Syndrome hépatopulmonaire : physiopathologie, diagnostic et implications cliniques

Le syndrome hépatopulmonaire est une hypoxémie due à une dilatation du système vasculaire intrapulmonaire en présence d’une maladie hépatique ou d’une hypertension portale. Il s’agit d’une maladie grave qui peut se développer chez tout patient atteint d’une maladie hépatique chronique ou aiguë. Pour éviter la morbidité et la mortalité élevées associées à cette maladie, elle doit être rapidement diagnostiquée et traitée. Cet article revient sur la définition, la physiopathologie, le diagnostic et le traitement du syndrome hépatopulmonaire et met en valeur le rôle de l’équipe interprofessionnelle dans la prise en charge des patients atteints de cette pathologie.


1. Définition

Le syndrome hépato­pulmonaire est défini par une triade associant (1) une maladie hépatique + (2) une anomalie des échanges gazeux avec défaut d’oxygénation (caractérisée par une augmentation du gradient alvéolo-­artériel (P(A‐a)O2) et une hypoxémie inexpliquée par une maladie cardiovasculaire ou pulmonaire associée) + (3) la présence de dilatations vasculaires intrapulmonaires des vaisseaux capillaires. Le syndrome hépato­pulmonaire est classiquement, et le plus souvent, rapporté chez des malades atteints de cirrhose compliquée d’hypertension portale qu’elle qu’en soit la cause. Il peut également survenir chez des malades atteints d’hypertension portale non cirrhotique notamment dans le cas d’un syndrome de Budd Chiari, chez des malades atteints d’insuffisance hépatique aiguë ou d’hépatite chronique sans cirrhose et aussi en cas d’hépatite hypoxique. Au total, bien que le syndrome hépato­pulmonaire survienne typiquement en cas d’hypertension portale dans un contexte de cirrhose, toutes les causes d’hépatopathies aiguës ou chroniques semblent pouvoir conduire au développement d’un syndrome hépato­pulmonaire.

2. Physiopathologie

2.1. Les troubles hémodynamiques

Les données hémodynamiques caractéristiques du syndrome hépato­pulmonaire ont été peu étudiées. Il semble néanmoins que le syndrome hépato­pulmonaire soit caractérisé par une augmentation du débit cardiaque, une diminution des résistances vasculaires pulmonaires (RVP), des résistances vasculaires systémiques (RVS) et de la pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) significativement plus importantes que celles observées chez les malades atteints de maladie hépatique chronique sans syndrome hépato­pulmonaire. Ces modifications hémodynamiques ont été expliquées par la présence des dilatations vasculaires intrapulmonaires des vaisseaux capillaires. Cependant, bien que cela soit difficile à concevoir, la coexistence de syndrome hépato­pulmonaire et d’HTPP, caractérisée par une PAPm>25 mm Hg au repos ou >30 mmHg à l’effort et des résistances vasculaires pulmonaires augmentées, a été décrit. A ce jour, seules des hypothèses non vérifiées ont été avancées pour expliquer cette association : (1) un remodelage des artères pulmonaires secondaires à l’augmentation du débit cardiaque, (2) un excès initial de facteurs vasodilatateurs ou vasoconstricteurs, contre balancés excessivement dans un second temps, soit spontanément, soit après transplantation hépatique.

2.2. Anomalies des échanges gazeux

Les modifications vasculaires pulmonaires associées au syndrome hépato­pulmonaire conduisent à une hypoxémie par plusieurs mécanismes :

A. Des altérations du rapport ventilation-­perfusion, décrites chez les patients atteints de cirrhose en général, secondaires au syndrome hyperkinétique de la cirrhose. Il existe donc des territoires à ventilation conservée mais à perfusion augmentée. En cas de syndrome hépato­pulmonaire, il existe une majoration de ce phénomène, les dilatations vasculaires intrapulmonaires des vaisseaux capillaires augmentant la perfusion alors que la ventilation reste inchangée. Cette inadaptation des débits sanguins à la ventilation régionale serait favorisée par l’absence ou l’altération de la vasoconstriction pulmonaire hypoxique. L’hétérogénéité des rapports ventilation-­perfusion secondaire à l’inadaptation des débits sanguins à la ventilation régionale explique en partie l’hypoxémie. Cependant, ces variations du rapport ventilation‐perfusion sont habituellement responsables d’hypoxémies modérées notamment grâce à l’effet protecteur de facteurs extrapulmonaires comme l’augmentation du débit cardiaque et de la ventilation minute.

B. Les hypoxémies profondes observées parfois lors du syndrome hépato­pulmonaire répondent aussi à d’autres mécanismes physiopathologiques et en particulier la présence de shunts artério-­veineux intra-­pulmonaires en court­‐circuitant les alvéoles et sont donc responsables d’un défaut d’oxygénation d’une partie du flux sanguin pulmonaire. Les shunts porto‐pulmonaires, conséquence mécanique de l’hypertension portale, sont rares et  n’entrainent pas d’hypoxémie sévère car le sang issu du secteur portal a un contenu en oxygène plus élevé que celui du sang veineux mêlé et le débit de ces shunts est faible (environ 15% du débit cardiaque). De manière similaire, les shunts pleuro-pulmonaires, ne sont pas responsables d’hypoxémie significative. La technique d’élimination des gaz inertes permet d’estimer la contribution du shunt dans l’hypoxémie et la part qui en résulte est habituellement plus sévère que celle due à l’altération des rapports ventilation­‐perfusion.

C. Les dilatations vasculaires intrapulmonaires des vaisseaux capillaires altèrent également la diffusion de l’oxygène selon le concept de «diffusion–perfusion», par augmentation de la distance à parcourir par l’oxygène depuis l’alvéole jusqu’aux hématies. En effet, le gradient de pression alvéolo‐artériel n’est pas suffisant pour permettre la diffusion de l’oxygène jusqu’au centre du capillaire et ne permet donc pas d’oxygéner correctement le sang veineux. Par ailleurs, le syndrome hyperkinétique du malade atteint de cirrhose et d’autant plus de celui atteint de syndrome hépato­pulmonaire, accentue cet effet en diminuant le temps de contact capillaire entre les hématies et les alvéoles.(Figures 1 et 2)

Figure 1 : Concept de défaut de «diffusion-­perfusion» dans le syndrome hépatopulmonaire. Les flèches représentent le gradient alvéolo-­artériel. © D’après Krowka M., Mayo Clinic Proceeding 1985.

 

Figure 2 : Mécanismes de l’hypoxémie artérielle dans le syndrome hépato­pulmonaire. © D’après Rodriguez-­Roisin R., Krowka M., N Engl J Med, 2008.

2.3. Les anomalies vasculaires pulmonaires

A. Il s’agit de la vasodilatation pulmonaire et de l’angiogénèse. Les mécanismes conduisant au développement de ces anomalies pulmonaires sont mal compris. Quatre éléments clés sont à prendre en compte. Premièrement, le syndrome hépato­pulmonaire se développe, dans la très grande majorité des cas, dans un contexte de cirrhose avec insuffisance hépatocellulaire et hypertension portale, mais peut aussi apparaître dans un contexte d’hypertension portale non cirrhotique ou d’hépatite chronique sans hypertension portale indiquant ainsi que ni l’insuffisance hépatocellulaire, ni l’hypertension portale ne sont strictement nécessaires. Deuxièmement, l’amélioration quasi constante de l’hypoxémie après transplantation hépatique suggère un rôle central de la maladie hépatique dans le développement de le syndrome hépato­pulmonaire. La réversibilité des dilatations vasculaires intrapulmonaires des vaisseaux capillaires traduit leur caractère fonctionnel et le retard, dans certains cas, au retour à la normal des échanges gazeux en post transplantation hépatique reflète peut‐être a contrario l’existence de vraies lésions anatomiques (shunt, néoangiogénèse) associées aux lésions fonctionnelles.

Troisèmement, la survenue de tableaux similaires à un syndrome hépato­pulmonaire dans un contexte de malformations cardiovasculaires chez l’enfant. En effet, plusieurs cas ont été décrits de malformations artério‐veineuses pulmonaires responsables d’hypoxémie survenant dans un contexte de malformations vasculaires où le sang portal rejoint la veine cave inférieure sans passer par le foie (malformation d’Abernethy de type 1) ou de dérivation cavo­‐pulmonaire chirurgicale pour syndrome de polysplénie avec interruption de la veine cave inférieure résultant en une exclusion du sang issu des veines sus hépatiques de la circulation pulmonaire. La caractéristique anatomique commune à ces cas est l’exclusion du flux veineux hépatique de la circulation pulmonaire suggérant que des facteurs produits ou modifiés par le foie sont essentiels pour réguler le tonus vasculaire des vaisseaux de la circulation pulmonaire et donc que le sang issu des intestins doit «traverser» le foie pour prévenir le développement d’un syndrome hépato­pulmonaire.

Quatrièement, ces anomalies suggèrent également que l’existence de volumineux shunt porto‐caves développés au cours de la cirrhose pourrait être responsable du développement de syndrome hépato­pulmonaire en «court-­circuitant» le foie. Les médiateurs responsables des modifications vasculaires pulmonaires du syndrome hépatopulmonaire sont donc probablement liés à un excès de synthèse hépatique ou à une synthèse intestinale associée à un défaut de clairance hépatique.

B. La vasodilatation pulmonaire : Différents médiateurs semblant interagir dans la vasodilatation des capillaires pulmonaires ont été mis en évidence : le monoxyde d’azote (NO), l’endothéline 1 (ET­‐1), le tumor necrosis factor alpha (TNF-α) et le monoxyde de carbone (CO).

B.1. Monoxyde d’azote : Le NO joue un rôle pathologique dans la survenue des vasodilatations systémiques et splanchniques chez les malades atteints de cirrhose. Le NO est synthétisé à partir de la L-­arginine par action de la NO synthase (NOS) qui existe sous 3 formes : NOS inductible (NOSi), NOS endothéliale (NOSe) et NOS neuronale. Lorsque le NO est libéré par les cellules endothéliales, il entraîne une vasodilatation en diffusant dans les muscles lisses vasculaires où il active la voie de la guanosine monophosphate cyclique (GMPc) qui mène à l’activation de la phosphatase de la chaîne légère de la myosine et à la vasodilatation.

Il existe de nombreuses données suggérant un rôle du NO dans la survenue de vasodilatations pulmonaires dans le syndrome hépato­pulmonaire. Dans les modèles murins de CBDL, NOSi et NOSe sont surexprimées dans les microvaisseaux pulmonaires et l’inhibition de la NOS par la NG­‐nitro-­L‐arginine améliore les échanges gazeux chez ces animaux. Ces modifications du métabolisme du NO ne sont pas retrouvées dans des modèles murins de ligatures de la veine portale qui ne développent pas de dilatations vasculaires intrapulmonaires des vaisseaux capillaires. Des taux élevés de NO expirés ont été observés dans un contexte de syndrome hépato­pulmonaire comparés à des témoins atteints de cirrhose sans syndrome hépato­pulmonaire et ces taux étaient corrélés aux altérations du P(A‐a)O2 et se corrigeaient après transplantation hépatique. Cependant, l’inhibition du NO par la NG‐nitro‐L‐arginine chez des malades atteints de syndrome hépato­pulmonaire n’a pas amélioré significativement les échanges gazeux bien que les rapports ventilation‐perfusion aient été améliorés, suggérant un rôle prépondérant du remodelage vasculaire pulmonaire dans la physiopathologie de l’hypoxémie du syndrome hépato­pulmonaire par rapport à celui de la vasodilatation médiée par le NO.

B.2. Endothéline 1 : L’ET-­1 est un peptide sécrété par l’endothélium vasculaire ayant un effet vasoconstricteur s’il se lie à ses récepteurs ETA et ETB présents sur les muscles lisses vasculaires et un effet vasodilatateur s’il se lie à son récepteur ETB (R­‐ETB) présent sur les cellules endothéliales, par le biais de l’activation de NOSe et de la production de NO.

B.3. Tumor necrosis factor alpha : La survenue d’endotoxémie (syndrome lié à la présence d’endotoxines dans la circulation sanguine – le concept endotoxine est aujourd’hui abandonné et on parle des lipopolysaccharides,1 des toxines bactériennes) est fréquente chez les malades atteints de cirrhose. Elles surviennent par translocation bactérienne digestive secondaire à un défaut de clairance des lipopolysaccharides (endotoxines) lié à la dysfonction hépatique. Ces endotoxémies conduisent à une activation et un recrutement de macrophages dans le réseau vasculaire pulmonaire qui, en produisant des cytokines pro-inflammatoires notamment le TNF-α, activent NOSi  et entrainent une vasodilatation médiée par le NO. Le TNF-α semble jouer un rôle essentiel dans la physiopathologie du syndrome hépato­pulmonaire car l’administration (1) d’anticorps monoclonal anti-­TNF-α induit une diminution du shunt intrapulmonaire et une amélioration de l’oxygénation chez le rat CBDL; (2) de pentoxyfilline, qui inhibe le TNF-α de manière non spécifique, permet de prévenir le développement de syndrome hépato­pulmonaire chez les rats CBDL. L’endotoxémie semble également jouer un rôle central dans le développement du syndrome hépato­pulmonaire en stimulant la production de TNF-α. En effet, la décontamination digestive par Norfloxacine normalise l’expression de la NOSi et améliore le syndrome hépato­pulmonaire dans des modèles expérimentaux.

B.4. Monoxyde de carbone : Le CO est un vasodilatateur agissant par une voie similaire à celle du NO, en stimulant la production de guanosine monophosphate cyclique (GMPc) dans les cellules musculaires lisses vasculaires. Le CO est essentiellement produit par la dégradation de l’hème par l’hème oxygénase (HO) qui existe sous 2 isoformes: l’HO inductible (HO­‐1) induite en réponse à divers stress et l’HO constitutive (HO­‐2) exprimée dans les conditions normales d’homéostasie. Plusieurs travaux sont en faveur d’un rôle du CO dans les vasodilatations pulmonaires du syndrome hépato­pulmonaire. Premièrement, le taux de CO artériel est augmenté chez les malades atteints de syndrome hépato­pulmonaire comparés à des témoins atteints de cirrhose sans syndrome hépato­pulmonaire. Deuxièmement, l’expression de l’HO inductible est augmentée dans les cellules endothéliales et les macrophages intravasculaires pulmonaires chez les rats CBDL. Enfin, l’inhibition de l’HO par la tin­‐protoporphyrine IX améliore les échanges gazeux et diminue la vasodilatation intrapulmonaire dans ce modèle expérimental de syndrome hépatopulmonaire.

C. Angiogenèse : L’angiogenèse intrapulmonaire est secondaire à une accumulation anormale de monocytes et de macrophages activés intrapulmonaires responsable d’une activation de voies de signalisation du facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF) avec augmentation de la production de facteur de croissance de l’endothélium vasculaire de type A (VEGF‐A). Ce recrutement pulmonaire de cellules inflammatoires serait secondaire à la survenue d’endotoxémie par translocation digestive favorisée par la dysfonction hépatique. L’activation des monocytes intrapulmonaires et la production de VEGF-­A sont médiés par la chemokine fractalkine/CX3CL1 et son récepteur fractalkine récepteur/CX3CR1 dont le taux circulant (CX3CL1) et l’expression pulmonaire (CX3CL1/CX3CR1) sont augmentés dans les modèles expérimentaux de syndrome hépatopulmonaire.

3. Diagnostic du syndrome hépatopulmonaire

3.1. Histoire naturelle et clinique

Le syndrome hépatopulmonaire est une complication fréquente des maladies hépatiques.  On ne connaît pas les éléments déclencheurs du passage des dilatations vasculaires intrapulmonaires des vaisseaux capillaires infra-cliniques vers un syndrome hépatopulmonaire. En effet, dans certaines études s’intéressant à des mesures répétées de la SpO2, les malades présentant des dilatations vasculaires intrapulmonaires des vaisseaux capillaires sans hypoxémie, donc sans syndrome hépatopulmonaire, ne présentaient pas d’altération de leurs échanges gazeux au cours de leur évolution, remettant en question le continuum suspecté : absence de dilatations vasculaires intrapulmonaires des vaisseaux capillaires, dilatations vasculaires intrapulmonaires des vaisseaux capillaires sans hypoxémie, dilatations vasculaires intrapulmonaires des vaisseaux capillaires avec hypoxémie.

La survenue d’une dyspnée d’aggravation progressive est le symptôme prédominant. Classiquement, on décrit un symptôme plus spécifique, la survenue d’un syndrome platypnée-orthodéoxie (la platypnée définie par une aggravation de la dyspnée en position verticale, et cette dyspnée se traduit gazométriquement par une orthodéoxie définie par une chute de la PaO2 ≥ 5% ou ≥ 4mmHg lors du passage de la position couchée à la position debout). Cette anomalie est attribuée à une augmentation du shunt pulmonaire en position verticale. En effet, en position debout, le débit sanguin se répartit préférentiellement, par effet de la gravité, aux bases pulmonaires où les dilatations vasculaires intrapulmonaires des vaisseaux capillaires prédominent, créant ainsi un effet shunt aggravant l’hypoxémie. Il a également été rapporté des désaturations nocturnes significatives, et ce même chez les malades dont l’hypoxémie diurne était légère à modérée. L’évolution du syndrome hépatopulmonaire est marquée par une aggravation progressive de l’hypoxémie et est associée à une mortalité accrue par rapport aux malades sans syndrome hépatopulmonaire.

A l’examen clinique, à l’exception des signes cliniques d’hépatopathie chronique et/ou d’hypertension portale, il n’existe pas de signes caractéristiques faisant évoquer le diagnostic de syndrome hépatopulmonaire. Néanmoins, la présence d’une cyanose, d’un hippocratisme digital, ou d’angiomes stellaires multiples, bien que non spécifique, est évocatrice.

3.2. Paraclinique

Le diagnostic de syndrome hépatopulmonaire est établi chez un patient atteint d’une maladie hépatique, devant l’association (A) d’une altération du P(A‐a)O2, associée ou non à une hypoxémie, (B) de dilatations vasculaires intrapulmonaires des vaisseaux capillaires, et (C) de l’absence de pathologie pulmonaire intrinsèque sous jacente ou d’autres causes en relation avec la maladie hépatique expliquant l’hypoxémie à elle seule.

A. Altération du P(A‐a) O2 : L’altération des échanges gazeux est définie par un P(A­‐a)O2 supérieur à 15 mmHg chez les malades de moins de 65 ans et supérieur à 20 mmHg chez les malades âgés de 65 ans ou plus et/ou une pression partielle en oxygène (PaO2) inférieure à 80 mmHg en air ambiant et au niveau de la mer. Le P(A‐a)O2 est calculé en air ambiant (FiO2 21%) et au niveau de la mer par la formule ([(Patm­‐PH2O) x 0.21 – PaCO2/0.8]‐PaO2) avec Patm représentant la pression atmosphérique, PH2O la pression partielle alvéolaire en eau, les valeurs de PaO2 et la pression partielle en dioxyde de carbone (PaCO2) et un ratio standard d’échange respiratoire à 0,8. Il mesure la différence de concentration en oxygène entre les alvéoles et les capillaires pulmonaires et permet une détection plus précoce des anomalies des échanges gazeux, avant même une diminution de la PaO2, en prenant en compte la PaCO2 (7,26). Un grade de sévérité du syndrome hépatopulmonaire a été défini, par l’European Respiratory Society Task Force en 2004, selon le degré d’hypoxémie associé à l’élévation du P(A‐a)O2 comme léger (PaO2 > 80 mm Hg), modéré (PaO2 comprise entre 60-­79 mmHg), sévère (PaO2 comprise entre 50­‐59 mm Hg), et très sévère (PaO2 < 50 mm Hg).

Figure 3 : Grade de sévérité du syndrome hépatopulmonaire selon la PaO2. © D’après European Respiratory Society Task Force, 2004.

La réalisation de gaz du sang artériel permet de mesurer le P(A‐a)O2 ainsi que la pression partielle artérielle en oxygène (PaO2) et en dioxyde de carbone (PACO2) et, à ce titre, est un examen clé pour le diagnostic de syndrome hépatopulmonaire. La réalisation de gaz du sang en position couchée puis debout peut permettre de révéler une orthodéoxie, anomalie classiquement décrite dans le syndrome hépatopulmonaire, qui doit amener à une recherche de dilatations vasculaires intrapulmonaires des vaisseaux capillaires.

Bien que les gaz du sang soient pratiqués en routine lors des bilans prétransplantations, la mesure de la saturation en oxygène par oxymétrie de pouls (SpO2) s’avère un outil simple, sensible et économique pour le dépistage d’un syndrome hépatopulmonaire. La réalisation d’une mesure de la SpO2 chez tous malades suivi pour une hépatopathie chronique est un moyen intéressant de dépistage des hypoxémies sévères et donc des syndrome hépatopulmonaire dans cette population. La mesure répétée de la SpO2 est également un bon outil pour suivre l’évolution de l’hypoxémie des malades atteints de syndrome hépatopulmonaire.

B. Dilatations vasculaires intrapulmonaires des vaisseaux capillaires : L’échographie cardiaque de contraste ou échographie cardiaque aux micro-­bulles est l’examen de référence et le plus utilisé pour détecter les dilatations vasculaires intrapulmonaires des vaisseaux capillaires. Elle est à préférer à la scintigraphie pulmonaire aux macroagrégats d’albumine marquée au Technetium 99m (99mTc MAA scintigraphie). Elle est réalisée en injectant par voie intraveineuse périphérique du sérum physiologique agité au cours d’une échographie cardiaque transthoracique classique, produisant ainsi des micro­‐bulles visibles en échographie. Ces dernières d’un diamètre supérieur à 10‐15 micromètres sont, à l’état normal, visualisées après injection dans le cœur droit puis ne sont plus visibles ou n’apparaissent dans les cavités gauches qu’après 9 cycles cardiaques car «arrêtées» dans le lit capillaire pulmonaire (diamètre normal compris < 8 et 15 μm). Leur apparition immédiate ou après une période inférieure à 3 cycles cardiaques dans les cavités cardiaques gauches évoque une communication droite‐gauche intra-cardiaque (typiquement un foramen ovale perméable) tandis que leur apparition retardée dans le cœur gauche après 3 à 6 cycles cardiaques est en faveur d’anomalies vasculaires intrapulmonaires permettant le passage des micro­‐bulles : dilatations vasculaires pulmonaires, shunts artério veineux. Cette technique ne permet pas de quantifier le shunt. Un autre élément indirect obtenu par l’échographie cardiaque transthoracique a été étudié comme marqueur de syndrome hépatopulmonaire : l’augmentation du volume de l’oreillette gauche.

La réalisation d’une échographie cardiaque de contraste par voie transoesophagienne augmente significativement la sensibilité en détectant les micro-­bulles émanant des veines pulmonaires mais n’est pas nécessaire en routine sauf en cas de suspicion clinique forte avec une échographie cardiaque de contraste transthoracique négative et/ou discordance entre la 99mTc MAA scintigraphie et l’échographie cardiaque de contraste transthoracique. Il est important de noter que des dilatations vasculaires intrapulmonaires des vaisseaux capillaires peuvent être mises en évidence alors que les gaz du sang sont normaux. Cela suggère l’existence de dilatations vasculaires intrapulmonaires des vaisseaux capillaires à un stade infraclinique, possiblement à une phase précoce de l’évolution de la maladie.

Figure 4 : Échographie de contraste transthoracique ou aux micro­‐bulles, vue apicale, positive. (A) : Avant injection de la solution saline agitée ; (B) : Après 1 cycle cardiaque, aucune micro-­‐bulle visualisée ; (C) : 4 cycles cardiaques après injection, les micro-­‐bulles sont visualisées dans les cavités droites ; (D) : 5 cycles cardiaques les micro­‐bulles apparaissent dans les cavités gauches ; (E) : Après 10 cycles cardiaques, les cavités gauches sont comblées par des micro-­‐bulles ; (F) : Après 22 cycles cardiaques, les micro-­‐bulles disparaissent progressivement. © D’après Schiffer, American Journal of Transplantation, 2006.

La scintigraphie pulmonaire aux macroagrégats d’albumine marquée au Technetium 99m (99mTc MAA scintigraphie) consiste en l’injection intraveineuse de macroagrégats d’albumine marquée, d’un diamètre de 20‐50 μm qui en situation non pathologique ne traversent pas les capillaires pulmonaires. En présence d’un shunt intrapulmonaire les particules passent dans la circulation systémique par les vaisseaux pulmonaires anormaux et apparaissent au niveau rénal, cérébral et splénique. Une mesure quantitative de  la distribution pulmonaire et cérébrale permet de calculer la fraction cérébrale (Ratio pour un flux sanguin cérébral stable accepté de 13% : [radioactivité cerveau/0,13]/[radioactivité cerveau/0,13 + poumon]) correspondant aux agrégats passés à travers le système pulmonaire et donc de quantifier le shunt. Une fraction supérieure à 6% (correspondant à 2 écarts types au dessus du shunt moyen chez les témoins sans syndrome hépatopulmonaire) permet de retenir le diagnostic de shunt droite-­gauche mais pas de différencier un shunt intracardiaque d’un shunt intrapulmonaire.

La 99mTc MAA scintigraphie est moins sensible que l’échographie cardiaque de contraste, raison pour laquelle cette méthode n’est pas utilisée en routine pour la détection du syndrome hépatopulmonaire. Il existe cependant une bonne corrélation entre la fraction du shunt, la PaO2 en air ambiant et le P(A­‐a)O2. Une 99mTc MAA scintigraphie négative n’exclut pas le diagnostic de syndrome hépatopulmonaire mais elle suggère, avec une bonne spécificité, chez un malade hypoxémique présentant des dilatations vasculaires intrapulmonaires des vaisseaux capillaires et une maladie pulmonaire intrinsèque associée, que la part des dilatations pulmonaires dans la survenue de l’hypoxémie est faible. Par ailleurs, la 99mTc MAA scintigraphie peut avoir une valeur pronostique en quantifiant le shunt. En effet, l’existence d’un shunt élevé (≥ 20%) chez des malades présentant un syndrome hépatopulmonaire très sévère (PaO2 ≤ 50 mmHg) est associée à un taux de mortalité plus élevé après transplantation hépatique.

L’étude de la fonction pulmonaire n’a pas d’utilité dans le diagnostic de syndrome hépatopulmonaire. Bien que la diffusion en monoxyde de carbone soit souvent altérée dans le syndrome hépatopulmonaire, cette anomalie n’est pas spécifique. La persistance de ce défaut en post transplantation hépatique malgré la normalisation de la PaO2 et du P(A­‐a)O2 est en faveur d’un remodelage persistant des anomalies vasculaires pulmonaires. Un épaississement des parois capillaires et des veinules pulmonaires a été suggéré pour expliquer cette altération de la diffusion du monoxyde de carbone.

L’angiographie pulmonaire n’est pas un outil diagnostic standard chez les malades qui ont une suspicion de syndrome hépatopulmonaire compte tenu de son caractère invasif et de sa sensibilité moindre vis à vis de l’échographie cardiaque de contraste. Elle permet, cependant, de définir deux types d’anomalies de la vascularisation pulmonaire : type (1) des anomalies vasculaires diffuses classées en minimes ou sévères; et type (2) des anomalies vasculaires focales à type de fistules artério‐veineuses. Aujourd’hui, l’angiographie pulmonaire garde un intérêt uniquement chez des malades présentant une hypoxémie sévère répondant mal à une oxygénothérapie (définie par une PaO2 <300 mmHg en FiO2 100%), évoquant un important shunt droite­‐gauche, afin de rechercher une volumineuse fistule artério-­veineuse accessible à un traitement par embolisation.

Figure 5 : Scintigraphie de perfusion aux macroagrégats d’albumine marquée au Technetium 99 positive pour un shunt intrapulmonaire. © D’après Rodriguez-­‐Roisin, N Engl J Med, 2008. Figure 6 : Angiographie pulmonaire droite montrant des vaisseaux pulmonaires dilatés et tortueux chez une patiente de 68 ans avec un syndrome hépatopulmonaire. © D’après Lee et al., Radiology, 1999.

La réalisation d’un scanner thoracique avec injection de produit de contraste n’a pas non plus d’intérêt en routine dans le diagnostic de syndrome hépatopulmonaire bien qu’il puisse parfois mettre en évidence des vaisseaux pulmonaires périphériques dilatés. Il permet par ailleurs de diagnostiquer une éventuelle pathologie pulmonaire intrinsèque, d’autant plus que dans 20 à 30% des cas, des comorbidités pouvant contribuer à l’hypoxémie sont associées au syndrome hépatopulmonaire.

Figure 7 : Scanner thoracique coupes fines du lobe inférieur droit. (A) Malade de 68 ans atteinte de cirrhose avec syndrome hépatopulmonaire. Dilatations des artères (flèches) dont le diamètre est augmenté par rapport aux bronches adjacentes (pointes de flèche) ; (B) Malade de 64 ans atteint de cirrhose sans syndrome hépatopulmonaire. Vaisseaux péri‐bronchiques de calibres normaux, de diamètre quasi équivalent à la bronche adjacente. © D’après Lee et al., Radiology, 1999.
Figure 8 : Scanner thoracique coupes fines du lobe inférieur droit (A) Malade de 64 ans atteinte de cirrhose avec syndrome hépatopulmonaire. Dilatations tortueuses de vaisseaux périphériques (flèches) (B) Témoin sain. Vaisseaux périphériques sains non dilatés au même niveau de coupe (flèches). © D’après Lee et al., Radiology, 1999.

Enfin, la radiographie du thorax peut être normale ou montrer des opacités nodulaires ou réticulonodulaires des deux bases secondaires aux dilatations vasculaires intrapulmonaires des vaisseaux capillaires diffuses mais n’a pas d’intérêt en pratique dans le diagnostic d’un syndrome hépatopulmonaire.

C. Absence de pathologie pulmonaire intrinsèque sous jacente ou d’autres causes, en relation avec la maladie hépatique, expliquant l’hypoxémie. La plupart des malades atteints de cirrhose en attente de transplantation hépatique se plaignent de dyspnée, les causes sont variées et on retrouve en premier lieu les causes cardio-­‐respiratoires sans lien avec l’hépatopathie sous jacente, puis les causes en relation avec la maladie hépatique : ascite abondante avec anomalie de la course diaphragmatique, hydrothorax droit ou gauche, pneumopathie d’inhalation favorisée par l’encéphalopathie hépatique et enfin des atteintes vasculaires pulmonaires comme le syndrome hépatopulmonaire et l’hypertension porto‐pulmonaire (HTPP). La démarche diagnostique doit donc s’attacher à dépister de manière appropriée les malades souffrant d’hypoxémie puis affirmer le diagnostic de syndrome hépatopulmonaire en éliminant des diagnostics différentiels.

Les deux autres complications pulmonaires de la cirrhose à rechercher sont donc l’hydrothorax et l’hypertension porto‐pulmonaire.  L’hydrothorax désigne un épanchement pleural abondant, le plus souvent supérieur à 500 ml, chez un malade atteint de cirrhose en l’absence de toute pathologie cardiaque ou pulmonaire. L’épanchement pleural est le plus souvent unilatéral, droit, dans un contexte d’ascite réfractaire, et composé d’un liquide pleural transsudatif. Le diagnostic est posé, en cas de maladie hépatique sous jacente connue, après une radiographie du thorax et une ponction pleurale pour analyse cytologique et biochimique.

L’hypertension portopulmonaire elle est définie par l’association d’une hypertension portale et d’une hypertension artérielle pulmonaire, se traduisant par : (A) une élévation de la PAP moyenne (PAPm) au delà̀ de 25 mm Hg au repos ou 30 mm Hg à l’exercice, (B) une pression capillaire pulmonaire inferieure à 15 mm Hg, (C) des résistances vasculaires pulmonaires supérieures à 240 dynes.s.cm-­5 L’examen de dépistage est une échographie cardiaque transthoracique et l’examen diagnostique de référence est un cathétérisme cardiaque droit. L’hypertension porto‐pulmonaire est classée selon le degré de PAPm au repos, en forme légère (25 < PAPm < 35 mm Hg), modérée (34 < PAPm <45 mmHg) et sévère (PAPm > 44 mmHg).

3.3. Anatomopathologie

D’un point de vue anatomopathologique, les lésions vasculaires pulmonaires possibles en cas de syndrome hépato­pulmonaire sont : (1) une vasodilatations artérielles pré‐capillaires et capillaires (de 15 à 500μm de diamètre), (2) la présence de vrais shunts artério­‐veineux pulmonaires et de dilatations vasculaires pleurales («angiomes stellaires» pleuraux), mis en évidence par injection de gélatine opaque dans l’arbre vasculaire pulmonaire (Ces anomalies vasculaires contrastaient avec une architecture pulmonaire normale par ailleurs), (3) des shunts (porto­‐pulmonaires, pleuro‐pulmonaires et/ou intrapulmonaires. Seuls ces derniers semblent avoir un rôle significatif dans la survenue de l’hypoxémie du syndrome hépatopulmonaire), (4) une multiplication des capillaires pulmonaires traduisant une angiogénèse pulmonaire, prédominante aux bases pulmonaires et dans les territoires sous pleuraux (l’angiographie pulmonaire a permis de classer ces anomalies vasculaires en 2 types : (A) des dilatations artériolaires distales diffuses ; et (B) des anastomoses artério-­veineuses localisées, de gros calibres), et (5) un épaississement des parois des petites veines et des capillaires pulmonaires.

3.4. Anatomopathologie

A l’imagerie, on peut retrouver (1) rarement, des malformations vasculaires artério­‐veineuses macroscopiques en angiographie ou au scanner, et (2) souvent, des dilatations vasculaires intrapulmonaires des vaisseaux capillaires, constantes au cours du syndrome hépatopulmonaire et mises en évidence par échographie cardiaque de contraste ou scintigraphie pulmonaire de perfusion aux macroagrégats d’albumine marquée au Technetium 99. Il est important de noter que les lésions vasculaires notamment les dilatations vasculaires intrapulmonaires des vaisseaux capillaires semblent prédominer aux bases pulmonaires.

4. Traitement

4.1. L’oxygénothérapie : L’oxygénothérapie est le seul traitement recommandé afin de diminuer les symptômes associés à l’hypoxémie bien qu’elle ne semble pas améliorer la survie des malades. Le mécanisme retenu par les auteurs était qu’en corrigeant l’hypoxémie, l’oxygénothérapie permettait de prévenir les lésions hépatiques hypoxiques favorisant ainsi la régénération hépatique. Ces éléments n’ont pas été retrouvés dans d’autres travaux de plus grande ampleur et la très grande majorité des malades atteints de syndrome hépatopulmonaire ne présentent aucune amélioration de la fonction hépatique sous oxygénothérapie.

4.2. Transplantation hépatique : Actuellement, il n’existe pas de traitement spécifique du syndrome hépatopulmonaire et le seul traitement efficace est la transplantation hépatique. La résolution du syndrome hépatopulmonaire est observée dans plus de 85 % des cas après transplantation hépatique chez l’adulte comme l’enfant, dans un délai moyen de 4 à 6 mois. De rares cas de réapparition d’un syndrome hépatopulmonaire en post­‐transplantation ont été décrits, essentiellement en raison de la récidive de la maladie hépatique initiale mais également secondaire à une sténose vasculaire anastomotique.

La survie après transplantation hépatique chez les malades atteints de syndrome hépatopulmonaire est de l’ordre de 70-80% à 5 ans. Il existe néanmoins une surmortalité en post transplantation hépatique chez les malades les plus hypoxémiques. En effet, les paramètres les plus péjoratifs sur la survie post‐transplantation hépatique sont l’existence d’une PaO2 ≤ 50 mmHg et d’un shunt isotopique ≥20% en prétransplantation. Ces deux éléments sont associés à une augmentation de la mortalité globale et du délai de résolution de l’hypoxémie. La diminution du taux de survie chez les malades les plus hypoxémiques justifie l’attribution de points supplémentaires dans le score MELD aux Etats­‐Unis chez les malades avec une hypoxémie sévère (valeur seuil PaO2 <60mmHg) mais également l’exclusion théorique des malades présentant une PaO2 < 50mmHg compte tenu du taux de mortalité rapporté jusqu’à 67% et donc supérieur à la probabilité moyenne de survie spontanée des malades de 2,5 ans. Néanmoins, certaines études ne retrouvent pas une augmentation si marquée du taux de mortalité chez les malades présentant un syndrome hépatopulmonaire sévère (PaO2 ≤ 60 mm Hg) et très sévère (PaO2 < 50mmHg).

Par ailleurs, des complications biliaires (cholangite ischémique, sténoses anastomotiques) et vasculaires (sténoses anastomotiques) ont été plus souvent rapportées chez les malades atteints de syndrome hépatopulmonaire. Bien qu’il n’y ait pas de relation établie entre la sévérité de l’hypoxémie prétransplantation et la survenue de ces complications, elles semblent favorisées par l’hypoxémie, raison pour laquelle certains auteurs conseillent de lutter au maximum contre l’hypoxie en maintenant une hémoglobine cible à 10g/dL et une saturation artérielle en oxygène à 100% en péritransplantation.

4.3 TIPS : L’utilisation d’un shunt porto‐systémique par voie transjugulaire (TIPS) a été proposée compte tenu de son effet sur l’hypertension portale bien que le mécanisme par lequel le TIPS pourrait améliorer le syndrome hépatopulmonaire reste indéterminé.

4.4. Autres thérapies : Plusieurs essais thérapeutiques contrôlés ont été menés pour tester de nouvelles thérapies en s’appuyant sur les données physiopathologiques mais les résultats n’ont pas été probants à ce jour. L’absence de données solides sur ces traitements ne permet cependant pas de les recommander et des essais contrôlés randomisés de plus grande ampleur sont nécessaires pour obtenir des résultats objectivement bénéfiques dans la prise en charge du syndrome hépatopulmonaire. Par exemple :

A. L’inhibition du monoxyde de carbone par nébulisation d’inhibiteur de la NO synthase (N(G)‐nitro‐L‐arginine methyl ester) a été inefficace sur les échanges gazeux malgré une réduction du débit cardiaque et une augmentation des résistances vasculaires pulmonaires; l’inhibition du tumor necrosis factor alpha (TNF-α) par l’utilisation de pentoxyfilline n’a pas permis une amélioration de la PaO2 et a été mal tolérée; la décontamination intestinale par Norfloxacine s’est avérée inefficace malgré des résultats encourageants sur des modèles animaux de syndrome hépatopulmonaire.  Les bêtabloquants, l’almitrine, l’indomethacine et les analogues de la somatostatine ont également été testés sans amélioration objective mesurable. Trois thérapies ont été testées avec succès mais dans des essais ni contrôlés, ni randomisés :

A.1. Un traitement par aspirine au long cours améliore le syndrome hépatopulmonaire chez deux enfants avec normalisation de la PaO2 et de l’échographie de contraste à 2 ans, possiblement par une inhibition de médiateurs pro-­inflammatoires.

A.2. Un traitement par Mycophénolate mofetil, donné en traitement d’un syndrome lymphoprolifératif avec auto­‐immunité (ALPS), a montré son efficacité dans le traitement d’un syndrome hépatopulmonaire associé, dans le cadre d’une hypertension portale non cirrhotique. Le mécanisme d’action du Mycophénolate mofetil reste peu clair mais ses rôles anti-­angiogénique et inhibiteur du NO ont été proposés comme explication à son efficacité dans le syndrome hépatopulmonaire.

B. L’ail a des effets bénéfiques sur la PaO2, l’hypoxémie et la P(A-a)O2 (gradient alvéolo­‐artériel). Le mécanisme d’action reste inconnu mais l’hypothèse d’une altération de la synthèse de NO a été avancée.

Notes

1 Les lipopolysaccharides (LPS) sont de macro-molécules constituées d’un lipide et d’un polysaccharide qui sont des toxines bactériennes. Ils sont composés d’un antigène O, d’un noyau externe et d’un noyau interne, tous reliés par des liaisons covalentes, et se trouvent dans la membrane externe des bactéries Gram-négatives, telles que E. coli et Salmonella. Aujourd’hui, le terme endotoxine est souvent utilisé comme synonyme de LPS, bien qu’il existe quelques endotoxines (au sens originel de toxines présentes à l’intérieur de la cellule bactérienne qui sont libérées lorsque la cellule se désintègre) qui ne sont pas liées au LPS, comme les protéines appelées endotoxines delta produites par Bacillus thuringiensis. Les lipopolysaccharides peuvent avoir des impacts importants sur la santé humaine, principalement par le biais d’interactions avec le système immunitaire. Le lipopolysaccharide est un puissant activateur du système immunitaire et un pyrogène (agent provoquant de la fièvre). Dans les cas graves, le lipopolysaccharide peut jouer un rôle en provoquant un choc septique. À des niveaux inférieurs et sur une période plus longue, il existe des preuves que le lipopolysaccharide pourrait jouer un rôle important et nocif dans l’auto-immunité, l’obésité, la dépression et la sénescence cellulaire.

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