Adresse de son Excellence Monsieur Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, président de la République démocratique du Congo, durant le panel « Earth’s last lung », à l’occasion du Forum Economique Mondial (WEF 2025), à Davos, Suisse, janvier 2025.
Monsieur le Président du Forum économique mondial,
Mesdames et Messieurs les Chefs d’État et de Gouvernement,
Distingués Invités,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de pouvoir m’exprimer devant vous aujourd’hui au Forum économique mondial, un espace dédié à l’amélioration de notre monde en perpétuelle mutation à travers la résolution des défis les plus cruciaux de notre époque.
Lors de mon intervention à la COP26 de Glasgow en 2021, j’avais défendu l’idée que la République Démocratique du Congo pouvait être un « pays-solution » une nation dotée non seulement d’une richesse exceptionnelle en ressources naturelles, mais aussi d’une capacité unique à relever les défis climatiques grâce à des pratiques innovantes et durables.
Aujourd’hui, je suis fier de partager avec vous une réponse concrète à cette vision : le lancement de la plus grande réserve forestière tropicale du monde. Cette initiative historique, sans équivalent, transformera non seulement notre paysage naturel, mais également les moyens de subsistance de millions de nos concitoyens.
Cette extraordinaire réserve communautaire s’étendra sur plus de 2 400 kilomètres, reliant le parc national des Virunga à l’extrême Est de notre pays, les vastes forêts de l’Ituri, et le fleuve Congo de Kisangani jusqu’à Kinshasa. Ce projet vise à protéger les forêts primaires tropicales parmi les plus intactes de la planète, tout en préservant une biodiversité extraordinaire et des espèces fauniques endémiques, incluant les emblématiques gorilles de montagne, l’unique okapi, et une multitude d’autres espèces végétales et animales propres au bassin du Congo.
Mais cette initiative va bien au-delà de la simple conservation environnementale. Elle constitue une stratégie globale pour revitaliser notre économie, renforcer nos communautés locales et promouvoir une paix durable dans nos provinces orientales, longtemps touchées par la pauvreté, les conflits armés et l’instabilité. Ce projet améliorera directement la vie de plus de 31 millions de personnes, protégera près de 108 000 kilomètres carrés de forêts vierges et créera plus de 500 000 emplois, dont au moins 20 000 spécifiquement destinés aux jeunes hommes et femmes démobilisés des groupes armés.
Mesdames et Messieurs,
Le bassin du Congo, trésor naturel inestimable, regorge de forêts luxuriantes et d’une biodiversité exceptionnelle. Son potentiel en matière d’énergie renouvelable et de développement durable est immense, et nous sommes résolument engagés à le réaliser. Grâce aux technologies solaires, hydroélectriques et éoliennes, nous ambitionnons de réduire significativement notre empreinte carbone tout en transformant notre paradigme économique. En exploitant la puissance de nos rivières et l’abondance de soleil qui baigne nos terres, nous construirons une infrastructure énergétique durable capable d’alimenter nos communautés locales et nos peuples autochtones, ainsi que nos industries sans nuire à notre environnement.
Notre transformation agricole, au cœur de cette vision, vise à tirer parti de nos surfaces agraires fertiles pour garantir la sécurité alimentaire de nos populations. En remplaçant les activités illicites par des chaînes de valeur agricoles et minérales durables, nous érigerons une économie respectueuse de l’humain et de la nature. II s’agit d’un droit fondamental et d’une solution pragmatique pour éradiquer les revenus illégaux qui financent les conflits dans l’Est de la République démocratique du Congo, où trois décennies de guerre ont injustement coûté la vie à plus de six millions de nos compatriotes. Cette tragédie locale est une menace globale : si nous échouons à protéger ces forêts, c’est l’avenir de la planète qui est compromis.
C’est pourquoi nous devons faire montre de créativité et réinventer nos méthodes pour bâtir la paix. En adoptant des solutions fondées sur la nature et les principes d’équité et de justice sociale, nous avons l’opportunité de créer une interdépendance socio-économico-environnementale entre l’Est et l’Ouest de notre pays. Ce nouvel ordre social pour l’Afrique centrale trouve son ancrage dans la Loi adoptée en décembre 2024 par notre Parlement pour créer cette grande réserve, un véritable traité de Westphalie pour la région.
Cette transition représente à la fois un défi et une opportunité, que nous sommes déterminés à saisir. Toutefois, nous avons besoin de partenariats solides et équitables à l’échelle internationale. La coopération ne doit pas prendre la forme d’aumônes, mais de collaborations stratégiques, durables et « gagnant-gagnant ».
Je tiens à remercier l’Union européenne pour son soutien continu à travers l’Alliance des Virunga, une initiative qui, depuis près de 40 ans, a permis de générer de l’électricité propre et de créer 21 000 emplois grâce à l’agro-industrie. Cette réussite nous inspire pour le développement du Couloir vert Kivu-Kinshasa.
Je remercie également le professeur Yunus et la Fondation Schmidt pour leur soutien au programme de microfinancement Grameen Virunga, qui aide nos jeunes entrepreneurs à faire éclore leurs talents et à prospérer. Ces initiatives illustrent comment, en dotant les communautés congolaises d’accès à l’énergie et aux services financiers, nous pouvons transformer les Kivus en grenier de l’Afrique centrale, résolvant ainsi l’insécurité alimentaire tout en réduisant la pauvreté extrême. Pour concrétiser cette vision audacieuse, nous misons sur des solutions de transport novatrices alimentées par du biodiesel et de l’hydrogène. Ces infrastructures relieront nos agriculteurs aux marchés de grande consommation et permettront d’acheminer plus d’un million de tonnes de nourriture vers Kinshasa, qui comptera bientôt 20 millions d’habitants.
Cette réserve communautaire du Couloir vert Kivu-Kinshasa constitue un modèle de transparence, de gouvernance vertueuse et de compétition loyale dans une région en quête de développement propre.
En développant l’énergie renouvelable, l’agro-industrie et des systèmes de transport durables, nous créerons une croissance économique inclusive qui bénéficie à tous et ne laissera aucun congolais de côté. Lors de la formalisation des engagements 1T du Forum économique mondial, nous avons posé les bases d’un projet ambitieux et invité le secteur privé à s’engager. Ensemble, nous transformerons cette vision prometteuse en réalité concrète.
Mesdames et Messieurs,
La création de ce Couloir ne constitue pas seulement un projet d’envergure, mais une véritable opportunité de transformation intégrée. Elle permettra de créer plus de 500 000 emplois, dont une part significative destinée à la réintégration réussie des jeunes démobilisés issus des groupes armés. Offrir un travail digne et viable et encourager le développement communautaire est une démarche essentielle pour bâtir une paix durable. L’emploi stable devient ainsi le socle de la cohésion sociale, favorisant des communautés résilientes et réduisant l’attractivité de la violence.
Par ailleurs, ce Couloir redéfinit la manière de faire des affaires, en plaçant la durabilité, les bonnes pratiques et le bien-être communautaire au cœur de l’économie. Il s’agit d’un appel à des partenariats commerciaux solides et équitables, et non d’une demande d’aide ou de dons improductifs. Notre ambition est de bâtir une industrie verte moderne, respectueuse de notre richesse naturelle exceptionnelle.
Nous savons que cette vision novatrice ne peut se concrétiser sans investir dans l’éducation et la formation. Ces programmes ammes renforceront les capacités de nos jeunes et les prépareront à prendre part activement à l’économie verte, en brisant les cycles de conflit et de pauvreté tout en inspirant une nouvelle ère d’entreprenariat, d’autonomisation et d’espoir.
La RDC est en marche pour devenir un modèle mondial, prouvant que prospérité économique et protection environnementale peuvent s’allier de manière logique et mutuellement bénéfique. En priorisant des pratiques durables, nous traçons une voie qui peut inspirer d’autres nations, démontrant que la conservation est un moteur essentiel de développement robuste et stable.
Ensemble, gouvernements, organisations et acteurs privés, nous avons l’opportunité unique de bâtir de manière pragmatique un avenir où la République démocratique du Congo, en tant que gardienne de ses forêts, incarne un phare d’espoir et d’innovation pour le monde entier. Rejoignez-nous dans ce projet d’une portée historique, afin que ce Couloir illustre notre ambition climatique collective et marque le début d’une nouvelle ère de partenariat et de durabilité.
Je vous remercie.