Laurent Désiré Kabila, un mercenaire pour le Capital

Qui est Laurent Désiré Kabila ? Qui sont ses soutiens ? Que veut le mouvement (AFDL) dont il est le porte parole ?  Dans cet article paru dans Executive Intelligence Review – Volume 24, le 3 janvier 1997, Linda de Hoyos essaye d’apporter des réponses à ces questions. Selon elle,  la mise en route du processus conduisant au renversement du régime de Mobutu au Zaïre (Congo-Kinshasa) tient à plusieurs facteurs interdépendants qui sont étrangers aux initiatives et à l’action de Laurent Désiré Kabila. Celui-ci, à l’évidence, n’est que le visage d’intérêts très puissants.


Ce n’est pas une surprise pour les Zaïrois lorsque Laurent Kabila, chef de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques de libération) au Zaïre, a tenu une conférence de presse pour proclamer son engagement à « réformer le gouvernement zaïrois et à instaurer une économie de marché ». Kabila a également annoncé que ses forces ne s’empareraient d’aucune concession minière détenue au Zaïre par des sociétés étrangères. Au contraire, le conseiller de Kabila, Jean Kabongo, a déclaré à la presse le 5 décembre : «Ces sociétés pourront fonctionner normalement. Tant qu’ils nous paient leurs impôts, les impôts n’affecteront pas leurs opérations. Nous ne voulons pas qu’ils partent, nous avons besoin d’eux pour exploiter les mines».

Kabongo a déclaré que l’Alliance est également désireuse d’ouvrir davantage de mines de diamants aux intérêts étrangers. «Au Kasaï, il faut extraire davantage de diamants, exploiter les richesses minérales du pays. Nous allons essayer d’ouvrir la zone aux licences minières parrainées par le gouvernement au Kasaï dans des zones qui n’ont pas encore été explorées».

Ces déclarations ont confirmé l’opinion de nombreux Zaïrois selon laquelle Kabila n’est rien de plus qu’un mercenaire pour les intérêts miniers étrangers dans l’est du Zaïre, en particulier pour des intérêts tels que Barrick Gold, Anglo American et la Société Générale de Belgique.

Bien que Kabila se soit longtemps qualifié de marxiste, il a emprunté la « route de Damas » (conversion) pour embrasser la « magie du marché », au même titre que son associé de longue date, le président ougandais Yoweri Museveni. Comme le porte-parole de Kabila en Belgique, Gaetan Kakudji, l’a expliqué à un journaliste de La Libre Belgique le 5 novembre, «Notre marxisme date de la guerre froide : il fallait adopter une couleur politique selon le bloc qui vous aidait … Le mur [de Berlin] est tombé. L’important est de reconstruire l’économie. Notre projet de société est basé sur une économie de marché».  L’aveu de Kakudji selon lequel la «couleur politique» est secondaire par rapport à celui qui «vous aide», est la clé de la longue carrière de Kabila en tant que mercenaire.

Né à Manono dans la province du Shaba (Katanga) au Zaïre, Kabila s’est d’abord engagé comme mercenaire pour l’État indépendant renégat du Katanga, créé le 2 juillet 1960 par Moise Tshombe, au nom d’intérêts miniers belges. Le principal instigateur du soulèvement du Katanga était l’Union Minière du Haut Katanga, qui était alors le troisième producteur mondial de cuivre et le premier producteur mondial de cobalt.

Les bénéfices belges de l’Union Minière dépassaient 3,5 milliards de francs belges en 1959. La Belgique tenait naturellement à ce que ce bénéfice ne revienne à aucun gouvernement congolais indépendant. Les droits de sortie payés au gouvernement congolais en 1959 par la société belge constituaient 50 % des revenus du gouvernement. Une fois l’État indépendant du Katanga créé, cet argent est allé à Tshombe, pour payer ses forces mercenaires, dont Kabila.

Plus tard, Kabila a combattu le gouvernement central zaïrois lors du soulèvement de Mulele dans l’est du Zaïre dans les années 1960, aux côtés de son camarade Che Gueverra. En tant que province la plus riche en richesses minérales du Zaïre, la province de Shaba a longtemps été la cible de la sécession. Kabila a participé à chaque candidature, d’abord en 1960-61 : puis à «Shaba I» et «Shaba II», respectivement en 1977 et 1978, lorsque des mercenaires ont attaqué Shaba depuis l’Angola ; et encore au milieu des années 1980. Entre-temps, Kabila a également travaillé comme mercenaire en Angola. Parmi ses patrons mercenaires figurait le célèbre mercenaire belge Bob Denard.

Kabila et le Commonwealth

Cependant, la raison pour laquelle Kabila a été à nouveau sollicité pour cette dernière entreprise est à cause de ses liens étroits avec les pays du Commonwealth britannique en Afrique, selon des sources zaïroises bien informées. Kabila est membre du «Nyerere Kindergar ten», ayant reçu sa formation politique en Tanzanie sous la tutelle de l’ancien président tanzanien Julius Nyerere, aux côtés du président ougandais Museveni et de John Garang, chef de l’Armée de libération du peuple soudanais (SPLA) en maraude. Aujourd’hui encore, Kabila est connu pour voyager avec un passeport tanzanien.

Kabila a passé des années d’exil au Rwanda, en Zambie et en Tanzanie. Après l’arrivée au pouvoir de Museveni en Ouganda en 1986, avec l’aide de Nyerere, Kabila se rendait fréquemment à Kampala. Parfois, le commerce des mercenaires est lent. Selon diverses sources, au cours des années 1970 et 1980, Kabila s’organisait une « aide » depuis Moscou, en organisant de faux soulèvements et des opérations mercenaires dans des avant-postes en Ouganda, en photographiant les incidents mis en scène et en plaçant les photos dans son propre journal hétéroclite pour la publicité.

A présent, Kabila a été choisi comme « commandant » pour l’invasion du Zaïre par les forces du Rwanda et de l’Ouganda. Dans la mesure où ses forces ont quelque chose à voir avec le Zaïre, elles sont composées de Banyamulenge, qui sont des Tutsis du Rwanda qui ont vécu au Zaïre, et qui sont retournés au Rwanda en 1994, pour rejoindre le Front patriotique rwandais qui a pris le contrôle du pays depuis l’Ouganda. Selon même des sources britanniques, les troupes de Kabila parlent le kinyarwanda (la langue du Rwanda), ou l’anglais avec des accents ougandais ou rwandais.

La discipline militaire serait calquée sur celle de l’Armée patriotique rwandaise de Paul Kagame. Comme l’a noté le Washington Post le 2 novembre, Kagame a admis que certains de ses soldats avaient rejoint les troupes « rebelles » au Zaïre. Bref, Kabila est le visage «zaïrois» de la force rwando-ougandaise qui a envahi le Zaïre à la mi-octobre.

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