

Expert ou accusateur ?

Comme expert du Procureur au TPIR, Alison Des Forges fait problème. Car il est ainsi difficile de ne pas la voir dans le rôle d’accusatrice au lieu d’expert neutre.

Elle s’est effectivement souvent engagée comme défenseur des populations tutsi, ce qui l’honore. Mais c’est une entrave dans son rôle. Car certainement sans le vouloir, elle se voit ainsi très vite accusée de diabolisation et de globalisation de la population hutu et de contribuer à une simplification de la lecture rwandaise en “bons et mauvais”, cow-boys et indiens. Cela manque certainement de retenue scientifique à certains endroits et moments. Plus d’une fois, elle établit des faits et donne des opinions sur la culpabilité d’accusés.[169] (…)

Ansi à titre d’exemple, Des Forges, dans un témoignage renversait les causes et les conséquences : « C’est le groupe d’Habyarimana qui a exploité cette attaque (l’invasion de 1990) sur la base ethnique qui a réussi à pousser beaucoup de Tutsi à adhérer au FPR. »[170] Quelques phrases auparavant elle admet qu’avant l’attaque il n’y avait pas de troubles ethniques au Rwanda. Mais quand le FPR se présente sous les aspects féodaux tutsi, c’est Habyarimana qui est accusé d’avoir fait sortir les esprits racistes de la bouteille !… Or il est un fait que les tueries étaient maîtrisées tant que le président Habyarimana était en vie.

Ailleurs, Alison Desforges parle du “mythe d’Ibyitso, complices de l’ennemi”. [171] Mais il est établi que le FPR avait des espions, des adhérents, des infiltrés, des collaborateurs et des sympathisants à l’intérieur de la capitale et partout dans le pays. Mais Des Forges continue sur la lancée: « le groupe Habyarimana a détourné un conflit politique vers un conflit éthnique, c’est-à-dire de transformer un conflit politique en un conflit ethnique».

(…)

Conclusion

Ce qui saute aux yeux c’est que Des Forges lit l’histoire immédiate et lointaine du Rwanda comme un journaliste en appliquant une méthode basée sur des manuscrits, des rapports, des sitreps (situation report, dans le jargon), des extraits de journaux et de reportages sans leur appliquer avec la rigueur nécessaire les règles de la critique historique.

Cela a comme conséquence que le contexte culturel, social et humain et la sensibilité dans lesquels le drame rwandais s’est déroulé, ne sont pas bien perçus. Il en résulte une série d’interprétations, d’affirmations et de convictions, qui non seulement méritent des nuances mais qui sont souvent franchement erronées. En la lisant, on a souvent l’impression d’avoir affaire à une publiciste, plutôt qu’à une historienne.

La « vérité Des Forges » présente les événements comme s’il y n’avait qu’un seul acteur sur le terrain. Mais entre temps, plus d’un a pu observer le vrai visage du FPR. Cela l’amène à devoir réviser certaines de ses grandes thèses. Ainsi, au début elle adhérait indéfectiblement à la thèse que c’était les “extrémistes Hutu” ou “l’entourage de Habyarimana y compris son épouse” qui avaient assassiné le Président pour pouvoir exterminer les Tutsi. Aujourd’hui, quand de plus en plus les investigations pointent vers le FPR et son homme fort, — elle s’abstient d’aborder clairement le sujet et considère qu’il s’agit d’un événement anodin alors que tout le monde convient que c’est cet assassinat qui a déclenché le drame rwandais. (…)

Alison Des Forges a une tendance à minimiser l’importance de l’attentat contre l’avion présidentiel le 6 avril 1994, qui est bien au contraire, ensemble avec la reprise immédiate des hostilités militaires par le FPR, le facteur principal à l’origine du drame rwandais, toutes ethnies confondues. La combinaison de ces facteurs a exacerbé la peur, la méfiance et la rancune de la population rwandaise et ouvert la voie aux tueries. (…) ‘A. Des Forges et all. interprètent donc systématiquement des mesures à l‘évidence prises en réaction à une situation militaire comme des preuves ou des intentions génocidaires, ce qui constitue naturellement un contresens.’ (LUGAN 2004 : 163) ».

Annexe 3 Lettre ouverte adressée par Helmut Strizek à Kenneth Roth, Directeur de Human Rights Watch (HWR)

Berlin, May 16 , 2006  — Mr. Kenneth Roth, Executive Director of Human Rights Watch — 350 Fifth Avenue, 34th floor, New York, NY 10118-3299, USA

Subj.: Open letter concerning the briefing paper on Rwanda presented by Alison Des Forges on April 7, 2006

Dear Mr. Roth,

The briefing paper The Rwandan Genocide: How It Was Prepared presented by Alison Des Forges on behalf of Human Rights Watch (HRW) on the occasion of the twelfth commemoration of the beginning of the Rwandan genocide against the Tutsi population is discrediting the organization you preside since 1993 with great success.

The main message of “Leave None to tell the Story” published in 1999 by HRW was the affirmation that the extermination of the Tutsi population was planned and executed by two Rwandan governments. This message is maintained in the briefing paper even though HRW must be aware that the prosecutor of the Arusha tribunal could not prove this hypothesis. Alison Des Forges had to recognize publicly on March 5, 2004 in Germany that the main evidence put forward in favor of the planning theory was based on anonymous documents. At that time she may still have been convinced that Jean-Pierre Turatsinze was a valuable witness for the planning of genocide. But this cannot be maintained anymore since the prosecutor could not withhold any longer the identity of Jean-Pierre Turatsinze. His widow had informed already on April 3, 2003 the prosecutor’s investigators (1) that her husband after his famous appearances at the UNAMIR on January10, 1994 had joined the RPF headquarters in Mulindi. She said that Minister Abdoul Karim, member of the Twagiramungu government, had told her mother in late 1994 that her husband had been “killed in battle”. The widow was denied further details. Together with the strange information that the original of the Dallaire fax of January 11, 1994 reporting Jean-Pierre’s “revelations” was “lost” in the UN administration and that a copy containing added passages was produced later (2), the widow’s testimony proves irrefutably that “Jean-Pierre” was an agent of the Rwandan rebels. All other documents presented by the prosecutor do not prove what they are supposed to prove. The time has come for Alison Des Forges to acknowledge these facts.

An other point: Unfortunately HRW still presents the anonymous declaration of a person calling himself “Tango Mike” as valuable evidence. However, nobody could ever find out the author of that anonymous letter dated January 20, 1993. It should not be forgotten that this document was produced to justify the most disastrous aggression of the RPF of February 8, 1993. Furthermore, it should be kept in mind that “Tango Mike” appeared only some days after the departure from Kigali of the Africa Watch (3) sponsored “International Commission of Inquiry on Human Rights Abuse in Rwanda” whose member Jean Carbonare was the first to publicly accuse the coalition government under Dismas Nsengiyaremye of preparing genocide. And Jean Carbonare can rightly be considered as part of the RPF international network. Only during the cross-examination on June 9, 2005 at the Arusha tribunal Alison Des Forges was forced to recognize after some hesitation that, in 1993, she took over the post held before by Rakiya Omaar, who was in fact already at that moment part of the RPF international network (4), within Africa Watch. Since Alison Des Forges never denied having participated in organizing in late 1992 that fateful “International Commission” it can be taken for sure that she collaborated with Rakiya Omaar in doing so. Having sponsored the “International Commission” Africa Watch was to some extend implicated in the RPF network. This fact has always been denied by Alison Des Forges.

It is not understandable that HRW still suggests (5) not knowing who is responsible for the killing of the Presidents of Rwanda and Burundi and the most important part of the leadership of the Rwandan army on April 6, 1994. However, Alison Des Forges has a clear idea who killed them. She took seriously the Bruguière-Report accusing the RPF of the downing of the presidential airplane even before (6) some information of this document was leaked to the press in March 2004 (7).

But what is more important: The name of Abdul Joshua Ruzibiza doesn’t appear at all in the briefing paper. However this former RPF-officer told the Arusha tribunal under oath on March 9, 2006 to have been an eyewitness of the preparation of that attack by an RPF commando. The proceedings are formulated as follows:

Erlinder [lead council]: Mr. Witness, were you in a position to observe the shooting down of President Habyarimana’s plane at sometime while you were at Masaka?

Ruzibiza: Yes, sir.

Erlinder: Could you just describe to the Court what you observed, as an eyewitness?

Ruzibiza: As I have said, my assignment was to go to Masaka, and I had to report on a daily basis about enemy activities. So, I saw a pickup truck with RPF soldiers who had SAM ‑16 missiles. So they arrived at the place where I was. They found me there. It was at about six ‑‑ no, correction ‑‑ 8:30 p.m. The plane was about to land. And they fired two missiles. The first missile hit the wing of the plane, and the second missile downed the plane. That is how the plane was brought down. Between the two shots was a time lapse of three to four seconds.

Erlinder: And do we both agree that these events occurred on the 6th of April, in the evening?

Ruzibiza: Yes, it was on the 6th.

Is it honest not to mention that major event in the briefing paper? (8)

But the most important objection to this paper is the presented equation self-defense = genocide planning. This contradicts all common sense.

The concept of self-defense is the logic consequence of the guérilla warfare applied by the RPF rebels against the Rwandan population after restarting the invasion into Rwanda in January 1991.

In his book “Rwanda, le génocide, l’Eglise et la démocratie” (unfortunately not translated in English) Bernard Lugan who can really not be suspected to be anti-tutsi points out that the concept of Self-defence is akin to the classical approach used by French military academies. The objective “was according to us [Lugan], not the genocide of the Tutsis, but rather the Operational Defense of the Territory (DOT) as taught by the French to the Rwandan General Staff, not to mention the officers like Colonel Bagosora, who learned about that doctrine during their stay at the Paris War College. That ‘popular self-defence’ intended to organize a resistance in case RPF crossed FAR lines” (p.183). Lugan may also be right concerning the militias. “Because militias where created in 1992, can we say, as Prunier writes, that the genocide was being planned since that date? We cannot, because all of the parties had these types of back-up forces whose original purpose was to maintain order during public rallies (…) and even parties totally foreign to the genocidal ideology and ‘ethno-Hutu nationalism’, such as PSD, had their own militia.” (p. 182) (9)

In the briefing paper Alison Des Forges refers again – as she did in her expert report to the Arusha tribunal in the frame of the Government II case – to the Nsengiyumva note of 27 July 1992. The briefing paper says: “Although a ceasefire was then in effect, he [Anatole Nsengiyumva] wrote of the consequences of possible future RPF advances. In a chillingly precise foreshadowing of the events to come twenty months later, the intelligence officer said that in the event of RPF advances, the military would kill the political leaders responsible for concessions to the RPF, and the population would massacre the Tutsi before fleeing the country”. The phrase suggests that “extremist” militaries killed Habyarimana and the chief of staff Nsabimana. That can definitely be excluded after the testimony of Abdul Ruzibiza and others. But what is more important: Alison Des Forges interprets the content of that note in an unacceptable way intellectually. Nsengiyumva did not at all suggest planning such a situation. He urged to take appropriate measures to prevent it. As I had the obligation to analyze this document as an expert witness I confirm what I wrote in a report submitted to the Arusha tribunal and what I repeated under oath in May 2005: in all documents available and especially in that secret one of 27 July 1992 Nsengiyumva never suggested to kill the Tutsi population.

To the contrary he warned that mass killings could happen if the RPF would resume war. He knew the danger inherent to the Rwandan situation – as Paul Kagamé and every person acquainted with the prevailing political problems did. I wrote in my report of 2005: “To avoid such a situation Nsengiyumva recommended that ‘to this end, the democratic process must be kept on course and, whenever necessary, shown to the world to prove that, in spite of our current difficulties, we are still committed to democracy or, rather to the democratic process’. He proposes that the difficulties created by the Arusha negotiations should be discussed with Rwanda’s allies: ‘Diplomatic action, be it informal, is therefore a matter of absolute necessity’ “. Is that the language to incite to genocide in a secret report? Alison Des Forges is confident that almost nobody can read integrally this document and therefore dares to interpret it in an erroneous way. This, indeed, discredits the reputation of HRW.

I want to mention one further important point: The briefing paper maintains that the definition of the enemy was an action to plan genocide. To forbid to an army implicated in a civil war to describe the enemy is just to negate that a war was going on. Consequently, it was no expression of ethnic hatred when a group of officers, whose duty was to do the job, declared in a document that the Tutsi collaborating with the main enemy, that is RPF, had become the secondary enemy by extrapolation. The document defining the enemy makes a distinction between the Hutu/Tutsi who want to change the government by democratic means and those who want to overthrow the government by force. Those people were objectively enemies of the Rwandan army. How to call them else? People defining the enemy did not plan genocide. They had to organize a legitimate military resistance. That they did. Only supporters of the RPF victory called them “liberators”. They can do that but they should assume the responsibility for the consequences Nsengiyumva has foreseen.

Last point: To present on April 7, 2006 a paper repeating a lot of clearly refuted arguments without mentioning what Pierre Péan and others have found out is an example of what in French is called “mauvaise foi”.

Let me sum up: the mastermind of the assassination of President Habyarimana provoked genocide against the Tutsi population. He knew that the masses driven to the south by the RPF –described in a clear cut way by Abdul Ruzibiza in his book “Rwanda: l’histoire secrète” – could be incited to do what this mastermind suspected them to do when attacking their miserable camps on April 7, 1994. To avoid all misinterpretation: these provoked killings were crimes against humanity and must strongly be condemned. But those supporting the aggression causing these killings and doing nothing to protect the threatened population by inciting the Security Council to withdraw the UNAMIR troops should not hide themselves any longer behind the “planning theory”.

Mr. Roth, please take into consideration what a lot of RPF dissidents – I would like to remind especially of Seth Sendashonga whose assassination on May 16, 1998 in Nairobi is commemorated these days – and others have found out since 1994.

I think that all interpretations based mainly on the Hutu planning and justifying the RPF aggression prevents us from establishing the truth.

Without an honest and impartial search for the truth Rwandans cannot find a ground for a common future. To help finding this basis should be the peace mission of HRW and not to insist forever that the interpretations laid down in Leave none to tell the story are sacrosanct.

Respectfully

(Helmut Strizek)

(1) The document is mentioned in: Pierre Péan: Noires fureurs, blancs menteurs, Paris 2005, p. 220. A partly blackened version is presented as annex 1 in: EXPERT REPORT PRESENTED BY Serge A. DESOUTER BEFORE ICTR IN THE CASE OF THE PROSECUTOR VERSUS ALOYS NTABAKUZE, No. ICTR-98-41-T, March 2006. Desouter writes: „It is a “redacted” document; before serving it to the Defence, the Prosecutor removed any data that could reveal her identity. The document is so messed up that it has virtually no “evidentiary” value. At all events, I have attached it herewith as proof of some of the amazing aspects of ICTR.“ Nevertheless, all information available confirms the identity of the widow of Jean-Pierre Turatsinze.

(2) The Canadian lawyer Christopher Black revealed this information on December 1, 2005 (www.sandersresearch.com).

(3) Africa Watch became in the same year part of Human Rights Watch.

(4) This became obvious when she transferred “African Rights”, the organization she had created after leaving African Watch, to Kigali after the military victory of Paul Kagamé in July 1994. At the same time Jean Carbonare became adviser of the “new order” in Kigali.

(5) The assassination is only mentioned in footnote 23 that reads as follows: „Although those responsible have not been definitively identified, the long-awaited results of a French judicial inquiry into the shooting down of the airplane are said to attribute the crime to the RPF, a position held also by several former RPF soldiers now in exile.“

(6) This can be proven. Nevertheless, on June 10, 2005 she denied before the Arusha tribunal to have had knowledge of this report before the press information.

(7) On March 6, 2004 the Swiss paper La LIBERTÉ was the first to publish some results of the Bruguière-Report, the French LE MONDE followed only on March 10, 2004.

(8) Not to mention Ruzibiza is even more astonishing considering that Alison Des Forges was forced to recognize indirectly (hiding behind others) the seriousness of Ruzibiza’s book in Arusha on March 6, 2006 when cross-examined by the lawyer John Philpot in the Zigiranyirazo case. Des Forges: “I think they [André Guichaoua and Claudine Vidal] said it is an important document which needs to be taken seriously.“

(9) Quotations translated by the Arusha tribunal.

Annexe 4 Extrait de STRIZEK 2004

In late 1993, the democratic train got derailed somewhere between Sudan, Somalia, Rwanda and Uganda. The Somalia disaster had transformed the U.S. commitment in Central and East Africa. As Sidney Blumenthal put it, Clinton “fled” Africa in October 1993: “On October 3, 1993 (…) gleeful crowds dragged the corpses of American soldiers through the streets and burned them before television cameras. Within days, Clinton announced a U.S. withdrawal.” (BLUMENTHAL 2003:61) Secretary of Defense, Leslie Aspin, was held accountable for the disaster and was forced to resign shortly afterwards. Clinton promised the nation that he would only send American soldiers to Africa if national interests were affected. The decision to rule out any military intervention had serious consequences. For some the problem was how the fight could be waged against the fundamentalist regime led by General Omar al-Bashir and – initially – the philosopher Hassan al-Turabi, which had seized power in a military coup d’état in Khartoum in 1989, if there was to be no U.S. military involvement. From that point onwards, all the surrounding states were assessed in terms of their usefulness in the battle against the Khartoum government.

The Bush administration had also been interested in Sudan, where oil reserves had recently been discovered. However, George Bush Sr. had adopted a different approach, since the exploitation of these resources was conditional upon peace in the region and an end to the conflict between Northern and Southern Sudan. (…)

Most people expected that Clinton with his “leftist” leanings would pressurize the Bashir-Turabi regime into a process of democratization in line with the Bush-Mitterrand approach that had been adopted after the end of the Cold War. But things took a different course. Clinton and Madeleine Albright, the new American Ambassador to the U.N., considered Sudan to be a “rogue state” and the number one enemy in Central Africa[172]. They therefore opted for a proxy approach (“get others to fight your war”)[173], a well known strategy that had been applied during the Cold War.

Mitterrand was unlikely to comply with the intended “regime change” in Khartoum. He was apparently not informed about Washington’s Sudan policy and could not understand the effects this new policy had on the Rwandan problem. After the Somalia disaster of 3 October 1993, Madeleine Albright used all the tricks in the book to minimize a U.S. contribution to the UNAMIR peace keeping force envisaged in the Arusha Agreements. These activities were the first signs that the U.S. wished to reduce its commitment in favour of power sharing in Rwanda, help Museveni and his friend, Paul Kagame, to win the Rwandan war, and find other anti-Khartoum allies.

After the RPF victory in Rwanda in 1994, UN Secretary-General Boutros-Ghali was considered in Washington to be a “French and Sudanese sympathizer”. He became a prominent victim of the approach to Sudan. Richard Clarke reveals a strange deal: “Albright and I and a handful of others (Michael Sheehan, Jamie Rubin) had entered into a pact together in 1996 to oust Boutros-Ghali as Secretary-General of the United Nations, a secret plan we had called Operation Orient Express (…). The entire operation had strengthened Albright’s hand in the competition to be Secretary of State in the second Clinton administration.” (CLARKE 2004:201/202). This pact was forged after an attempt – attributed to the Khartoum regime – to kill Egypt’s President Mubarak during a conference of the Organization for African Unity in Addis Ababa in June 1995. “Following that event, Egypt and we (joined by other countries in the region) sought and obtained the United Nations Security Council’s sanctions on Sudan (CLARKE 2004:140)”. (…) As explained above, the wars that took place in Rwanda, Burundi and Zaire/Congo after October 1993 were largely the result of an attempt to oust the regime in Khartoum by force but without American soldiers.

The first allies to understand the significance of that strategy were Ugandan President Yoweri Museveni and RPF leader Paul Kagame.

Before autumn 1993, the U.S. government had favoured power sharing between the Rwandan government and the RPF exile groups that had tried to fight their way to power since the first invasion of 1 October 1990. The “tricky twins”, Museveni and Kagame, were therefore obliged to accept the Arusha Agreements in August 1993. But given the obvious weakness of the Rwandan Army after the RPF attack on 8 February 1993 and the clear indications made during the Arusha negotiations that France wished to extricate itself from the Rwandan bourbier (quagmire) as soon as possible, Museveni and Kagame contacted their Anglophone friends to convince them that a full RPF victory would be in their own best interests, too. A new Rwanda might also be useful in transporting supplies to the border between Zaire and Sudan in support of John Garang’s SPLA. Museveni had offered to help fight Khartoum on condition that his military-controlled system of “democracy without parties” be protected from democratization.

For Museveni, cooperation with the U.S. and U.K. against Khartoum had the additional advantage of presenting the rebellion of the “Lord’s Resistance Army” in Northern Uganda as part of the activities pursued by Khartoum. Lynda Chalker, the long-standing conservative Head of the Overseas Development Administration and Minister for Overseas Development (1986-1992), had introduced the former Marxist, Yoweri Museveni, to the “good society” after his military victory in 1986, which had been achieved with the help of Rwandan Tutsi exiles living in Uganda since the 1960s. Museveni suggested to his new allies in London and Washington that they should help him solve the “Tutsi problem”. If they would support him in sending his Tutsi exiles back home to Rwanda, he said, his regime would be stabilized[174] and in return he could concentrate on the “Sudan problem”.

In addition Museveni and Kagame managed to convince their partners of the crucial need to get rid of “Mitterrand’s friend”, Juvenal Habyarimana, who was the main obstacle to military victory. The stage was thus set in the autumn of 1993. Decisions were also taken on who should be held accountable for the inevitable “collateral damage” that this operation would incur. On 6 April 1994, the Rwandan presidential aircraft “fell” from the sky in what is still presented as a “mystery”. As a result President Habyarimana, his Burundian colleague Ntaryamira and the most important Rwandan military leaders were killed. Within a period of just six months, therefore, a second President of Burundi had been killed following the murder of Melchior Ndadaye on 21 October 1993. The elimination of the Hutu presidents and the chaos it created were regarded as supplementary security measures for the resumption of the civil war in Rwanda. Nobody seemed concerned by these assassinations. They were a consequence of the long tradition of impunity that had prevailed in Burundi since the 1972 genocide against the Hutu elite[175].”

Annexe 5 Aloys Ruyenzi: PRESIDENT PAUL KAGAME IS INDEED A WAR CRIMINAL

He committed some of his crimes under the disguise of INTERAHAMWE. Recently, press reports, quoting prominent experts of the Great Lakes region, raised again the issue of impunity of president Kagame, with regard to the war crimes that he committed or ordered for. The main point of this paper is to expose one of the hitherto unveiled faces of his crimes. Indeed, some of the crimes which were indiscriminately attributed to Interahamwe were in actual facts carried out by none other than Kagame and his henchmen. In their sinister plans, they would disguise as the notorious militia Interahamwe. This should however not be misconstrued to mean that the latter did not kill. This is not a hearsays, I am ready to produce evidence and call other people who witnessed the crimes that occurred in the following places :

1. When 7th BN was deployed in areas of Rushashi, Tare, Mbogo, and Rurindo in 1998 the director of schools at Rwankuba, the Bourgmestre of commune Rushashi as well as the agriculture officer of that commune were murdered over the same night. RPF hurriedly blamed their death on Interahamwe insurgents, yet they had been killed by its own elements.

2. The same year of 1998 Kagame planned to kill all civilians who where watching the world cup tournament in the Hotel called “Pensez-Y” and again blame their death on insurgents. Fortunately the operations officer of 7thBN, Capt. Kwizera who had been assigned the task, got drunk and failed to properly coordinate the operation. Indeed, when the soldiers who were to disguise as Interahamwe insurgents reached the Hotel, they found many RPF soldiers mixed with the civilian crowd which was watching the world cup tournament. They contacted the commanding officer, Major Eugène Nkubito, who angrily told them to tell all the soldiers present to report to their respective positions. When some civilians saw that, they suspected a foul play and also left the Hotel. A few moment later, the Hotel was burnt to ashes and so many civilians who remained watching the TV died. After the operation, Radio Rwanda announced that the Interahamwe had burned that hotel and killed many people. Despite the number of casualties, Kagame was not happy because the plan did not go the way it had been hatched. He summoned himself Capt. Kwizera in the officers’ mess, sent his own presidential jeep to collect sticks and beat captain Kwizera. The captain was given 100 strokes, demoted to the rank of private and put behind bars till he was dismissed from the army. This was done in public and many people watched the scene. After that action of burning the Hotel “Pensez-y” and killing the civilians watching the world cup tournament they announced as anticipated that, the Interahamwe burnt the Hotel and killed so many people.

3. Another glaring example is the killing of western tourists in the Bwindi National Park, which prominently featured in western media. RPF immediately blamed it on the Interahamwe and so did the western media. Yet, they had been killed by RPF soldiers disguised as Interahamwe. The decision to kill western tourists venturing in that area had been taken manly for two reasons: The issue of Interahamwe would be more internationalised if they were accused of killing innocent western tourists. As a result, RPF would be given a free hand in fighting them the way it wants and wherever they are suspected to be;

1 RPF suspected some Europeans of sympathising with Interahamwe by disclosing to them the positions of RPF. Moreover, the presence of foreigners near an insurgent area was hindering RPF atrocities perpetrated under the disguise of counter insurgents operations. I got astonished when I heard the then attorney general, Gerald Gahima endeavouring to explain how the Interahamwe killed the tourists. I don’t think that Gerald Gahima knew anything about the plan apart from being told what to say.

4. When the late Andre Kisasu Ngandu the vice-chairman of the late President Laurent Kabila was killed, the Government of Rwanda, which was fighting along side Kabila to overthrow the Government of Mobutu, announced that Kisasu Ngandu was killed in an ambush by the Interahamwe and the ex-FAZ (ex-Force Armées Zairoises). Yet, he was killed by the RPA officers and men who are up-to-date serving in the RPF army. His assassination was planned by James Kabalebe and Jack Nziza under the orders of Paul Kagame because Ngandu was opposed to the killing of refugees.

5. A group of Ugandans were detained in the former house of the director of special intelligence Senior Superintendent Gacinya and killed in November 2004. This house is one of the clandestine detention house, where they keep people incommunicado, until they decide their fate. The house is located at Muhima and is managed by Assistant Inspector of Police Munana and Nshuti.

The Ugandan victims were :

1. Rwemihigo 2. Waswa 3. Richard 4. Katongole 5. Mutume 6. Swaibu and 7. Kato.

After their murder, the bodies were taken to the Akagera National Park, burnt and the ashes thrown in the Akagera River. All these killings were ordered by General Kagame and his collaborators. Regarding other human rights abuses, nearly 11 years after RPF takeover, people are still being killed and tortured in prisons by the security organs especially DMI and Special Intelligence using electric wires. I once again appeal to human rights organisations and the international community to make their own counter investigations and insure that Kagame is held accountable for those crimes. It is the only way to put an end to impunity in the Great Lakes region. Similarly, I call upon Rwandans to come out boldly and say the truth because not doing so will boost the impunity of criminals.

Norway, 18/01/2005 signed Aloys RUYENZI — By Mail: [email protected]

Annexe 6 Relevé sommaire des exactions causées lors des incursions Inyenzi entre 1961-67

Extrait du Rapport d’expertise de Serge Desouter dans le cadre du procès «Butare» 2005 (Ref. bibliogr. DESOUTER 2005).

1961

●  13 mars une trentaine d’envahisseurs franchit la frontière rwandaise à Bweya, descend vers Gatsibo (Byumba), incendie 60 maisons, mitraille et blesse 2 personnes, et abat une grande quantité de bétail. Armes utilisées: calibres 45 Thompson; calibres 9 mm 1g; armes blanches coutumières.

● 24 mars (23 Hrs): un groupe “inyenzi” attaque Karama (préf. Byumba) et incendie de nombreuses maisons. Armes : FN, ou armes d’origine angalise.

● 25 mars (dans la nuit): attaque terroriste contre Tovu (préf. Byumba.). Incendie des maisons. Armes: calibres 12.

● 26 mars (dans la nuit): nouvelle attaque de Tovu, par la même bande armée qui essaie de tuer le Conseiller communal M. Kato.

● 30 mars (vers minuit): attaque contre Shanga (préf. Byumba). Assassinat de M. Furisone. 5 maisons incendiées; bétail abattu. Armes utilisées: calibre 45, calibre 9 mm. 1g.

● 12 juin (23 Hrs): attaque de la maison du Bourgmestre-Député M. Sebihire et de celle du Conseiller communal Biresinigabo à Muhura (préf. Kigali). Un gardien tué. Armes utilisées: mitrailles 9 mm; calibre 12.

● 19 juin (02 Hrs): attaque d’inyenzi contre Rugerero (préf. Gisenyi) à partir du Congo et visant le Bourgmestre M. Hakizumwami. Un gardien blessé. Armes: 1 ou 2 fusils et armes coutumières.

● 20 juil (20 Hrs): attaque contre Nyagatare (préf. Byumba). Un policier blessé.

● 12 sept (dans la nuit): attaque contre Murambi (préf. Kibungo). Bourgmestre blessé. Armes: calibre 12.

● 13 oct (01 Hrs): 200 guerriers tutsi attaquent Kiburara (préf. Kibungo). Incendient 30 maisons, tuent 27 personnes (dont 20 carbonisées). Armes: calibre 12; calibre 45; calibre 9 mm.

● 17 oct (01 Hrs): attaque de Kinjojo, Kigali. Incendie de 15 maisons. Une personne blessée.

● 18 oct raid contre le camp des travailleurs P.N.K. et pillage du dispensaire de Murambi (préf; Kibungo)

● 1 nov (21 Hrs): attaque de Rugarama (préf. Kibungo) par une bande armée de 10 hommes. 3 paysans hutu tués, 1 blessé, 3 maisons incendiées. Armes: calibre 9 mm; calibre 45 Thompson; calibre 33 1g.

● 18 nov attaque et pillage du magasin du commerçant M. Kalisa à Kinjojo, Byumba par 10 agresseurs dont 3 sont armés de revolvers ( dont 1 calibre 9 mm) et les autres de bâtons.

● 21 nov (20 Hrs) : à Kinigi (préf. Ruhengeri) attaque contre le Belge Daublin qui est blessée et dont la voiture est volée. Les “inyenzi” descendent en voiture vers Rutongo, y tuent le directeur d’école M. Gakwaya. Ils poursuivent leur route jusqu’à Kabuye, arrêtent une voiture venant en sens inverse et y mitraillent à bout portant trois personnes: les parents Francotte et leur petit enfant qui agonisera sur la route jusqu’au matin. 36 km au-delà de Kigali vers Gitarama, ils s’arrêtent encore pour assassiner le Député M. Chadrak Kamuzinzi et le directeur d’école de Sira, M. Bitungurama. Parmi les agresseurs: Jean Kayitare (fils de Rukeba), André Numa et Alexis Mpambara. Ces deux derniers furent retrouvés par après au Tanganyika (actuelle Tanzanie) et extradés (condamnés à mort). Quant à Kayitare il a pu s’enfuit et on le retrouvera parmi les terroristes dans la grande attaque du 20 décembre 1963 où il fut blessé au ventre par une flèche, puis soigné au Burundi. Armes utilisées: mitraillettes 9 mm; revolver de même calibre.

1962

● 10 jan (20 Hrs); attaque terroriste contre l’hôtel de Gabiro au Parc National de la Kagera, dont les occupants sont surpris et mitraillés. Le Conservateur du Parc, M. Deleyn est tué; 4 autres expatriés sont plus ou moins grièvement blessés. Armes utilisées: mitraillettes 9 mm.

● 16 jan (23 Hrs): agression armée contre un expatrié M. Fontaine, résidant à Mubuga. Les assaillants sont mis en fuite. Armes: calibre 22 1g automatique.

● 23 fév attaque contre Mugina, Byumba. Meurtre de 2 policiers, dont l’un a la gorge tranchée durant son sommeil; vols divers. Armes: 2 mitraillettes 9 mm; cal. 12.

● 25 fév (01.30 Hrs): 30 “inyenzi” attaquent la Commune de Gatunda (Byumba). Vol d’une forte somme d’argent, d’une machine à écrire, etc. Armes: 5 mitraillettes; 7 fusils; plusieurs revolvers.

● 10 mars (au matin); un groupe de travailleurs hutu revenant de l’Ouganda est attaqué par des “inyenzi” et battus. 3 d’entre eux sont laissés pour morts.

● 20 mars (20.30 Hrs): attaque à Byahi (Gisenyi) à 500 m de la frontière congolaise, contre le commerçant Ruvugiro. Son épouse est gravement blessée de 3 coups de revolver. Le commerçant, son fils et un voisin sont blessés à coups de crosse. Vol d’une forte somme d’argent. Armes: 1 fusil; revolver 22 1g; machettes.

● 25 mars (20 Hrs) : attaque contre Nkama (Byumba). Les “inyenzi” volent la caisse de la Commune et tuent un policier, un employé et le comptable communal; ils tuent sauvagement l’épouse du comptable; parce que, Tutsi, elle a épousé un Hutu.

● 03 avril (21 Hrs) : attaque contre Mushari, Byumba par 10 “inyenzi” armés de fusils. Un Hutu tué et jeté dans la rivière et un blessé. Vol de 25 vaches.

● 03 avril (22 Hrs) : tentative d’attaque (ou erreur ?) contre le camps des commandos de Karama. Les agresseurs réussissent à prendre la fuite.

● 04 avril (14 Hrs) : meurtre de M. Bizimana, Conseiller communal de Murambi, Byumba. Armes: 2 revolvers 9 mm.

● 04 avril (dans l’après-midi) : une bande de Tutsi armés est surprise à Gakenke, mais tue tout de même 4 personnes.

● 09 avril attaque contre Rwempasha, Byumba. M. Kanyarwanda est tué d’un coup de lance. Vol de 17 vaches.

● 14 avril une vingtaine de terroristes attaquent Runyinya, Kigali. Victimes: un résident belge, M. Geens et son épouse, une Rwandaise, qui sont abattus dans leur maison; le Bourgmestre M. Th. Bubanji est tué également, son épouse blessée; M. A. Geens, frère du précédent et ex-agent de la SOMUKI, ainsi qu’un Conseiller communal. Armes: mitraillettes 45 Thompson, et 9 mm.

● 15 avril attaque contre Ngarama, Byumba. Les terroristes blessent une femme (balle 9 mm à travers le cou) et volent 5 vaches.

● 16 avril (23 Hrs) : attaque par une bande de 15 hommes de Nyagasigati, Byumba. Les agresseurs tuent 3 personnes et en blessent une autre. Incendie de 3 maisons. Armes coutumières: lances et serpettes.

● 21 avril (nuit): attaque contre Ndama, Byumba. Vol de 17 vaches. Armes: mitraillettes Thompson.

● 23 avril (nuit): vol de vaches à Rutaraka, Byumba. 2 femmes blessées. Armes: mitraillettes 45 et 9 mm.

● 26 avril (nuit): les “inyenzi” attaquent Kizirakome, Byumba. Meurtre d’un Hutu. Armes diverses dont un calibre 9 mm.

● 27 avril nouvelle attaque au même endroit. Meurtre de M. Rwabukwande. Vol de 38 vaches.

● 30 avril (21 Hrs): attaque contre Tabagwe, Byumba. Une trentaine d’inyenzi armés de calibres 45 et 9 mm, abattent un vieillard, tuent deux enfants et blessent 3 autres personnes. Vol de 30 vaches. Incendie de 2 huttes.

● 04 mai (nuit): pillage de la maison d’un résident belge: M. Petit à Karama, Byumba. Armes: fusils de fabrication locale.

● 04 juil une centaine de terroristes venus du Kivu s’installèrent dans la forêt du Karisimba. Ils seront surpris par la Garde Nationale et une section de policiers. Les deux tiers resteront sur le terrain, les autres s’enfuirent ou furent fait prisonniers.

● 17 juil Une soixantaine de terroristes venus de l’Ouganda et du Tanganyika (Tanzanie) tentèrent de surprendre deux sections de la Garde Nationale campant à Nyagatare. Aucun survivant parmi les “inyenzi”, sauf les chefs qui purent s’échapper.

1963

● 14 nov un fort contingent de réfugiés tutsi, embrigadés par Rukeba, se rassembla au Burundi (Kayongozi, Kigamba et Muramba) et prit la direction de la frontière nord avec le Rwanda. Par la pression du HCR à Bujumbura, le Gouvernenement burundais dut intercepter les assaillants et les renvoyer d’où ils étaient partis. Un stock d’armes et de milliers de cartouches, furent saisis et 4 meneurs, dont Rukeba, Jean Kayitare, Kabalisa et Sayinzoga furent appréhendés. Le Burundi refusa leur extradition au Rwanda.

20 déc (nuit) : une nombreuse bande d’inyenzi franchit la frontière Sud du Rwand et pénétra dans le Bugesera et y massacra par surprise la petite garnison sur le chantier du futur camp militaire de Gako. Elle progressa ensuite jusqu’à yamata, mais la Garde Nationale avait pu barrer le pont de Kanzenze sur la Nyabarongo. Plusieurs centaines d’inyenzi et une poigné de rebelles congolais furent abattus.

Cette incursion terroriste aurait du coïncider avec diverses attaques-éclairs à partir des camps de réfugiés du Congo et de l’Ouganda. Leurs commandos du Sud et du Nord devaient réaliser leur jonction à Kigali, suivant l’axe Mutara-Buganza-Bugesera, trois régions à forte population tutsi. Mais au Nord les troupes Ougandaises interceptèrent un grand groupe de terrorises. Un autre de 600 à pu entrer au Rwanda dans la région de Rubilizi-Rwempasha. La Garde Nationale put les refouler, la moitié restant sur le terrain.

1964

Janvier

● 18 jan Encore, campagne de fausses rumeurs sur une victoire des Inyenzi et au retour du roi Kigeli, menée à Butare et Gikongoro par des infiltrés venus du Burundi. Sur instigation des Inyenzi au sujet des massacres de Tutsi en cours, le Secrétaire Général de l’ONU envoie une Mission d’Observation qui cependant, put démentir ces allégations.

● 22 jan la Sûreté du Rwanda était au courant de cette attaque et avait averti les autorités du Burundi. Or il s’avérait que la Gendarmerie du Burundi stationnait à coté des inyenzi sur les collines Kisenyi et Mukatare où se trouvaient des camions volés au Rwanda (mines de la Corem et un autre aux TPM de Nemba et dont les chaffeurs rwandais avaient été tués par les terroristes). Malgré cet avertissement au Gouvernenement du Burundi l’attaque se déclencha comme prévu.

● 03 fév à Bugarama un douanier rwandais et deux gardiens sont attaqués par une bande de terroristes venue du Burundi. Ils sont torturés et mis à mort, de même qu’une trentaine d’autres personnes (hommes, femmes et enfants) dont les biens sont pillés et emportés au Burundi.

● En février 1964, le président Grégoire Kayibanda adresse aux réfugiés un message à la fois ferme et le plus clair possible, rappelant au plus grand nombre que le pays leur restait ouvert, et qu’ils y seraient accueillis fraternellement s’ils revenaient pacifiquement et acceptaient simplement la démocratie. Il interpella ensuite les quelques fanatiques perdus depuis des années dans un “aveuglement inouï“, pour qu’ils “mesurent enfin les grands pas réalisés par l’histoire du Rwanda et cessent de bouder l’indépendance et le développement de la République“. Il les appela à mettre un terme à leur action terroriste, qui mettait en grave péril tous les Tutsi vivant paisiblement dans le pays, à chaque fois menacés par des réactions populaires émotionnelles, à la fois prévisibles et difficilement maîtrisables.([176])

1966

● Janvier : Attaque à Nshili (Gikongoro) et à Bweyeye (Cyangugu) par des assaillants venus du Burundi;

● Septembre et Novembre : Attaque au Bugesera (Kigali) par des Inyenzi venus du Burundi. Ces attaques se poursuivront jusqu’en 1967.

Réédités en 1990, les terroristes recouraient à la guerre psychologique, la désorganisation du pays en créant la panique dans la population. Un bruit se répandit que les inyenzi avaient pris Kigali et que le mwami avait repris le pouvoir. En faisant cela, ils mettaient les Tutsi de l’intérieur en très grand danger. Et l’inévitable arriva, un grand nombre (officiellement 1.000 d’après d’autres sources “plusieurs milliers”) de Tutsi furent massacrés par les populations hutu.

Contrairement à ce que certains prétendent ([177]), les autorités de Kigali s’efforcèrent de rétablir le calme par des réunions de préfets, de bourgmestres et de conseillers communaux, le tout confié à un Ministre. La Garde Nationale et la Police furent lancés dans les campagnes pour y éteindre l’agitation. Il y eurent les messages du Président. Les paroisses où des Tutsi menacés s’étaient réfugiées, furent rassurées. On incita les populations à reconstruire les huttes détruites en certains endroits. Ce ne sont pas les Autorités rwandaises qui ont incité la population à la vengeance, c’est mettre les choses à l’envers: ce sont les attaques et l’énervement psychologique qui ont fait que de regrettables vengeances se sont produites. Quand la population riposta après les attaques du 20 décembre 1963, les “inyenzi” savaient fort bien que cette riposte populaire serait inévitable, tout comme l’attaque du 1 octobre 1990 par les INKOTANYI. Bien souvent, sous la menace de représailles, certains des Tutsi se sont vu contraints de prêter main forte aux terroristes et ont eu à subir la vindicité populaire.

Annexe 7 Lettre de Helmut Strizek adressée à Mme DES FORGES le 27 mai 1999

Dr. Helmut Strizek Berlin, le 27 mai 1999 — Mme Alison DES FORGES — c/o Human Rights Watch — 350 5th Avenue — New York, NY 10011/USA

Madame,

j’ai eu l’occasion de lire une grande partie de votre dernière étude sur les événements rwandais en 1994. Depuis 1995 j’ai suivi vos analyses et j’en ai appris beaucoup notamment en ce qui concerne la politique américaine.

J’ai consacré deux livres et une série d’articles en allemand aux problèmes de la Région des Grands Lacs. A l’occasion du 5ème « anniversaire » de l’attentat contre des deux présidents j’ai écrit en français le papier ci-joint.

Comme vous j’arrive à la conclusion que le génocide contre les Tutsi aurait pu être empêché. Personne ne comprend pourquoi de Général Dallaire qui était plutôt pro-tutsi a été écarté pour laisser se dérouler le génocide.

La différence entre votre analyse et la mienne concerne notamment la responsabilité de Paul Kagamé pour l’attentat qui a déclenché le génocide. Il n’avait pas de chance de prendre tout le pouvoir tant qu’ Habyarimana était vivant. Mais la stratégie américaine qui consistait à encercler le Soudan par des régimes militaires dépendant du soutien militaire occidental reposait sur la prise du pouvoir au Rwanda par les alliés de Museveni.

L’attentat du 6 avril 1994 étant un « chef d’œuvre » de son genre nécessitait un soutien extérieur poussé. Tuer deux Chefs d’Etats et la direction d’une armée dans un seul avion demande une logistique fort développée. Qui a pu organiser cela ? Deux choses me semblent claires : ni les extrémistes hutu ni le FPR seul auraient pu organiser un tel attentat.

Je crains que vous ne partagiez pas mon point de vue mais je suis certain que tôt ou tard les historiens seront obligés d’admettre que Kagamé a – en proposant/organisant l’attentat et en empêchant une intervention extérieure après l’attentat – sciemment risqué la mort de beaucoup de tutsi de l’intérieur. (Je suis en contact avec Mme Sendashonga qui semble s’approcher de cette horrible hypothèse.)

Pour éclaircir ces divergences d’analyse il faut tout faire pour que la commission du Conseil de Sécurité dirigée par l’ex-premier ministre suédois puisse trouver la vérité en ce qui concerne l’arrière-fond de l’attentat que vous qualifiez vous-même comme «crime» dans votre rapport. Je vous prie d’utiliser toute votre autorité acquise en matière des Grands Lacs afin que cette Commission fasse un vrai effort pour y arriver.

Si vous voulez me faire parvenir vos réactions à propos de mon papier vous pouvez naturellement utiliser la langue anglaise. (Je le lis couramment l’anglais mais je préfère écrire en français depuis mon séjour au début des années 80 au Rwanda – encore « francophone » à l’époque.)

Sincèrement votre (signé Helmut Strizek).

Annexe 8 Extrait du Rapport Strizek soumis au TPIR en 2005 concernant Jean-Pierre Turatsinze

Le télégramme codé de Dallaire du 11 Janvier 1994 est devenu la pierre angulaire de la théorie de la planification.

Il est intéressant de constater que ce télégramme de Dallaire n’a pas été exploité lorsque Filip Reyntjens l’a publié intégralement dans son livre de 1995 intitulé « Rwanda: trois jours qui ont fait basculer l’histoire » (REYNTJENS 1995). Il fut tout simplement accepté comme la plus importante preuve de la planification du génocide quand il a été remis par d’importantes personnalités de l’administration américaine à Gourevitch (GOUREVITCH 1998) qui, à son tour, y a basé l’argumentation de son « bestseller ». Le Rapport Carlsson (UNO; CARLSSON 1999) en fit de même[178]. Carlsson se réfère particulièrement à ce télégramme pour accuser Kofi Annan de ne pas y avoir réagi d’une façon appropriée. Cela a amené ce dernier à exprimer publiquement ses regrets pour ce manque du DPKO dont il était responsable à l’époque.

Le contenu de ce télégramme prouve-t-il réellement qu’il y avait au sein du MRND des gens qui planifiaient le massacre systématique ou s’agit-il d’un « piège », comme Dallaire lui-même se l’est demandé ? Si – comme l’auteur en est convaincu – l’informateur Jean Pierre Turatsinze était un agent du FPR, – éventuellement un agent-double – l’une des preuves pour dire que des groupes de gens au sein du MRND étaient en train de planifier le génocide, tombe à l’eau. Etant donné que les autres documents versés en preuve sont demeurés anonymes, la théorie de la planification est énormément mise en question.

Quels sont les éléments qui démontrent que Jean Pierre a été envoyé à la MINUAR par le FPR ? La description de son parcours professionnel est un fait troublant. On a appris qu’il prétend avoir subi un entraînement militaire ou bien en Egypte ou bien en Israël. A notre connaissance, l’Etat d’Israël n’a jamais eu de coopération militaire avec le MRND. Par contre, il est connu que le FPR a toujours eu de bonnes relations avec Israël. Au même titre, s’il est vrai que l’Egypte a fourni quelques équipements militaires à l’armée rwandaise, il n’y a aucune preuve d’un seul milicien Interahamwe qui aurait été entraîné par l’Egypte.

Il n’y a aucun doute que Jean Pierre Turatsinze travaillait comme chauffeur pour une longue période pour le gouvernement et le parti-Etat MRND[179]. Il se présentait lui-même comme un membre de la garde présidentielle (MELVERN 2000 : 91). Ceci n’a jamais été prouvé. Il semble avoir eu des tâches occultes dans le système de sécurité au quartier général du parti MRND et qu’à ce titre il aurait été impliqué dans l’organisation des Interahamwe. Cependant, au meilleur de ses connaissances, l’auteur pense que Jean Pierre Turatsinze n’a jamais occupé un poste précis dans la hiérarchie des Interahamwe. Il n’est pas improbable que Turatsinze travaillait déjà dans l’ombre du FPR. L’information à notre disposition montre que le nouveau Secrétaire Général du MRND en la personne de Joseph Nzirorera a exprimé des inquiétudes vis-à-vis de Jean Pierre et souhaitait qu’il soit licencié[180].

Le FPR a alors profité des difficultés que Turatsinze avait avec son hiérarchie pour mettre en place une stratégie de « mettre le feu au poudre » au moment où le plan d’assassiner le Président Habayarimana se précisait et qu’il s’en imaginait les conséquences. Il était clair que le quartier général des Nations Unies allait refuser de cautionner des recherches de caches d’armes quand l’autorisation de la faire allait être demandée par le Général Dallaire. Dès lors, la preuve réelle de l’information que Jean Pierre aurait donnée ne pourrait pas être établie. Le « piège » a bien fonctionné. Après le 6 avril 1994, le télégramme codé a été utilisé, comme prévu, pour prétendre que le régime de Habyarimana avait planifié le génocide.

Le fait que Jean-Pierre Turatsinze pouvait entrer au palais du MRND après le 13 Janvier 1994 et montrer une certaine quantité d’armes[181] au Capitaine Sénégalais Amadou Deme[182] ne devrait pas être exagéré. En effet, les gardiens le connaissaient. Par ailleurs, y trouver des armes n’est pas quelque chose d’étonnant, étant donné que le propriétaire de ce bâtiment était Augustin Ndindiliyimana, le chef la Gendarmerie Nationale. (DALLAIRE 2003 :150)

Des indications existent qui montrent que l’informateur a été utilisé dans la stratégie du FPR mentionnée ci avant et qui consistait à faire peur aux soi-disant « modérés ». En suggérant à ces gens que les menaces dont ils font l’objet proviennent de l’Akazu, l’objectif de créer des ennemis contre Habyarimana était ainsi atteint. Vu du côté du FPR, les « modérés » étaient très dangereux à cause de leur réputation aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Si ces gens parvenaient à convaincre la communauté internationale qu’ils étaient en mesure de contribuer au changement politique en douceur, le FPR n’aurait plus de prétexte de prendre le pouvoir seul. Pour réduire ce danger, le FPR a mené une campagne visant à dire à ces personnalités que l’Akazu voulait les liquider. Ce faisant, le FPR espérait que ces gens allaient fuir le pays. Ceux qui ne voulaient pas partir allaient être tués, non pas par ceux que le FPR dit être les auteurs, mais par le FPR lui-même.

Cette stratégie d’intimidation a été appliquée vis-à-vis de James Gasana, Emmanuel Gapyisi, Félicien Gatabazi et d’autres[183]. Les trois personnes nommément mentionnées étaient considérées comme étant les voix de la raison. Concernant James Gasana, la stratégie a bien fonctionné et il a effectivement quitté le pays après avoir été intimidé par le biais d’une « organisation secrète » appelée AMASASU. Il est improbable que cette organisation ait été une émanation des « hutu extrémistes ». Ce document étrange s’inscrit parfaitement, au contraire, dans les manœuvres du FPR consistant à fabriquer la « preuve » qui sera utilisée plus tard après la mort du Président Habyarimana. En ce qui concerne Gapyisi et Gatabazi, ces menaces ont été mises à exécution. Récemment, grâce aux recherches d’André Guichaoua, la vérité a été établie que c’est le FPR qui devrait être tenue responsable de ces assassinats, alors que ce premier a essayé de les mettre sur le dos de l’Akazu.

Il n’est pas étonnant que Jean-Pierre Turatsinze « a disparu de l’histoire » quelque temps après sa visite à Luc Marchal le 10 Janvier 1994. A ce sujet, les mots de Roméo Dallaire sont assez troublants : « Jean-Pierre disappeared near the end of January. Whether he had engeneered an escape on his own or was uncovered and executed, I have never been able to find out. The more troubling possibility is that he simply melted back into the Interahamwe, angry and disillusioned at our vacillation and ineffectiveness, and became a génocidaire.”(DALLAIRE 2003:151). La rumeur dit qu’il aurait été assassiné par les agents du FPR en 2002. Dans tous les cas, il paraît étrange qu’aucune information crédible concernant l’endroit où se trouverait cet important « témoin » de la théorie de la panification du génocide ne soit pas accessible. Conclusion : les circonstances dans lesquelles Jean-Pierre avait transmis l’information dont il est question dans le télégramme de Dallaire sont tellement obscures que personne ne devrait, raisonnablement, l’accepter comme moyen de preuve de la planification du génocide par le régime Habyarimana. Comme déjà mentionné, l’ancien Premier Ministre Twagiramungu lui-même, qui l’a introduit à la MINUAR, n’exclut pas la possibilité d’une manipulation.

Notes

  1. Version avec correction de quelques fautes de frappe et d’erreurs de faits.
  2. Le terme génocide est utilisé ici suivant la pratique générale sans pour autant se prononcer sur la question de savoir si le type de crimes perpétrés contre la population tutsi correspond complètement à la définition de la Convention pour la Prévention de génocide de 1948. Je tiens également à souligner qu’en parlant de tueries en masse de hutu dans la zone sous contrôle du FPR, j’utilise le terme massacres pour éviter la discussion controversée de leur qualification ou non comme génocide. Je pense pourtant que ces massacres rentrent dans la définition de la Convention de 1948. J’applique le terme génocide également pour l’extermination d’une grande partie de l’intelligence hutu au Burundi en 1972 en me référant notamment à LEMARCHAND 1996. Quand je me réfère aux exactions perpétrées contre les réfugiés hutu au Zaïre en 1996/1997 j’utilise le terme massacres pour ne pas me lancer dans une discussion juridique tout en étant convaincu que ces tueries remplissent les conditions de la Convention de 1948 concernant le génocide.
  3. J’insiste sur le fait que l’usage des termes «hutu» et «tutsi» n’est nullement l’expression d’une mentalité raciste, tel que les autorités rwandaises actuelles ont l’habitude de dire. Par ailleurs, il faut noter que les mots «hutu» et «tutsi» sont utilisés dans ce rapport toujours (sauf citations) sous une forme non-infléchie.
  4. Voir le titre d’un article écrit par Alan Kuperman: Provoking genocid: a revised history of the Rwandan Patriotic Front (KUPERMAN 2004). Je partage cette analyse de Kuperman en grande partie, mais je refuse son affirmation que le génocide contre les tutsi était “a retaliation by the state’s Hutu regime”, parce que ce génocide était possible seulement après la destruction de cet État par le FPR.
  5. La tentative de diversion entreprise par la CIA via une organisation canadienne ISTO pour attribuer la responsabilité pour l’attentat à la France est relatée dans PEAN 2005: 337/338 et ONANA 2005 :148-160.
  6. Le soutien inconditionnel de Paul Kagame par l’ancien Président Clinton jusqu’à ce jour (voir sa visite à Kigali le 14 juillet 2006) en est un indice actuel.
  7. Dans ce cadre il faut mentionner également les rapports précieux des témoins experts Serge Desouter (DESOUTER 2005 et DESOUTER 2006) et Bernard Lugan (LUGAN 2006).
  8. Le 6 mars 2004 Mme Des Forges m’a informé de connaître le contenu de ce rapport qu’elle a considéré être „très sérieux“. Cependant elle a démenti le 10 juin 2005 devant le TPIR d’en avoir eu connaissance avant l’article du MONDE le 10 mars 2004.
  9. Vu le fait que ce document a été rendu disponible le jour de l’achèvement de ce rapport, il ne m’était pas possible de fournir une analyse approfondie dans le cadre de ce rapport.
  10. STRIZEK 2003 et STRIZEK 2005.
  11. Voir ma lettre ouverte adressée à HRW le 16 mai 2006 concernant les performances de Madame Des Forges. En outre, je partage l’avis de Serge Desouter exprimé dans l’annexe de son Rapport soumis au TPIR dans le cadre du Procès dit « Butare ». Cet annexe est repris comme annexe 2 au présent rapport.
  12. Rakiya Omaar et son organisation “African Rights” soutenait dès le début les objectifs des rebelles tutsi. Après la victoire du FPR elle a transféré le siège de cette organisation à Kigali.
  13. Témoignage de Alison Des Forges, devant le TPIR le 9 juin 2005 : «R. Rakiya Omar était le chef de la division Afrique du conglomérat de comité de Watch. — Question :  Bon. Donc, vous avez travaillé avec Rakiya Omar ? — Réponse : C’est exact». (Extrait de la transcription du contre-interrogatoire).
  14. L’implication de Filip Reyntjens pour avoir présenté les mensonges d’un certain Janvier Afrika concernant les « escadrons de la mort » comme sources sérieuses est un fait déplorable.
  15. La lecture des Rapports d’expertise présentés au TPIR par Bernard Lugan (LUGAN 2006) et le Père Serge Desouter en 2005 et 2006 (DESOUTER 2005 et DESOUTER 2006) est fortement recommandée pour les explications détaillées à partir de l’ère coloniale. Les lecteurs désirant acquérir une connaissance approfondie des changements intervenus avec l’arrivée des pouvoirs coloniaux devraient se référer notamment à NSENGIMANA 2003. Lugan a fourni la meilleure description succincte du savoir disponible concernant l’origine des « grandes composantes humaines » au Rwanda. (LUGAN 2006 : Première partie : Les relations Hutu-Tutsi dans l’ancien Rwanda et jusqu’en 1990). Dans le présent rapport, je me réfère souvent aux analyses de Bernard Lugan. Je tiens toutefois à souligner que je ne partage pas ses avis politiques « de droite » sur le plan de la politique française. Ce qui est à retenir, c’est le fait que Bernard Lugan, dans ses travaux d’historien plutôt pro-tutsi, n’a sûrement pas de parti pris anti-tutsi. Pierre Erny évalue les conclusions de Bernard Lugan de la façon suivante : « Malgré les divergences d’opinion que j’ai affichées quant aux présupposés de l’auteur, malgré des affirmations à l’emporte-pièce, elles aussi fortement teintées d’idéologie qui de ce fait ne faciliteront pas la prise en compte des sa pensée, il me semble que B. Lugan a le mérite de bousculer, avec l’autorité que lui confère sa connaissance directe, vaste et fine du Rwanda, un certain nombre de tabous qui encombrent, voire bloquent une saine évolution de ce pays. » (ERNY, Pierre, “Races“ et „Ethnie“ au Rwanda selon l’historien Bernard Lugan, DIALOGUE N°234, juillet-août 2004, p. 13).
  16. STRIZEK 2006.
  17. Le pouvoir colonial était représenté par un résident auprès de la cour royale qui maintenait une grande partie de ses anciennes prérogatives.
  18. Après une phase initiale de coopération avec les pauvres paysans hutu.
  19. Il est tout de suite à noter que ce terme qui peut être traduit également par cancrelat a été inventé par les rebelles tutsi eux-mêmes en 1961. Ngurumbe Aloys, un des activistes le plus connus des ”inyenzi”, a expliqué dans KANGUKA N° 52, le 12 février 1992 l’origine du mot et les actions des inyenzi après avoir été incarcéré au Rwanda entre 1981 et 1991. Voir également Chapitre VII et l’annexe 6.
  20. Alison Des Forges caractérise Habyarimana et les dignitaires de son régime comme “admirateurs d’Hitler” (“It may have been Habyarimana and his intimates instead who were the admirers of Hitler”) DES FORGES 1999 :80. Lors de mon audition devant le TPIR en mai 2003 j’ai pu constater la conséquence de telles diffamations quand la jeune procureur m’a posé la question de savoir si l’on ne pouvait pas comparer Habyarimana avec Hitler.
  21. Voir le chapitre „Un régime fatigué“ dans DESOUTER 2005.
  22. Dans le présent rapport j’utilise presque comme synonymes Front Patriotique Rwandais (FPR) et Armée Patriotique Rwandaise (APR) qui est l’aile armée du FPR.
  23. L’excellent rapport présenté au TPIR par Barrie Collins en 2006 intitulé “The international dynamics behind the Rwandan tragedy” est presque une exception à la règle. Ces analyses rejoignent les opinions que j’ai publiées depuis 1996.
  24. Dans un long entretien que Mgr. Perraudin m’a accordé le 8 avril 1995, il explique qu’il n’a pas opté en faveur des „hutu“ mais en faveur d’une église où tous le croyants sont égaux. Quand la noblesse tutsi a refusé une telle option en 1957/1958 il a soutenu Grégoire Kayibanda qu’il a remplacé d’ailleurs par le tutsi Justin Kalibwami comme rédacteur de KINYAMATEKA.
  25. Lugan se trompe en datant cet engagement jusqu’en 1989. Sous la pression de Rome, il a quitté le Comité Central du MRND déjà le 23 décembre 1985 (voir LINDEN 1999 : 379).
  26. L’influence chinoise sur l’exil tutsi et la gauche africaine (p. ex. sur Laurent Kabila) est décrite dans KENNES 2003. Il faut noter également l’influence de Gérard Prunier qui luttait pendant un certain temps dans les rangs des rebelles ougandais et qui a été envoyé à Mulindi en mai/juni 1994 pour négocier avec Kagame l’organisation de l’Opération turquoise. (« Gérard Prunier, East Africa adviser to the Socialist Party in France and a onetime active ally of Museveni’s NRA, was sent to Mulindi and Kigali to negotiate with the RPF. Prunier’s message was the Opération Turquoise would not interfere with the RPF’s war outside Zone Turquoise and that the RPF could profitably stay clear of engaging the French.(p. 43) (…) According to Prunier, who handled the negotiations, RPF members quickly came to realize that (France)…. did not intend to attack them and that they could avoid a high-cost battle simply by staying out of Turquoise-occupied territory.(p. 125) » JONES 2001.
  27. Quelques semaines plus tard Mobutu a démissionné comme président du parti unique.
  28. Voir: Eric Fottorina : Dans le piège rwandais, Dossier internet du MONDE, août 1997.
  29. Je me permets de citer le nom du Colonel Nsekalije qui été mis de côté parce qu’il passait comme corrompu dans l’opinion publique. Ce qui n’a pas empêché le FPR de lui attribuer des postes importants après sa victoire.
  30. Le Colonel Mayuya, homme de confiance du Président Habyarimana, a été assassiné le 18 avril 1988 par le Sergent-Major Biroli (tutsi). Biroli a été tué par un inconnu tout de suite après son arrestation. (Voir GASANA 2002: 48/49).
  31. Frankfurter Rundschau, 5 novembre 1992.
  32. En 1989 j’avais à préparer les négociations intergouvernementales germano-rwandaises. La délégation rwandaise était dirigée par le Ministre Casimir Bizimungu et je peux témoigner des preuves d’estime dont il était l’objet ainsi que l’ambassadeur Juvénal Renzaho, qui était en poste à Bonn à l’époque et qui fut assassiné le 6 avril 1994.
  33. Cité d’après la version anglaise de DESOUTER 2006.
  34. Winter qui travaille actuellement avec USAID était un des premiers promoteurs de Paul Kagame et continue à le faire.
  35. Pendant des années on s’était habitué à écrire Kagamé dans les publications en langue française. Depuis un certain temps tout le monde écrit Kagame à l’anglaise. J’utilise dans ce rapport également la forme Kagame.
  36. Cité d’après, REYNTJENS 1999 : 64.
  37. Cf. MUSABYIMANA 2003: 37/38. Le 21 avril 1991 Habyarimana a mentionné les accords devant le CND: “Le problème des réfugiés, surtout ceux qui se trouvent en Ouganda, à l’origine des Inyenzi-Inkotanyi, avait trouvé une solution définitive au cours des négociations qui ont réuni les délégués venus d’Ouganda, du Rwanda, de l’OUA et du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés” (Citation de GASANA 2002: 72).
  38. MUSABYIMANA 2003 : 50.
  39. Mme Des Forges a relayé à maintes reprises sans présenter des preuves les rumeurs d’une entente entre le Président Habyarimana et le chef du FPR de l’époque, le général Fred Rwigema: „Il y a des preuves de ce que le Président Habyarimana savait que les attaques allaient avoir lieu. Mais n’a rien fait pour les contrecarrer.“ (Arusha 31.5.2005 ). Le Général Rusatira ose avancer la même hypothèse sans pour autant donner de preuves. (RUSATIRA 2005:127). Dans une « Lettre ouverte au Général de Brigade Léonidas Rusatira » du 23 avril 2006 signée par les Généraux Ndindiliyimana et Kabiligi, le Colonel Renzaho, les Lt. Colonels Nsengiyumva et Setako et le Major Ntabakuze ses anciens « camarades d’armes » réfutent catégoriquement cette affirmation. Ils écrivent : “D’aucuns se demandent quels sont les mobiles qui poussent Rusatira à répandre sans preuve une rumeur non fondée sur une ludique guerre convenue d’avance entre l’Uganda et le Rwanda, dans le but de trouver une solution à une question des réfugiés Tutsi. Nous pensons qu’un conte de fée de ce genre n’a pas de place dans un débat portant sur un drame comme celui que le Rwanda a vécu depuis le mois d’octobre 1990, à cause de l’invasion du Rwanda par la coalition NRA/FPR à partir du territoire ougandais. Personne n’a le droit de mettre en doute la volonté politique des autorités rwandaises pour trouver une issue pacifique au problème des réfugiés rwandais. Il suffit de lire le rapport sur la visite officielle du Président Habyarimana en Uganda du 04 au 06 février 1988 et sur les pourparlers qui ont suivi cette visite dans le cadre de la commission mixte mis en place sur le problème des réfugiés pour constater que le Gouvernement rwandais voulait une solution pacifique à la question des réfugiés. Le scénario, tel qu’exposé par Rusatira, est donc inimaginable”. Je partage l’approche prudente de Lugan (LUGAN 2006 : 24) qui considère une telle tactique de Habyarimana, même si James Gasana (GASANA : 69-71) semble la prendre au sérieux, très invraisemblable.
  40. Cf. Rapport Desouter: “By resolution 3314 of 14 December 1974, the United Nations General Assembly, by consensus, provided the definition of aggression and a list (which is not exhaustive) of what it considered acts of aggression”.
  41. Au début les Rwandais ont utilisé le terme des années 60 pour désigner les envahisseurs. Plus tard ils ont utilisé le nom «Inkotanyi» que les rebelles se sont donnés en mémoire d’une armée royale de l’ère précoloniale.
  42. Voir MAMDANI 2001.
  43. Les informations sur la „fausse attaque“ pendant la nuit du 4 au 5 octobre 1990 – attribuée souvent aux militaires par des milieux intéressés – qui a provoqué ces arrestations sont tellement contradictoires (voir par exemple RUSATIRA 2005: 134) pour permettre un tel soupçon. Voir également PEAN 2005: 50.
  44. Concernant le texte du rapport voir: AFRICA WATCH 1993.
  45. Le professeur ivoirien René Degni-Segui, un des “pères” du TPIR en sa fonction de Rapporteur Spécial de la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies, avait soumis le 28 juin 1994 (Doc. K015 7888-7906) à cet organisme un rapport qui désignait l’assassinat du Président Habyarimana comme facteur-clé du déclenchement du génocide et demandait une enquête sur cet événement. Ce qui a été refusé parce que les Nations Unies “ne disposaient pas de budget pour celle-ci” ! (Ordonnance Bruguière du 17 novembre 2006).
  46. A. Des Forges aurait dû mentionner dans «Leave none to tell the story» Carbonare et Schabas, tous les deux déjà à l’époque très proche du FPR comme membres de la Commission. Voir notamment PHILPOT 2003 :77 « William Schabas fera un va-et-vient continuel entre le Canada et Kigali, faisant carrément office de publiciste du FPR »). Le 18 mars 2004 Stephen Smith a écrit dans LE MONDE : “Présidée, en 1994, par Jean Carbonare, un Français qui était alors conseiller de Paul Kagame, Survie, aujourd’hui dirigée par François-Xavier Verschave, a initié, avec d’autres ONG, dont la Cimade, une «commission d’enquête citoyenne” qui entend examiner, du 22 au 26 mars 2004, l’ensemble des éléments à sa disposition faisant peser sur la France le soupçon d’une complicité multiforme avec l’un des plus graves crimes du XXe siècle». Ces faits ont été expliqués plus tard in extenso dans le livre de Pierre PÉAN paru en 2005.
  47. Entre-temps on sait que ces accusations – “transportées” malheureusement également par Filip Reyntjens – d’un certain Janvier Afrika étaient de pures inventions.
  48. Historiquement William Shabas est le premier à avoir utilisé le mot „génocide“ le 28 janvier 1993 lors d’une conférence de presse à Kigali. (Voir LUGAN 2006 : 35).
  49. Il parait que ce faux témoignage de cet homme de la gauche a même impressionné le Président Mitterrand. Ce qui expliquerait ses distances vis-à-vis du Président Habyarimana à partir de ce moment.
  50. James Gasana fait déjà en 2002 état d’une lettre adressée par une „personnalité du FPR au Journal ISIBO en date du 26 décembre 1992, lettre dans laquelle il disait à l’éditeur que le FPR n’allait pas attaquer avant la sortie du rapport de la Commission internationale.“ (GASANA 2002 : 183). Mais avant tout Pierre Péan (PEAN 2005) décrit en détail le fond politique de cette «Commission». En 2003 Robin Philpot (PHILPOT 2003) avait déjà fourni de précieuses informations concernant la CIE.
  51. Voir tableau 2, p. 185, chez GASANA 2002.
  52. C’est avant tout ce potentiel de personnes haineuses qui a perpétré le génocide quand les circonstances créées par l’attentat contre l’avion présidentiel et les décisions du Conseil de Sécurité prises le 21 avril 1994 les ont poussées dans cette direction.
  53. DALLAIRE 2003: 63/64.
  54. Voir les publications de Rudolf Decker en allemand : DECKER 1998a et DECKER 1998b.
  55. “In a strange coincidence of timing, an American military officer, Colonel Charles ‚Chuck’ Vukovic, was already in Kigali and had an evacuation plan“. MELVERN 2000 :140.
  56. David Rawson s’est exprimé sur son savoir d’une façon très évasive dans une interview avec FRONTLINE le 1.4.2004. Il s’est seulement permis une certaine critique des accords d’Arusha dont la mise en place était „concertée“ par le Prayer Breakfast Movement : « In reflection, I think that the agreement was fundamentally flawed. It was, in essence, an agreement between party leaders [that were] self-appointed. There was not much reference to a political base, and in the wake of the Burundi events, the parties began to break apart”.
  57. Je partage l’avis du Colonel Hogard quand il déplore ce départ et écrit : « Je vais même plus loin, c’est justement parce qu’il n’y a pas de soldats français au Rwanda à cette époque charnière que le génocide a pu avoir lieu». HOGARD 2005 : 73.
  58. «L’initiative de cette mission revient à Jean Carbonare, ingénieur des arts et métiers, qui a derrière lui une longue carrière de militant anticolonialiste commencée en Algérie avec Germaine Tillon et Robert Buron, poursuivie après 1962 dans la coopération technique internationale pour l’agriculture et la reforestation». (Rapport Rocard)
  59. Rocard écrivait entre autres: «Car le génocide de 1994 au Rwanda n’est pas une de ces péripéties incompréhensibles propres au continent africain. Il est le résultat de l’image que ses premiers colonisateurs allemands lui ont fabriquée, que ses administrateurs et ses missionnaires belges lui ont appliquée, que ses élites ont adoptée, qu’un pouvoir menacé a transformé en “nazisme tropical”».
  60. Le fameux discours du tutsi Froduald Karamira, vice-présiden du MDR, qui pendant un certain temps avait collaboré avec le FPR et même reçu une assistance financière (voir DESOUTER 206), prononcé peu après l’assassinat du Président burundais Ndadaye, était une réaction aux cris de combats „Power“ des rebelles en octobre 1990 (voir GASANA 2002: 222), et exigeait le „power“ pour les partis de la coalition, décus entre temps du FPR. Par ailleurs, Karamira a dû, sous la pression de son parti MDR, expliquer sur les ondes de la radio RTLM, le 21 janvier 1994, qu’une coalition politique «hutu power» n’existe pas. (Voir document K0221520).
  61. Les détracteurs du Président Habyarimana se sont servis d’une traduction manipulé des son discours du 15 novembre 1992. Voir : LUGAN 2006: 55.
  62. Stephen Smith, Le Monde du 7.5.2004: « Ministre des travaux publics et de l’énergie dans le gouvernement dirigé par l’opposition, Félicien Gatabazi, fondateur et chef du Parti social-démocrate (PDS), avait pris ses distances, dès la fin 1993, tant à l’égard du président Habyarimana que par rapport au FPR, le mouvement rebelle de Paul Kagame. Son parti n’entendait être “le valet” ni de l’un ni de l’autre, expliqua-t-il lors d’un meeting, en février 1994. Quelques jours plus tard, le lundi 21 février, sortant d’une réunion de l’opposition à l’hôtel Méridien de Kigali, l’opposant fut tué dans sa voiture sur l’échangeur qui montait à son domicile, vers 22 h 45. Selon des témoignages recueillis par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et le juge Bruguière, et confirmés à André Guichaoua, deux militaires du FPR seraient les auteurs de ce crime : le lieutenant Godffrey Kiyago Ntukayajemo, qui purge une peine à perpétuité pour d’autres faits, et le sergent Eric Makwandi Habumugisha, qui aurait déjà assuré la “couverture” du meurtre d’un autre dirigeant de l’opposition, Emmanuel Gapyisi, en mai 1993».
  63. Voir les preuves établies dans un article d’André Guichaoua dans LE MONDE du 6 mai 2004.
  64. Je me permets de renvoyer le lecteur à l’annexe 4 qui reprend une partie de ma publication STRIZEK 2004.
  65. Voir notamment par. 33 et 43 du “Report of the UN Reconnaissance Mission to Rwanda” (L0022645A).
  66. Les essais de dénigrement de ces ouvrages par les parties intéressées comme Alison Des Forges (voir la note en bas de la page se référant à ses affirmations devant le TPIR le 5 octobre 2006 au début de ce rapport), Alain Desthexe, Jean-Pierre Chrétien, Colette Breackman, Marie-France Gros et autres sont compréhensibles mais n’ont pas pu infirmer la substance des messages contenus dans ces ouvrages.
  67. Comme «membres blancs » de ce «network», on pourrait considérer par exemples les personnes – énumération non-exhaustive – suivantes pour : (a) La France : Jean Carbonare, François-Xavier Verschave (successeur de Jean Carbonare à la tête de SURVIE), Gérard Prunier (jusqu’à sa rupture avec Kagame), Jean-Pierre Chrétien (Prof. à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales EHESS), François Misser (journaliste), Christian Terras (rédacteur en chef de GOLIAS), Patrick de Saint-Exupéry (journaliste), Michel Rocard (ancien Premier Ministre), Jean-François Dupaquier (journaliste), Jean Gouteux (écrivain), Jean Hatzfeld (écrivain) —  (b) La Belgique :  Jean Gol (ministre libéral, décédé le 18 septembre 1995), Alain Destexhe (sénateur libéral), Eric Gillet (avocat), Louis Michel (Commissaire européen et ex-ministre des Affaires Etrangères) et les journalistes Marie-France Cros et Colette Breackman —- (c) Les Etats-Unis : Alison Des Forges, Roger Winter, David P. Rawson (avant d’être nommé ambassadeur, Rawson soutenait le FPR en sa fonction de membre du Prayer Breakfast Network), Philip Gourevitch (journaliste) —– (d) Le Canada : William Shabas (professeur), Gil Courtemanche (écrivain), Carol Off (écrivain) —- (e) La Suisse : Jean Ziegler (professeur), Philippe Dahinden (journaliste) —- (f) La Grande-Bretagne : Linda Chalker (ministre conservateur) ; Claire Short (ministre travailliste), Caroline Cox (« Christian Solidarity Worldwide »), Linda Melvern (journaliste/chercheuse ; après le début de sa collaboration avec le Procureur du TPIR) — (g) Les Pays Bas : Jean Pronk (ex-ministre socialiste), Eveline Herfkens (ex-ministre socialiste) —- (h) L’Allemagne : Harald Ganns (en sa qualité de Directeur pour l’Afrique il était après la victoire militaire une sorte de propagandiste social-démocrate en faveur du FPR au sein du ministère des Affaires étrangères, conduit à l’époque par Klaus Kinkel qui appartenait à la même „famille politique“ que Jean Gol), Rudolf Decker (le représentant allemand du Prayer Breakfast Network), Joachim Tappe (ex-membre social-démocrate du Bundestag et activiste du Prayer Breakfast Network), Ursula Eid (membre du Bundestag pour le parti des Verts, qui est jusqu’à présent – sous l’impulsion du „clan Clinton“ – l’arme propagandiste la plus efficace en faveur de Paul Kagame en Allemagne), Walter Zuber (pendant de longues années en sa fonction de responsable du Land Rhénanie-Palatinat avec le Rwanda), Dominic Johnson (journaliste), Christian Scherrer (chercheur), Winrich Kühne (chercheur), Gerd Hankel chercheur au Hamburger Institut für Sozialforschung, institut privé fondé par Jan Philipp Reemtsma qui a édité le livre de Alison Des Forges « Leave none… » en allemand.
  68. PEAN 2005: 71/72.
  69. Quand elle était étudiante, elle militait tout en étant membre d’une organisation des étudiants protestants en faveur d’une organisation communiste.
  70. PEAN 2005: 133.
  71. Dans les milieux académiques le professeur Jean-Pierre Chrétien a joué un rôle semblable à celui de Jean Carbonare.
  72. Stephen Smith et André Guichaoua dans „Le Quotidien“ le 13 janvier 2006: «Membre de la commission internationale qui a enquêté en janvier 1993 sur les pogromes antitutsis au Rwanda, Jean Carbonare avait recueilli le témoignage de Janvier Afrika. A son retour à Paris, invité du 20 heures de France 2, il avait accusé le gouvernement français d’être «complice» d’un génocide en préparation. En même temps qu’il présidait l’association Survie, qui n’a cessé de développer le thème de la «complicité» de la France depuis 1994, Jean Carbonare est entré dans les services du général Kagame comme conseiller à la présidence à Kigali, après le changement de régime. Où l’a-t-on lu, sinon chez Péan ? ».
  73. Voir le papier intitulé «Le génocide rwandais: comment il a été préparé. Une note d’information de Human Rights Watch». qu’elle a présenté le 6 avril 2006 à New York. (The Rwandan Genocide: How It Was Prepared. A Human Rights Watch Briefing Paper) » Ma réponse à HRW est reprise en annexe 3.
  74. AFRICA WATCH 1993.
  75. La formulation du rapport définitif publié le 8 mars 1993 seulement était beaucoup plus souple. Concernant le génocide on y lit: « Certains juristes estiment que le nombre de tués est un élément d’importance pour que l’on puisse parler de génocide. Les chiffres que nous avons cités, certes considérables pour le Rwanda, pourraient, aux yeux de ces juristes, rester en deça du seuil juridique requis. La Commission estime que, quoi qu’il en soit des qualifications juridiques, la réalité est tragiquement identique: de nombreux Tutsis, pour la seule raison qu’ils appartiennent à ce groupe, sont morts, disparus ou gravement blessés et mutiliés; ont été privés de leurs biens; ont dû fuir leur lieu de vie et sont contraints de se cacher; les survivants vivent dans la terreur.».
  76. Il est malheureux que Filip Reyntjens ait transmis les « informations » de Janvier Afrika concernant « les escadrons de la mort » à la CIE avant de les vérifier scrupuleusement. J’ai expliqué plus en détail comment Jean Carbonare à pu interviewer Janvier Afrika en prison dans mon rapport de 2005.
  77. Voir notamment Lugan 2005.
  78. «Commandant Mike was a pseudonym, of course, but it seems likely that he is either Col. Théoneste Bagosora or someone working closely with him». DES FORGES 1999:104.
  79. GASANA 2002: 213.
  80. J’avais émis depuis un certain temps ce soupçon. Mon rapport de 2003 contenait déjà un long passage à ce sujet. Pour mes constats contenus dans mon rapport de 2005 le lecteur est invité à se référer à l’annexe 8.
  81. Le Procureur a transmis le texte – pourtant caviardé – de la déclaration écrite faite le 3 avril 2003 par la veuve de Jean-Pierre Turatsinze. Le Procureur se sentait obligé de ne plus nier sa connaissance du sort de J.-P. Turatsinze après la révélation de Pierre Péan du code KO272631 du texte (PÉAN 2005: 220). Serge Desouter a reproduit le texte caviardé dans son rapport dans le cadre du procès Militaires I.
  82. Voir notamment la Déclaration de Maître Chris Black « The Dallaire Genocide Fax: A Fabrication». December 1, 2005. www. sandersresearch.com.
  83. Tout ce-ci est confirmé également dans LUGAN 2006 qui ajoute en page 54 un détail significatif: « Dans un rapport adressé au général Dallaire, le capitaine Claeys écrivait pour sa part que Jean-Pierre déplaçait des armes de chez lui au siège du MRND afin de faire croire qu’elles y étaient stockées. » (TPIR, D. NT 22, p. 172, folio L0022613)
  84. Voir par exemple ESSOUNOUGOU 2006, p. 26.
  85. Pg 44 de l’expertise Alison Des Forges. (doc. Jaune 1/234) ; P. 7 du rapport d’Alison Des Forges (Procès dit de Butare).
  86. Cf. Alfred Pognon: le procès de Mgr Augustin Misago, 11 mai 2000, pg 125.
  87. Cf. transcription du 22 mai 1997 pg 130-145 (doc jaune 1/236).
  88. Déclaration d’Angélique Kabuga in TRIPOD on line s.d.
  89. DESOUTER 2005.
  90. Lettre du Général Ndindiliyimana à Mme Des Forges du 13 octobre 1999.
  91. Voir DES FORGES: 100.
  92. Il a créé après sa rupture avec le nouvel ordre de Kigali le «Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda» (CLIIR) en Belgique.
  93. Parce que c’est Museveni qui a arrangé la visite du Président de l’Assemblée burundaise, Sylvestre Ntibatunganya, le matin du 6 avril 1994 à Kampala, l’obligeant à utiliser le seul avion à réaction burundais disponible à ce moment. Il a empêché le retour à temps de cet avion pour le transport du Président Ntaryamira à Dar Es Salaam. C’est ce que a obligé celui-ci de prendre un petit avion à hélices. Sur fond de ce fait Museveni aurait recommandé à Ntaryamira tard le soir de voyager avec le Président à Kigali pour qu’ils puissent le voir à Kampala le lendemain pour y continuer de débattre les sujets que l’on n’a pas pu aborder faut de temps à Dar Es Salaam.
  94. A ce propos André-Michel Essoungou écrit sur base des informations disponibles: « Mais tout comme la NSA, ni la Central Imagery Office, ni la National Reconnaissance Office, institutions spécialisées et impliquées dans les exercices d’espionnage à distance ne sont encore disposées à dévoiler les données recueillies au Rwanda. On devine pourtant, en prêtant attention aux informations rendues publiques, que ce qu’ont entendu et vu, en ces jours d’avril à juillet 1994 au Rwanda, les grandes oreilles et les grands yeux des services de renseignement américains ne devait pas être très agréable.» ESSOUNGOU 2006 :38.
  95. Pour mes différentes remarques concernant Alison Des Forges voir les annexes 3 et 7.
  96. Voir par exemple ma lettre reprise en Annexe 3.
  97. Citation du compte-rendu de la rencontre du 15 avril 1994, comme reproduite dans BOOH BOOH 2005 : 170.
  98. MASIRE 2000.
  99. Liste non-exhaustive. Il est intéressant que André-Michel Essoungou dont le livre suit scrupuleusement “la lecture officielle” du procureur, se voit obligé de dénoncer le rôle de la communauté internationale en refusant la protection aux tutsi menacés. ESSOUNGOU 2006; voir chapitre II “Et tous se turent”.
  100. POWER 2001 et POWER 2002.
  101. MELVERN 2000.
  102. BARNETT 2002.
  103. BOOH BOOH 2005 :147.
  104. Des Forges ne parle que de “Rwandan soldiers”.
  105. RUSATIRA 2005 : 53 et 156.
  106. J’ai reçu ce texte en format PDF via l’internet.
  107. BOOH BOOH 2005, p. 81.
  108. LUGAN 2004 :155.
  109. Texte confirmé au rapporteur par Luc Marchal.
  110. Ordonnance Bruguière du 17 novembre 2006.
  111. Citation d’après LUGAN 2004 :171.
  112. Voir son rapport écrit en 2000 à Scheveningen.
  113. Voir HOGARD 2005:105-112. Concernant Sendashonga, il m’a informé personnellement lors d’une visite à Bonn en 1996 que c’est justement le sort des personnes sauvées et regroupées à Kibeho et assassinées par l’APR en 1995 qui a provoqué sa rupture avec Paul Kagamé – raison pour son assassinat en mai 1998 à Nairobi.
  114. LUGAN 2004 :178.
  115. Le Général Rusatira nourrit cette illusion jusqu’à présent quand il écrit en 2005 : „En juillet 1994, je ne comprenais pas que l’armée quittât le pays sans se battre, alors que la moitié du pays était encore libre.“ (RUSATIRA 2005: 69).
  116. L’épisode le plus étonnant est son vol avorté vers les Etats-unis en compagnie de la société ISTO (CIA) à partir de Nairobi en janvier 1995. Voir PEAN 2005: 338 et ONANA 2005: 148-160.
  117. CRUVELLIER 2006.
  118. ONANA 2005.
  119. Il ne faut pas oublier que Sindikubwabo avait rendu visite à sa concubine tutsi à Butare qui fut tuée le même jour. « En face de cette maison (NB du commerçant Bwanakeye à Tumba) se trouvait celle de Maria, la concubine tutsi du docteur Sindikubwabo, président du Gouvernement pendant la sinistre période. Elle fut parmi les premiers assassinés lorsque, le 19 avril 1994, son concubin de Président intima l’ordre d’assassiner dans Butare. » KAREMANO 2003 :103/104. Cette citation est très importante bien que je ne partage pas la partie « …. intima l’ordre d’assassiner à Butare ». Ce discours appellait à la lutte contre « l’ennemi » mais non pas à tuer « les tutsi ». En plus, il ne faut pas oublier que son beau-fils Augustin Iyamuremye, membre du PSD, était soupçonné de collaborer avec le FPR et d’espionner le gouvernement intérimaire. Il fut plus tard effectivement ministre du gouvernment dirigé par le FPR.
  120. Le texte intégral se trouve chez RUSATIRA 2005 :54/54.
  121. RUSATIRA 2005, p. 56.
  122. Voir notamment CRUVELLIER 2006 : 84-94.
  123. LUGAN 2004 : 182/183.
  124. Posting sur le site internet “Cercle solidaire” de December 5, 2000.
  125. Le Rapport de la Commission Nationale de Synthèse retenait clairement: “La coexistence pacifique entre les différentes composantes de la société rwandaise est essentielle. Dans ce cadre, les partis politiques ne peuvent exercer leurs activités que par des moyens pacifiques. Il leur est notamment interdit de créer des milices et autres organisations aux méthodes similaires, le rôle de maintien de l’ordre et de la sécurité appartenant à l’Etat. Un organe consultatif en matière de défense et de sécurité doit être institué”.
  126. SHIMAMUNGU 2004: 309.
  127. Alexander Kimenyi est un royaliste rwandais qui devint professeur à la California State University à Sacramento aux Etats Unis. Il est l’organisateur de la Conférence de Washington en 1988. Il a rompu entre temps avec Paul Kagame et est l’auteur d’un fameux poème anti-hutu (presque raciste) glorifiant Fred Rwigema après sa mort en octobre 1990.
  128. Eugène Shimamunu, 2004 – Juvénal Habyarimana. L’homme assassiné le 6 avril 1994 – Ed. Sources du Nil. pg 309. Egalement Félicien Kanyamibwa d’OPJDR dans sa lettre du 5 mai 2001 au secrétaire général de l’ONU Koffi Annan.
  129. Extraits d’une lettre de OPJDR : “It is with great shock that the Organization for Peace, Justice, and Development in Rwanda, Inc. (OPJDR) learned that Mr. Anastase Gasana was accredited as the new Rwandan Ambassador to the United Nations Organization. In fact, Anastase Gasana is the founder of the notorious Interahamwe, accused of genocide in Rwanda 1994. Besides, he was one of the prominent officials and leaders of the Rwandan Government during the massacres of more than two hundred thousand Rwandan Refugees in Eastern Congo and tens of thousands of Rwandan civilians inside Rwanda since 1994”.
  130. Il est à noter que le Président Clinton a déclaré encore le 25 mars 1998 à Kigali contre toute évidence qu’il n’était pas au courant de ce qui se passait au Rwanda à partir du 6 avril 1994. Entre-temps il a abandonné cette affirmation malhonnête.
  131. Le 15 juillet 1995, le journaliste allemand Günter Krabbe a présenté dans FRANKFURTER ALLGEMEINE ZEITUNG un calcul qui arrive à la conclusion que – y inclus les tutsi tués – entre 2,5 et 3,5 millions de personnes „manquaient à l’appel“ fin juillet 1994. Au moins un million de hutu avaient, donc, disparu également. Le rapporteur a pu poser la question à Seth Sendashonga lors d’une visite à Bonn en 1996 ce qu’il en pensait. Il a expliqué que ce calcul se basait entre autres sur le nombre de personnes vivant au Rwanda qu’il a fourni sur la base des chiffres transmis par les bourgmestres à l’UNHCR en sa qualité de ministre de l’intérieur du gouvernement Twagiramungu. Le chiffre des réfugiés hutu était connu et seul le nombre des exilés rentrés au Rwanda était le résultat d’estimations.
  132. Cf. par exemple au texte du jugement du 3 décembre 2003 dans le «procès de médias» : «The Chamber notes that attacks by the RPF against civilians during this time have also been documented» (par.118).
  133. Cette partie du rapport reprend en partie le texte de mon rapport soumis au TPIR en mai 2005.
  134. L’utilisation du terme “plans machiavéliques” permet de penser à l’auteur de la lettre anonyme des “modérés“ adressée au Général Dallaire le 3 décembre 1993 à propos d’un “plan machiavélique du Président Habyarimana (KOO7-0788- K007-0789). Cette lettre émane du FPR parce que on y annonce la mort de Félicien Gatabazi. On sait aujourd’hui qu’il a été tué par le FPR.
  135. Voir par exemple le chapitre „The Military Defines ‚the Enemy’“. DES FORGES 1999: 59-64.
  136. Voir notamment les hommages d’André Guichaoua dans CRUVELLIER 2004 et du colonel Jacqes Hogard sur ses contacts avec lui en Juillet 1994. HOGARD 2005 : 108/109.
  137. “Twaganiriye na Muzehe Ngurumbe Aloys” de Rangira et Kalinganire, Kanguka no. 52, 12 février 1992, traduit du kinyarwanda en français par Eugène Shimamungu.
  138. Les terroristes tutsi de l’époque se sont attribués eux-mêmes ce mot qui peut être traduit également comme “cancrelat”.
  139. Voir annexe 6 concernant les exactions des inyenzi.
  140. Charles Karemano qui appartenait avant le 6 avril 1994 à la direction du Parti Social-Démocrate (PSD), a expliqué la dialectique fatale qui dominait les événements : “Les Interahamwe, les miliciens hutu, tuaient les tutsi croyant que, sensible au sort des tutsi, le FPR allait stopper ses conquêtes. La logique de terreur devint donc la suivante: les massacres des civils tutsi justifiaient les attaques du FPR; ces attaques encourageaient les tueries des tutsi”. (KAREMANO 2003: 34)
  141. Dans une émission de la RTLM du 25 juin 1994 Gaspard Gahigi disait par ex. : “In order for peace to be restored – as Mr. Jean Kambanda once said, and rightly so – you must know your adversaries, the Inkotanyi. Your neighbour is not your adversary, simply because of he is this or that other way.(…) If the French come to help us we must make our contribution. The killings must stop everywhere. As for us, we must ensure that no one is victimized because of his appearance or regional origin, but rather for his acts”. (Quoted from § 419 of the Media Trial verdict of 3 December 2003).
  142. Alexis Kanyarengwe, né en 1938, est décédé le 13 novembre 2006.
  143. Citation d’après DES FORGES 1999: 700.
  144. Ibid.
  145. RUYENZI 2004.
  146. DES FORGES 1999: 80.
  147. Je dois pour le moment refuser de révéler la personne ayant fourni l’information.
  148. C’est probablement cette opposition qui lui a valu l’attaque de la revue Kangura.
  149. Longtemps la CDR soupçonnait Habyarimana et le MRND d’être trop clément envers le FPR. C’est seulement après l’attaque du 8 février 1993 que le FPR a “réussi” de les rapprocher.
  150. La résolution du Conseil de Sécurité du 21 avril 1994 en est une preuve. Mais l’espoir d’un changement restait apparemment vivant au sein du “gouvernement en fuite”.
  151. Je ne partage pas l’avis de Thierry Cruvellier quand il écrit: “C’est un tribunal dont la mise en place et le fonctionnement sont sous la responsabilité de ‘perdants’ : la communauté internationale, le Conseil de Sécurité de l’Onu et ses puissants membres. (…) En réalité [le TPIR] est une justice des vaincus”. (CRUVELLIER 2006: 248). Un tel langage plaît bien aux “grandes puissances”. Mais cette analyse ne correspond pas du tout à la réalité. Ces puissances n’étaient pas des victimes, elles étaient bien des acteurs cruels. Il incombera à une nouvelle génération d’historiens américains de se procurer les documents nécessaires des archives classées pour affirmer minutieusement ce constat déplorable.
  152. Voir par exemple REYNTJENS 2004.
  153. Partiellement même Alison Des Forges.
  154. Filip Reyntjens parle de «dictature» (REYNTJENS 2004) et caractérise Paul Kagame comme le «plus grand criminel de guerre en service». Je n’ai, cependant, pas d’information si Filip Reyntjens a retiré formelle sa déclaration devant le TPIR que le colonel Bagosora aurait planifié un génocide pendant cinq heures dans la nuit du 6 au 7 avril 1994. Cette affirmation manque de toute plausibilité après les informations dont on dispose aujourd’hui.
  155. Le 11 octobre 2006 Mme Des Forges a dit devant le TPIR à Arusha: «I have concluded previously, and I believe the evidence is solid, that the RPF gave priority to winning a military victory and not to saving the lives of civilians, including particularly Tutsi civilians in the country».
  156. Mais la présentation en avril 2006 d’un texte intitulé “Le génocide rwandais: comment il a été préparé. Une note d’information de Human Rights Watch” qui est à la base de ma lettre ouverte adressée au Directeur Exécutif de HRW (voir annexe) laisse douter du sérieux de ces prises de position.
  157. À mon avis, il est dépourvu de bon sens quand Guichaoua déclare le 23 novembre 2006 dans une interview accordée au MONDE tout en reconnaissant le bien-fondé de l’attribution de la responsabilité pour l’attentat du 6 avril 1994 à l’FPR par le juge Bruguière: «Les dirigeants du FPR ont pris le risque du génocide, sans doute en connaissance de cause. Les extrémistes hutus ont eu besoin d’une semaine pour concrétiser leur projet génocidaire et en mettre en place les structures. Mais l’attentat en tant que tel ne peut pas être considéré comme la cause du génocide. Le génocide est l’aboutissement d’une stratégie politique, mise en oeuvre par des groupes extrémistes hutus qui ont utilisé l’attentat pour déclencher cette apocalypse».
  158. Dans une moindre mesure on peut ajouter Thierry Cruvellier à cette liste.
  159. Voir Jean-Pierre Stroobants dans LE MONDE du 30 mars 2004. Concernant les discussions qui se sont déroulées à New York à l’époque, il faut se référer à BOUTROS-GHALI 1999, MELVERN 2000 et BARNETT 2002.
  160. On se demande si l’éviction de Boutros-Gahli comme Secrétaire Général des Nations Unies en 1996 et l’établissement de Kofi Annan comme successeur par Madeleine Albright dans un grand effort appelé «Opération Orient Express» était lié à la préparation de la guerre au Congo (et l’assassinat programmé des réfugiés hutu) que Boutros-Ghali n’aurait pas couvert. (Voir les révélations de Richard Clarke (CLARKE 2004: 201) concernant cette opération dans la référence incluse dans l’annexe 4.
  161. Samantha Power a merveilleusement bien documenté la lutte solitaire acharnée de cet homme. POWER 2000.
  162. C’est finalement “the Bitburg incident” – les protestations à travers le monde entier contre la visite du président Reagan le 5 mai 1985 d’un cimetière à Bitburg en Allemagne où se trouvent également des tombeaux d’anciens soldats de la Waffen-SS – qui ont amené le Congrès américain à ratifier la Convention “Lemkin” de 1948 en février 1986. Seulement en 1988 le Sénat a adopté le « Genocide Convention Implementation Act», appelé «Proxmire Act», car il a fallu à partir de 1967 3211 interventions au Sénat du Sénateur William Proxmire pour finalement atteindre son objectif de la ratification de la convention initiée par Raphaël Lemkin après sa participation au procès de Nuremberg en 1946. Voir POWER 2000, Chapitre 4 et pp. 161-163.
  163. Pas mentionné dans son curriculum vitae JPA 00390-00394 ; idem pour celui déposé dans le procès dit de Butare.
  164. Cfr Desouter A. Serge. 2000 — l’Usage usurpé du terme génocide – Antwerpen.
  165. Document de travail du Bureau de l’Adjoint du Secrétaire à la Défense, chargé du Moyen- Orient et de l’Afrique daté du 1 mai 1994. Analyse critique des Documents déclassifiés par l’Administration américaine, publiés par M. William Ferroggiaro du “National Security Archive”. JAK 18.09.01.
  166. Analyse critique des Documents déclassifiés par l’Administration américaine, publiés par M. William Ferroggiaro du “National Security Archive”. JAK 18.09.01. Document 6 (Secret – Déclassifié, 18 Novembre 1998).
  167. Membre du FPR de nationalité française, après il est devenu conseiller du président Paul Kagame à Kigali. En 1995, il avait signé, dans le Nouvel Observateur, une prise de position très remarquée appelant à “faire confiance au FPR”.
  168. Tony Waters, 9th December 1997 – Conventional Wisdom and Rwanda’s Genocide : an Opinion –. in African Studies Quaterly.
  169. Voir Cas no ICTR-98-41-T :Théoneste Bagosora, Gratien Kabiligi, Aloys Ntabakuze, Anatole Nsengiyumva ; Procès dit de Butare, Rapport 1er juin 2003 et transcrits 9 juin 2004, pp. 88 et suivantes.
  170. TPIR – Chambre I Akayezu. 48/7-13 ; Voir également le rapport d’Alison Desforges dans Butare, p.6.
  171. TPIR Chambre 1 Akayezu. 51/14-18 ; transcripts procès dit de Butare, 8 juin 2004, p.11.
  172. In late 1997, for example, John Prendergast, then the National Security Council Director for Eastern Africa, stated that the government of Sudan was viewed as “the principle threat to U.S. security interests on the continent of Africa today”. (Quotation in: (HOILE 2000):18).
  173. Ibid.:17.
  174. See especially (MAMDANI 2001): Chapter 6.
  175. For the genocide against the Hutu intelligentsia in 1972, which was never officially investigated, see especially (LEMARCHAND 1996), Daniel Kabuto ((KABUTO 2003))recently published a short novel describing the fate of a victim of the 1972 events.
  176. In Baudouin Paternostre de la Mairieu, 194-195.
  177. Notamment Alison Des Forges devant la Cour Internationale à Arusha. Voir également son rapport d’expertise déposé dans le procès dit de Butare à la page 3.
  178. Pour plus d’information, voir PHILIPOT 2003.
  179. Faustin Twagiramungu a dit à la Commission du Sénat Belge en mai 1997 : « Jean-Pierre était un chauffeur. Il a travaillé au MRND à ce titre. Il a été licencié par le MRND mais il est resté dans les Interahamwe. A moins qu’il n’y ait un autre Jean-Pierre. Ce genre de personnes visent à obtenir des avantages qu’on leur accorde soit pour la vente d’informations soit pour mentir. On vante à une certaine bravoure que, souvent ils n’ont pas. Il était tutsi (…) Ces gens travaillaient avec les Interahamwe, même s’ils ne prenaient pas de décisions ».Citation du document : «Les détenus du TPIR», Arusha, Janvier 2000.
  180. Dans un document intitulé «Les détenus du TPIR», Arusha, Janvier 2000, une date précise a été donnée : «Cet informateur (…) a travaillé au siège national du parti MRND en qualité de chauffeur jusqu’à son licenciement au mois de Novembre 1993». Mais il se pourrait que la décision n’avait pas encore été exécutée en Janvier 1994.
  181. Les chiffres diffèrent de „dozens of Kalashnikov Rifles“ (Reyntjens, 18.2.1998 in Voice of America), over “at least fifty assault rifles” (DALLAIRE 2003: 150) to “137 Kalashnikov assault rifles” (MELVERN 2000: 95).
  182. Marchal 2001 : 172/173 : « …le capitaine Amadouh Deme, d’origine sénégalaise et possédant la couleur de peau adéquate, constate de visu la présence d’un stock important de munitions et de fusils de types Kalachnikov et G3. (…) Que pouvons-nous demander de plus? Quelqu’un qui entre le plus naturellement du monde au siège du MRND et se permet de faire le tour du propriétaire n’est certainement pas le dernier des lampistes».
  183. Dans un autre exemple, l’auteur est quasiment sûr que la même stratégie a été utilisée. Turatsinze a passé un message à une haute personnalité en disant que les hutu extrémistes pourraient la tuer. Mais, pour des raisons de sécurité, l’auteur ne souhaite pas révéler sa source.

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