Parc national de Kahuzi-Biega

Vaste étendue de forêt tropicale primaire, le Parc national de Kahuzi-Biega est dominé par deux volcans éteints spectaculaires, le Kahuzi (culminant à 3308 m)  et le Biega (avec une altitude de 2790m) et dont il tire son nom. Il est peuplé d’une faune abondante et variée. Situé entre 2 100 et 2 400 m d’altitude, il y vit l’une des dernières populations de gorilles des plaines de l’est (graueri), qui compte environ 250 individus seulement. C’est cet ensemble de beautés naturelles extraordinaires, riche et diversifié en termes de biodiversité et sur le plan culturel qui a fait de ce merveilleux Parc National, un site du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1980 et inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en péril en 1997. La longue période des conflits armés en République Démocratique du Congo a eu un sérieux impact sur le Parc national de Kahuzi-Biega.


Présentation Générale

Vaste de 6000 km², le Parc national de Kahuzi-Biega est localisé à l’Est du Congo. Il s’étend du bassin du fleuve Congo près d’Itebero-Utu jusqu’à sa frontière occidentale au Nord-Ouest de Bukavu. Les coordonnées géographiques extrêmes se trouvent : à l’Ouest à la rivière Ezeza (21°33’E), à l’Est à Lemera (28°46’E), au Sud à Lubimbe (2°37’S) et au Nord au mont Matebo ou mont Kamengele (1°36’S). Son altitude varie entre 600m et 3308m.Ces coordonnées géographiques se présentent comme suit : entre 1°36’- 2°37’ de latitude Sud et 27°33’ – 28°46’ de longitude Est. Le parc est traversé par de nombreux cours d’eau. Les plus importants sont : au Nord, les rivières Luka, Zalya et Utu, à l’Est, les rivières Ezeiza, Camaka, Nduma, Kansunsu ; au Sud, les rivières Lubimbe, Nyakagera et Lugulu. Enfin à l’Est, la rivière Lushanja. Le Parc national de Kahuzi-Biega couvre une partie des territoires administratifs de Kabare, de Kalehe, de Shabunda et de Walungu dans la Province du Sud-Kivu; de Walikale, dans la Province du Nord-Kivu et de Punia dans la Province du Maniema. Le Parc national de Kahuzi-Biega est limité au nord par le Parc National de Maïko, la Réserve natu-relle de Tayna; la Réserve des primates de Kisimba-Ikobo, le chapelet de Ré-serves de l’UGADEC et au sud par la Réserve Naturelle d’Itombwe. Il fait partie du Landscape 10 selon la classification de CARPE des régions prioritaires de conservation en Afrique centrale (PFBC, 2007).

Le Gorille des plaines orientales, Gorille des plaines de l’Est ou Gorille de Grauer (Gorilla beringei graueri) est un gorille, un primate africain de la famille des hominidés. C’est, avec Gorilla beringei beringei, une des deux sous-espèces du Gorille de l’Est (Gorilla beringei). Il est endémique de l’Est de la République démocratique du Congo et très fortement menacé d’extinction (le gorille des plaines orientales est présent dans la liste des 25 primates les plus menacés de la planète de 2010, 2012, 2014 et 2016). Le gorille des plaines orientales, le gorille des montagnes et le gorille de la rivière Cross sont 3 des 16 espèces de primates d’Afrique qui ont été incluses entre 2000 et 2020 dans la liste des 25 espèces de primates les plus menacées au monde. © J. Flynn, Domaine public.

Aperçu historique

Le parc de Kahuzi-Biega a été créé par l’ordonnance-loi n° 70-316 du 30 novembre 1970. Il avait au départ une superficie de 60.000 ha. Ses limites actuelles ont été définies et fixées par l’ordonnance n° 75-238 du 22 juillet 1975. Elles étaient alors portées à 600.000 ha.  A l’origine, les autorités coloniales voulait protéger les gorilles des plaines de l’est qui vivaient et une exceptionnelle biodiversité. C’est ainsi qu’en 1937 pour empêcher toute chasse dans cette zone, une réserve intégrale fut créée  par l’ordonnance loi numéro 81/AGR de monsieur KYKMAS, gouverneur général du Congo belge. La proposition de la création e la réserve intégrales est venue de monsieur Adrien DESCHRYVER, conservateur et considéré comme fondateur du PNKB, visant à relier la population de Gorilles de haute altitude à celle de la forêt de basse altitude qui ne faisait encore partie du parc.

La réserve se nommait “Réserve Intégrale Zoologique Forestière” dans la région du mont Kahuzi. Elle assurait une protection absolue de la faune de cette région, avec interdiction formelle de toute forme d’exploitation des ressources, sauf pour des raisons de recherche scientifique. Cette réserve avait une superficie de 75.000 ha, plus grande que ne l’aura le parc en 1970. Trois blocs destinés à l’élevage ont été établis au sud de la réserve par l’administrateur colonial à travers le comité national du Kivu en 1952. En 1966, les étudiants congolais vivant en Belgique, originaires du Kivu ont demandé la création d’un parc National. C’est ce qui fut fait en 1970. En 1970, suite à cette demande, fut signée l’Ordonnance présidentielle n° 70/316 du 30 novembre. Elle modifia le statut de la Réserve, qui devint Parc National. Parallèlement, certaines limites de l’ancienne Réserve furent révisées, réduisant ainsi le Parc à une superficie de 60 000 ha.

En 1975, à travers l’Ordonnance n° 75/238 du 22 juillet, la superficie du PNKB fut portée à 600 000 ha : le but était de relier la population de gorilles de haute altitude du parc existant avec celle de basse altitude. Grâce à cette extension, le Parc est aujourd’hui constitué de deux régions aux caractéristiques différentes : la zone initiale dite de «haute altitude » appartenant sur le plan biogéographique au centre d’endémisme afro-montagnard, et la zone dite de «basse altitude», située entre 600 et 1200m et relevant du centre d’endémisme guinéo-congolien. En 1980, l’importance internationale du Parc fut reconnue par l’UNESCO qui lui attribua le statut de Site du Patrimoine Mondial, valorisant ainsi ses ressources naturelles et lui donnant au plan scientifique et de la conservation, une exceptionnelle valeur universelle. En 1997, suite aux guerres récurrentes à l’Est de la RDC (présence de réfugiés rwandais remontant à 1994 et de multiples groupes armés dans le Parc), l’UNESCO plaça le PNKB sur la liste des Sites du Patrimoine Mondial en Péril (UNESCO, 1997 ; http://whc.unesco.org/en/list/137), statut qui lui est encore conféré aujourd’hui.

La première aire protégée qui a été créée sur ce site en 1937 fut la réserve intégrale zoologique et forestière de Kahuzi-Biega s’étendant sur une surface de 75.000 ha. Le 30 Novembre 1970, la réserve intégrale fut classée en parc national (PNKB) par l’Ordonnance n° 70/316, réduisant le parc à une superficie de 60.000 ha. Des mesures ont à nouveau été prises pour délocaliser les populations qui s’étaient retrouvées de fait à l’intérieur des limites. En 1975, afin de relier les populations de gorilles de haute altitude à celles de la forêt de basse altitude qui ne faisait pas encore partie du parc, la superficie du PNKB fut portée à 600.000 ha par l’Ordonnance n° 75/238 du 22 juillet 1975. Cette extension a été faite sans consultations préalables avec les populations concernées. Le PNKB est donc composé de deux parties différentes: la haute altitude renfermant l’ancienne partie de la réserve et la forêt ombrophile, centre d’endémisme afro montagnard, et dont le point culminant est le mont Kahuzi (3.308m) et, la basse altitude contenant la forêt ombrophile guinéo congolaise dont l’altitude varie entre 700 m et 1 700 m. Ces deux parties sont reliées par un étroit couloir écologique.

Faune

La réserve est située dans une importante zone d’endémisme pour les oiseaux (Endemic Bird Area) : 349 espèces d’oiseaux ont été identifiées dont 32 espèces endémiques.  Le PNKB est le deuxième site le plus important de la région aussi bien pour les espèces endémiques qu’en termes de richesse spécifique. Le parc compte 136 espèces de mammifères. Il abrite un total de 11 espèces de primates diurnes, et trois espèces nocturnes. On y trouve le Gorille de Grauer et le Chimpanzé (Pan troglodytes schweinfurtii) ainsi que plusieurs sous espèces de primates endémiques de la région. D’autres espèces endémiques et extrêmement rares des forêts de l’Est de la RDC y sont aussi présentes telles que la genette géante (Genetta victoriae) et la genette aquatique ((Osbornictis piscivora). Des mammifères caractéristiques des forêts d’Afrique centrale vivent aussi dans le parc, comme l’Eléphant de forêt (Loxodonta africana cyclotis), le Buffle de forêt (Syncerus caffer nanus), l’Hylochère (Hylochoerus meinertzhageni), le Bongo (Tragelaphus euryceros) et huit espèces de petits ongulés dont six céphalophes.

Le PNKB a été créé pour protéger les Gorilles des Plaines de l’Est (Gorilla beringei graueri) qui sont endémiques à la République Démocratique du Congo. Il fait partie des trois aires protégées importantes pour la conservation de la biodiversité du «Rift Albertin» avec 136 espèces de grands mammifères (dont 15 endémiques du Rift Albertin), 335 espèces d’oiseaux dont 29 endémiques, 69 espèces de reptiles dont 7 endémiques, 44 amphibiens dont 13 endémiques, 1171 espèces de plantes dont 218 endémiques (Hall et al., 1997 ; Plumptre et al., 2003). Le PNKB compte trois espèces charismatiques parmi les grands mammifères : le Gorille, le Chimpanzé et l’Eléphant. Mais le Parc abrite aussi le Buffle de forêt, le Léopard ou encore le Bongo, le Sitatunga et l’Hylochère. Dans les années 1990, 86 % des populations des Gorilles des Plaines de l’Est occupait le PNKB (Plumptre et al. 2010).

Cette population de gorilles a connu des fluctuations au cours des dernières décennies, surtout dans la partie de haute altitude où des inventaires réguliers sont conduits (Omari 2000, Liengola et al. 2004, Amsini et al. 2008, Plumptre et al. 2010). Dans la partie orientale du Parc, 223 gorilles étaient recensés en 1979 (14 familles et 5 mâles solitaires), 258 individus (25 groupes avec 9 mâles solitaires) dénombrés en 1990 et ce chiffre est resté stationnaire jusqu’en 1996. Toutefois, l’inventaire biologique mené dans la partie de haute altitude du Parc en février 2001 avait révélé la présence de 130 individus. Les inventaires de 2010 ont dénombré 181 individus répartis en 17 groupes contre 168 en 2004 avec 15 groupes (Plumptre et al. 2010). Sur la liste de la biodiversité du Parc figurent également 14 autres espèces de primates dont Cercopithecus sp, Colobus spp, Pan troglodytes schweinfurthii.

Flore

Le PNKB est aussi situé dans un Centre d’endémisme pour les plantes : 1 178 espèces ont été répertoriées dans la zone de haute altitude. Le PNKB est un des rares sites en Afrique subsaharienne où la transition floristique et faunique de basse altitude à haute altitude existe. Le parc comprend tous les stades de végétation forestière allant de 600 m à plus de 2 600 m : des forêts denses humides de basse et moyenne altitude, des forêts submontagnardes et de montagne aux forêts de bambou à Sinarundinaria alpina. Au dessus de 2 600 m jusqu’au sommet des monts Kahuzi et Biega, s’est développée une végétation subalpine à bruyères, hébergeant l’espèce endémique Senecio kahuzicus. Le parc abrite aussi des formations végétales peu répandues comme les marais et les tourbières d’altitude et des forêts marécageuses et ripicoles sur sols hydromorphes à toutes altitudes.

Le Parc National de Kahuzi-Biega est subdivisé en deux zones reliées par un corridor étroit : la forêt ombrophile de montagne (ou forêt afro-montagnarde) d’une part, et la forêt ombrophile de plaine (guinéo-congolais, type relativement humide) d’autre part. C’est une des rares régions africaines où la transition entre ces deux types de forêts pluviales est restée en grande partie intacte. Jusqu’à présent, plus de 1178 espèces de plantes ont été recensées en haute altitude, ce qui en fait le troisième site du Rift Albertin en terme de richesse spécifique, après le Parc national des Virunga en RDC et la forêt impénétrable de Bwindi en Ouganda. Par contre, la flore de basse altitude reste encore peu connue. L’inventaire des espèces endémiques au Parc National de Kahuzi-Biega est loin d’être achevé, et l’on découvre encore de nombreuses nouvelles espèces appartenant essentiellement aux familles des Balsaminacées, Orchidacées, Violacées, Euphorbiacées, Araliacées, Anacardiacées, et plusieurs autres familles avec une seule espèce déterminée (Fischer, 1995).

La partie montagneuse du Parc est recouverte d’une végétation essentiellement forestière, au sein de laquelle se trouvent d’autres formations liées à des conditions édaphiques particulières : sols hydromorphes, marécageux, inondés, ou de cuirasses latéritiques. Selon leur physionomie et leur composition floristique, en fonction de l’altitude, les forêts du PNKB se différencient en étages planitiaires (678- 1250 m), sub-montagnards (1250-1700 m), montagnards (1700-2600 m) et afro-subalpins (2600-3308 m) (Mangambu et al.2013). Le couvert végétal protégé du Parc a un effet régulateur sur le régime hydrologique de la région. Il assure notamment la protection des bassins versants. Par ailleurs, la couverture forestière exceptionnelle du PNKB constitue un important puits de carbone contribuant à la lutte contre le changement climatique au niveau mondial.

Recherche et monitoring

L’objectif stratégique du Programme Recherche & Monitoring est de «renforcer la recherche et le suivi écologique en vue d’améliorer la gestion des ressources naturelles du PNKB». Le programme s’occupe principalement du suivi de la biodiversité du Parc et axe ses efforts sur la collecte, le traitement et l’analyse d‘informations provenant des missions et patrouilles en forêt. Ces informations, stockées dans des bases de données, permettent un suivi régulier et permanent des efforts de gestion du PNKB (évolution du couvert végétal, suivi des actes illégaux et niveaux de pression anthropique, dynamique des populations animales, etc.).

Pour aller plus loin

  1. Plan général de gestion 2009-2019 du Parc National de Kahuzi Biega, ICCN.
  2. Présentation du Parc National de Kahuzi-Biega, ICCN.
  3. Parc national de Kahuzi-Biega, UNESCO.

Aller plus loin :

Le réchauffement climatique pourrait ne pas se produire aussi vite que proposé – voici pourquoi

Les plantes absorberont plus de dioxyde de carbone que prévu, ce qui signifie que...

En Afrique, la conservation «intelligente face au climat» doit être associée à la réduction de la pauvreté

En associant plus étroitement conservation et bien-être humain, nous avons une occasion en or...

L’inhumanité du programme écologiste : le régime de la «durabilité» appauvrit le monde !

Source : Joel Kotkin, The inhumanity of the green agenda - The 'sustainability' regime...

Dos au mur, Eve Bazaiba publie l’audit forestier qui accable la République Démocratique du Congo et ses bailleurs

Le rapport de l’audit de l’Inspection générale des finances (IGF) sur les concessions d’exploitation...

Parc national de la Garamba

Situé dans la Province Orientale, le Parc National de la Garamba (PNG) fut créé...

Parc national des Virunga

Le parc national des Virunga est la zone protégée la plus riche en biodiversité...

Éco-impérialisme : le nouveau type de colonialisme de l’Occident

L'agenda environnemental mondial, parallèlement au large agenda néolibéral, peut être considéré par les États...

Écofascisme : une présence latente et sombre dans l’environnementalisme

Fin mars de cette année, au milieu de la confusion mondiale provoquée par le...

Gouvernance forestière : Greenpeace et d’autres ONG accusent Kinshasa d’attributions opaques

L’immense forêt de la République démocratique du Congo, vitale dans la lutte contre le...