Le patrimonialisme est une forme d’organisation politique dans laquelle l’autorité est basée principalement sur le pouvoir personnel exercé par un dirigeant, directement ou indirectement. Le patrimonialisme est, selon Max Weber, une forme de gouvernance basée sur un type de domination traditionnelle fondé sur l’absence de différenciation entre le public et privé et dans laquelle tout pouvoir découle directement du leader. Le patrimonialisme traditionnel qui combine un dosage variable d’arbitraire personnel et de normes traditionnelles correspond à l’extension de la logique de la domination patriarcale au-delà des frontières de la parenté. Ces régimes sont autocratiques ou oligarchiques et excluent du pouvoir les classes inférieures, moyennes et supérieures. Les dirigeants de ces pays jouissent généralement d’un pouvoir personnel absolu. Habituellement, les armées de ces pays sont fidèles au chef, pas à la nation.
Un dirigeant patrimonial peut agir seul ou en tant que membre d’un groupe d’élite puissant ou d’une oligarchie. Bien que l’autorité du souverain soit étendue, il n’est pas considéré comme un tyran. Par exemple, la direction de l’Église catholique romaine contemporaine reste patrimoniale. La règle directe implique que le dirigeant et quelques membres clés de la famille ou du personnel du dirigeant maintiennent un contrôle personnel sur tous les aspects de la gouvernance. Si le pouvoir est indirect, il peut y avoir une élite intellectuelle ou morale de prêtres ou d’officiers ainsi qu’un militaire.
Le groupe sacerdotal peut déifier le chef. Le roi, le sultan, le maharaja ou tout autre dirigeant est capable de prendre des décisions indépendantes sur une base ad hoc, avec peu ou pas de contrôle sur son pouvoir. Aucun individu ou groupe n’est assez puissant pour s’opposer au souverain sans, à son tour, devenir le nouveau souverain patrimonial. Le souverain est généralement reconnu comme le principal propriétaire foncier et, dans le cas extrême, comme le propriétaire de toutes les terres du royaume ou de l’État. L’autorité légale du souverain est largement incontestée; il n’y a pas de jurisprudence ou de droit formel reconnu, bien qu’il puisse y avoir des notions d’étiquette et d’honneur.
Origine du concept, caractéristiques et traits de différence
Le concept de patrimonialisme a été appliqué à l’étude de la politique au début du XIXe siècle par le juriste suisse Karl Ludwig von Haller, qui était un opposant à la Révolution française. Comme le penseur politique britannique Edmund Burke, Haller a attaqué l’ancien régime mais s’est également opposé au romantisme et au changement révolutionnaire violent. Haller a fait valoir que l’État peut et doit être considéré comme le patrimoine (la possession patrimoniale) du souverain. Selon la théorie de Haller du Patrimonialstaat, le prince n’est responsable que devant Dieu et la loi naturelle. Au 20e siècle, le sociologue allemand Max Weber a adopté le terme Patrimonialstaat comme étiquette pour son modèle idéal-type d’autorité traditionnelle (Herrschaft).
Le terme patrimonialisme est souvent utilisé en conjonction avec le patriarcat, puisque la première forme de gouvernance en petits groupes peut avoir été patriarcale. Il existe une relation de dépendance personnelle entre un fonctionnaire et le dirigeant, de sorte que l’idéologie de la structure est celle d’une grande famille élargie. L’idée d’une société matriarcale précoce – à la différence de l’ascendance matrilinéaire – est largement discréditée. Un système de chefferie «Big Man» est caractéristique de nombreux peuples autochtones, et la transition du patriarcat au patrimoine est probablement historiquement courante dans le monde entier. En règle générale, le patrimonialisme est adopté après qu’une société patriarcale s’étend pour englober une zone géographique plus large, comme dans le développement de civilisations basées sur l’agriculture. Le patrimonial était probablement caractéristique de nombreuses civilisations agraires primitives fondées sur des systèmes d’irrigation.
Une différence cruciale entre le concept de patrimonialisme et les concepts contemporains de totalitarisme et d’autoritarisme est que la forme patrimoniale a tendance à être associée aux sociétés traditionnelles, prémodernes et précapitalistes. Mais des aspects à la fois de l’utilisation arbitraire du pouvoir par les dirigeants et de l’emploi de mercenaires et de serviteurs peuvent être trouvés dans les sociétés totalitaires contemporaines. De même, les systèmes patron-client contemporains sont souvent des vestiges d’un clientélisme patrimonial antérieur. Qu’il soit ou non utile de parler d’États-nations au 21e siècle comme ayant des éléments de néopatrimonialisme est contesté.
L’intérêt de cette notion est sa généralité de par la confusion du public et du privé qui permet de regrouper plusieurs caractéristiques de l’État africain et de sa logique de fonctionnement: Corruption économique, Corruption liée à l’échange social, Clientélisme, Patronage, Copinage, Népotisme, Tribalisme, Prébendalisme.
Pour aller plus loin
- Marc-Kevin Daoust. M. Weber, La Domination, traduit de l’allemand par Isabelle Kalinowski, note éditoriale d’Yves Sintomer, Paris, Éditions La Découverte, Coll. »Politiques et Sociétés », 2013, 427 pages. Philosophiques, vol. 41, no1 2014, p. 223.
- Jean-François Médard. L’État patrimonialisé. Politique africaine, no39, septembre 1990, p. 25-36.
- Bakker, Johannes Iemke. « Patrimonialism ». Encyclopedia Britannica, Invalid Date, Accessed 15 October 2021.