Comment l’économie de guerre dans l’Est de la RDC alimente le conflit dans la région des Grands Lacs (1998-2016)

Des millions de personnes ont été tuées dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Malgré divers efforts de médiation et le fait de disposer de l’une des plus grandes forces de maintien de la paix des Nations Unies et de l’Union africaine au monde, le carnage continue de faire plus de victimes. Ce document soutient que l’économie de guerre sous-jacente doit être considérée comme la base de la violence en cours et que seules son éradication et son remplacement par une économie de paix permettront d’espérer une paix durable à la fois en RDC et dans la région des Grands Lacs au sens large. À cette fin, l’article fournit un contexte historique du conflit, puis procède à la contextualisation de cette économie dans la littérature sur l’économie de guerre et de paix. Les subtilités de l’économie de guerre sont ensuite démêlées, suivies de certaines recommandations politiques pour mettre fin à la violence.


1. Introduction

Les conflits modernes sur le continent africain se sont largement matérialisés comme ayant de multiples facettes, mais les conflits comme en témoigne la République démocratique du Congo (RDC) sont d’une complexité qui n’a pas encore été égalée. Son caractère unique doit son piquant non seulement à son mandat de 20 ans, mais aux réseaux concurrents de groupes rebelles locaux, d’insurgés des pays voisins et d’autres États africains, qui ont tous intérêt à perpétuer le conflit. Ces enjeux ont beaucoup à voir avec la richesse des ressources naturelles du pays, sur la base desquelles le Congo devrait être le pays le plus riche d’Afrique et parmi les plus riches du monde (Daley 2006:306). Les ressources se trouvent dans la région des Grands Lacs d’Afrique, une région dont la définition selon la composition varie, mais qui se concentre essentiellement sur la RDC, le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda.

Dans la région des Grands Lacs, on trouve des minéraux stratégiques tels que le pétrole, les diamants, l’or et les minerais de cassitérite, de coltan et de wolframite (Githaiga 2011:11), et on assiste à une biodiversité presque inégalée dans le monde (Daley 2006:306). Ses ressources en eau sont tout aussi abondantes, s’étendant sur quelque 3 millions de kilomètres carrés du bassin du fleuve Congo (Daley 2006:306). Malheureusement, ces ressources n’ont jamais été utilisées pour enrichir le peuple congolais, ayant été la proie du pillage et de l’exploitation au service d’une concurrence régionale et internationale qui remonte à 1885 lorsque la RDC a été revendiquée comme possession personnelle du roi de Belgique Léopold II (Arieff 2014:4). Après l’indépendance, l’exploitation des richesses du pays s’est poursuivie dans le cadre d’un conflit prolongé dont l’entretien a étendu une facilité d’accès aux richesses naturelles du pays. Les minéraux d’intérêt à cet égard sont le pétrole, les diamants, l’or et les minerais, pour leur portabilité pratique (Githaiga 2011:11).

Les complexités de la guerre congolaise dépassent les guerres de libération, les conflits interétatiques post-indépendance, les conflits intra-étatiques, les conflits assistés par la guerre froide et les conflits post-guerre froide qui ont caractérisé le continent africain. Pour le théoricien contemporain des conflits, la RDC exige une réflexion au-delà des explications du début d’un conflit armé, nécessitant une évaluation des prémisses sous-jacentes à sa durée (Naidoo 2000:28). La notion d’« économie de guerre » devient pertinente ici pour démontrer une logique économique qui expose la guerre et le profit comme étant mutuellement constitutifs. Dans ce contexte, la subsistance de la guerre est considérée comme une source de revenus ainsi qu’une circonstance souhaitable pour les acteurs qui en bénéficient. En RDC, on trouve une démonstration de ce concept.

L’objectif de cet article est de faire la lumière sur les subtilités de l’économie de guerre dans les régions orientales de la RDC et sur la manière dont elle entretient le conflit là-bas. Une base contextuelle sera étendue au moyen d’un bref historique et d’un cadre conceptuel fourni pour décomposer le concept d’«économie de guerre», puis le juxtaposer avec le concept d’«économie de paix». La nature de l’économie de guerre en RDC, notamment dans la région des Grands Lacs, sera présentée ainsi que les efforts déployés pour tenter d’apaiser le conflit. Les défis rencontrés en tant que contraintes contre le succès de ces efforts seront présentés et des recommandations seront suggérées quant aux stratégies qui pourraient mieux réussir.

2. Contexte historique

La deuxième guerre du Congo (1998) ne peut être correctement comprise sans une réflexion sur les causes et les effets de la première guerre du Congo (1996-1997).

La Première Guerre s’articulait autour de questions ethniques, un point commun entre les deux pays clés du conflit de la Région des Grands Lacs (RGL), le Rwanda et le Burundi. Leur composition ethnique de 80% Hutu, 15% Tutsi et 5% Twa (Daley 2006:303) est apparue comme la plate-forme sur laquelle la région a été déstabilisée, la RDC étant victime des circonstances. Le contrôle ethnique du pouvoir politique a été inversé dans les deux pays ; tandis que les Hutu exerçaient le contrôle politique au Rwanda de 1959 à 1994, au Burundi ce pouvoir est entre les mains des Tutsi depuis l’indépendance en 1962 (Daley 2006:306). Au Rwanda, une guerre civile qui a éclaté le 1er octobre 1990 entre le gouvernement à dominance hutu et le Front patriotique rwandais (FDR) à dominance tutsie (Reyntjens 2015:256) a été marquée par un sectarisme sévère qui a vu le massacre génocidaire de masse de la population tutsie (Daley 2006:306). En juillet 1994, les RDF réussissent à renverser le régime dominé par les Hutu, forçant 1,5 million de Hutus à s’installer comme réfugiés en RDC voisine, puis au Zaïre (Reyntjens 2015:256).

Huit mois plus tôt, il y avait eu un afflux de réfugiés burundais au Zaïre suite à l’échec de la transition démocratique culminant avec la guerre civile de 1993 (Daley 2006:306). Contre la gouvernance autoritaire et corrompue du président Mobutu Sese Seko, l’installation de ces réfugiés a exacerbé une situation déjà instable. Alors que les conflits des pays voisins débordaient des frontières de la RDC, les institutions de l’État et l’armée se sont détériorées, entraînant le détournement des ressources de l’État et la déstabilisation des communautés locales (Arieff 2014:5).

Il en a résulté des clivages aux niveaux local et national et la «formation d’alliances entre les Hutus rwandais actuellement dans les Kivus et les groupes locaux de Maï Maï congolais contre les Tutsis congolais» (Williams 2013:87). Depuis leurs camps de réfugiés en RDC, les Hutus rwandais, en grande partie des soldats des ex-FAR, ont mené des raids au Rwanda contre le nouveau gouvernement dominé par les Tuts. Comme il est apparu plus tard, c’était avec le soutien apparent de Mobutu Sese Seko, et donc le Rwanda et l’Ouganda ont décidé d’évincer le chef. Ils ont légitimé leur invasion en favorisant les Alliances des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL), un groupe de partis révolutionnaires congolais en exil dirigé par Laurent Kabila. Cela a été connu sous le nom de «première» guerre du Congo, qui a culminé avec la prise du pouvoir en 1997 par Kabila, qui a ensuite rebaptisé le Zaïre Kabila de la RDC (Williams 2013:87, Arieff 2014:5).

Cependant, les relations entre les trois pays se sont rapidement détériorées. Kabila a été mis sous pression par l’hostilité naissante envers le Rwanda et l’Ouganda par des civils congolais, qui en sont venus à voir les troupes rwandaises comme une force d’occupation plutôt que de libération et Kabila comme une marionnette des deux pays. Il a annoncé l’expulsion des troupes rwandaises et peu de temps après (1er août 1998), des soldats congolais d’origine tutsie [rwandaise, NDLR] se sont rebellés et le Rwanda et l’Ouganda ont envoyé des troupes en RDC cultivant des groupes rebelles comme mandataires (Williams 2013:88, Arieff 2014:5). Cela a marqué la deuxième guerre congolaise.

Les envahisseurs s’attendaient à ce que cette deuxième guerre, surnommée «la guerre mondiale de l’Afrique» (Arieff 2014:5), soit un remake de la première, mais beaucoup plus rapide. Les événements qui ont suivi n’ont cependant pas répondu à ces attentes, en raison d’un changement spectaculaire d’alliances (Reyntjens 2015:256). Mobutu avait parrainé des groupes rebelles étrangers et cela a uni une grande partie du continent contre lui. À l’opposé, Kabila était considéré par beaucoup comme un allié utile dans le milieu géopolitique complexe qu’était l’Afrique (Williams 2013:89). Plutôt que de soutenir leurs anciens alliés (le Rwanda et l’Ouganda), l’Angola et le Zimbabwe se sont rangés du côté de [Laurent Désiré Kabila, NDLR ]. Leur soutien compense la faiblesse de l’armée congolaise et, le 23 août 1998, ils parviennent à repousser les forces rwando-ougandaises dans le bas Congo (Williams 2013:89, Reyntjens 2015:256). Au fur et à mesure que la guerre avançait, les lignes de bataille se dessinaient lentement. Le Rwanda et l’Ouganda, désormais rejoints par le Burundi, occupaient une grande partie de l’est de la RDC, tandis que Kabila, soutenu par l’Angola et le Zimbabwe, ainsi que la Namibie, le Soudan et le Tchad, détenait l’ouest de la moitié du pays (Williams 2013:90).

En juillet 1999, l’Angola, la Namibie, le Zimbabwe, le Rwanda et l’Ouganda ainsi que la RDC ont signé l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka, dans une tentative de mettre fin aux hostilités entre les nations. En novembre de la même année, le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) a créé la Mission de l’Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo (MONUC) chargée de superviser et de mettre en œuvre l’accord. Malgré ces efforts, la violence s’est poursuivie jusqu’à la signature des accords de paix de 2003 entre l’Ouganda et la RDC. Celles-ci ont officiellement mis fin à la Seconde Guerre du Congo, mais une guerre par procuration entre le Rwanda et l’Ouganda s’est poursuivie jusqu’en 2008.

Les événements clés ont inclus les premières élections démocratiques en 2006. Malheureusement, cette transition démocratique n’a pas apporté le changement espéré et le conflit continue. Une grande partie de cela est attribuable à la violence entre les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et de nombreuses factions rebelles, dont les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), Maï-Maï Sheka et M23. Cette violence incessante, associée à la lutte pour le contrôle des ressources naturelles de la RDC, a contribué à déstabiliser davantage une nation déjà fragmentée (International Coalition for the Responsibility to Protect 2015: Internet).

3. Orientation théorique

3.1 L’économie de guerre conceptualisée

Le lien entre les conflits et les ressources naturelles est à la fois direct et indirect. Le premier se présente dans un conflit bilatéral entre deux pays qui exploitent des ressources naturelles partagées, tandis que le second réside dans l’utilisation des revenus de l’exploitation illégale des ressources naturelles pour financer le conflit (Githaiga 2011:11). La région des Grands Lacs tombe dans cette dernière catégorie et c’est cette circonstance particulière qui lui confère la classification d’économie de guerre. Dans la définition de Pugh, Cooper et Goodhand, une conceptualisation simple du terme « économie de guerre » est avancée pour désigner toutes les activités économiques menées en temps de guerre (Pugh et al. dans Broodryk & Solomon 2010:4). Alternativement, une économie de guerre implique des circonstances dans lesquelles des acteurs spécifiques tirent «de l’argent d’un système de guerre plutôt que d’une situation pacifique» (Fekete cité dans Broodryk et Solomon 2010:4).

Traditionnellement, la rentabilité de la guerre a été liée aux entreprises de l’industrie militaire qui profitent de la vente d’armes en temps de guerre. Cependant, lorsque nous parlons d’économies de guerre, les intérêts fondés sur le profit dans la poursuite de la guerre dépassent les marchands d’armes pour inclure les parties belligérantes, les entreprises privées coopérantes ainsi que les dirigeants politiques et militaires (Samset 2002 : 465). Ces acteurs manipulent le système de guerre pour accéder aux capacités de production et de distribution du pays pour leurs propres gains privés. Ainsi, en temps de guerre, ces acteurs – élites, mouvements rebelles, parties extérieures et belligérantes confondues – jouissent d’une flexibilité ou d’une absence de réglementation et de souveraineté étatique qui s’adapte à leur expropriation et à l’exploitation des ressources disponibles qui, autrement, feraient progresser les capacités de production et les revenus de l’État en question. une économie de paix. Ainsi, alors que la guerre aurait pu être provoquée par d’autres facteurs éloignés de la génération de revenus, la rentabilité commerciale découlant de son existence verrait les parties bénéficiaires contribuer nécessairement à sa poursuite.

Dans la région des Grands Lacs, des conduites la qualifiant d’économie de guerre existent dans une consolidation des activités criminelles qui comprend le vol, le détournement et le détournement de fonds publics, la contrebande, la fausse facturation, la sous-évaluation des biens, les pots-de-vin aux fonctionnaires, la corruption et le non-paiement des impôts ( Reyntjens 2015:264), toutes centrées sur les ressources naturelles de l’est de la RDC. Sont impliqués dans ces activités des pays voisins tels que le Rwanda et l’Ouganda, dont la présence militaire illégitime au Congo et le financement de mandataires là-bas ont fait que, bien qu’il n’y ait pas de diamants sur leur sol, ils ont profité de l’exportation de diamants d’une valeur de millions de dollars américains (Samset 2002:471). Ce réseau va plus loin que les acteurs régionaux pour inclure des acteurs nationaux et internationaux qui embrassent le conflit pour le profit qu’il procure, sans se soucier du désespoir social correspondant.

3.2 Conceptualisation de l’économie de la paix

Une conceptualisation rudimentaire du terme «économie de paix» est tout simplement le contraire d’une économie de guerre. Alors que les deux abritent un réseau de commerce et d’industrie, une économie de paix est marquée par des processus connexes orientés vers le développement socio-économique. Dans une économie de paix donc, et pertinente à la définition du développement économique, l’effort commercial et industriel est conçu pour contribuer à la croissance économique qui sera ensuite distribuée au bénéfice de la majorité de la population (Schoeman 2009:235).

Inhérente à cette définition du développement économique est son inclination vers des éléments structurels qui sont essentiellement enracinés dans le dogme occidental, comme c’est le cas de la théorie libérale de la paix, selon laquelle la paix et la sécurité dépendent de la démocratisation, de l’État de droit et de la reconstruction économique. (Pugh 2008:414). Cette vision dominante du développement propose une approche descendante et plaide pour un système de marché libre comme voie privilégiée par laquelle les marchés prospéreront et activeront l’effet de retombée de la richesse sur les pauvres en bas (Baylis, Smith et Owens 2008:473). Broodryk et Solomon (2010:7) soutiennent cependant qu’une nouvelle compréhension de la paix libérale est nécessaire afin que les points de vue des populations locales et les idées des acteurs internationaux impliqués dans les processus de paix puissent être consolidés pour accomplir une approche ascendante plus efficace.

En ce qui concerne l’instabilité en RDC, il faut accepter la réalité selon laquelle la transformation d’institutions sociales et politiques entières exige des processus de consolidation de la paix après les conflits qui tiennent compte de la spécificité qui sous-tend tous les conflits. L’application de processus de paix libéraux vers une économie de paix, si elle n’est pas adaptée à l’individualité du contexte, a peu de chances d’aboutir à une économie fondée sur le développement socio-économique. En fait, négliger de le faire pourrait raviver l’instabilité même que l’on espère pouvoir apprivoiser.

4. L’économie de guerre de la RDC

Depuis les deux guerres de la RDC dans les années 1990 – en particulier la seconde – le monde a été témoin de la relation complexe entre le conflit et les ressources minérales ainsi que de la convergence des intérêts, tant nationaux qu’internationaux, dans la perpétuation du conflit. Les parties belligérantes se sont battues pour les ressources naturelles en tant que sources de revenus qui aideraient à atténuer les contraintes financières de la guerre. Une fois que le conflit a commencé, diverses parties ont obtenu des gains dont la durabilité était assurée dans une économie de guerre. Ces gains ont motivé et alimenté la poursuite du conflit et à partir des ressources minérales qui ont servi ces gains, les distinctions entre les intérêts économiques et politico-militaires se sont estompées et des coalitions économiquement rationnelles se sont formées à des fins lucratives. Il en a résulté un relatif affaiblissement de toute conviction de mettre fin à la guerre (Ndikumana et Emizet 2003:24).

Avec une logique économique définie, il est devenu nécessaire de localiser les canaux de revenus par lesquels la situation de conflit ou de rébellion serait entretenue (Ndikumana et Emizet 2003:24). Ainsi, des pratiques criminelles stratégiques ont été identifiées et des «réseaux d’élite» et de soutien ont été constitués pour structurer une industrie qui allait ensuite alimenter l’économie de guerre. Le point commun à ces réseaux était leur composition ainsi que leur modus operandi. Composé d’élites politiques et militaires, d’hommes d’affaires et, dans le cas des territoires occupés, de chefs rebelles et d’administrateurs, ses membres consolideraient leurs efforts pour générer des revenus et, dans le cas du Rwanda, un gain financier institutionnel (Reyntjens 2015:264). Ils tirent leurs revenus d’une variété d’activités criminelles, parmi lesquelles le pillage, le détournement de fonds, l’expropriation, le détournement de fonds «publics», la contrebande, la sous-évaluation des biens, le non-paiement des impôts, la corruption et les pots-de-vin aux fonctionnaires (Reyntjens 2015:264, United Nations Security Conseil 2001:74). Les troupes rwandaises et ougandaises ont été particulièrement ingénieuses ici, établissant «un monopole sur l’exploitation et la commercialisation des ressources minérales en forçant les entrepreneurs locaux à fermer leurs portes tout en inondant la région de produits importés du Rwanda, de l’Ouganda et du Burundi» (Conseil de sécurité des Nations Unies 2001:74).

Une activité imaginative et lucrative a émergé sous la forme de la fiscalité directe. En l’absence d’une fonction fiscale étatique opérationnelle, les milices, les groupes rebelles et les réseaux d’élite rwandais et ougandais ont pris en charge la collecte des taxes à l’importation et à l’exportation. Des barrières de péage ont été érigées pour extorquer des ressources aux paysans emportant leurs rares produits excédentaires sur les marchés. Au Nord-Kivu, les voyageurs traversant les zones contrôlées par deux factions opposées du RCD ont reçu l’ordre de déclarer les marchandises et de payer les droits de douane à la «frontière». Pour les piétons, les véhicules et les commerçants, des tarifs fixes ont été imposés les obligeant à remettre une partie de leurs marchandises. Dans les zones contrôlées par le RCD, des taxes annuelles étaient perçues sur les véhicules et une série de redevances imposées pour les trajets individuels, «l’assurance» et les «péages» routiers. Spécifique au cœur de l’économie de guerre qui était l’abondance des ressources minérales, le groupe rebelle taxait le commerce du coltan, vendait des droits miniers et exigeait des droits de licence, des dépôts non remboursables, diverses taxes à l’exportation et une «taxe d’effort de guerre» (Reyntjens 2015:258).

Parmi les acteurs étrangers en RDC, le Rwanda et l’Ouganda se distinguent par les bénéfices considérables qu’ils ont tirés du pillage des ressources du pays. Entre septembre 1998 et août 1999, l’exploitation de leur territoire occupé après l’invasion a pris la forme de pillages massifs. Lorsque les stocks de ressources pillables ont été épuisés, l’exploitation s’est transformée en une phase active d’extraction (Conseil de sécurité des Nations Unies 2001:810). Des soldats, des locaux et des étrangers ont été déployés par les occupants pour extraire des ressources jugées précieuses, et dans cette phase d’exploitation systématisée, l’or et le coltan dominaient. Cependant, les diamants ont également fait leur marque, avec leur pertinence distinctive pour le pillage démontrée dans les spécificités des exportations ougandaises et rwandaises. Bien qu’il soit impossible de trouver des diamants dans le sol de l’un ou l’autre pays, les deux ont continué à exporter ces minéraux pour des millions de dollars américains et, de 1997 à 1998, les exportations ougandaises ont été multipliées par 12, restant à un niveau élevé au cours des deux années suivantes. La croissance du Rwanda a été exponentielle. En octobre 2000, ses exportations de diamants avaient atteint un niveau 90 fois supérieur à celui de toute l’année 1998 (Samset 2002:471).

4.1 Rwanda

Reyntjens (2015:264) parle d’un lien entre l’engagement militaire et les activités économiques illégales comme une tendance claire du conflit. À cet égard, Samset (2002 : 477) indique que «la guerre facilite l’exploitation excessive des ressources, et l’exploitation excessive stimule la poursuite des combats». Dans le cas de la région des Grands Lacs, cela n’était nulle part aussi clair que dans le cas du Rwanda. Le dilemme du Rwanda découlait de sa petite taille, de sa pauvreté et de ses ressources naturelles ternes, ainsi que du besoin visible de l’élite de maintenir son style de vie somptueux. Sa force résidait dans une armée nombreuse et efficace, qui parviendrait à combler les lacunes de leur pays.

En 2000, l’Armée patriotique rwandaise (APR) a perçu des revenus importants du coltan en RDC, estimés à 80-100 millions de dollars (Reyntjens 2015:264), soit l’équivalent approximatif des dépenses officielles de défense du Rwanda de 86 millions de dollars. Des développements correspondants ont été constatés par un panel de l’ONU en 2001 selon lequel, entre 1999 et 2000, l’APR aurait probablement rapporté au moins 250 millions de dollars américains sur une période de 18 mois (Conseil de sécurité des Nations Unies 2001:29). D’autres revenus en 1999 provenaient du pillage des diamants, de l’or et du coltan congolais, dont la valeur totale s’élevait à 6,1% du PIB du Rwanda – un chiffre énorme compte tenu de son économie – et à 146% de ses dépenses militaires officielles. Le pillage du Congo par le gouvernement rwandais a non seulement permis au petit pays de fortifier son budget militaire, mais a également acheté la loyauté bien nécessaire de l’élite nationale.

L’implication du Rwanda en RDC s’inscrivait bien dans ce que Stephen Jackson appelle «l’économisation des conflits» : un processus par lequel les conflits sont progressivement réorientés de leurs objectifs initiaux (qui dans le cas du Rwanda était de sécuriser ses frontières) vers le profit, et par lequel les parties intéressées profitent de plus en plus des opportunités économiques que la guerre leur offre (Jackson 2002:528). Dans le cas du Rwanda, ces opportunités ont été sécurisées dans un réseau qui comportait de nombreuses interactions entre l’armée, la bureaucratie d’État, ainsi que le monde des affaires et renforcées par cinq méthodes dont dépendait l’APR pour financer sa guerre : «(i) activités commerciales directes ; (ii) les bénéfices des actions qu’il détenait dans des sociétés ; (iii) les paiements directs du RCD-Goma ; (iv) les impôts collectés par le «Congo Desk» du bureau de renseignement militaire extérieur ESO (External Security Organisation) et autres paiements effectués par des particuliers pour la protection que l’APR a apportée à leurs entreprises ; et (v) la prise directe par les soldats de la terre» (Conseil de sécurité des Nations Unies 2001:29). Même face à la pression militaire discrète mais intense qui a forcé ses troupes à quitter la RDC en septembre 2002, le pays a revu sa tactique, cherchant des alliés alternatifs sur le terrain et finançant des mouvements autonomistes. Le Rwanda a également maintenu une présence militaire secrète en RDC, tout cela pour abriter son influence prolongée dans l’est et tirer le meilleur parti de la région du Kivu (Reyntjens 2015:265).

4.2 Ouganda

Comme le Rwanda, l’Ouganda a largement bénéficié de sa présence militaire/commerciale au Congo. L’Ouganda a spécifiquement profité de «l’économie de réexportation», ce qui, dans le cas de l’économie de guerre dans la région des Grands Lacs, suggère que les ressources naturelles importées de la RDC ont été reconditionnées ou scellées comme étant d’origine ougandaise et réexportées. Ce fut le cas pour l’or, les diamants, le coltan ainsi que le café. Les bénéfices revenant à l’Ouganda et destinés au financement de son effort de guerre se sont présentés de trois manières : en augmentant les revenus des principaux hommes d’affaires, commerçants et autres marchands ; en améliorant sa balance des paiements ; et en apportant plus d’argent au Trésor par le biais de diverses taxes sur les biens, les services et le commerce international (UNSC 2001:3031).

5. Réponse au conflit

La RDC a participé à un grand nombre d’efforts pour mettre fin au conflit prolongé sur son territoire. Leur point commun est un socle de mécanismes essentiellement fondés sur la médiation. Les principaux instruments à cet égard sont l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka, qui a créé une plate-forme pour le dialogue intercongolais qui a débuté en 2001 et qui a conduit à l’Accord de Sun City en 2002 (Solomon, Kelly et Motsi 2008:4657). Le Dialogue Intercongolais était la désignation officielle donnée aux processus de négociation qui ont été inaugurés pour la signature de l’Accord de Lusaka. Dans cet accord, les chefs d’État de la RDC, de la Namibie, du Rwanda, de l’Ouganda, du Zimbabwe et de l’Angola, ainsi que le MLC et le RCD, soutenus par l’Ouganda, ont convenu de mettre fin à toutes les attaques aériennes, terrestres et maritimes dans les 24 heures suivant la signature (United States Conseil de sécurité des Nations Unies 1999:Internet). L’accord n’incluait cependant pas de mécanisme d’application clair (EISA Observer Mission Report 2006:9), reposant sur la bonne volonté et la coopération des signataires (Kadima 2000:83). Des progrès ont été accomplis avec la succession du fils de Laurent Kabila, Joseph Kabila, après l’assassinat du premier en janvier 2001.

Lors de son investiture, Joseph Kabila a réaffirmé sa volonté de rétablissement de la paix dans son pays, ouvrant la voie à un nouvel objectif pour l’ICD, celui d’établir un gouvernement de transition en RDC jusqu’à la tenue d’élections démocratiques en 2006 (Rogier 2004:27). Des négociations ont eu lieu à Sun City, en Afrique du Sud, de février à avril 2002 (Kadima 2000:8283). Les discussions ont réuni cinq acteurs différents ; le gouvernement de Kinshasa, les deux principales forces rebelles (RCD Goma et MLC), les forces d’opposition non armées et les membres de la société civile (EISA Observer Mission Report 2006:9). Comme l’accord de Lusaka, l’accord de Sun City a été en proie à des désaccords politiques sur une série de questions. Le plus important était leur incapacité à identifier des solutions à certains des problèmes clés au cœur du conflit, notamment la citoyenneté et la légalité des contrats commerciaux signés en temps de guerre (Rogier 2003:13).

Les efforts récents ont permis une certaine diversification, dans l’espoir de mieux s’adapter aux complexités du conflit dans la région des Grands Lacs. Celles-ci jouissent toutes d’une certaine spécificité mais leur avancement repose essentiellement sur des plates-formes nationales, régionales et internationales.

5.1 Efforts nationaux

Au niveau national, des progrès significatifs ont été réalisés dans le pays pour traiter le lien entre les conflits et les minerais. Parmi eux, une interdiction de six mois sur les activités minières qui a été imposée au Maniema, au Sud-Kivu et au Nord-Kivu. La base de cet effort était de réduire le lien entre l’exploitation minière illégale et le financement des groupes armés. En février 2012, le gouvernement a déclaré qu’il bloquerait l’exportation d’or, d’étain, de tantale et de tungstène à moins qu’il ne soit certifié sans conflit. La manifestation initiale de cet effort a vu la suspension de deux sociétés exportatrices (TTT Mining opérant sous le nom de CMM et Huaying) en mai 2012 pour ne pas avoir respecté les exigences de traçabilité de la chaîne d’approvisionnement (AttaAsamoah & Githaiga 2012:1).

Le Rwanda s’est également lancé dans des développements notables, en publiant des réglementations sur l’interdiction des minerais non étiquetés (AttaAsamoah & Githaiga 2012:1). Il a également travaillé avec le Bureau fédéral allemand des géosciences et des ressources naturelles (BGR) et l’Institut international de recherche sur l’étain (ITRI), mettant en œuvre des initiatives développées par eux qui ont abouti à l’audit de cinq concessions minières rwandaises qui sont d’importants producteurs de cassitérite, de wolframite et de coltan. et la mise en place d’un système de traçabilité de la chaîne d’approvisionnement (Githaiga 2011:15).

5.2 Efforts régionaux

Des initiatives régionales ont également été entreprises pour trouver des solutions pratiques. À cet égard, la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) a fait appel à ses services à la fois à titre individuel et dans sa contribution à l’action conjointe avec d’autres acteurs clés. Le 9 novembre 2008, la SADC a accepté de déployer une équipe d’experts militaires pour évaluer la violence croissante dans le pays, ainsi qu’une équipe supplémentaire pour évaluer la situation sur le terrain, et en effet une équipe militaire a été déployée (Feely et ThomasJansen 2008:6). La SADC s’est également engagée à soutenir la «Brigade d’interventio» des Nations Unies, habilitée par la résolution 2098 de 2013, qui «permet à une force de combat «offensive» de «neutraliser et désarmer» les rebelles congolais [et] les groupes armés étrangers (Nations Unies 2013:Internet).

La principale initiative régionale est cependant la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), une organisation intergouvernementale de 11 États de la région des Grands Lacs comprenant l’Angola, le Burundi, la République centrafricaine, la République du Congo, la RDC, le Kenya, l’Ouganda , Rwanda, Soudan, Tanzanie et Zambie (AttaAsamoah & Githaiga 2012:1). La CIRGL est l’un des volets du protocole sur la lutte contre l’exploitation illégale des ressources naturelles dans le cadre du pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la région des Grands Lacs. L’organisation a approuvé l’Initiative régionale contre l’exploitation illégale des ressources naturelles (RINR) qui transfère à ces États six obligations ; le mécanisme régional de certification, l’harmonisation des législations nationales, la mise en place d’une base de données régionale sur les flux miniers, la formalisation, l’apprentissage par les pairs de l’ITIE, ainsi que la dénonciation (Githaiga 2011:16).

5.3 Efforts internationaux

Au niveau international, la réponse a été vaste, de la part de diverses organisations tant privées que gouvernementales, ainsi que des renforts dynamiques de la société civile. Le Conseil des droits de l’homme a apporté sa contribution sous la forme de l’adoption de la résolution 19/27 le 23 mars 2012 encourageant la mise en place d’une commission nationale des droits de l’homme en RDC et la soumission de rapports par la Haute Commission des droits de l’homme sur ses droits de l’homme. y travailler. Le 12 juillet 2013, un rapport a en effet été déposé (Human Rights Commission 2013:12).

Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) a offert des services similaires, compilant plusieurs rapports sur les violations des droits de l’homme, faisant des recommandations et relayant des informations sur les progrès réalisés et les défis rencontrés par le gouvernement congolais (Responsabilité de protéger 2015 : Internet). Le Conseil de sécurité de l’ONU a joué un rôle clé dans les efforts internationaux. En juillet 2003, il a adopté la résolution 1493, une résolution sur les sanctions qui a institué un embargo sur les armes contre les milices du Nord et du Sud-Kivu et de l’Ituri (UNSC 2003:1,4). Il s’agissait de la première d’une série de résolutions sur les sanctions contre la RDC, qui ont été complétées par la MONUC, sans doute l’élément le plus crucial de l’engagement du CSNU en RDC. Créée pour mettre en œuvre l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka, la MONUC n’a pas réussi à répondre aux exigences d’une protection civile efficace et à servir de moyen de dissuasion militaire crédible pour les groupes rebelles dans le pays. La clé de ces échecs était un manque apparent de clarté sur les règles d’engagement ainsi que sur la relation avec l’armée congolaise (Feeley et ThomasJensen 2008:6). Les efforts pour remédier à ces divergences ont été révélés par la création d’un successeur, la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation (MONUSCO) en juillet 2010. La MONUSCO a également échoué, ce qui a entraîné la création de la Brigade d’intervention (Force Intervention Brigade ou FIB) en mars 2013, dont son efficacité a été démontrée lors de sa défaite du M23 en novembre de la même année (Responsabilité de protéger 2013:Internet).

Les principales initiatives présentant un intérêt particulier pour les ressources minérales en tant que source de conflit en RDC sont présentées dans les lignes directrices sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit et à haut risque, élaborées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et légitimées. par la CIRGL à travers la Déclaration de Lusaka du 15 décembre 2010. La CIRGL a également adopté les lignes directrices de l’ONU sur le devoir de diligence relatives aux minerais de l’est de la RDC. Ces deux lignes directrices sont volontaires, mais sont compensées par l’article 1502 de la loi américaine DoddFrank de juillet 2010, qui impose des implications juridiques pour les sociétés cotées aux États-Unis dont les minerais proviennent de la RDC et des pays voisins. Bien qu’il ne soit pas interdit aux entreprises de s’approvisionner en minerais dans cette région, elles sont obligées de divulguer leurs origines (Atta Asamoah et Githaiga 2012:12).

6. Défis

Les défis pour le succès des réponses au conflit en RDC sont nombreux. Celles-ci exposent des dynamiques complexes au conflit, et celles-ci sont plus puissantes que n’importe laquelle des réponses. Le fil conducteur des réponses est leur tentative erronée d’appliquer des mesures qui seraient mieux adaptées aux économies de paix, ce que la RDC n’est pas. Les économies de paix sont étayées par la théorie libérale de la paix qui prescrit que pour qu’il y ait paix et sécurité, un État doit être structuré sur la démocratisation, l’état de droit et la reconstruction économique. En RDC, les défis spécifiques au succès des efforts de paix et de sécurité vont spécifiquement à l’encontre de ces piliers, ce qui signifie que ces efforts sont voués à l’échec.

Le principal défi à la réalisation d’une économie de paix pour le pays est l’échec de l’appareil d’État. Le gouvernement continue de faire preuve d’incompétence pour l’exercice de fonctions cruciales de l’État telles que le contrôle territorial, la fiscalité publique, la fourniture de biens publics, le monopole de la violence, ainsi que l’État de droit, créant un «État fantôme» principalement contrôlé par des forces extérieures. Georges Nzongola Ntalaja (2002:214) écrit que « le principal déterminant du conflit et de l’instabilité actuels dans la région des Grands Lacs est le déclin de l’État et de ses instruments de gouvernement au Congo. Car c’est cette décadence qui a permis à des États lilliputiens de la taille de la plus petite province du Congo, comme l’Ouganda, voire d’un district, comme le Rwanda, de prendre sur eux d’imposer des gouvernants à Kinshasa et d’envahir, occuper et piller le territoire de leur géant voisin ». La mise en œuvre efficace de la RINR, par exemple, exige que la RDC, en tant qu’épicentre du complexe ressources naturelles/conflit, invoque des stratégies globales qui renforcent sa capacité interne en s’attaquant aux problèmes de mauvaise gouvernance, d’infrastructures médiocres et de lacunes en matière de sécurité. Celles-ci sont inexistantes en RDC et à ce titre, le succès du RINR semble peu probable (Gaithaga 2011:16).

L’échec de l’État ne se limite pas à l’incapacité mais aussi à un manque de volonté politique, une circonstance non seulement en RDC mais qui affecte les pays de la région des Grands Lacs. Nous l’avons vu dans l’accord de cessez-le-feu de Lusaka ainsi que dans l’accord de Sun City, où l’accord et les négociations, dépourvus d’un mécanisme d’application clair, se sont effondrés car les parties concernées n’ont pas fait preuve de la bonne volonté et de la coopération qui leur étaient demandées. Le Rwanda offre une bonne image de la mesure dans laquelle les propositions générales pour la paix peuvent devenir sans objet. L’accord de cessez-le-feu de Lusaka et l’accord de Sun City avaient des nuances d’une approche de paix libérale descendante qui ignore essentiellement le caractère distinctif du contexte. Alors que les deux instruments étaient des stratégies viables vers la paix, et bien que le gouvernement rwandais les ait peut-être appréciés comme tels, le fait que l’économie de Kigali était pratiquement déconnectée du Rwanda et principalement liée à celle de la RDC était un facteur qui dépassait largement le cadre des deux stratégies. Ainsi, la soumission de Broodryk et Solomon mérite d’être mentionnée, car ces instruments auraient été mieux servis par une approche ascendante.

D’autres contraintes aux réponses incluent les défis régionaux existants des injustices historiques relatives à la migration et aux droits des nationalités transfrontalières ; les conflits liés à l’utilisation, l’accès et la propriété des ressources naturelles ; et un manque d’infrastructures et de développement économique adéquats. La mise en œuvre de normes de diligence raisonnable et de traçabilité de la chaîne d’approvisionnement, bien que louable, démontre une fois de plus une approche descendante, dont les résultats ont vu les exportateurs de minerais se retirer des opérations en RDC, au Burundi et en Ouganda, et les raffineurs et les fonderies se retirer des achats dans la région. Le résultat a été un plus grand affaiblissement du développement économique, beaucoup perdant leur emploi et leur pouvoir d’achat. Le défi ici est que l’aggravation des niveaux de pauvreté d’une population déjà vulnérable aggravera la privation de droits socio-économiques et exacerbera peut-être l’incidence de la criminalité urbaine (AttaAsamoah et Githaiga 2012:2). Ce défi particulier mène directement à la reconstruction économique, qui, si ces directives doivent réussir, devrait être entreprise pour s’assurer que les malheurs économiques existants ne sont pas exacerbés.

La migration et les droits des nationalités transfrontalières sont des contraintes majeures qui se sont présentées sous la forme de sectarisme au Congo, forçant ceux qui n’ont pas été intégrés dans les communautés à se débrouiller seuls, souvent par des moyens illégaux. Les questions d’ethnicité sont également importantes en termes de migration car elles ont créé des tensions entre les pays de la région des Grands Lacs. Nous l’avons vu dans le soutien de la RDC aux groupes rebelles étrangers dont le statut de réfugié en RDC était principalement fondé sur l’exclusion ethnique de leurs pays respectifs. Au Congo, les Tutsis congolais sont confrontés à un tel ostracisme et ont trouvé une place dans l’économie de guerre dont ils tirent de plus grandes récompenses. La migration et les droits des nationalités transfrontalières, en tant que défis des réponses aux conflits, relèvent de la démocratisation, dont l’absence a largement contribué au déclenchement et à la perpétuation du conflit en RDC. Ainsi, les minorités devraient être intégrées à la RDC pour modérer la menace que constitue leur obsolescence.

7. Recommandations

Goodhand (dans Broodryk et Solomon 2010:11) décompose le concept d’économie de guerre en trois catégories ; l’économie de combat, l’économie souterraine et l’économie d’adaptation. Bien que ces trois économies se chevauchent, la catégorisation de Goodhand simplifie le concept pour clarifier les différents acteurs, ainsi que leurs motivations et activités distinctes pendant un conflit armé. L’économie de combat est constituée de commandants, «d’entrepreneurs de gestion de conflits», de combattants et de fournisseurs d’armes. Leur enjeu dans l’économie de guerre concerne le maintien du pouvoir, du statut et de la richesse, qui sont tous sécurisés dans l’économie de combat, par le pillage, le dépouillement des actifs, la manipulation de l’aide et la taxation légale ou illégale. Dans ce contexte, la paix ne sera assurée que si des plans alternatifs englobent des stratégies viables pour les moyens de subsistance.

Dans une économie souterraine, les acteurs comprennent des hommes d’affaires, des trafiquants de drogue et des profiteurs, en particulier dans le domaine de la contrebande de diamants et de la vente illégale de marchandises. Opérant en marge, l’économie souterraine rassemble des réseaux régionaux et internationaux qui, pour maintenir la paix, doivent être directement attaqués. Cette économie se distingue par ses liens étroits avec l’État fantôme, car ce sont les acteurs de l’État fantôme qui créent l’économie parallèle (Broodryk et Solomon 2010:1112). Enfin, l’économie d’adaptation englobe les communautés pauvres dont la survie dépend de la subsistance ou des services de base. Toute stratégie de reconstruction réussie devrait donner la priorité à la création d’emplois, à l’aide humanitaire et à la réhabilitation, et à la fourniture globale de droits socio-économiques (Broodryk et Solomon 2010:12).

Ce document recommande que, dans la résolution du conflit en RDC, ces trois catégorisations de l’économie de guerre soient utilisées comme lignes directrices pour des stratégies appropriées. Cette proposition part du principe que l’intervention extérieure dans un conflit doit être multiforme. La viabilité de cette stratégie réside dans le fait qu’elle consolide les approches structurelles et distributives afin de traiter non seulement les divergences politiques, mais aussi les inégalités économiques (Solomon 2006:229). La légitimité de cette stratégie a certainement été renforcée par les efforts déployés par le gouvernement de la RDC pour normaliser le commerce des minerais, ce qui a ensuite exacerbé les difficultés économiques des personnes déjà défavorisées. Alors que l’une de ces catégories d’économie de guerre pourrait être déployée indépendamment des autres, cela pourrait saper la complexité du contexte qu’est l’économie de guerre de la RDC.

7.1 Aborder l’économie de guerre de la RDC

En abordant l’économie de guerre, les auteurs repensent à l’échec des accords de cessez-le-feu de Lusaka et de Sun City, ainsi qu’à la guerre par procuration qui a succédé au retrait officiel des troupes en RDC suite aux accords de paix. Tous ces efforts corroborent la nécessité d’identifier des alternatives viables pour les moyens de subsistance dans la résolution des conflits. À cet égard, ce document suggère que toutes les parties concernées se soumettent à une période de transition qui oblige la copropriété des ressources de la région des Grands Lacs sous réserve de l’acceptation de prescriptions politiques bien articulées qui guideraient les parties vers la légitimation des revenus gagnés et leur réinvestissement. dans d’autres industries durables qui atténueraient alors leur désir de reprendre l’exploitation de la RDC à l’issue de la période de transition. Hussein Solomon (2010:224) propose 10 principes de bonnes pratiques en matière de résolution de conflits et parmi eux figurent l’utilisation d’approches complémentaires plutôt que compétitives. Une approche concurrentielle entraînerait essentiellement l’exclusion des parties externes des bénéfices de la richesse des ressources naturelles de la RDC, et bien que leur implication érode essentiellement la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC, cette approche, comme on l’a vu, conduirait à une exploitation accrue des la RDC, au plus grand détriment du pays.

7.2 Aborder l’économie souterraine de la RDC

En s’occupant de l’économie souterraine, les auteurs constatent que le droit international est fragile à l’égard du Congo en raison de sa nature non contraignante. Bien que le président Kabila ait renvoyé son pays devant la Cour pénale internationale (CPI) en 2004, une impunité tacite a sapé cet engagement, comme en témoigne la non-exécution du mandat d’arrêt que la CPI a émis contre le général Bosco Ntaganda pour des crimes commis en Ituri. Ntaganda vit et se déplace librement à Goma, les Congolais justifiant leur non-exécution du mandat d’arrêt par l’intérêt du maintien de la paix (Reyntjens 2015:272).

Dans cette optique, les auteurs recommandent que les développements juridiques soient fortement réorientés vers le domaine interne où les lois adoptées imposent une plus grande obligation aux parties concernées. La non-application des résolutions de l’ONU est particulièrement troublante. En mai 2016, le Conseil de sécurité de l’ONU a de nouveau souligné comment des éléments de l’armée congolaise jouent un rôle clé dans le pillage des ressources naturelles de la RDC. Malgré cela, le gouvernement de Kinshasa n’a pris aucune mesure. De même, l’ONU note avec préoccupation que les autorités de la RDC n’ont pris aucune mesure contre les entreprises impliquées dans les exportations illicites d’or. De même, peu de mesures ont été prises malgré diverses résolutions de l’ONU de la part du Rwanda, de la Tanzanie, du Burundi, de l’Ouganda ou des Émirats arabes unis pour empêcher que leur territoire ne soit utilisé comme marché d’exportation pour l’or illégal sortant clandestinement de la RDC ou comme point de transit pour cet or pillé en RDC (UNSC 2016:Internet). Les différents calculs géopolitiques des acteurs étatiques de la région des Grands Lacs et de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) empêchent également qu’une action décisive se produise pour mettre fin à l’économie de guerre en RDC puisque ces acteurs étatiques régionaux sont souvent alliés à l’une ou l’autre partie de l’État ravagé par la guerre. Il est grand temps que la communauté internationale impose des sanctions à ces États en cas de non-respect.

Néanmoins, le mécanisme juridique existant peut également être renforcé. En ce qui concerne spécifiquement la RDC, l’orientation peut être tirée de la loi DoddFrank comme la première parmi tant d’autres que les États appliquent dans leurs propres localités. L’adhésion à ces lois est plus probable parce que les parties qui ont un intérêt direct dans les ressources provenant de la RDC sont situées dans des pays où l’État de droit est bien ancré. Les entreprises technologiques en sont un bon exemple, car leurs opérations, étant en grande partie dans ou associées à des États développés, ont moins de latitude pour enfreindre la loi.

7.3 Aborder l’économie d’adaptation de la RDC

En ce qui concerne l’économie d’adaptation, une approche à plusieurs volets devient plus pertinente pour atténuer les effets des réponses ciblant la guerre ainsi que les économies souterraines. Le sectarisme qui a servi de facteur de déstabilisation à tous les pays de la région doit être combattu pour que les efforts déployés puissent coexister. En raison de l’uniformisation de l’industrie qui découlerait de l’économie souterraine et de la dégradation économique qui en a résulté jusqu’à présent, des projets économiques visant à rapprocher divers groupes ethniques ainsi qu’à intégrer des citoyens transfrontaliers pourraient rendre de précieux services.

8. Conclusion

Dans cet article, l’économie de guerre centrée dans les régions orientales de la RDC a été examinée pour évaluer sa contribution au conflit dans la région des Grands Lacs. La région a été reconnue comme une économie de guerre. Les subtilités de l’économie de guerre ont été mises à nu, montrant que les pays situés le long de la région des Grands Lacs, en particulier le Rwanda, ont bénéficié de l’exploitation des ressources de son pays voisin. Nous avons examiné les efforts de paix en réponse au conflit et les défis qu’ils ont rencontrés. Notre évaluation était que les efforts n’avaient pas été à la hauteur et qu’il fallait faire plus attention pour tenir compte du caractère distinctif et du contexte. Plus pertinent encore est le développement de stratégies qui ne se compromettent pas.

Nous nous référons à nouveau à ces réponses à l’économie de guerre de la RDC qui s’inspirent de celles qui seraient mieux adaptées aux économies de paix. Les efforts de paix dans les situations de conflit sont trop souvent orientés vers l’imposition de la structure d’un État idéal à des pays détruits par un conflit. Il s’agit d’une approche descendante. Le cas de la RDC illustre bien l’invalidité de cette approche car elle néglige les problèmes sous-jacents qui caractérisent ce pays et qui, s’ils ne sont pas identifiés et résolus, entraveront fondamentalement les processus de paix. À cet égard, l’échec de l’appareil d’État, les questions de migration et de nationalités transfrontalières fondées sur l’ethnicité, et la faiblesse des développements infrastructurels et économiques sont des sujets de préoccupation particuliers. Ils doivent être traités simultanément afin que les efforts déployés dans un domaine ne contrecarrent pas ceux qui sont déployés dans d’autres. Ainsi, alors que la réparation des divergences politiques est nécessaire, des stratégies connexes saperaient les approches structurelles et distributives si les implications de ces approches les unes sur les autres ne sont pas correctement identifiées. Cela s’est produit en RDC, où les processus de normalisation destinés à légitimer l’industrie minière ont exacerbé les taux de pauvreté des personnes déjà défavorisées. De telles répercussions ne doivent pas être prises en compte et il convient de veiller davantage à limiter les chevauchements défavorables.

La RDC doit être prise et traitée pour ce qu’elle est : une économie de guerre. Les parties impliquées ont assuré une dépendance qui érodera les réponses au conflit aussi longtemps que le conflit existera. La faisabilité de la paix justfie une approche dans laquelle les acteurs bénéficiant de manière extralégale des richesses de la RDC seront aidés à maintenir une bonne part du confort dont ils jouissent actuellement, mais dans un contexte légitime. La notion d’intégrité territoriale et de justice telle qu’elle est comprise dans le dogme occidental ne peut pas dominer les processus de paix ici, car les circonstances actuelles ne sont pas équipées pour les intégrer. Les processus de paix libéraux peuvent être appliqués dans le mauvais sens, mais les conditions de leur application effective doivent d’abord être instituées, jusqu’à ce moment, la notion de « paix libérale » telle qu’elle est comprise dans l’économie politique mondiale dominée par l’Occident, doit être redéfinie pour répondre aux exigences d’un pays qui défie sa juridiction.

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Cette traduction a été faite par notre rédaction et n’a pas de caractère officiel.

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