Dans la nuit du 23 au 24 février 2003, entre 23h30 et 2 heures du matin, la résidence du général Prosper Nyabiolwa, commandant de la 10ème région militaire des forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) située sur l’avenue Fizi en commune d’Ibanda à Bukavu, a été prise opérant sous ordre du commandant second, le colonel Jules Mutebusi. Des sources concordantes signalent qu’une cinquantaine d’hommes armés en provenance du Rwanda seraient entrés dans la ville de Bukavu par la frontière Ruzizi I, peu avant l’incident nocturne. Nous présentons ici les faits tels qu’ils s’étaient déroulés.
Chronologie des faits
Samedi 21 février 2004, Vers 11h00, découverte de la 2ème cache d’arme importante dans la ville de Bukavu, chez le Major Jeef KASONGO (militaire tutsi) au Quartier Nguba mais aussi chez son voisin le Colonel John BAHATI. Vers 12h00 : début de démantèlement de ces armes par les hommes du Général Prosper Nabyolwa, Commandant de la 10ème Région militaire. Le Major Jeef Kasongo est arrêté pendant que le Colonel John Bahati a réussi à prendre fuite.
Dimanche 22 février (ou le 23 février) 2004 : Le Général Prosper Nabyolwa transfert par vol spécial le Major Jeef Kasongo à Kinshasa. Ce dernier sera accueilli et entendu par la DMIAP. A Bukavu circule une rumeur selon quoi le Gouverneur suspendu Xavier Ciribanya assigné à résidence a fait une tentative de suicide.
Lundi 23 février 2004, Déclaration du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (R.C.D.) à Kinshasa sous forme de mémorandum rélayé par Moïse Nyarugabo, porte-parole du groupe parlementaire du R.C.D., qui considère le Chef de l’État comme un sanguinaire, Président d’un État voyou et menace de se désolidariser de toutes les institutions de la Transition si le Major Jeef Kasongo n’est pas libéré. Le Comité international d’accompagnement de la transition (C.I.A.T), les Chefs de diplomaties étrangères à Kinshasa assiègent le président Joseph Kabila et font pression sur lui pour qu’il concède de relâcher le Major Jeef Kasongo conformément aux requêtes et menaces du R.C.D.
Vers 14h00 : Arrivée à Bukavu, en provenance de Kinshasa, d’une délégation conduite par le Ministre du Plan Alexis TAMBWE Mwamba pour une mission du Gouvernement.
A 17h00 : Le Colonel Mutebutsi Jules, adjoint du Général Prosper Nabyolwa, gifle un militaire commis à la barrière de la Place Mulamba, érigée par le Général Nabyolwa. Pour le contrôle des armes dans les véhicules ; le Colonel Mutebutsi fait sauter la barrière et emporte le soldat giflé à bord de sa voiture. Après cela, le Colonel MUTEBUTSI met en place des nouvelles affectation des militaires : les militaires qui étaient à la place Mulamba sont conduits vers l’Avenue Hippodrome, ceux qui étaient aux deux frontières Ruzizi sont remplacés, et un contingent est envoyé à l’aéroport de Kavumu.
Vers 20h00 : Le Colonel Mutebutsi organise l’évacuation de l’ex-Gouverneur Ciribanya vers le Rwanda par la frontière Ruzizi 1er.
Entre 20h00 et 22h00 : La MONUC sur ordre de son chef du Sous Bureau de Bukavu, évacue le Ministre Alexis Tambwe Mwamba de l’hôtel Orchid au kilomètre 14 de Bukavu pour le mettre en sécurité dans le camps de la MONUC, tenu par les chinois.
A 23 h 45 : La ville est secouée par des tirs nourris à l’arme automatique et parfois à l’arme lourde. C’est la résidence du Général Prosper Nabyolwa qui est mitraillée. Le Général Nabiolwa téléphone à SHAROUH SHARIF, le chef de la MONUC, pour demander d’être secouru car il est attaqué : Mr SHAROUH SHARIF déclare qu’il ne peut venir à son secours car l’électricité est coupé et qu’il n’est pas sûr de sa propre sécurité. Le Général parvient à sauter de la fenêtre du 2ème niveau de la résidence et disparaît.
Mardi 24 février 2004 : La résidence du Général est fouillée et pillée. Vers 3h00, le gros du Commando rentre au Rwanda du matin, laissant derrière eux les 3 cadavres, 7 officiers prisonniers et leur arme lourde à deux roues. Le Colonel Mutebutsi place dans la résidence du Général des gardes, tous Banyamulenge.
6h00 : Les chancelleries occidentales rallient le point de vue du C.I.A.T et du RCD, condamnant presque Kinshasa pour avoir transféré Jeef Kasongo à Kinshasa, et d’avoir mis en péril la fragile Transition en RDC par cela. Une commentatrice sur RFI aux Info africaines de 6h30 (7 h 30 à Bukavu) déclare que le transfert du Major Kasongo à Kinshasa était absurde car il risquait de raviver des conflits interethniques dans la région.
Mi-journée : Radio OKAPI transmet l’interview de SHAROU SHARIF qui prend parti pour le RCD et condamne le Général Prosper Nabyolwa d’avoir décidé seul du transfert du Major Kasongo sans s’en référer à la MONUC et en contradiction de la décision du Conseil de Sécurité provinciale qui demandait que le démantèlement des caches d’armes et le traitement des prisonniers se face de manière collégiale. Le prisonnier Major Jeef Kasongo est libéré et remis à la disposition de la MONUC à Kinshasa qui se chargera de le « rapatrier » à Bukavu.
Mercredi 25 février 2004, A l’aube, vers 5h30, le couvent des Sœurs de Saint Joseph de Turin, voisin de l’hôtel de poste de Bukavu, est envahi par des militaires fortement armés qui fouillent complètement la maison à la recherche du Général Prosper Nabyolwa. Pendant la journée, au Centre de retraite d’Amani, une voiture embarquant 5 personnes, dont une femme, se présente également comme étant des membres de famille du Général Prosper Nabyolwa informés qu’il loge dans ce Centre. Quelques instants après, le Major Cabwine, Commandant de la Brigade routière se présente à la barrière d’entrée, toujours à Amani, pour demander de rencontrer le Général Prosper Nabyolwa. Tard le soir, vers 17h00, la MONUC à son tour vient officiellement demander au Père Directeur du Centre Amani de lui montrer le Général Prosper Nabyolwa qui serait caché dans ce Centre !
Vers 10h00 : Le Major KASONGO est ramené à Bukavu par un avion spécial de la MONUC : à l’aéroport de Kavumu il est triomphalement accueilli par le Colonel Mutebutsi, accompagnée de SHAROUH SHARIF de la MONUC et quelques membres du Conseil Provincial de Sécurité à la grande désapprobation de la population qui considère que l’on fait des honneurs à un criminel.
Au courant de la matinée, un communiqué diffusé à la RTNC, signé conjointement par le Gouverneur a.i Mazambi et le Président de l’Assemblée Provincial prétend pouvoir annoncer à la population de Bukavu qu’ils la rassurent que le Général Nabiolwa est vivant et en bonne santé. Au courant de la journée, le Colonel Mutebutsi convoie un groupe de militaires venu chercher la solde des militaires ainsi que les frais de ménage à la Banque Centrale de Bukavu. Un bruit court à travers la ville que le Colonel Mutebutsi est entrain de faire piller le Banque. En fait l’information vérifiée confirme qu’il s’agit bel et bien d’une opération normale à laquelle et Kinshasa et le Général Nabyolwa joint au téléphone ont donné feu vert.
Vers 23h00: Visite de la MONUC aux étudiants de l’ISDR (Institut Supérieur pour le Développement Rural) habitant le campus de Bugabo: la MONUC prétend qu’elle est avec le Général Nabiolwa alors qu’elle ne sait pas le démontrer quand les étudiants le réclament en chair et en os.
Jeudi 26 février 2004, Kinshasa annonce l’arrivée à Bukavu d’une délégation militaire de haut niveau, conduite par le Général BUKI, chef d’état Major Adjoint chargé des forces terrestres afin d’enquêter sur le grave problème de l’attaque de la résidence du Général Nabiolwa.
Vendredi le 27 février : Vers 16h00 Arrivée à Bukavu de la délégation militaire conduite par le Général BUKI. De prime à bord, à la première interview par les journalistes, il prétend qu’il vient réhabiliter le Général Nabiolwa dans ses fonctions et promet de le faire revenir dès ce soir même. Vers 16h30: le domicile de Mr MITIMA Remy, sur l’avenue Nyofu, est violé par un contingent des militaires qui prétendent venir de la part de la sœur de Nabiolwa pour chercher celui-ci là-bas.
Dimanche le 29 février, A 10 h 30 : Le Général BUKI avec SHAROUH SHARIF invitent les représentants de la Société Civile pour les aider à réfléchir sur les solutions à envisager en vue de résoudre la crise causée par l’attentat contre Nabiolwa. La Société Civile demande en résumé de réhabiliter le Général Nabiolwa et à travers lui toute la population du Sud-Kivu dont il est le héros : cela veut dire arrêter le Colonel Mutebutsi conformément aux règlements militaires, faire des obsèques dignes aux hommes du Général Nabiolwa tués lors de l’attaque de sa résidence et déclarer un deuil officiel à leur hommage. En plus la MONUC devrait s’amender de sa complicité avec les malfaiteurs contre le Général Nabiolwa en s’expliquant publiquement par les radios locales comme elle l’avait fait pour désavouer l’action de bravoure de Nabiolwa.
Bukavu les 1er, 2 et 3 mars
Lundi 1er mars : Journée ville morte à Bukavu, émaillée de beaucoup d’incidents causés par des militaires, qui se sont attaqués aux manifestants. Plusieurs blessés sont signalés dont 3 hospitalisés à l’hôpital Général de Bukavu. Les manifestants composés surtout des enfants de 8 à 12 ans ont surtout lapidé les véhicules de la MONUC : un soldat de la MONUC a été blessé sur la tête.
Mardi 2 mars : Deuxième journée ville morte.
Mercredi 3 mars: La vie reprend timidement son cours normal.