Les champs de la mort de Kagame au Rwanda

Référence : Linda de Hoyos. Kagame’s killing fields in Rwanda, Executive Intelligence Review,  Volume 24, Number 50, December 12, 1997.

Des rapports récents indiquent que l’Armée patriotique rwandaise (APR) du ministre de la Défense Paul Kagame mène une campagne d’extermination dans le nord du Rwanda contre les Hutus de retour, comme il l’a fait contre les 600 000 réfugiés hutus à l’intérieur du Zaïre lors de l’invasion rwando-ougandaise du Zaïre début octobre 1996.

Un rapport a atteint les capitales occidentales selon lequel jusqu’à 8 000 agriculteurs hutus, dont beaucoup étaient des réfugiés de retour, ont été systématiquement envoyés en fuite par l’Armée patriotique rwandaise depuis leurs maisons dans la région de Gisenyi au nord du Rwanda, puis pourchassés, jusqu’à ce qu’ils soient piégés à l’intérieur. les grottes de Nyakimana, où ils ont ensuite été assassinés. Le massacre à l’intérieur de la grotte massive, où les paysans et leurs familles ont été piégés, s’est produit au cours des trois jours du 24 au 27 octobre.

Le rapport sur le massacre provient du Centre de lutte contre l’impunité et l’injustice au Rwanda, qui est dirigé par Joseph Matata, un militant des droits de l’homme à l’intérieur du Rwanda pendant les années Habyarimana, jusqu’à ce qu’il soit chassé du pays en 1995. Le Centre, basé à Bruxelles, a régulièrement signalé toutes les violations des droits de l’homme qui relèvent de sa compétence, y compris celles contre les Tutsis. Il reçoit des informations du Rwanda via des transmissions téléphoniques, et de nombreux Tutsis qui s’opposent à la politique de génocide adoptée par le Front patriotique rwandais (FPR).

Le Centre désigne Paul Kagame comme étant directement responsable de la politique de massacres dans le nord du Rwanda actuellement menée par l’Armée patriotique rwandaise, arrivée au pouvoir en 1994. Kagame, un ancien directeur du renseignement militaire de l’Ouganda – sous le chef de guerre de Londres dans la région, le dictateur ougandais Yoweri Museveni – est l’un de ceux que le Times de Londres et ses sbires appellent “le nouveau leadership de l’Afrique”. Ils ont mérité cet éloge pour leur dévouement à la réalisation des objectifs de Londres de «défrichement» par le meurtre et l’extraction de matières premières, actuellement menés par le Commonwealth du Conseil privé britannique dans toute la vallée du Grand Rift en Afrique de l’Est.

Les 8 000 hommes, femmes et enfants assassinés à Kanama ne sont que les derniers ajouts à la montagne de corps que cette politique a produit en Afrique de l’Est, à commencer par l’invasion du Rwanda par l’armée ougandaise en octobre 1990.

Le Centre note que le massacre de la grotte de Nyakimana correspond à l’ampleur du massacre de 8 000 hommes, femmes et enfants par l’APR en avril 1995, lorsque l’armée a fermé le camp de réfugiés de Kibeho. À ce moment-là, parce que les travailleurs des Nations Unies et des organisations non gouvernementales étaient proches des lieux, le massacre a attiré l’attention internationale. Seule la baronne Lynda Chalker, alors ministre britannique du Développement outre-mer et patronne en chef du seigneur de guerre ougandais Museveni et de son satellite Kagame, était retenue par le mensonge du FPR selon lequel seulement 300 personnes avaient été tuées.

Dans le cas des meurtres de la grotte de Nyakimana, il n’y a pas eu de tollé public.

Les officiers de l’APR semblent être récompensés pour la destruction de la vie civile, a noté le Centre. Un colonel Bagire serait responsable du meurtre de 100 paysans dans les secteurs de Kayove et de Bisizi en septembre 1995, après quoi il a été promu au poste de conseiller général du ministre de la Défense Kagame.

Le communiqué du Centre fait également état de la disparition de personnes des communes Rubavu, Rwerere et Mutera lors des combats qui ont eu lieu le 8 octobre 1997, près de l’aéroport de Gisenyi dans la commune Rubavu. «Le Centre a, sur la base d’autres rapports, noté avec consternation les déclarations du lieutenant-colonel Murokore, commandant du 21e bataillon de l’armée rwandaise basé à Gisenyi. Il rapporte “la disparition d’une grande partie de la population de la commune Rubavu, les habitants de certains secteurs des communes Rwerere et Mutera. Ils sont partis avec les insurgés lors de l’attentat du 8 octobre à l’aéroport de Gisenyi (voir Ingabo n° 29, pp. 18-20, journal mensuel édité par le ministre de la Défense pour la période octobre 1997). Comment le général Kagame peut-il … expliquer qu’environ 8 000 habitants de quatre secteurs de la commune de Kanama ont disparu en même temps ?».

Les attaques contre les civils se sont poursuivies depuis le massacre de la grotte de Nyakimana. Le 31 octobre, une semaine plus tard, un média britannique a rapporté que des “criminels non identifiés” avaient tué dix familles dans le secteur de Rugarama de la commune de Kidaho, dans la province de Ruhengeri, selon la radio gouvernementale rwandaise. Aucun détail n’a été donné, mais le modèle correspond à celui décrit par le Centre de Bruxelles.

Depuis que le gouvernement Kagame a créé un cordon sanitaire autour de la région du nord du Rwanda, qui a historiquement – pendant de nombreux siècles – été un lien de résistance contre le régime tutsi, on peut s’attendre à d’autres décès massifs à l’avenir.

Documentation

Voici des extraits du communiqué du Centre sur les atrocités commises à la grotte de Nyakimana :

Communiqué 22/97 — Centre de lutte contre l’impunité et l’injustice au Rwanda, Bruxelles, 24 nov. 1997 :

L’armée rwandaise a massacré plus de 8 000 personnes de quatre secteurs de la commune de Kanama (Gisenyi) dans la grotte de Nyakimana entre le 24 et le 27 octobre 1997… Pour échapper aux massacres incessants de l’APR, les habitants des quatre secteurs avaient trouvé refuge dans la grotte de Nyakimana. L’entrée de la grotte, située à environ 5 kilomètres du bureau communal de Kanama et du marché de Mahoko, se situe dans le secteur de Kayove.

Selon le récit d’un témoin, qui avait vécu dans la grotte de Nyakimana avec les milliers de paysans qui y ont été massacrés, le nombre de victimes est estimé à environ 8 000… Le témoin avait pu quitter la grotte le 23 octobre mais n’a pas pu revenir parce que les militaires, qui assiégeaient la grotte, avaient coupé la route. Il s’est empressé d’envoyer un SOS à Kigali et a envoyé un fax à sa famille en Belgique. C’était trop tard; le massacre avait eu lieu.

Entre le 24 et le 27 octobre 1997, les militaires de l’APR étaient venus bombarder sans discernement tous les habitants (hommes, femmes, enfants et personnes âgées) de la zone qui s’étaient réfugiés dans la Grotte. Ensuite, ils ont complètement scellé l’entrée de la grotte. Le Centre estime qu’il n’y a pas de survivants, y compris ceux qui avaient tenté de se réfugier au sol de la grotte. Des émanations de gaz toxique provenant probablement d’un volcan avaient toujours empêché les explorateurs d’atteindre le fond de la Grotte.

Les déclarations émises par l’APR affirmant la découverte d’un réseau de grottes à Nyakimana servant de centre de commandement de la rébellion [hutu] sont totalement fausses et visent à protéger les militaires responsables d’avoir commis le massacre, qui est au même niveau que Kibeho. Contrairement à ce qu’ont annoncé les militaires, la Grotte ne contenait aucun insurgé, à moins que toute la population Hutu ne soit considérée comme «insurgée».

Emprisonnement et menaces contre les membres de la famille de tuyau dans la Grotte

M. Nzabandora P. Claver, président de la coopérative Kiali, était incarcéré à la prison communale de Kanama, lorsqu’il a osé se rendre dans la commune pour réclamer les corps de ses enfants qui avaient été tués dans la grotte de Nyakimana.

Messieurs Justin et Hakizimana (chauffeur et mécanicien de la Commune Kiaka) ont été emprisonnés dans les mêmes circonstances. …

Comment cela s’est passé

Les paysans de la commune Kamana ont été contraints de se réfugier dans la grotte de Nyakimana à la mi-octobre par une série de massacres perpétrés par l’APR dans la zone.

L’effusion de sang a commencé le 8 août 1997, lorsque l’APR a tué plus de 300 personnes sur le marché de Mahoko ; 100 autres personnes ont été tuées sur la route et les chemins qui relient le marché aux secteurs voisins de Kiyove, Bisizi, Kanama et Karambo. Plus de 200 détenus de la prison communale de Kanama ont également été massacrés par les soldats de l’APR dans l’après-midi du 8 août. Des commerçants et hommes d’affaires de Mahoko, qui avaient échappé à la mort dans la journée du 8 août, ont été assassinés dans la nuit du 8 et 9 et dans la journée du 9 août 1997. …

Les Inspecteurs de la Police Judiciaire des communes Kanama et Nyamyumba ont été tués. Plus tard dans la journée du 8 août, les militaires de l’APR ont tué entre 200 et 300 prisonniers de la prison communale de Rubavu (Kanam voisin). Dans la nuit du 8 au 9 août, des soldats ivres de l’APR ont pillé les quatre secteurs. L’APR a effectué des manœuvres de troupes dans la région et des témoins ont rapporté avoir entendu des tirs d’artillerie. L’artillerie tirée devant le marché de Mahoko a été tirée sur la foule. Ces tueries ont envoyé les gens des quatre secteurs en fuite.

L’APR avait lancé les massacres du 8 août vers 10 heures après une invasion des magasins et restaurants de Mahoko par des éléments armés non identifiés munis de petits talkies-walkies radio, que les militaires ont qualifiés d’«infiltrés hutus».

Avant de trouver refuge dans la Grotte, les populations avaient trouvé un abri paisible (fin août 1997) dans les zones montagneuses de Muhondo et Kigarama le long de la route goudronnée située en bordure de la Commune de Kanama près de la forêt de Muhungwe. L’administration communale leur avait donné un terrain et un lieu de travail dans le secteur de Kigarama. Pendant ce temps, les bâtiments communaux étaient utilisés par les troupes de l’APR, qui continuaient à lancer des attaques contre des civils non armés sous prétexte de «poursuivre» les Hutu infiltrés.

Vers la mi-octobre, les troupes de l’APR ont commencé à attaquer ceux qui avaient pris la fuite dans les secteurs de Mukondo et de Keghara, les forçant à retourner dans la zone de guerre qu’ils avaient fuie. Au moindre signe de résistance, les militaires tiraient dans la foule et tiraient des mitrailleuses sur les gens, les poussant vers la Grotte Nyakimana dans le secteur Kiyove au bas de la Commune Kiyove. Plusieurs familles ont déploré le nombre de morts tués dans les collines de Mukondo et Kigarama.

Remarque : Dans les secteurs de Kigarama et Mukondo, les déplacés ont vécu en paix. Là, ils n’ont été attaqués ni par l’APR ni par les rebelles. La population a vérifié, avec surprise, que le phénomène des «infiltrés» était lié à la présence des militaires de l’APR. Curieusement, les attaques attribuées aux infiltrés ont toujours eu lieu dans les zones occupées par les soldats de l’APR comme si les mêmes militaires attiraient les infiltrés ! Les affrontements se terminent toujours par un nombre de morts civils supérieur à celui de l’armée.

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