La transplantation hépatique

La greffe hépatique ou transplantation hépatique représente à ce jour le traitement de référence de patients atteints d’une insuffisance hépatique terminale ou de carcinome hépatocellulaire. Les taux de survie se sont considérablement améliorés au cours des 25 dernières années. Cependant les besoins en greffons étant supérieur aux dons, tous les patients ne pourront pas en profiter et on s’orientera alors souvent vers un TIPS faute de mieux (si les conditions le permettent). Le corps médical s’appuie ainsi sur différents critères de sélection médicaux et sociaux. Il est donc fondamental de bien poser l’indication mais également de ne pas référer trop tardivement aux centres de transplantations hépatiques les candidats potentiels.


1. Introduction

La transplantation hépatique représente à ce jour le traitement de référence de patients atteints d’une insuffisance hépatique terminale ou de carcinome hépatocellulaire. Les taux de survie se sont considérablement améliorés au cours des 25 dernières années. Ce succès repose en grande partie sur plusieurs avancées comme l’introduction de nouveaux agents immunosuppresseurs et de solutions de préservation de greffons, l’amélioration des techniques chirurgicales, le diagnostic précoce et la prise en charge des complications après transplantation hépatique. Sur le long terme, au-delà de la récidive de la maladie initiale, le suivi se focalise sur les effets secondaires directs et indirects du traitement immunosuppresseur. La pénurie de greffons est un problème constant, dans beaucoup des pays. L’inadéquation entre la demande et l’offre de greffons se traduit par l’augmentation de la durée d’attente, avec comme effet conséquence une augmentation du risque de décéder ou sortir de liste (pour aggravation) et une aggravation des conditions des candidats  en rapport avec l’hépatopathie sous-jacente ou les comorbidités associées. Le moment de la transplantation est crucial : après l’apparition de complications systémiques la greffe serait futile, alors que l’avantage d’une greffe trop précoce pourrait être déséquilibré par le risque chirurgical excessif et les complications d’une immunosuppression à vie.

2. Indications de la transplantation hépatique

Pour les adultes, la cirrhose est l’indication la plus fréquente, principalement post-virale (virus de l’hépatite C et virus de l’hépatite B), ou due à l’abus d’alcool. Les autres indications majeures sont : (1) les tumeurs hépatiques primitives (carcinome hépatocellulaire, …), (2) les maladies cholestatiques (cirrhose biliaire primitive, cholangite sclérosante primitive), (3) l’insuffisance hépatique aiguë qui peut être virale, médicamenteuse, toxique non médicamenteuse ou de cause inconnue, (4) les maladies métaboliques (la polyneuropathie amyloïde familiale, la maladie de Wilson et le déficit en alpha-1-antitrypsine), (5) ainsi que le syndrome de Budd-Chiari, les maladies hépatiques bénignes (principalement maladie polykystique), et  les tumeurs hépatiques secondaires (principalement neuroendocrines).

La transplantation hépatique est indiquée dans une cirrhose décompensée dès qu’une complication potentiellement mortelle sera déclarée associée à une mortalité attendue dans l’année ou si le confort de vie devient inacceptable. Généralement, l’apparition et la persistance d’un ictère, la baisse du taux de prothrombine en-dessous de 50% à distance de toute décompensation infectieuse ou hémorragique doivent faire considérer une transplantation hépatique. La cinétique de l’évolution est une information importante dans la prise de décision. Si l’aggravation est rapide sans espoir de réversibilité après traitement de la cause, les patients doivent être adressés sans délai à un centre de transplantation hépatique. Plus spécifiquement, les indications de la transplantation hépatique dans une cirrhose sont :

2.1. Une ascite réfractaire, une infection du liquide d’ascite et un syndrome hépatorénal.

2.2. Les complications pulmonaires de la cirrhose : Un yndrome hépatopulmonaire, caractérisé par des dilatations vasculaires intrapulmonaires. Il en résulte une hypoxémie et l’oxygénothérapie au long cours peut être nécessaire. La mortalité est de 40% à 3 mois. La transplantation hépatique est le seul traitement curatif, permettant la réversibilité complète ou partielle des troubles dans 70% des cas.

2.3. L’hypertension porto-pulmonaire. Elle est l’autre grande complication pulmonaire liée à la cirrhose. Le déséquilibre entre les agents vasodilatateurs et les agents vasoconstricteurs peut être responsable d’une angiogenèse anormale et d’une augmentation des résistances vasculaires pulmonaires. La médiane de survie est de 6 mois avec un taux de survie < 10 % à 5 ans. Le diagnostic de forme sévère était une contre-indication formelle à la transplantation hépatique, liée à une mortalité périopératoire élevée. Si une amélioration sous traitement médical se produit, une transplantation hépatique peut être actuellement envisagée.

2.4. Le carcinome hépatocellulaire. Il peut être à l’origine ou bien compliquer une cirrhose déjà existante. La transplantation hépatique est un traitement curatif du carcinome et de la cirrhose. Elle sera envisagée à condition que la survie augmente pour atteindre 80% à 5 ans ce qui est la survie attendue pour une autre pathologie hépatique nécessitant une transplantation hépatique. Pour répondre à ce critère, la tumeur ne doit pas avoir une taille supérieure à 5 cm ou il ne doit pas y avoir plus de 3 tumeurs avec une somme des tailles supérieure à 8 cm (critères de Milan), et aucune métastase.

2.5. L’hépatite alcoolique aiguë. L’alcoolisme chronique est une cause fréquente de cirrhose. Plusieurs centres ont mis au point un processus d’évaluation reposant sur des critères médicaux et psychiatriques afin de mieux déterminer les patients pouvant être candidat à une transplantation hépatique. Une abstinence d’au moins 6 mois est habituellement exigée. Cet intervalle n’est ni consensuel, ni une exigence absolue. Le risque de récidive est estimé entre 15 à 40 % selon les séries, il semble lié à la durée du suivi après transplantation hépatique et à la durée de l’abstinence avant la greffe. Un épisode d’hépatite aiguë alcoolique peut compliquer une cirrhose alcoolique lorsque le sevrage n’est pas obtenu. En fonction de la gravité, on mettra en place une corticothérapie et en cas d’échec on envisagera la transplantation. Si les patients sont non répondeurs, la mortalité est de 75 %. Une sélection rigoureuse est pour l’instant exigée : avis addictologique favorable, premier épisode, contexte social favorable.

3. Appréciation de la sévérité de la cirrhose et son pronostic

Une fois l’indication posée, le pronostic est apprécié. Pour cela, le score de Child-Pugh est un score largement validé et simple d’utilisation. Bien que comprenant deux variables subjectives, c’est un score souvent utilisé pour prédire la survie des patients cirrhotiques. Un patient ayant une cirrhose classée Child-Pugh C est un candidat potentiel à la transplantation hépatique. Ce score est actuellement supplanté par le score de MELD (Model for End stage Liver Disease). Ce score est un algorithme basé sur des mesures objectives comprenant la créatinine, bilirubine et l’INR (International Normalized Ratio). Il est calculé comme suit : MELD =3,78 × ln (bilirubenémie (mg/dL)) + 11,2 × ln (INR) + 9,57 × ln (créatinémie (mg/dL)) + 6,43.  Le score de MELD donne une priorité aux patients dont le risque de mortalité à court terme est le plus élevé.

Le MELD a été développé initialement pour déterminer le pronostic à court terme des patients candidats à un TIPS. Il s’est avéré être un score pronostique puissant de la mortalité à court terme. L’utilisation du MELD a conduit pour la première fois dans l’histoire de la transplantation hépatique à une réduction de la mortalité sur liste d’attente, en priorisant les patients avec les états de santé les plus sévères, donc ceux qui ont un score de MELD le plus élevé. En outre, le temps d’attente médian pour l’attribution d’un greffon a diminué. Le score de MELD est aussi une aide pour poser l’indication d’une transplantation hépatique. Les patients ayant un score de MELD = 14 ont une mortalité liée à la transplantation supérieure à la mortalité liée à leur cirrhose. Par conséquent, seuls les patients ayant un score de MELD supérieur à 15 sont candidats à la transplantation hépatique, en dehors de quelques exceptions et du carcinome hépatocellulaire. En effet, certains patients sont désavantagés par ce système lorsque leur pronostic vital est engagé sans qu’il existe une insuffisance hépatocellulaire sévère. C’est le cas des patients atteints de cirrhose hépatique chronique qui ont une fonction de synthèse hépatique relativement préservée mais dont le pronostic est lié à l’évolutivité de la maladie tumorale. Le système actuel offre un moyen d’affecter des points supplémentaires. De plus, les nouveaux traitements curatifs de l’hépatite C permettent de diminuer la liste d’attente des transplantations.

4. Bilans de la transplantation hépatique

Chaque candidat potentiel à la greffe doit entreprendre un bilan extensif avant l’inscription sur liste d’attente. Le temps imprévisible passé sur la liste d’attente, le déclin progressif de la condition physique et des activités de la vie quotidienne, ainsi que le passage à la nouvelle condition « chronique » après TH nécessitant des traitements à vie sont des sources bien connues d’anxiété, de stress et de dépression chez les patients en liste d’attente. De plus, une connaissance insuffisante de la maladie ou de la transplantation semble être associée à une moindre observance thérapeutique. Les tendances actuelles en matière d’éducation des patients en chirurgie suggèrent de programmer une éducation thérapeutique préopératoire précoce, avec répétition de messages éducatifs portant sur la période postopératoire et la prise en charge après la sortie. Dans une étude englobant un échantillon de patients sur liste d’attente de TH avec leurs familles, la période postopératoire représentait celle avec un besoin d’informations plus important que les périodes pré et peropératoires.

Les stratégies éducatives multidisciplinaires devraient impliquer un chirurgien, un anesthésiste-réanimateur et surtout un(e) infirmièr(e) ou un professionnel paramédical, comme lien entre le patient et l’équipe, instaurant des attitudes de confiance et permettant l’échange d’informations supplémentaires.

En fonction des pays, la limite supérieure d’âge peut varier entre 60 et 70 ans, même si au-delà de 65 ans des évaluations cardiovasculaire, respiratoires ou neurologiques supplémentaires sont souvent indispensables pour formaliser la stratification du risque. La TH a déjà été réalisée chez des patients âgés de plus de 70 ans, même s’ils présentent un risque supplémentaire de complications cardiovasculaires102. Le taux de greffes hépatiques chez des patients âgés de plus de 65 ans est progressivement à la hausse, avec des résultats comparables à des candidats plus jeunes. Cette tendance est probablement liée au changement démographique impliquant une société sénescente, mais également au changement de l’épidémiologie des maladies hépatiques. Certaines équipes considèrent l’âge physiologique comme plus important que l’âge chronologique. La décision finale d’inscrire sur liste un patient de 65– 70 ans ou plus devrait reposer sur une discussion pluridisciplinaire prenant en compte non seulement l’hépatopathie sous-jacente, mais également l’ensemble des réserves physiologiques du patient. En effet, la baisse progressive de l’activité physique chez les patients cirrhotiques est un contributeur primaire à la fragilité, qui est associée à un risque majeur de décès sur liste d’attente, de taux d’infection postopératoire et de décès précoce après transplantation hépatique. L’analyse de la cohorte de l’étude longitudinale FrAILT à San Francisco a permis aux chercheurs d’observer comment s’habiller était la première activité de la vie quotidienne pour laquelle les patients signalaient des difficultés, suivi de la toilette, du ménage et de la lessive, entre autres. Dans l’ensemble, ils ont observé comment la difficulté pour chaque activité de la vie quotidienne était associée à une augmentation de 60% du risque de décès sur liste d’attente.

4.1. Bilan de la fonction cardiovasculaire : Les malades atteints de cirrhose présentent souvent un débit cardiaque augmenté. De plus, une dysfonction cardiaque latente associant une altération de l’inotropisme avec dysfonction systolo-diatolique, ainsi que des anomalies électrophysiologiques, est souvent observée. Ce syndrome est connu sous le nom de cardiomyopathie cirrhotique106. Malgré la place cruciale de l’évaluation cardiaque dans le bilan pré- greffe, les modalités de sa réalisation restent débattues ; il n’existe aucun gold- standard. Les facteurs de risque cardiovasculaires sont associés à la maladie coronarienne chez les patients cirrhotiques ; ils devraient donc être explorés comme indicateurs du risque coronarien. L’Électrocardiogramme et l’échographie cardiaque trans-thoracique devraient être proposés à chaque patient candidat à une greffe hépatique, dans l’objectif de dépister une maladie cardiaque sous-jacente. Dans le cas de patients avec multiples facteurs de risques cardiovasculaires et âgés de plus de 50 ans, un test d’effort devrait être réalisé pour démasquer une ischémie myocardique asymptomatique. La capacité aerobique est sévèrement réduite chez une grande partie de patients avec hépatopathie chronique. Chez des malades en attente de greffe, le seuil anaérobique mesuré pendant l’exercice cardiopulmonaire est corrélé à la durée d’hospitalisation et à la survie postopératoire.

4.2. Bilan de la fonction respiratoire : Pour évaluer la fonction respiratoire, des tests fonctionnels pulmonaires et des imageries pulmonaires sont recommandées chez tous les patients candidats à la greffe de foie. Le syndrome hépato-pulmonaire (SHP) et l’hypertension porto- pulmonaire (HPP) sont deux complications pulmonaires fréquentes de la maladie hépatique. Lorsque le SHP ou une HPP sont suspectées, des investigations complémentaires doivent être effectuées109.

Le SHP est présent chez 10 à 17 % des patients cirrhotiques et se caractérise par des dilatations vasculaires intrapulmonaires, en particulier dans les régions basales du poumon. Il en résulte une hypoxémie, et une oxygénothérapie peut être nécessaire. La TH est le seul traitement efficace du SHP permettant de corriger l’hypoxémie, les échanges gazeux et de diminuer le shunt intrapulmonaire dans la plupart des cas. Le SHP peut être diagnostiqué en calculant le gradient d’oxygène alvéolo-artériel et en effectuant une échocardiographie de contraste. La gravité du SHP n’est pas liée à la gravité de la maladie du foie et représente à elle seule une indication à la TH. Il est important de bien évaluer la gravité du SHP, puisque les patients avec une PaO2 < 50 mmHg et aucune réversibilité à l’oxygène à 100 % peuvent présenter un risque d’insuffisance respiratoire irréversible pendant la période post-greffe et un risque élevé de mortalité périopératoire. Il ne faut pas oublier non plus que chez la plupart des patients atteints de SHP, il existe une détérioration de la fonction respiratoire pendant les premiers jours après la greffe en raison de l’intervention chirurgicale elle-même. L’amélioration et la réversibilité du SHP peuvent prendre plusieurs mois.

L’HPP survient chez 2 à 8 % des patients cirrhotiques. Le diagnostic est suspecté lorsque la pression systolique artérielle pulmonaire est supérieure à 30 mmHg à l’échocardiographie et doit être confirmé par un cathétérisme cardiaque droit. L’HPP modérée (pression artérielle pulmonaire moyenne [PAPm]>35mmHg) et sévère (PAPm >45 mmHg) sont associées à une augmentation de la mortalité après LT, et représentent une contre-indication à la TH. Dans certains cas il est possible de

diminuer la pression artérielle pulmonaire par les dérivés de la prostacycline permettant d’effectuer dans un second temps une transplantation hépatique dans de bonnes conditions de sécurité. L’évolution de l’HPP après transplantation hépatique est souvent imprévisible notamment chez les patients ayant requis un traitement pharmacologique de l’hypertension artérielle pulmonaire avant transplantation hépatique. Il convient de surveiller ces patients de manière rapprochée en période péri-opératoire afin d’ajuster les traitements. Avec une expertise médico-chirurgicale, anesthésique et réanimatoire conséquente, les patients atteints d’HPP peuvent finalement être considérés pour la TH.

4.3. Bilan de la fonction rénale : Les patients cirrhotiques atteints d’insuffisance rénale ont un risque 7 fois plus élevée de décès, avec 50 % des patients décédés à 30 jours, par conséquent, l’évaluation de la fonction rénale est essentielle lors de l’évaluation d’un candidat à la greffe hépatique. Le syndrome hépatorénal, généralement réversible, doit être différencié d’autres causes d’insuffisance rénale aiguë, telles que le sepsis, l’hypovolémie et les autres causes d’atteinte rénale parenchymateuse. L’insuffisance rénale chronique est définie comme un taux de filtration glomérulaire (DFG) à <60 mL/min115, depuis plus de trois mois.

Les patients atteints d’une cirrhose et présentant un DFG inférieur à 30 mL/min, un syndrome hépatorénal nécessitant une dialyse depuis plus de 8 – 12 semaines ou une fibrose de plus de 30% à la biopsie rénale, pourraient bénéficier d’une greffe combinée foie-rein. L’indication d’une greffe combinée chez des malades avec une clearance entre 30 et 60 mL/min doit être retenue en fonction du risque de détérioration de la fonction rénale après TH, de nephrotoxicité des immunosuppresseurs, et de la pénurie de greffons rénaux.

4.4. Bilan complémentaire en vue d’une recherche de cancer : En dehors des tumeurs hépatiques représentant per se une indication à la transplantation (CHC, Cholangiocarcinome du hile), un antécédent de cancer déjà traité ne doit pas représenter une contre-indication absolue à la TH. Par conséquent, la survie et le risque de récidive à 1, 5 et 10 ans sous un traitement immunosuppresseur à long terme le traitement doit être estimé, au cas par cas, avec l’équipe d’oncologie. La pratique courante (qui peut être modulable en fonction des pays et des instances locales) consiste à considérer une inscription sur liste si le risque de récidive est estimé à moins de 10%. De plus, généralement un intervalle de 5 ans sans récidive est souvent nécessaire pour exclure une récidive potentielle, mais cela peut varient considérablement selon le type de malignité. Cependant, à ce jour aucune donnée consistante n’a été publiée sur la prise en charge des patients candidats à la greffe et ayant un antécédent malignité extra hépatique.

Le dépistage des lésions tumorales doit toujours être effectuée lors du bilan pré-greffe en tenant compte des facteurs de risque tels que l’âge, le genre, la consommation d’alcool et le tabagisme. Le dépistage du cancer colorectal est obligatoire pour les candidats de plus de 50 ans. La recherche de cancer pulmonaire, des voies aérodigestives supérieurs (VADS), de l’œsophage et de la vessie est obligatoire dans cas de dépendance à l’alcool et au tabac. Un dépistage spécifique de localisations secondaires dans le cadre de malignité hépatique doit se baser sur un scanner osseux et thoracique. Récemment, la tomographie par émission de positons (PET)-scan tend à être de plus en plus inclus en raison de sa sensibilité de dépistage de lésions néoplasiques non détectées pas l’imagerie standard.

4.5. Bilan nutritionnel : La cirrhose est associée à une dénutrition, et une carence protidique est présente chez près de 70% des patients atteints d’hépatopathie terminale. Le déclin progressif de la capacité fonctionnelle associé à l’inactivité physique sont les principaux facteurs de fragilité, associés à leur tour à un risque majeur de décès sur liste d’attente, d’infection postopératoire et de décès précoce après transplantation.

Les paramètres cliniques et biologiques classiquement utilisés pour rechercher une malnutrition (IMC, préalbumine, etc.) peuvent ne pas s’appliquer en cas d’insuffisance hépatique sévère. Plusieurs auteurs ont récemment souligné le rôle de la sarcopénie (perte quantitative de masse musculaire, et qualitative par diminution de la force musculaire) évalué par la mesure de la surface du psoas au niveau de L3, sur la morbidité et la mortalité post-greffe. A noter que même les malades obèses peuvent être atteint de sarcopénie : on parle alors d’obésité sarcopénique. Comme alternative, le test de marche de 6 minutes ou des scores dédiés124 ont également été proposés afin de mieux capturer le profil de «fragilité» en pré-greffe hépatique125.

Des interventions nutritionnelles avant la transplantation peuvent jouer un rôle important, et les recommandations de l’ESPEN (European Society for Clinical Nutrition and Metabolism)121 suggèrent chez les malades cirrhotiques avec ou sans sarcopénie doivent avoir des régimes apportant 30-35 kcal x kg-1 x d-1 et 1,5g de protéines x kg-1 x d-1. De même, il est proposé de minimiser les périodes de jeune en consommant trois à cinq repas par jour et une collation en fin de soirée pour améliorer et maintenir le capital protéique121.

En dehors de rares cas de TH réalisée à partir d’un donneur vivant, où la greffe peut être «programmée», la plupart des transplantations dans les pays occidentaux sont majoritairement issues de donneurs décédés (DCD). En d’autres termes, le caractère imprévisible de la greffe implique l’absence de toute planification préopératoire à court terme, notamment en termes d’optimisation nutritionnelle127.

5. Types des donneurs et greffons

Chaque pays est libre d’organiser le système de transplantation hépatique en utilisant des greffons issus de donneurs décédés (mort cérébrale ou après arrêt cardiaque) et/ou de donneurs vivants.

Transplantation hépatique conventionnelle ou ‘‘standard’’, avec greffon entier

Le greffon est implanté dans le quadrant abdominal supérieur droit, en position orthotopique, en lieu et place du foie natif. La technique chirurgicale diffère en fonction de la conservation ou du remplacement de la veine cave inférieure (VCI). Selon une enquête portant sur plus de 90 programmes de transplantation en Europe et aux États Unis, la préservation de la VCI native est utilisée dans plus de 90% des cas128. Lorsque la VCI ne peut pas être conservée pour des raisons techniques (volumineux segment I, polikystose) ou oncologiques (CHC au contact de la VCI), un remplacement par la VCI du greffon sera réalisé avec deux anastomoses termino-terminales supra et infra hépatiques. L’anastomose entre la VCI du greffon et du receveur est suivie de l’anastomose porte, artérielle et biliaire.

Le succès de la TH a entraîné une inadéquation entre le nombre de malades inscrits en liste et les greffons disponibles : l’augmentation du taux de sortie de liste (drop out) pour morbidité et mortalité a conduit à la recherche d’alternatives pour élargir le pool de greffons.

Transplantation hépatique par greffon partagé

Au cours des 20 dernières années, les listes d’attente en chirurgie pédiatrique ont été réduites avec succès grâce à l’introduction de la TH segmentaire, y compris le greffon réduit, le split et le donneur vivant.

Aujourd’hui le split peut être considéré comme une alternative non inférieure à un greffon entier, en termes de survie du patient et du greffon, sur la base des séries recentes.

Dans les pays asiatiques, où les taux de TH avec des greffons décédés est négligeable l’utilisation du donneur vivant s’est progressivement étendue, culminant avec la même procédure sur des patients adultes recevant des greffes de foie gauche ou droit par donneur vivant. L’introduction de l’abord mini-invasif a contribué à une relative diffusion de la procédure. Cependant, bien que la greffe par donneur vivant ait été fortement stimulé dans les pays asiatiques, aux États-Unis et en Europe occidentale, la pratique est encore limitée, à peine dépassant 6% du nombre de greffes.

Cependant, ces techniques n’ont que marginalement augmenté le pool d’organes pour la greffe du sujet adulte dans le monde occidental. La source offrant le plus grand potentiel d’élargir le pool de greffons est celle de donneurs à critères élargis, également appelés donneurs marginaux.

Greffons marginaux

Bien qu’une définition consensuelle ne soit pas encore établie, les donneurs marginaux comprennent un large éventail de donneurs aux caractéristiques défavorables, historiquement associés à un moindre taux de survie du patient et du greffon, comparées à des greffons «optimaux». Il s’agit notamment de donneurs âgés, de foies stéatosiques, donneurs avec hypernatrémie, donneurs en état de mort circulatoire, et autres.

L’utilisation de greffons issus de donneurs plus âgés est associée à un risque accru de mortalité et de perte du greffon, en particulier chez les patients atteints d’hépatopatie virale C2,139. Cependant, chez certains patients d’excellents résultats peuvent être obtenus. Des greffons atteints de stéatose micro- ou macrovacuolaire <30% sont considérés adaptés pour la transplantation, avec des résultats superposables aux greffons non stéatosiques. Des greffons avec une stéatose macrovacuolaire modérée (30%-40%) peuvent entraîner des résultats acceptables chez certaines associations donateurs-receveurs. Des greffes avec macrostéatose sévère ne devraient pas être utilisés car ils sont associés à risques accrus de perte de greffon et de mortalité2,139.

Les greffons éligibles à une transplantation dans les pays occidentaux sont essentiellement issus de donneurs décédés en état de mort encéphalique (DDME ou DBD), avec un intérêt croissant pour les donneurs en état d’arrêt circulatoire (DDAC ou DCD) comme source supplémentaire d’organes pour la transplantation. Cette dernière catégorie représente un sous-groupe des greffons à critères élargis. Selon le cadre dans lequel la mort circulatoire se produit, le DDAC peut être classé en utilisant les critères de Maastricht. Le donneur DDAC de type II a été développé notamment en Espagne et en France, mais après des résultats décevants en termes de complications graves entrainant la perte de greffon, le programme de DDAC Maastricht II a été abandonné sur l’ensemble du territoire français93. Des meilleurs résultats sont reportés par des DDAC de type Maastricht III, avec des survies des greffons à 1 et 5 ans de 75% et 54% respectivement143, même si gravés d’un taux de dysfonction précoce du greffon significativement plus élevé (71% vs 41%) que les TH à partir d’un greffon cadavérique. Les résultats des greffes à partir d’un greffon DDAC ne sont pas encore optimales, et l’utilisation combinée de la machine à perfusion pour minimiser l’impact de l’ischémie chaude prolongée semble ouvrir des perspectives intéressantes.

6. Transplantation hépatique (acte chirurgical)

Depuis son introduction dans la pratique clinique en 1963, la technique de transplantation hépatique (orthotopique) s’est progressivement affinée. La technique originale comprenait la résection de la veine cave inférieure (VCI) du receveur avec un by-pass extracorporel veino-veineux. Au fil du temps, des variantes techniques et de l’optimisation anesthésique, la transplantation hépatique a été progressivement réalisée avec des techniques d’hépatectomie préservant la VCI du receveur, sans recours à un pontage veino-veineux et avec ou sans l’utilisation d’un shunt porto-cave temporaire. Quelle que soit la technique exacte et le type de greffon utilisé, la TH se caractérise par trois étapes : la phase d’hépatectomie totale, la phase anhépatique et la phase d’implantation.

6.1. Hépatectomie totale : La gamme et la forme des incisions abdominales en transplantation hépatique sont similaires à celles de la chirurgie hépatique7. Une enquête récente128 a indiqué comment les deux incisions les plus populaires soient en T inversé (incision transversale bilatérale avec refend verticale) et en « Mercedes » dans 70 % des programmes de greffe. D’autres alternatives sont l’incision transversale droite avec extension verticale jusqu’à la xiphoïde (en forme de J ou de L, connue sous le nom de Makuuchi modifié) et l’incision médiane146: la présence d’une telle gamme de choix suggère que toutes sont pratiques, y compris la voie mini-invasive147(quoique cette dernière relève que d’un case-report).

Après l’incision, les éléments du pédicule hépatique sont progressivement disséqués (voie biliaire, artère hépatique).

Plus en détail, la dissection de l’artère hépatique commune et propre est suivie de la ligature et section des branches gauche et droite. Le canal cholédoque est disséqué le plus haut possible, en préservant une quantité adéquate de tissu l’entourant pour éviter la dévascularisation et l’ischémie de la voie biliaire. La veine porte est complètement libérée de son environnement cellulovasculaire, du bord supérieur du pancréas jusqu’au hile. Toutes ces étapes doivent être effectuées avec une attention particulière, car l’hypertension portale et la dilatation consécutive du lit vasculaire comportent des vaisseaux plus fragiles et sujets aux saignements148.

A ce propos, et pour réduire la pression portale pendant la phase d’hépatectomie, la réalisation d’un shunt porto-cavo temporaire (anastomose porto cave ou APC) peut faciliter la dissection de la VCI retro hépatique149,150

A ce stade de l’intervention, les plans de dissection sont différents pour la greffe « classique » (avec résection et remplacement de la VCI) et pour la greffe avec préservation de la VCI (technique du piggyback)148. Cette dernière est plus exigeante mais a l’avantage d’éviter l’interruption du retour veineux cave, et d’un temps d’ischémie chaude plus court lors de l’implantation, car avec le piggyback une seule anastomose latéro-latérale (et non deux) doit être réalisée148.

Tant pour l’approche classique que pour la technique de préservation cave, la pression veineuse centrale doit être maintenue aussi basse que possible, pour minimiser le saignement pendant la dissection de la VCI rétrohépatique et des veines Spigeliennes.

Phase anhépathique

Avant l’achèvement de l’hépatectomie totale, l’hémostase de la région rétro péritonéale est réalisée à l’aide de la bipolaire, d’un coagulateur à argon ou par des points électifs148.

  • –  La technique classique avec résection de la VCI prévoit une section après ligature ou clampage du tronc porte le plus haut possible dans le hile. La VCI supra et infra hépatique est enfin sectionnée sur deux clamps (Satinsky ou équivalents).

–  La technique de préservation de la VCI (ou piggyback) comprend le clampage et division de la veine porte (en cas de non réalisation d’une APC), suivie de

l’hépatectomie totale de la gauche vers la droite avec la section progressive du

tronc veineux commun et de la veine hépatique droite. Le foie natif est ainsi reséqué.

Implantation

Après avoir introduit le greffon dans la cavité abdominale, l’anastomose cave est réalisée en premier. En fonction de l’étape précédente, sera réalisée un’anastomose termino-terminale supra hépatique et infra hépatique (remplacement de la VCI), soit une anastomose latéro-latérale terminalisée (piggyback)148.

Figure 9 Représentation schématique d’une transplantation avec remplacement de la veine cave inférieure (A) et préservation de la veine cave inférieure (B) avec anastomose en Piggyback. D’après Sarr et al.148

A partir de ce stade, les étapes suivantes sont identiques pour la technique classique et pour le piggyback148.

Après avoir coupé la veine porte du greffon à une longueur congruente, une anastomose termino-terminale est réalisée. Une purge par du sérum physiologique et « au sang » par un très court déclampage sont essentielles pour éliminer des éventuels caillots. L’anastomose est réalisée avec un facteur de croissance adéquat (growth factor)148. En fonction des habitudes locales, mais surtout du temps d’ischémie froide et chaude, ainsi que l’état du receveur et la qualité du greffon, il est possible de réaliser un déclampage pour assurer la réperfusion du greffon à ce stade, ou poursuivre avec la réalisation de l’anastomose artérielle148. La phase de réperfusion du greffon commence par le déclampage de la VCI, avec une réperfusion séquentielle de la veine porte et de l’artère hépatique. Par la suite, l’anastomose biliaire sera réalisée (término-terminale ou hépaticojejunale).

Un drain abdominal prophylactique après une TH a traditionnellement été utilisé pour surveiller les saignements postopératoires, une éventuelle fistule biliaire, mais surtout le drainage de l’ascite. Leur utilisation est encore largement répandue, comme le révèlent deux enquêtes : 86 % à 90 % des centres répondants réalisent un drainage abdominal systématique.

7. Considérations anesthésiologiques de la transplantation hépatique

Un accès veineux de gros calibre (périphérique et/ou central) et fonctionnel est nécessaire pour l’administration de solutés intraveineux (IV), de produits sanguins et de vasopresseurs. Un cathéter veineux central (CVC) est habituellement mis en place dans le territoire jugulaire interne avant l’incision chirurgicale.

La surveillance cardiovasculaire comprend un cathéter intra-artériel, un CVC pour surveiller la pression veineuse centrale (PVC), et dans certains cas, un cathéter artériel pulmonaire pour surveiller le débit cardiaque en continu, la pression artérielle pulmonaire (PAP), et la saturation veineuse centrale. Un monitorage hémodynamique par échocardiographie trans-œsophagien (ETO) peut être discuté au cas par cas et en cas d’absence de contre-indications (varices œsophagiennes).

L’induction anesthésique en séquence rapide est généralement utilisée pour procéder à l’intubation endotrachéale et mettre en place la ventilation mécanique, en raison d’un temps de jeûne insuffisant (contexte de chirurgie non programmée) et/ou d’une augmentation de la pression intra-abdominale due à une ascite modérée ou sévère.

Les propriétés des agents anesthésiques à courte durée d’action à élimination rapides, ainsi que la titration de tous les agents anesthésiques dans le cadre d’une anesthésie balancée, sont les garants d’un réveil rapide avec des effets résiduels minimes.

L’intervention chirurgicale majeure et l’administration concomitante d’un traitement immunosuppresseur expliquent la nécessité d’une prophylaxie antibiotique per- opératoire; cependant, ses modalités peuvent varier considérablement d’un centre à l’autre. En effet, les bactériémies, les infections du site opératoire (ISO) et les infections de parois après une transplantation hépatique augmentent la mortalité, la morbidité ou

allongent le séjour à l’hôpital et sont susceptibles d’augmenter les coûts globaux associés à la transplantation152–155.

L’administration de vasopresseurs pour maintenir la stabilité hémodynamique est généralement nécessaire pendant l’induction et/ou lors de la réperfusion. Des agents inhalés ou IV peuvent être utilisés pour entretenir l’anesthésie générale.

Les transfusions de globules rouges (GR) et d’autres produits sanguins, y compris le plasma frais congelé (PFC), le concentré de fibrinogène, et les concentrés plaquettaires sont généralement nécessaires (mais pas systématiques) lors d’une transplantation hépatique. Ils doivent suivre les recommandations concernant les cibles poursuivies. La récupération de sang peropératoire à l’aide d’un système de sauvegarde (cell saver) est généralement utilisée comme modalité d’épargne transfusionnelle.

Une cible de PVC de 7 à 10 mmHg est souvent proposée. Pour être plus précis, une méta-analyse récente156 se concentrant sur une stratégie de perfusion libérale versus restrictive a mis en évidence une association entre la stratégie restrictive et une moindre incidence de complications pulmonaires, une réduction de la durée de ventilation mécanique et des pertes sanguines, sans pour autant impacter l’incidence d’insuffisance rénale aigue. Cependant, compte tenu des variations à la réponse au remplissage en fonction de la sévérité de la cirrhose157, ainsi que le large éventail de variations hémodynamiques pendant les trois phases de la TH158,159, une stratégie “figée” peut ne pas être la meilleure option.

Concernant le remplissage vasculaire, des solutions de cristalloïdes balancés (par exemple, le Ringer-Lactate®) sont à considérer, tout comme l’albumine à 5%. Les patients présentant une coagulopathie documentée, peuvent recevoir en priorité des PFC.

En vue de la réperfusion du greffon du donneur, les gaz sanguins artériels et les électrolytes doivent être contrôlés et l’hyperkaliémie doit être traitée de manière agressive avant le déclampage.

La phase néohépatique commence après que le greffon ait été réperfusé et comprend la reconstruction biliaire, l’hémostase chirurgicale, la fermeture de la paroi abdominale et la planification de l’extubation. Si la perfusion et la fonction du greffon est adéquate, les taux de lactates et les besoins en vasopresseurs diminuent au fil des heures.

Des complications peropératoires sévères nécessitant un traitement rapide peuvent survenir : (1) le syndrome post-réperfusion (diminution de la PAM de plus de 30 %, survenant dans les cinq minutes suivant la réperfusion et perdurant plus d’une minute) peut entraîner une insuffisance cardiaque droite, une hypotension sévère ou une hyperkaliémie menaçante, (2) des exacerbations de l’hyperkaliémie et de l’acidose métabolique sont possibles lors de la réperfusion et doivent être traitées de manière agressive. D’autres anomalies métaboliques comprennent l’hyponatrémie et les dysglycémies, (3) un événement thrombo-embolique pulmonaire ou intracardiaque (très rare) est rapidement confirmé ou infirmé par l’ETO, (4) l’arrêt cardiaque survient le plus souvent peu de temps après la réperfusion en raison d’une hyperkaliémie ou de complications thromboemboliques.

Les complications postopératoires peuvent inclure :

A. Des saignements dus à une coagulopathie persistante résultant d’un dysfonctionnement précoce du greffon ou d’une hémostase chirurgicale inadéquate. Des tests viscoélastiques délocalisés peuvent être utilisés pour différencier ces causes. Dans certains cas, un packing chirurgical doit être considéré, avec une reprise dès la stabilisation de la coagulopathie.

B. La cirrhose étant associée à un risque hémorragique accru (diminution du TP et de la numération plaquettaire), les patients sont supposés être «naturellement» anticoagulés. De plus, étant donné l’incidence élevée de complications hémorragiques, la thromboprophylaxie pharmacologique après TH n’est pas utilisée en routine, en dehors de la période à haut risque post- opératoire immédiat en soins critiques. Ce dogme est de plus en plus remis en cause par le nouveau paradigme fondé sur le concept de «l’hémostase rééquilibrée» : les patients atteints d’une maladie du foie peuvent avoir un équilibre hémostatique instable en raison de modifications concomitantes des voies pro- et anti-hémostatiques, comme le suggèrent la survenue à la fois de complications hémorragiques et thrombotiques160.

C. Les patients bénéficiant d’une TH sont exposés à un risque élevé d’hypothermie per-opératoire (<36°C) en raison de l’importance de l’exposition viscérale, de la durée de la chirurgie, de la perfusion de grands volumes de liquides et de transfusions, de l’exclusion hépatique (organe à métabolisme élevé) et de son remplacement par un greffon conservé dans des solutions froides. Les principales conséquences de l’hypothermie périopératoire sont un risque accru d’arythmies cardiaques, de décompensation de coronaropathie, de coagulopathie, d’infections du site opératoire et d’altération du métabolisme des médicaments161,162.

D. L’hyperglycémie périopératoire est une constatation fréquente au cours de la TH, conséquente d’une exacerbation de la résistance à l’insuline induite par une intervention chirurgicale lourde, et aggravé par le «diabète hépatogénique» du foie natif cirrhotique, les phases anhépatiques et de réperfusion, le type de greffon, les stéroïdes à fortes doses et les immunosuppresseurs. Plusieurs études rétrospectives, basées sur des cohortes monocentriques et un registre national de TH174 incluant au total plus de 4 900 patients, a également rapporté une association entre une hyperglycémie d’apparition récente non contrôlée (150-200 mg/dL) et de mauvais résultats cliniques, y compris de mortalité, insuffisance rénale aiguë, septicémie, rejet, durée d’hospitalisation et risque de réadmission après TH.

À l’instar de la chirurgie majeure, l’extubation précoce après TH a progressivement gagné en popularité : après une courbe d’apprentissage relativement abrupte et une confiance croissante, certains centres ont signalé jusqu’à 70 % de taux de patients candidats à une extubation précoce après TH. Il est intéressant de noter qu’il n’existe pas de définition claire de « extubation précoce » avec un intervalle de temps entre la fin de la greffe et l’extubation allant de quelques minutes à 3 – 8 heures. Cependant, l’extubation précoce n’est pas toujours souhaitable, comme par exemples chez les malades présentant des décompensations de comorbidités sévères, un greffon limite, ou un saignement persistant pouvant nécessiter une ré-exploration chirurgicale dans les 36 heures suivantes. Globalement, les critères habituels d’extubation s’appliquent également dans le cadre de la TH, et leur présence doit être évaluée de manière rapprochée afin de ne pas retarder l’extubation, et par la-même, réduire au maximum la durée d’exposition au risque inhérent à la ventilation mécanique.

Bien que la douleur postopératoire après transplantation hépatique soit considérée comme étant moins sévère qu’en chirurgie hépatique, une analgésie adéquate doit être fournie pour permettre une mobilisation précoce et une récupération postopératoire rapide. Cependant, étant donné le rôle du foie dans le métabolisme et l’excrétion du médicament, une mauvaise récupération du greffon peut contribuer à un métabolisme, une concentration plasmatique et une clairance imprévisible des antalgiques. Pour la gestion postopératoire de la douleur, sont généralement proposés  des opioïdes systémiques avec une technique d’analgésie contrôlée par le patient (PCA) associés à d’autres antalgiques de palier I et II de l’OMS, de manière multimodale et synergique.

On postopératoire précoce (postopératoire immédiat) après transplantaion hépatique, un drain abdominal prophylactique après transplantation hépatique a traditionnellement été utilisé pour surveiller les saignements postopératoires, les fuites biliaires, drainer l’ascite. Leur utilisation est encore largement répandue, comme le révèlent deux enquêtes128,151: 86 % à 90 % des centres répondants réalisent un drainage abdominal systématique.

Il n’y a aucune preuve directe concernant la supériorité de la nutrition orale précoce par rapport à la nutrition entérale (NE) ou la nutrition parentérale (NP) dans le cadre de la TH. Les directives de l’ESPEN recommandent de commencer une alimentation normale et/ou une NE dans les 12 à 24 h après la greffe pour minimiser le taux d’infections. Après la phase postopératoire aiguë, le besoin en apport énergétique doit être de 30-35 kcal x kg-1 x d-1 (ex. pour un patient de 70 kg : 2100-2450 Kcal par jour). L’occurrence de l’iléus postopératoire après TH est sous-estimée, et peut empêcher une alimentation postopératoire précoce, aggravant ainsi la malnutrition et la fragilité des patients. Dans cette optique, sa prévention pourrait être un objectif clé des protocoles de récupération améliorée.

L’alitement prolongé est associé à l’aggravation de l’atrophie musculaire, à une perte de force musculaire181 et un séjour prolongé en unité de soins critiques182. Cependant, il n’y a pas de consensus concernant la nécessité et surtout les modalités optimales de la mobilisation précoce des malades.

Comme abordé dans le chapitre du bilan pré-greffe, une connaissance insuffisante de la maladie et la complexité des prescriptions médicales sont corrélées à une moindre adhésion thérapeutique, cette dernière étant associée à un risque accru de rejet de greffe et de complications post-greffe. Pour cette raison, des programmes d’éducation après la transplantation hépatique sont nécessaires. Il a été suggéré que les programmes d’éducation des patients devaient inclure trois types d’intervention : l’éducation personnalisée, l’intervention comportementale et le soutien psychologique. Les objectifs sont de fournir des informations assurant la sécurité du patient, des connaissances adaptées pour aider les patients à choisir des méthodes de gestion du stress et à accepter leur nouvelle maladie chronique. L’implication d’un pharmacien clinicien et des séances collectives avec des patients experts peuvent être envisagées.

8. Résultats

Les patients avec une ascite réfractaire et un syndrome hépatorénal ainsi qu’une dysfonction rénale chronique ont le pronostic le plus mauvais avec une survie moyenne de 6 mois, La transplantation hépatique est alors le traitement le plus efficace et est définitif. Ces patients présentent après transplantation une dysfonction rénale chronique pour environ 20% des cas dans les 5 ans qui suivent, 6 jours après l’opération, 88% des patients retrouvent une fonction rénale améliorée.

Références

 

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