ITURI « COUVERT DE SANG » : Violence ciblée sur certaines ethnies dans le Nord-Est de la RDC

ITURI : « COUVERT DE SANG ». Violence ciblée sur certaines ethnies dans le Nord-Est de la RDC. Human Rights Watch 7 juillet 2003.

I. Résumé

L’Ituri est souvent décrit comme l’un des coins les plus sanglants de la République Démocratique du Congo (RDC). Malgré trois accords de paix censés mettre un terme à la guerre qui dure depuis cinq ans au Congo, les combats dans le Nord-Est de la RDC se sont intensifiés, fin 2002 et début 2003. Début mai 2003, des centaines de civils ont été massacrés dans la ville de Bunia et des dizaines de milliers d’autres ont été forcés de fuir. Certains ont cherché refuge près de l’enceinte des Nations Unies, espérant désespérément trouver une protection contre la violence. Alors que la communauté internationale se concentrait sur la ville de Bunia, les massacres se sont poursuivis dans d’autres parties de l’Ituri, loin de l’attention des médias. Comme l’a décrit un témoin: «L’Itui était couvert de sang.»

Sur la base des informations rassemblées par ses chercheurs et sur d’autres rapports, Human Rights Watch estime qu’au moins 5 000 civils sont morts des suites de la violence directe en Ituri, entre juillet 2002 et mars 2003. Ces victimes s’ajoutent aux 50 000 civils qui, selon les Nations Unies, sont morts là-bas depuis 1999. Ces pertes représentent juste une partie d’un total estimé à 3,3 millions de civils, morts dans tout le Congo, un bilan qui fait de cette guerre, la guerre la plus meurtrière pour les civils, depuis la seconde guerre mondiale.

Les groupes armés ont commis des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et d’autres violations du droit humanitaire international et des droits humains sur une vaste échelle, en Ituri. Les assaillants ont massacré des civils désarmés, souvent pour la seule raison de leur appartenance ethnique, tuant des dizaines et parfois des centaines de civils dans chacune des attaques de ce type. Dans l’un de ces massacres étudiés par les chercheurs de Human Rights Watch, les combattants ngiti avec les soldats de l’Armée Populaire Congolaise (APC) de Mbusa Nyamwisi ont tué au moins 1 200 enfants hema et bira, des femmes et d’autres civils à Nyakunde. Sur une période de dix jours, les assaillants ont exécuté une opération bien planifiée, massacrant systématiquement et parfois torturant des civils dans leurs fouilles, maison par maison et exécutant des malades encore dans leur lit d’hôpital. De nombreux autres massacres, en particulier ceux qui se sont produits dans des zones plus reculées, n’ont même jamais été rapportés.

Les groupes armés ont également perpétré des exécutions sommaires, enlevant de force des personnes dont le sort est aujourd’hui encore inconnu. Ils ont arbitrairement arrêté et illégalement détenu d’autres personnes, dont certaines qu’ils ont soumises à une torture systématique. Des survivants ont affirmé aux chercheurs de Human Rights Watch que l’Union des Patriotes Congolais (UPC), groupe hema, avait pratiqué une «chasse à l’homme» contre les Lendu et d’autres opposants politiques, peu de temps après l’accession de ce groupe au pouvoir, en août 2002. De nombreux Lendu ont été arrêtés. D’autres ont fui ou sont allés se cacher, effrayés de marcher à découvert dans les rues de Bunia. Selon des témoins, des officiers militaires de haut rang appartenant à l’UPC avaient la charge de deux sites de détention devenus célèbres pour être des lieux d’exécutions sommaires et de torture.

Les combattants des groupes armés ont également commis des viols et des actes aussi inhumains que des mutilations et du cannibalisme, une pratique censée apporter une force rituelle à ceux qui s’y livrent et inspirer la terreur chez leurs adversaires.

Tous les groupes ont recruté des enfants pour le service militaire, certains âgés de sept ans seulement, les soumettant aux risques et difficultés des opérations militaires. Alors que la guerre s’intensifiait, le recrutement forcé a tellement augmenté que des observateurs ont décrit les forces belligérantes comme des «armées d’enfants».

Plus de 500 000 personnes ont été contraintes de quitter leur maison en Ituri, se trouvant souvent confrontées à une autre violence au cours de leur fuite. Les membres des groupes armés ont pillé nombre de ces maisons et ont souvent incendié et détruit des villages entiers pour décourager tout retour. Des groupes politiques armés et leurs soutiens extérieurs ont violé le droit humanitaire international en empêchant délibérément les agences humanitaires d’apporter leur assistance aux gens qu’ils auraient définis comme étant leurs ennemis. L’année dernière, il y a eu plus de trente cas de détention de travailleurs humanitaires, avec menaces, coups ou expulsion de l’Ituri. L’attaque la plus grave fut le meurtre de six employés du Comité International de la Croix Rouge en avril 2001, un incident aux vastes répercussions décrites plus loin dans ce rapport.

Les auteurs de ces crimes sont rarement punis. Selon les informations accessibles aux chercheurs de Human Rights Watch, les groupes armés hema, lendu et autres n’ont mené d’enquête sur aucun des abus décrits dans ce rapport et n’ont tenu pour responsables de leurs actes aucun de leurs auteurs. Dans les quelques rares cas où les mouvements politiques ont plié sous les pressions locales et internationales et ont jugé les coupables présumés, les procédures n’étaient pas conformes aux critères internationaux pour des procès équitables.

La guerre en Ituri est un écheveau complexe de conflits locaux, nationaux et régionaux qui se sont développés après qu’une dispute locale entre Hema et Lendu eut été exacerbée par les acteurs ougandais et aggravée par la guerre internationale plus large qui déchirait la RDC. Les groupes rebelles nationaux comme le Mouvement pour la Libération du Congo (MLC), le Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Mouvement de Libération (RCD-ML) et le Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Goma (RCD-Goma) ont soutenu des milices locales dans leurs conflits afin d’étendre la base de leur propre pouvoir dans le gouvernement provisoire de la RDC ou peut-être même pour faire capoter les négociations. Ces groupes nationaux, ainsi que les groupes ethniques locaux en Ituri ont été et dans certains cas, sont encore soutenus par les gouvernements de l’Ouganda, du Rwanda et de la RDC.

L’Ituri est maintenant le champ de bataille d’une guerre entre les gouvernements de l’Ouganda, du Rwanda et de la RDC qui ont fourni un soutien politique et militaire aux groupes armés locaux malgré de nombreuses preuves de violations très répandues du droit humanitaire international. En agissant de la sorte et en étant incapables d’exercer leur influence sur ces groupes afin que soit mis un terme à ces abus, ils partagent la responsabilité de ces crimes. Les responsables internationaux et le Conseil de Sécurité des Nations Unies dénoncent régulièrement ces crimes mais ont également échoué à y mettre un terme ou à les traiter en justice.

L’Ouganda, puissance occupante en Ituri de 1998 à 2003, a échoué dans l’obligation qui est la sienne, selon le droit humanitaire international, de protéger la population civile. Les autorités ougandaises ont joué un rôle direct dans les changements politiques et administratifs en Ituri, stimulant la création de nouveaux partis politiques et de milices. Alors que ce conflit s’étendait pour englober plus de gens et des zones plus vastes, l’Ouganda l’a utilisé comme un prétexte pour demeurer présent dans cette région riche en ressources, exploitant ses minerais et son commerce.

Le fait qu’un soutien politique et militaire en provenance d’acteurs extérieurs, gouvernements nationaux ou mouvements rebelles, ait été disponible, a encouragé les responsables locaux à former de nouveaux groupes, généralement sur la base d’une loyauté ethnique. Certains de ces groupes sont devenus les défenseurs de positions à base ethnique de plus en plus extrêmes. Les responsables de ces groupes ont souvent défini leurs propres priorités et ont facilement changé de maîtres, en fonction de ce que leur dictaient leurs intérêts. Dans cet environnement très changeant, une constante est demeurée: les abus commis contre la population civile.

Le conflit en Ituri est important, non seulement à cause de l’ampleur des souffrances et des destructions imposées aux populations locales mais aussi à cause de ses liens avec des luttes plus larges. La complexe imbrication de conflits locaux, nationaux et régionaux existe également dans les Kivus où les civils ont souffert de massacres et d’autres graves abus et une telle situation pourrait se développer ailleurs en RDC. La poursuite de ce type de combat de niveau local met en danger le processus de paix dans tout le pays et au-delà.

Jusqu’à récemment, le conflit en Ituri a été largement ignoré par la communauté internationale. En dépit d’informations contraires, certains états membres des Nations Unies et certains officiels des Nations Unies percevaient l’Ituri comme une simple «guerre tribale», sans liens avec la guerre plus large en RDC. Entre 1999 et avril 2003, la Mission de l’organisation des Nations Unies en RDC (MONUC) disposait seulement d’une petite équipe de moins de dix observateurs pour couvrir cette région très changeante d’environ 4,2 millions de personnes. Les effectifs de la MONUC ont été augmentés, dans l’urgence, de plusieurs centaines d’hommes en avril 2003 mais ces derniers n’avaient pas la capacité de protéger des milliers de civils qui avaient fui et s’étaient réfugiés auprès d’eux, en quête de protection lorsque des affrontements ont de nouveau éclaté, entre des milices rivales, début mai. Le Conseil de Sécurité des Nations Unies a autorisé une Force Multinationale Intérimaire d’Urgence avec un mandat Chapitre VII afin de protéger les civils et le personnel des Nations Unies, dans la ville de Bunia pour une courte période pendant que la MONUC renforçait sa présence. Cette décision, si elle a aidé les habitants de la ville, a laissé des dizaines de milliers de civils à l’extérieur de Bunia, sans protection et à la merci de groupes armés qui ont continué à combattre. Au moment de la publication de ce rapport, Human Rights Watch continue de recevoir des rapports sur des massacres en Ituri.

Ce rapport est le résultat d’un travail de terrain réalisé par deux chercheurs de Human Rights Watch, en février 2003, se concentrant sur la violence à base ethnique, les violations du droit humanitaire international et le rôle des armées étrangères en Ituri. Il s’appuie sur des enquêtes à Bunia, dans les camps pour personnes déplacées au nord de Beni et dans les zones frontières de l’Ouest de l’Ouganda. Human Rights Watch exprime sa gratitude et son respect pour l’assistance offerte à ses chercheurs par les organisations congolaises de défense des droits humains et par de nombreux autres groupes et individus qui ont pris de grands risques en fournissant ces informations. Par souci de préserver leur sécurité, nous ne communiquons pas leurs noms, ni les détails nécessaires à la protection de leur identité.

II.  Récommandations

Aux gouvernements de l’Ouganda, du Rwanda et de la RDC :

Cesser de fournir une assistance militaire, financière ou d’une autre nature à des groupes armés ayant commis de graves violations du droit humanitaire international et des droits humains en Ituri. Ceci concerne les milices lendu, ngiti et hema, les partis tels que l’UPC et le PUSIC ainsi que le RCD-ML, le RCD-N et le MLC. User de votre influence auprès de ces groupes pour les persuader de mettre un terme à ces abus.

Au gouvernement ougandais :

Enquêter sur les supposées violations des droits humains et du droit humanitaire international par les forces ougandaises et traduire en justice les personnes accusées d’avoir commis de tels crimes ou d’avoir facilité ou toléré la réalisation de tels crimes par des groupes locaux sur lesquels elles exerçaient un contrôle.

Au gouvernement de la RDC :

  • Faire du développement d’un système national de justice effectif, indépendant et impartial, une priorité, en concentrant d’abord les efforts sur les régions où de graves violations des droits humains et du droit humanitaire international ont été commises.
  • Adopter la législation nécessaire à la mise en œuvre de la Cour Pénale Internationale. Demander au Procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI) de conduire un examen préliminaire de ces cas dans le cadre de la juridiction de la CPI.
  • Demander au Conseil de Sécurité des Nations Unies d’établir un mécanisme judiciaire pour traduire en justice les violations les plus graves du droit humanitaire international se trouvant hors de la juridiction de la CPI.

Aux groupes politiques armés hema, lendu, ngiti et autres :

  • Ordonner à vos combattants d’adhérer au droit humanitaire international dans toutes les opérations militaires, en particulier en ce qui concerne la protection des civils et la mise à disposition d’une aide humanitaire. Enquêter sur toutes les violations supposées du droit humanitaire international, y compris celles décrites dans ce rapport et tenir les combattants pour responsables de ces actes.
  • Cesser le recrutement et la formation d’enfants de moins de dix-huit ans et démobiliser, désarmer, réhabiliter et renvoyer chez eux de tels enfants.

Aux Nations Unies :

  • Le Conseil de Sécurité des Nations Unies devrait renforcer le mandat de la MONUC et le faire passer à un mandat basé sur le chapitre VII qui permet une utilisation ferme de la force par les troupes de la MONUC pour la protection des populations civiles dans toute la RDC. Fournir à cette force un effectif adéquat ainsi que les ressources et l’équipement nécessaires à l’accomplissement de son mandat, en particulier en ce qui concerne la protection des civils.
  • Presser le commandement de la Force Multinationale Intérimaire d’Urgence d’interpréter le mandat qui lui a été donné par la résolution 1484 du Conseil de Sécurité de façon à assurer la pleine protection des civils, tant dans Bunia que dans ses environs.
  • Suite à la résolution 1468, le Conseil de Sécurité devrait établir un mécanisme judiciaire international, crédible et efficace, pour la RDC afin d’enquêter sur les graves violations du droit humanitaire international commises par toutes les parties et de les traduire en justice, y compris lorsque ces actes ont été commis par des ressortissants de pays autres que la RDC, de 1996 à juillet 2002.
  • Le Secrétaire Général des Nations Unies devrait établir une équipe d’enquêteurs de la MONUC sur les droits humains en Ituri, dotée de ressources suffisantes pour recueillir des informations sur les violations des droits humains et du droit humanitaire international et en rendre compte publiquement.
  • Le Haut Commissariat aux droits de l’homme devrait établir un bureau de terrain à Bunia afin d’apporter son concours à l’équipe droits humains de la MONUC pour observer et rendre compte publiquement des violations des droits humains et pour renforcer les organisations locales de défense des droits humains.
  • Dans le cadre du programme régional coordonné de démobilisation de la Banque Mondiale, l’UNICEF devrait soutenir la démobilisation, le désarmement et la réintégration des enfants soldats de moins de dix-huit ans venant de toutes les forces armées ou groupes armés, sans tenir compte de leur appartenance ethnique ni de leur affiliation politique.

Aux bailleurs :

  • Exercer des pressions politiques, diplomatiques et économiques sur les gouvernements de l’Ouganda, du Rwanda et de la RDC afin de les dissuader de soutenir des groupes armés locaux responsables de crimes contre l’humanité et d’autres graves violations des droits humains et du droit humanitaire international. Dénoncer publiquement les violations des droits humains et du droit humanitaire international, y compris le recrutement d’enfants soldats, par tous les groupes politiques armés locaux et ceux qui les soutiennent en Ituri et insister pour que les auteurs de tels crimes soient tenus pour responsables de leurs actes.
  • Soutenir les efforts du Conseil de Sécurité pour établir un mécanisme judiciaire international, crédible et efficace afin d’enquêter sur les graves violations du droit humanitaire international commises par toutes les parties dans la guerre en RDC et traduire en justice leurs auteurs, y compris ceux qui ne sont pas citoyens de la RDC.

Au bureau du Procureur de la Cour Pénale Internationale :

Comme stipulé dans l’article 15 du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, lancer une enquête motu proprio en entreprenant une enquête préliminaire sur les graves crimes commis en Ituri dans le cadre de la juridiction présumée de la CPI, pour de possibles traductions en justice.

III. Le contexte : les acteurs extérieurs

Le processus de paix et l’Ituri

La seconde guerre du Congo a débuté en 1998 et a opposé le gouvernement de la RDC, soutenu par l’Angola, le Zimbabwe et la Namibie, à plusieurs mouvements rebelles appuyés par l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi. En 1999, les principales parties à la guerre ont signé les Accords de paix de Lusaka, qui ont eu pour effet le déploiement, en 2000, d’une force des Nations Unies, la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République Démocratique du Congo (MONUC) pour observer les dispositions devant mettre un terme au conflit. Mais les accords n’ont pas été respectés et la RDC a été de fait divisée entre quatre régimes, chacun dépendant de troupes étrangères pour survivre. Après des négociations supplémentaires, le gouvernement de la RDC est parvenu à un accord sur de futures dispositions politiques avec deux des trois mouvements rebelles les plus importants, le MLC et le RCD-ML[1]. Connu sous le nom d’Accord de Sun City, cet accord a été signé en avril 2002, sans la signature du troisième mouvement rebelle d’importance, le RCD-Goma.

Après de nouvelles pressions internationales et des navettes diplomatiques, le gouvernement de la RDC a signé des accords bilatéraux avec le Rwanda (juillet 2002) et l’Ouganda (septembre 2002), préparant ainsi la voie aux retraits des troupes de ces deux pays. Les soldats rwandais sont partis en octobre et les troupes ougandaises ont commencé leur retrait peu de temps après, même si certaines sont restées[2]. Début 2003, l’Ouganda a brièvement augmenté le nombre de ses soldats en Ituri mais sous une pression internationale considérable, l’Ouganda a commencé le retrait final de ses troupes en mai. En avril 2003, le RCD-Goma a rejoint les autres parties de la RDC impliquées dans le conflit dans l’Accord global et inclusif sur le gouvernement de transition censé régler les dispositions politiques intérimaires.

En dépit des accords et des mouvements de troupes, la guerre en Ituri s’est intensifiée alors que les substituts locaux poursuivaient les combats des acteurs nationaux et internationaux.

Le RCD-ML et ses liens avec des groupes ethniques en Ituri

Les liens entre le RCD-ML et les groupes ethniques constituent l’un des fils du complexe écheveau politique en Ituri. Le RCD-ML est le résultat d’une scission avec le RCD originel en 1999 et il a déplacé sa base de Kisangani à Bunia. Mbusa Nyamwisi a cherché à chasser le premier président du RCD-ML, Wamba dia Wamba, de son poste. Au cours de leur affrontement d’un an en 2000, chacun a cherché un soutien auprès de groupes ethniques, Wemba s’appuyant sur les Lendu et Mbusa Nyemwisi, avec l’homme d’affaires hema, Tibasima Ateenye, puisant leur force auprès des Hema. Des milices à base ethnique, incorporées dans les forces du RCD-ML, soutenaient les candidats qu’elles avaient choisis, parfois par les armes. Mbusa Nyamwisi l’a emporté et Wemba a disparu de la scène. Nyamwisi, lui-même nande, a alors commencé à forger des liens avec les Lendu. Début 2002, il a nommé Jean-Pierre Molondo Lompondo, un étranger du Kasai, gouverneur de l’Ituri et lui a permis de prendre le contrôle des forces du RCD-ML, limitant ainsi le pouvoir de Thomas Lubanga, un éminent Hema membre du mouvement et nominalement son ministre de la défense. Alors que Nyamwisi dépendait davantage des Lendu, il s’est de plus en plus aliéné ses anciens soutiens parmi les Hema. En avril 2002, le garde du corps de Nyamwisi a été assassiné, crime largement attribué à Lubanga. Des accrochements se sont alors produits entre les troupes du RCD-ML, connues maintenant sous le nom de l’Armée Populaire du Congo (APC) qui soutenaient Nyamwisi et les combattants appuyant Lubanga. Lubanga et ses forces s’identifiant à l’Union des Patriotes Congolais (UPC) ont établi leur propre base à Mandro, à une vingtaine de kilomètres de Bunia et ont pris à l’APC le contrôle d’une partie de la ville de Bunia. Ce faisant, les deux côtés ont commis des abus contre la population civile.[3]

En avril 2002, Nyamwisi a participé aux négociations de Sun City, établissant des liens avec le gouvernement de la RDC qu’il pouvait utiliser pour renforcer sa base chez lui. Pendant son séjour à Sun City, l’UPC a fait circuler un document à Bunia dénonçant le fait que le RCD-ML soit prêt à traiter avec des étrangers. Avec le slogan «L’Ituri aux Ituriens», ils ont prôné une autonomie régionale.[4]

Dans les mois qui ont suivi, le gouverneur Molondo a intégré la milice lendu dans les forces du RCD-ML selon l’Accord de Sun City. La milice hema a accusé Molondo de favoriser les Lendu et est restée à l’écart de l’APC. En juin, les autorités ougandaises ont détenu Lubanga et huit de ses assistants alors qu’ils se trouvaient à Kampala, puis les ont livrés à Kinshasa où ils ont été assignés à résidence. Deux mois plus tard cependant, les autorités ougandaises ont changé de protégés et les troupes ougandaises ont rejoint l’UPC pour chasser le gouverneur Molondo et les forces de l’APC de Bunia. Peu de temps après, l’UPC a mis sur pied un gouvernement prétendant contrôler Bunia et le reste de l’Ituri.[5]

Manipulation par l’Ouganda de la situation politique locale

L’implication de l’Ouganda  aux côtés du RCD-ML et d’autres groupes politiques en Ituri constitue un autre fil de cet écheveau politique complexe. Ce lien a parfois été prolongé par d’autres liens entre le RCD-ML et des groupes basés localement. Dans d’autres cas, les Ougandais ont coopéré directement avec les groupes basés localement, créant encore un nouveau fil dans cet écheveau d’implications politiques. Pendant ses quatre années d’occupation du Nord-Est de la RDC, l’armée ougandaise – les Forces de Défense du Peuple Ougandais (UPDF) – a prétendu être «un faiseur de paix» dans une région déchirée par les dissensions ethniques. En réalité, l’armée ougandaise a provoqué une confusion politique et a créé de l’insécurité dans les zones sous son contrôle. De son implication initiale dans un conflit foncier entre les groupes ethniques hema et lendu en 1999 jusqu’à son opération conjointe avec les milices lendu et ngiti pour déloger les Hema de Bunia en mars 2003, l’armée ougandaise a plus souvent aggravé les hostilités ethniques et politiques qu’elle ne les a apaisées.[6]

Depuis 1999, le conflit initial entre les Hema et les Lendu a attiré d’autres groupes ethniques et a engendré la création d’un nombre croissant de milices à base ethnique. L’Ouganda a fourni son assistance à nombre de ces groupes, les aidant souvent à se lancer, s’armer et se former mais son soutien a été irrégulier et déterminé par ses propres intérêts.[7] Un politicien local qui a discuté des affaires politiques de l’Ituri avec les autorités ougandaises, fin 2002, a affirmé aux chercheurs de Human Rights Watch: «Il était clair pour moi que l’Ouganda voulait placer un pion en Ituri. Quand ce pion n’a pas fonctionné, ils ont été contents de le remplacer par un autre… Si l’Ouganda continue de jouer à de tels jeux, il n’y aura jamais de paix en Ituri.»[8]

La liste ci-dessous résume certains des moyens par lesquels l’Ouganda est intervenu dans la politique de l’Ituri. [9]

  • Dix groupes politiques armés opèrent actuellement en Ituri (voir l’encadré ci-dessous). Depuis 1998, la plupart de ces groupes ont, à un moment ou à un autre, été armés, formés ou soutenus politiquement par les autorités ougandaises. Pour certains, ce soutien a été seulement de courte durée alors que pour d’autres, il s’est prolongé.[10] L’Ouganda a joué un rôle majeur dans le lancement ou le soutien d’au moins cinq de ces groupes.[11]
  • Au niveau politique, les Ougandais ont ordonné d’importants changements dans les mouvements rebelles basés à Bunia, y compris le remplacement de Wamba dia Wamba à la tête du RCD-ML par Mbusa Nyamwisi; le soutien à la création de deux coalitions, le Front pour la Libération du Congo (FLC) qui regroupe des mouvements rebelles au niveau national et le Front pour l’Intégration et la Paix en Ituri (FIPI) qui regroupe des groupes rebelles locaux de Lendu, Alur et d’Hema insatisfaits; le départ du RCD-ML et l’aide apportée pour son remplacement par l’UPC, à Bunia, en août 2002. Ces changements ont été ordonnés depuis Kampala et soutenus par les forces ougandaises en Ituri.
  • L’Ouganda est intervenu dans l’administration locale en établissant une nouvelle province, Kibali-Ituri en 1999, en nommant son premier gouverneur et en jouant un rôle majeur dans le changement de quatre des six gouverneurs depuis. Trois gouverneurs ont été directement démis de leurs fonctions par les Ougandais, leur armée fournissant la force nécessaire dans deux de ces cas.[12] Un gouverneur a été contraint de partir après l’échec de la coalition FLC, soutenue par l’Ouganda et un autre gouverneur n’a jamais été accepté par la population locale et s’est trouvé dans l’incapacité de remplir ses fonctions.[13] Entre janvier et mai 2001, le Colonel Edison Muzoora de l’armée ougandaise a dans les faits agi comme un gouverneur, période au cours de laquelle la violence inter-ethnique a considérablement augmenté.[14]
  • Sur les sept commandants ougandais en charge des forces ougandaises en Ituri, quatre ont été accusés par des acteurs locaux et par d’autres groupes indépendants de favoriser les Hema au détriment des Lendu.[15] La Commission Porter organisée par le gouvernement ougandais a également reconnu qu’elle avait reçu des preuves selon lesquelles quatre officiers supérieurs de l’armée ougandaise (dont deux étaient également accusés par des groupes locaux) avaient, d’une façon ou d’une autre, été fortement soupçonnés d’implication dans le conflit entre les Hema et les Lendu.[16] Un autre commandant a été démis de ses fonctions après avoir soi-disant tenté de stopper l’exploitation par l’Ouganda des ressources de la RDC.[17]
  • Les autorités ougandaises ont souvent géré et présidé des négociations politiques sur l’Ituri. Entre 1999 et février 2003, les responsables de l’Ituri se sont rendus plus de quinze fois à Kampala pour des négociations politiques et ont fréquemment rencontré soit le Président Museveni, soit son frère, Salim Saleh.

Le fait que l’Ouganda se soit mêlé de la politique en Ituri a stimulé la formation de nouveaux partis politiques et de milices et la plupart l’ont été selon des lignes de partage ethniques, contribuant à la montée d’un extrémisme à base ethnique.

A de nombreuses occasions depuis leur arrivée en Ituri en 1998, les forces ougandaises ont échoué à protéger les civils dans les zones sous leur contrôle, le plus gravement à Bunia le 19 janvier 2001 et entre le 6 et le 10 août 2002 lorsque des tueries ethniques se sont produites à un kilomètre du vaste camp militaire ougandais à l’aéroport. Dans certains cas, cependant, les soldats ougandais ont effectivement protégé des civils. Lors des attaques de début août  à Bunia par exemple, deux soldats ougandais seraient morts en protégeant des Hema à Lengabo. Dans un autre cas à Mabanga, le 28 août 2002, les troupes ougandaises ont offert un refuge à des centaines de Lendu et à d’autres pour les protéger contre une attaque hema. Puis le lendemain, ces troupes ont escorté ces personnes vers un lieu sûr, au-delà des miliciens hema hostiles et des corps de leurs parents et amis.

La réponse du gouvernement ougandais

Le 15 avril 2003, le brigadier ougandais Kale Kayihura, s’adressant à la Commission de Pacification en Ituri au nom du Président Museveni, se serait écarté du texte qu’il avait préparé pour demander aux délégués d’excuser les atrocités commises par les troupes ougandaises en Ituri.[18] Si tel était le cas, ceci représenterait une reconnaissance inhabituelle, par les autorités militaires ougandaises, des actes répréhensibles commis, autorités qui ont plus fréquemment prétendu avoir agi en artisans de paix et avoir même peut-être évité un génocide. Comme l’a dit le brigadier Kayihura à des journalistes: «Il y a des indicateurs d’un possible génocide si l’UPDF quitte la région sans une force effective de maintien de la paix et une administration. Les tueries sauvages à Drodro sont un rappel à la communauté internationale qu’elle doit stopper le génocide avant qu’il n’atteigne des proportions alarmantes.»[19] Le Président Museveni aurait dénigré la MONUC et sa capacité à traiter la menace, en disant que «La MONUC, c’est juste un groupe de touristes.»[20]

Les autorités ougandaises ont prétendu dans la presse que les Nations Unies leur avaient demandé de rester en Ituri bien que les Nations Unies n’aient jamais explicitement formulé une telle requête. Les porte-parole ougandais se sont appuyés sur un rapport de septembre 2002 par le Secrétaire Général des Nations Unies dans lequel il appelait l’armée ougandaise à exercer ses responsabilités en matière de sécurité «de façon impartiale»[21] ainsi que sur des déclarations similaires des Nations Unies rappelant à l’Ouganda sa responsabilité de protection des civils en Ituri. Initialement, ni le Secrétaire Général, ni le Conseil de Sécurité n’ont réfuté ces assertions mais ils l’auraient fait par des voies diplomatiques plusieurs mois plus tard.[22]

Fin avril 2003, le Brigadier Kayihura a également prétendu que les troupes ougandaises étaient nécessaires pour «garantir le processus de la Commission de Pacification en Ituri» ainsi que pour protéger l’Ouganda contre le groupe ougandais dissident de l’Armée de Rédemption du Peuple (ARP) et contre des voleurs de troupeaux armés.[23] Lorsque l’Ouganda a envoyé des troupes en Ituri pour la première fois, les autorités ont prétendu qu’elles étaient là-bas pour protéger l’Ouganda contre le groupe rebelle ougandais des Forces Alliées Démocratiques (ADF).

Les forces ougandaises ont ignoré plusieurs dates fixant leur départ d’Ituri mais ont finalement achevé leur retrait de Bunia, le 6 mai 2003 et ont continué à se retirer d’autres zones en Ituri, affirmant avoir achevé leur retrait total début juin. Le Ministre des affaires étrangères, James Wapakhabulo a écarté la responsabilité de l’Ouganda dans «toute situation horrible comme des massacres» qui pourrait se produire après le retrait ougandais.[24] Il a été rapporté que le gouvernement de la RDC était disposé à permettre à un bataillon de l’armée ougandaise de rester sur les pentes des montagnes Ruwenzori, même si le lieu exact et la durée d’une telle mesure n’ont pas été précisés. Wapakhabulo aurait également mis en garde contre le fait que le retrait  de l’armée ougandaise «n’ôterait pas le droit inhérent à l’autodéfense» et que l’Ouganda serait préparé à «réaliser de petites incursions militaires» en Ituri, si nécessaire.[25]

Lorsque les troupes ougandaises sont arrivées en Ouganda, elles ont été accueillies par le Ministre de la défense, Amama Mbabazi qui les a félicitées et a qualifié leur mission en RDC de «succès total». Le Brigadier Kayihura rentrant avec ses troupes de Bunia a déclaré: «On rentre chez nous la tête haute parce qu’on a fait la fierté de l’Ouganda».[26]

Le rôle du gouvernement de la RDC en Ituri

Jusqu’en avril 2002, le gouvernement de Kinshasa a joué un rôle mineur en Ituri mais avec l’Accord de Sun City, il a cherché à avoir plus d’influence dans des zones du Nord-Est du Congo, nominalement sous contrôle du RCD-ML mais de fait occupées par l’armée ougandaise. Se concentrant d’abord sur la reprise du contrôle des ressources et sur le renforcement des forces militaires de son allié, le RCD-ML, le gouvernement de la RDC a par ailleurs manqué de stratégie cohérente pour gouverner efficacement le Nord-Est. Contrairement à l’Ouganda qui a manipulé plusieurs liens politiques locaux simultanément, le gouvernement de la RDC a travaillé essentiellement avec le RCD-ML et à travers lui, avec les Lendu, les Ngiti et d’autres groupes ethniques. Ces liens ont terni la crédibilité du gouvernement de la RDC auprès des groupes ethniques hema et d’autres qui leur étaient alliés et a quasiment empêché le gouvernement national de servir de force neutre en Ituri.

Peu de temps après la signature de l’Accord de Sun City, les autorités de la RDC ont repris le contrôle des ressources de l’Ituri en signant une licence exclusive d’exploration pétrolière avec la compagnie canado-britannique Heritage Oil Company pour la zone située sur le côté RDC de la vallée Semliki.[27] L’accord a rapporté de l’argent liquide et a établi un important précédent pour les marchés futurs sur l’exploitation des ressources mais n’a rien fait pour augmenter l’autorité des responsables de la RDC sur la zone. La branche militaire du RCD-ML, l’APC, n’avait pas de contrôle sur la plupart de la zone où la licence d’exploration pétrolière avait été accordée et son contrôle s’amenuisait ailleurs. Mbusa Nyamwisi lui-même s’est trouvé dans l’incapacité de rentrer à Bunia après la signature de l’Accord de Sun City et a été dans l’obligation de déplacer sa base vers sa ville natale, Beni.

Assistance militaire au RCD-ML et à d’autres groupes armés

Face au pouvoir grandissant de l’UPC, le gouvernement de la RDC a cherché à renforcer l’APC et à l’intégrer plus efficacement dans l’armée du gouvernement de la RDC, les Forces Armées Congolaises (FAC). Kinshasa a fourni à l’APC des uniformes, des munitions et des formateurs issus des FAC. Dans plusieurs camps comme dans celui de Nyaleke, les soldats FAC ont entraîné des forces locales, y compris l’APC, les milices lendu et ngiti et des Mai-Mai, des groupes de combattants locaux appartenant à divers groupes ethniques unis dans leur objectif d’expulser les étrangers. Selon des sources locales, environ deux bataillons des FAC sont arrivés dans la zone de Beni pour soutenir l’APC.

En février 2003, un témoin a décrit la formation à des chercheurs de Human Rights Watch: Il y a une alliance entre l’APC et les Ngiti. Ils cherchent des moyens pour intégrer plus de combattants dans l’armée. Il y a un centre de formation à Nyaleke où les FAC forment les APC, les Mai Mai, les Ngiti et les Lendu. Certains des combattants sont jeunes même s’il y a un accord disant que seuls peuvent être formés les gens ayant 18 ans ou plus. Dans le camp de formation de Nyaleke, un commandant FAC appelé Colonel Aguru est responsable de la formation. Actuellement, il y a plus de cinquante combattants ngiti et lendu en cours de formation dans le camp. A Mangangu, il y a un camp juste pour les Mai Mai parce qu’ils ont des exigences différentes de celles des soldats APC. Début février, un accord a été conclu entre les responsables ngiti et le colonel Aguru disant que les combattants lendu et ngiti n’auraient pas à venir à Beni pour leur formation mais qu’ils pourraient être formés localement, dans leur village même. Ils en ont été très heureux.[28]

Mbusa Nyamwisi a admis que ses troupes APC recevaient un soutien des FAC mais il a nié toute alliance avec les Ngiti et les Lendu. Comme il l’a dit aux chercheurs de Human Rights Watch: «Les Ngiti et les Lendu nous voient comme des alliés potentiels mais je mets un frein à cette alliance.»[29] Les responsables lendu du Front Nationaliste et Intégratif (FNI)  et les responsables ngiti de la Force de Résistance Patriotique d’Ituri (FRPI) ont cependant affirmé qu’une telle alliance existait bel et bien.[30]

La formation et le soutien à l’APC et à d’autres ont produit des résultats. Lorsque le MLC a attaqué les positions ANC dans Mambasa en octobre, novembre, décembre 2002, les troupes de Mbusa Nyamwisi avec les Mai-Mai ont usé d’armes lourdes pour la première fois et ont stoppé l’avance MLC près de Teturi et Eregenti. Des sources locales ont affirmé que ces nouvelles armes avaient été livrées par les FAC.[31]

Prêts à agir par l’intermédiaire de leurs mandataires locaux, les autorités de la RDC ont décliné un affrontement ouvert avec l’Ouganda. A la place, le gouvernement de la RDC a accepté un retrait progressif des forces ougandaises et une période de contrôle conjoint sur la zone frontalière, insistant sur la responsabilité ougandaise d’aider à restaurer l’ordre dans la zone. «L’Ouganda  a contrôlé cette partie de notre territoire pendant les quatre dernières années, il a donc le devoir de réparer les dégâts qu’il a causés,» a avancé Kamerhe, le Commissaire Général du Congo pour la paix.[32]

Sans plan cohérent pour étendre son autorité dans le Nord-Est et avec peu d’informations exactes sur les réalités locales, le gouvernement de la RDC s’est engagé dans plusieurs interventions ad hoc allant de la déclaration symbolique qu’il paierait les salaires des employés du secteur public dans les zones RCD-ML à l’organisation à Kinshasa d’une prometteuse conférence sur la paix et la réconciliation pour résoudre la crise en Ituri. A la tête de l’initiative de paix se trouvait Ntumba Luaba, Ministre de la RDC pour les droits humains qui s’est rendu à Bunia un certain nombre de fois pour persuader des acteurs influents de se joindre aux discussions à Kinshasa.[33]

Prise en otage du Ministre RDC des droits humains

En août 2002, les négociations de paix sont devenues encore plus pressantes avec les tueries de Bunia (voir plus bas). Espérant gagner la coopération de l’UPC maintenant devenue essentielle à la fin du conflit, le Ministre RDC des droits humains, Luaba, s’est rendu à Bunia le 26 août avec Lubanga, encore nominalement assigné à résidence. Peu de temps avant que la délégation ne quitte Bunia, Lubanga a persuadé le Ministre de rendre visite à des Hema blessés au cours de récents combats. Le Ministre a accepté et a appris trop tard qu’il s’agissait là d’une ruse pour le prendre lui et les autres en otages afin de les échanger ensuite contre Lubanga et d’autres personnes encore à Kinshasa.

Un témoin a raconté : Fortement encadrée par la milice UPC hema, la délégation a été conduite à la maison du chef local, Kahwa Mandro. A leur arrivée, le chef Kahwa a informé les membres de la délégation qu’ils étaient maintenant tous ses otages. La MONUC a rapidement été informée de la situation et est devenue l’intermédiaire entre le chef Kahwa et le gouvernement RDC. Les exigences étaient claires: le gouvernement de Kinshasa devait libérer neuf personnes[34] emmenées par les Ougandais à Kinshasa en échange du retour du Ministre des droits humains et de sa délégation.[35]

Les négociations se sont poursuivies pendant trois jours alors que les otages étaient gardés à Mandro. Le 27 août 2002, l’ancien gouverneur de l’Ituri, Adele Lotsove Mugisa est arrivée à Mandro et elle aurait déclaré qu’elle avait été envoyée par Salim Saleh pour libérer les otages.[36] Deux jours plus tard, les otages ont eu l’autorisation de rentrer en avion à Kinshasa et les membres de l’UPC détenus à Kinshasa ont également été libérés.

Le Chef Kahwa a affirmé aux chercheurs de Human Rights Watch : J’ai pris le Ministre des droits humains en otage parce que je voulais trouver un moyen de libérer Lubanga. Je les ai tous pris et après on a négocié la libération de nos amis. J’ai tout planifié moi-même et ça a très bien marché. Lubanga et les autres ont été libérés.[37] Peu de temps après le départ de l’avion, l’UPC a établi un gouvernement qui prétendait contrôler Bunia et le reste de l’Ituri. Les participants à la prise d’otages assumaient des postes clefs dans le nouveau gouvernement: Thomas Lubanga est devenu président, Adele Lotsove Mugisa, critiquée pour avoir incité à la violence ethnique lorsqu’elle occupait les fonctions de premier gouverneur d’Ituri, est devenue Ministre des finances, Bosco Taganda est devenu Ministre adjoint à la défense, le Chef Kahwa a été nommé Conseiller du Président et Rafiki Saba Aimable, Chef des services de sécurité.

Ni le nouveau gouvernement UPC, ni Kinshasa n’ont enquêté sur la prise d’otages ou n’ont engagé des poursuites en lien avec le cas. Le succès de l’UPC pour faire libérer ses membres a montré sa force et la faiblesse correspondante du gouvernement de Kinshasa, handicapé par le faible nombre de ses protégés locaux et par son éloignement de l’action. L’incident aurait renforcé la détermination du gouvernement de la RDC à contrer l’UPC et aurait  peut-être contribué à un soutien accru apporté aux groupes lendu et ngiti via le RCD-ML.[38]

Implication du RCD-Goma et du gouvernement rwandais en Ituri

L’UPC dépendait fortement de l’aide ougandaise pour emporter le contrôle de Bunia en août 2002 comme décrit plus bas mais il a apparemment commencé simultanément à cultiver des liens avec le RCD-Goma, soutenu par le Rwanda et avec le Rwanda même. Vers la fin de l’année, l’UPC a finalement basculé d’une dépendance par rapport à l’Ouganda à une dépendance par rapport au RCD-Goma. Le changement a été marqué par l’accord du 6 janvier 2003 dans lequel le mouvement soutenu par le Rwanda a accepté de fournir un soutien militaire et politique à l’UPC.[39] L’accord qui engageait le partenaire local du Rwanda à aider le groupe hema, fut l’indication la plus claire et la plus publique jusqu’alors de l’implication du Rwanda en Ituri, implication qui selon des sources locales était allée en augmentant tout au long de l’année 2002.[40]

L’implication du Rwanda en Ituri, soit directement, soit par le biais du RCD-Goma, a accru la complexité du conflit ainsi que les risques de le voir se poursuivre et s’étendre. Le Rwanda et l’Ouganda, ennemis depuis trois ans, se sont mutuellement accusés de préparer des attaques dans l’Est de la RDC. Le gouvernement ougandais a accusé le Rwanda de soutenir des groupes armés lui étant hostiles, y compris l’Armée de Résistance du Seigneur (ARS) et de former d’autres dissidents, comme l’Armée de Rédemption du Peuple (ARP). Le gouvernement rwandais a de son côté affirmé que l’Ouganda aidait les rebelles rwandais et la milice Interahamwe impliqués dans le génocide de 1994, assistance perçue comme «une menace directe sur la sécurité» du Rwanda.[41] En plus de la poursuite de leur conflit avec l’Ouganda, les autorités rwandaises cherchent peut-être aussi un rôle en Ituri pour contrer le déploiement des forces FAC et la possible poussée d’influence de la RDC dans la zone, pour obtenir une part des riches ressources de la région et pour soutenir les Hema perçus comme un groupe ethnique apparenté aux Tutsi et comme une minorité menacée.[42]

Le Chef hema Kahwa Mandro a apparemment été le premier acteur local à solliciter l’assistance du Rwanda. Il a affirmé aux chercheurs de Human Rights Watch qu’il avait demandé l’aide du Rwanda en juin 2002 et discuté de sa requête avec le Général James Kabarebe de l’état-major général rwandais.[43] Son groupe a ensuite reçu des armes, des munitions et une formation du Rwanda. Le Chef Kahwa aurait apporté son aide pour mettre en contact d’autres membres UPC avec Kigali bien qu’il se soit lui-même finalement brouillé avec l’UPC et qu’il ait réaffirmé sa fidélité à l’Ouganda, son soutien premier.[44] De nombreux témoins ont rapporté que le Rwanda avait aidé l’UPC par des conseils, des formations et la fourniture de munitions.[45] Quelques uns ont même prétendu avoir vu des Rwandais se battre aux côtés des forces UPC (voir plus bas). Nombre de ces rapports proviennent directement ou indirectement du RCD-ML ou de sources ougandaises et doivent être traités avec réserve. D’autres cependant proviennent de témoins locaux apparemment sans liens avec des groupes anti-hema ou anti-Rwandais.

Mbusa Nyamwisi a, par exemple, prétendu que Kigali livrait des armes, des munitions et même des soldats rwandais sur les pistes d’atterrissage d’Irumu, Mongbwalu et Bunia.[46] Un membre haut placé de son personnel militaire a affirmé aux chercheurs de Human Rights Watch qu’au cours de la première semaine de février 2003, un Antonov 26 avait atterri à Irumu avec des armes et des hommes en provenance de Kigali.[47] Les soldats ougandais prétendent disposer de données de vols, enregistrées par radar, montrant des avions comme l’Antonov 26 quittant Kigali et se rendant vers des pistes d’atterrissage en Ituri.[48]

La MONUC a transmis des informations similaires à son siège à Kinshasa, dont certaines obtenues de sources militaires ougandaises. Le 18 septembre 2002, l’équipe de la MONUC à Bunia a rapporté à Kinshasa que «le 16 septembre 2002 à 18h10, un avion du Rwanda a largué des armes, des munitions et des uniformes à Mandro. On voit maintenant l’UPC porter de nouveaux uniformes de camouflage et de nouvelles armes.» Le 7 octobre 2002, la MONUC a rapporté que «le major de l’armée ougandaise, David Muhoozi affirme que l’APR[49] est à Bunia et est attendue au camp d’entraînement de Mandro. Les soldats sont en nombre réduit et sont en civil.» Un jour plus tard, les forces de la MONUC à Bunia ont de nouveau affirmé à Kinshasa que «[l’armée ougandaise] confirme que les soldats APR à Bunia sont d’anciens APR/Banyamulenge et qu’ils sont instructeurs à Mandro.  [Chef] Kahwa (UPC) s’est également rendu au Rwanda pour chercher un soutien.»[50]

Un témoin civil, qui n’était lié ni au RCD-ML, ni aux Ougandais a vu arriver des Rwandais sur une piste d’atterrissage près de Mahagi, dans le Nord de l’Ituri, début 2003. Il a raconté aux chercheurs de Human Rights Watch : J’étais à la piste d’atterrissage avec un ancien militaire ougandais maintenant à la retraite qui avait autrefois formé des Rwandais lorsqu’ils étaient encore en Ouganda, il y a longtemps. Les Rwandais ont reconnu le vieil homme et se sont approchés pour le saluer alors que j’étais là-bas. Il leur a demandé ce qu’ils faisaient et ils ont dit qu’ils étaient là pour former l’UPC.[51]

Un autre témoin à Kigali a affirmé avoir vu Lubanga et une délégation d’officiels UPC de haut rang, comprenant Jean-Baptiste Dhetchuvi, Richard Lonema, le Commandant Kisembo et Rafiki Saba Aimable arriver dans la capitale rwandaise le 30 décembre 2002. Le témoin a déclaré : Après une réunion à Gbadolite où Lubanga s’est vu refuser une place dans les négociations avec le MLC, le RCD-N et le RCD-ML, la délégation UPC a pris place dans un Antonov 26 et est allée directement à Kigali. A Kigali, les officiels de l’UPC ont affirmé qu’ils avaient rencontré James Kabarebe et le Président Kagame. Ils ont passé une nuit à Kigali puis la délégation dans son ensemble est retournée à Bunia à l’exception du Ministre des affaires étrangères, Jean-Baptiste Dhetchuvi qui est resté sur place pour régler des détails supplémentaires avec Kigali. Il devait ensuite se rendre à Goma pour rédiger le nouvel accord. Avant leur retour [à Bunia], j’ai vu l’avion embarquer environ cinq tonnes de munitions et d’armes.[52]

Le Ministre UPC des affaires étrangères, Dhetchuvi, ancien professeur de biologie à l’Université nationale du Rwanda a apparemment négocié le 6 janvier 2003 un accord entre le RCD-Goma et l’UPC à Goma juste au moment où les Ougandais organisaient des discussions avec tous les groupes armés à Arua. Un moins plus tard, le Président Onasumba du RCD-Goma s’est rendu à Bunia pour consolider la nouvelle relation. [53]

Gain économique

L’Ituri est l’une des régions les plus riches du Congo avec des réserves d’or, de diamants, de coltan, de bois et de pétrole. Les gouvernements étrangers, leurs soldats et de nombreux autres acteurs qui leur sont liés de façon officieuse ainsi que le gouvernement de la RDC lui-même veulent profiter de ces ressources nombreuses et à forte valeur, dans cette région, y compris le commerce transfrontalier et les revenus des douanes. Un certain nombre de rapports indépendants dont ceux produits par le Groupe d’experts des Nations Unies  et ceux d’organisations internationales non-gouvernementales ont recueilli des informations sur le lien entre le conflit en RDC et l’exploitation des ressources naturelles. Dans le cas de Mongbwalu décrit plus bas, les récits des témoins ont montré à quelle vitesse les forces victorieuses au combat se sont lancées dans l’exploitation des ressources locales, dans ce cas précis, l’or.

Les statistiques commerciales montrent combien l’Ouganda a profité des richesses de la RDC. Les exportations d’or de l’Ouganda ont plus que doublé après que les troupes eurent franchi la frontière avec la RDC alors qu’il n’y a pas eu d’augmentation dans les capacités de production nationales.[54] Cet accroissement a coïncidé avec un fort déploiement de troupes ougandaises dans les zones minières de l’Ituri comme aux abords de Kilo Mito, décrit comme l’une des mines d’or les plus productives du Congo. Le bilan des exportations de diamants est encore plus clair. Aucune exportation ne diamants n’a été enregistrée pour l’Ouganda dans la décennie avant l’arrivée des troupes ougandaises en RDC. Puis de 1997 à 2000, les exportations de diamants sont brusquement passées de 2 000 à 11 000 carats. En 2001, des diamants pour une valeur totale estimée à $3,8 millions ont été exportés.[55]

Le rapport final du Groupe des experts des Nations Unies sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse en RDC, publié en octobre 2002 conclut qu’un réseau d’élite de soldats ougandais, d’officiels et de politiciens, de rebelles locaux et d’entreprises internationales ont pillé le Congo pour leur propre bénéfice et pour financer la guerre.[56] Selon ce panel, ce réseau comprenait des hommes d’affaires hema comme la famille Savo en Ituri. Le frère de Museveni, Salim Saleh et l’ancien Major de l’armée ougandaise, le Général James Kazini ont été identifiés comme étant les responsables du réseau, utilisant l’armée ougandaise et diverses milices rebelles comme leur force d’exécution personnelle à des fins commerciales.[57]

Le Panel a déclaré que le conflit Hema-Lendu avait en partie pour origine les tentatives par les Ougandais et par de puissants hommes d’affaires et politiciens hema d’augmenter leur profit à partir d’activités commerciales.[58] Les Hema, d’après le Panel, remplissent un rôle important dans les opérations de ces entreprises criminelles en transportant les produits premiers d’Ituri de l’autre côté de la frontière en Ouganda, sous la protection des troupes ougandaises et en rapportant de l’essence, des cigarettes et des armes, sans taxes. Insatisfaits de la portion relativement limitée du commerce qui leur était réservée, de nombreux Hema ont rejoint l’UPC sous Lubanga dans une tentative pour se garantir des profits plus importants.[59]

La Commission Porter établie par le gouvernement ougandais le 23 mai 2001 afin d’examiner les allégations sur l’implication de l’Ouganda dans une exploitation illégale des ressources congolaises a produit son rapport final en novembre 2002, bien que ce dernier n’ait été rendu disponible que récemment. Le rapport a disculpé le gouvernement ougandais et son armée de toute implication officielle dans une telle exploitation.[60] La Commission a cependant soutenu les conclusions du Panel des Nations Unies relatives à des officiers de haut rang de l’armée ougandaise, qui selon la Commission, «avaient menti pour se protéger.» Le rapport a également affirmé que «des officiers de très haut rang et des hommes de l’armée ougandaise s’étaient conduits de façon inappropriée en RDC.»[61] Le rapport montre particulièrement du doigt le Général Kazini pour avoir «déshonoré le nom de l’Ouganda[62]» et recommande des mesures disciplinaires à son encontre. La Commission a fermement recommandé une enquête supplémentaire sur le trafic des diamants, affirmant qu’il existait un lien entre des membres haut placés de l’armée ougandaise, des trafiquants de diamants connus et une entreprise ougandaise.[63]

Les autorités rwandaises auraient également espéré profiter de l’or de l’Ituri. L’UPC de Lubanga aurait été prêt à aider le Rwanda à obtenir une part de l’or extrait de Mongbwalu mais s’est trouvé dans l’incapacité de le faire lorsque ce groupe a perdu le pouvoir à Bunia.[64]

La découverte de pétrole dans la vallée Semliki, une zone qui enjambe la frontière entre l’Ouganda et l’Ituri, est une garantie que la compétition au sujet de l’Ituri va augmenter. Heritage Oil à qui le gouvernement de la RDC a concédé les droits d’exploration en Ituri a procédé à des forages tests sur le côté ougandais de la frontière. Le 31 mars 2003, la compagnie a annoncé qu’elle avait trouvé du pétrole en Ouganda et a déclaré que la zone avait le potentiel pour devenir un nouveau basin pétrolier d’importance mondiale.[65] Le directeur ougandais d’Heritage Oil envisageait de débuter les activités du côté congolais de la frontière en mars 2003, projetant qu’il faudrait 5 ans et $US15 à $US20 millions d’investissements pour dégager un profit.[66] En plus de son contrat avec le gouvernement de la RDC, Heritage Oil maintient des liens étroits avec les autorités ougandaises.[67] En 2002, des agents de la compagnie ont commencé à prendre contact avec des chefs locaux en Ituri, dont plusieurs à Burasi ainsi qu’avec le Chef Kahwa de Mandro.[68] Chef Kahwa a déclaré: «J’ai été contacté par les Canadiens de la compagnie pétrolière qui sont venus me voir. Je leur ai dit qu’ils ne pourraient commencer à travailler en Ituri que quand j’aurais pris Bunia à l’UPC.»[69]

La déclaration de Kahwa impliquant que les droits sur le pétrole pouvaient être échangés contre le soutien nécessaire pour emporter Bunia suggèrent de nombreux risques si des acteurs locaux ambitieux commencent à solliciter et à recevoir un soutien de la part d’un autre groupe encore d’acteurs extérieurs, les puissantes entreprises internationales. Des observateurs locaux et internationaux craignent les conséquences si l’une des industries d’extraction à plus forte proportion de capitaux au monde arrive dans l’une des zones de conflit les plus complexes du monde. Comme l’a affirmé le Ministre des affaires étrangères Dhetchuvi: «En Ituri, on est dans une guerre du pétrole.»[70]

IV. Contexte local : groupes poltiques armés

Mandataires poursuivant leurs propres intérêts

L’Ituri abrite dix-huit groupes ethniques différents, les communautés des Hema/Gegere[71] et des Lendu/Ngiti[72] représentant ensemble environ 40 pour cent des habitants. Les autres groupes majeurs sont les Bira, les Alur, les Lugbara, les Nyali, les Ndo-Okebo et les Lese. L’identité ethnique prenant une importance croissante, un nouveau groupe a fait son apparition, les «non-originaires»[73], à savoir, les «étrangers» qui ne sont pas nés en Ituri. Les Nande du Nord Kivu représentent les non-originaires les plus importants, à cause de la place qu’ils occupent dans le secteur des affaires. L’émergence de Mbusa Nyamwisi, un Nande, comme chef du RCD-ML a soulevé la question de la place des Nande en Ituri. Les élites hema cherchant à asseoir ou à protéger leur contrôle sur les sphères politiques et économiques en Ituri tendent à considérer  les Nande comme des adversaires directs.

Les Hema, les Lendu et les autres groupes ethniques servant de mandataires pour le gouvernement et les mouvement rebelles cherchent également à définir des priorités servant leurs propres intérêts. Ils sont habiles à jouer les divers rivaux extérieurs les uns contre les autres et changent de camp selon ce que leurs intérêts leur dictent. Ils s’adaptent rapidement aux développements sur la scène nationale, travaillant sur la base suivante, l’ennemi de mon ennemi est mon ami, au moins pour le moment.

Qui est qui – Groupes politiques armés en Ituri (mai 2003)

RCD-ML : Rassemblement Congolais pour la Démocratie – Mouvement de Libération

Chef actuel : Mbusa Nyamwisi

Egalement connu sous le nom de RCD-Kisangani, le RCD-ML a été lancé en septembre 1999 à Kampala lorsque Wamba dia Wamba a fait scission du RCD-Goma. Soutenu à l’origine par l’Ouganda, le RCD-ML a été brisé par des luttes de pouvoir et des combats internes. Le chef actuel, Mbusa Nyamwisi a pris le pouvoir après avoir chassé Wamba dia Wamba. L’aile militaire du RCD-ML est l’Armée Populaire Congolaise (APC). Le RCD-ML a participé à l’Accord de Sun City d’avril 2002 et l’APC est actuellement entraîné et armé par Kinshasa.

MLC : Mouvement pour la Libération du Congo

Chef actuel: Jean-Pierre Bemba

Basé à Gbadolite, le MLC a été soutenu par l’Ouganda depuis le début de la guerre en 1998 bien qu’il y ait eu par moments des différences entre les deux. Le MLC a tenté à deux reprises d’établir une prise en Ituri: en 2001, Bemba avait le contrôle nominal de la brève coalition FPC composée de groupes rebelles soutenus par l’Ouganda et en 2002, le MLC a attaqué Mambasa dans l’Ouest de l’Ituri mais a été repoussé par l’APC de Mbusa Nyamwisi. Le MLC a occasionnellement combattu aux côtés de l’UPC et a été un rival du RCD-ML de Mbusa.

RCD-National: Rassemblement Congolais pour la Démocratie – National

Chef actuel: Roger Lumbala

Maintenant basé à Watcha, dans le Nord de l’Ituri, le RCD-N opérait initialement comme une organisation de couverture pour les Ougandais en exploitant les richesses en diamants de la ville de Bafwasende. En 2001 et 2002, le RCD-N a soutenu les tentatives du MLC pour prendre au RCD-ML les zones riches en ressources. Le RCD-N dispose de peu de soldats et s’appuie sur l’armée MLC.

UPC: Union des Patriotes Congolais (parti majoritairement hema/gegere)

Chef actuel: Thomas Lubanga

Lancé apparemment pour promouvoir la réconciliation, l’UPC est rapidement devenu un parti politique majoritairement dirigé par les Gegere, enclin à promouvoir les intérêts des Hema et des Gegere qui leur sont apparentés. Il est arrivé au pouvoir à Bunia en août 2002 avec l’aide des Ougandais et a utilisé la milice hema comme l’une de ses forces armées. Il s’est tourné vers le Rwanda pour chercher un soutien et a formé une alliance avec le RCD-Goma soutenu par le Rwanda après avoir été exclu par le RCD-ML et le MLC des discussions de cessez-le-feu à Mambasa, en décembre 2002. S’étant éloigné politiquement de l’Ouganda, l’UPC a été chassé de Bunia par l’armée ougandaise en mars 2003 mais a  repris, par les combats, sa position en ville en mai.

FIPI: Front pour l’Intégration et la Paix en Ituri (regroupement de trois partis à base ethnique)

Chef actuel: une coalition de trois responsables du PUSIC, du FNI et du FPDC

Coalition créée en décembre 2002 avec le soutien de l’Ouganda, les trois partis politiques à base ethnique partageaient l’objectif de se débarrasser de l’UPC. Le FIPI n’a pas, par ailleurs, de programme apparent. Le groupe comprend des Hema insatisfaits de l’UPC, des Lendu et des Alur, chacun avec son propre parti politique (voir ci-dessous). Après que l’UPC eut été chassé de force de Bunia, les partis ont commencé à se quereller et la coalition semble s’être effondrée.

PUSIC: Parti pour l’Unité et la Sauvegarde de l’Intégrité du Congo (Hema insatisfaits de l’UPC)

Chef actuel : Chef Khawa Mandro

Le Chef Khawa, ancien membre de l’UPC a créé le PUSIC début février 2003. La plupart des membres semblent être des Hema du Sud. L’Ouganda soutient le parti dans le cadre de la coalition FIPI. Le Chef Kahwa a été brièvement soutenu par les Rwandais lorsqu’il était dans l’UPC mais il affirme que le PUSIC ne dispose pas actuellement d’un tel soutien et est plus intéressé par un travail avec Kinshasa. Le PUSIC s’est peut-être allié avec l’UPC contre les Lendu à Bunia en mai 2003. Si tel est le cas, cette alliance de convenance serait fragile et probablement de courte durée. Le PUSIC semble avoir maintenu des liens étroits avec les autorités ougandaises.

FPDC: Forces Populaires pour la Démocratie au Congo (parti politique alur et lugbara)

Chef actuel: Thomas Unen Chen, ancien membre du parlement zaïrois

Le FPDC a été créé fin 2002 principalement par des Alur et des Lugbara de la région d’Aru et de Mahagi, au Nord de l’Ituri, pour contrer l’UPC. Ce parti a récemment commencé à recruter et former ses propres milices. Bien qu’il se prétende intéressé par le dialogue, ce parti est préparé à combattre si le dialogue échoue. Il a été soutenu par l’Ouganda dans le cadre de la coalition FIPI et semble avoir des liens étroits avec l’ancien colonel de l’armée ougandaise, Peter Karim, un Alur d’Ouganda.

FNI: Front Nationalise et Intégratif (parti politique lendu)

Chef actuel: Floribert Njabu Ngabu

Les intellectuels et chefs traditionnels lendu ont établi le FNI mais le parti prétend être largement soutenu par la communauté lendu dans ses efforts pour s’opposer à l’UPC. Les milices lendu seraient en train d’être organisées sous l’aile militaire de ce parti que certains perçoivent comme non distincte du FRPI (voir plus bas). Soutenu par l’Ouganda dans le cadre de la coalition FIPI, ce parti s’est joint à l’armée ougandaise pour chasser l’UPC de Bunia le 6 mars 2003, action pour laquelle certains des membres de ce parti ont été remerciés publiquement par le Brigadier Kahiyura en avril. Le FNI a également bénéficié d’une formation et d’un soutien militaires de la part du RCD-ML et à travers lui, de Kinshasa.

FRPI: Force de Résistance Patriotique en Ituri (parti politique ngiti)

Chef actuel: Dr Adirodo

Lancé en novembre 2002, le parti ngiti FRPI est supposé être étroitement lié au FNI lendu. Il a pour but de rassembler les milices ngiti et les chefs traditionnels en une force unique contre l’UPC. Basé à Beni et censé compter 9 000 combattants, le FRPI a des liens étroits avec le RCD-ML dont il reçoit à la fois une formation militaire et des armes. Il affirme disposer d’une importante force de combat et beaucoup le perçoivent comme l’armée du FNI. Il s’est joint aux Ougandais pour chasser l’UPC de Bunia en mars 2003 et avec le FNI, a brièvement contrôlé Bunia en mai 2003.

FAPC : Force Armée Populaire du Congo (composition variée)

Chef actuel : Commandant Jérôme Kakawave Bakonde

Le Commandant Jérôme, basé à Aru et Mahagi, a établi le FAPC en mars 2003. Jérôme a changé de camp à plusieurs reprises, allant du RCD-ML au RCD-N, à l’UPC et aux Ougandais mais il est plus ou moins demeuré dans la zone d’Aru. Son groupe a récemment obtenu le soutien des Ougandais qui ont tenté de faire du Commandant Jérôme le responsable d’un appareil de sécurité mixte à Bunia, juste avant le début de leur retrait. D’autres partis s’y sont opposés et le Commandant Jérôme est rentré chez lui à Aru.[74] Une mutinerie s’est produite dans ses rangs en mai 2003 qui aurait été mâtée avec le soutien de l’Ouganda.[75]Jérôme serait un Banyarwanda du Nord Kivu.

Les actions du Chef hema, Kahwa Mandro illustrent l’empressement avec lequel les acteurs locaux peuvent changer de camp. Initialement soutenu par l’Ouganda, le Chef Kahwa et certains autres Hema ont noté un fléchissement dans ce soutien et ont décidé que l’armée ougandaise ne faisait pas assez pour les protéger contre les Lendu. Le Chef Kahwa Mandro a expliqué aux chercheurs de Human Rights Watch : En août 2000, je combattais les Lendu en Ituri. Mais j’étais accusé d’être du côté des Rwandais et des rebelles ougandais, l’ADF. Alors les Ougandais ont aussi commencé à combattre contre moi. J’ai décidé d’aller parler au Président Museveni, ce que j’ai fait en août. Il a décidé que ma cause était noble. Notre groupe est allé en formation en Ouganda le 28 août 2000. Je suis resté en Ouganda pendant 6 mois, dans le camp de formation de Kyakwanzi où 705 des nôtres ont été formés. Après Sun City, les Lendu ont commencé à être armés par Mbusa [RCD-ML] alors on a décidé qu’on devait se débarrasser de lui. Puis Lubanga a été arrêté par les Ougandais. On n’a pas compris. Je suis resté à Bunia pendant que le gouverneur Molondo planifiait un génocide contre nous.[76] J’ai commencé à former environ 3000 combattants à Mandro avec le soutien financier de la communauté hema. On a collecté des armes lors de petites attaques. On avait négocié avec l’Ouganda pendant trois ans et ils étaient responsables de tant de morts. Personne n’avait conscience de notre problème. En juin 2002, j’ai décidé d’aller au Rwanda pour chercher de l’aide en notre faveur. Ils avaient traversé un génocide donc ils savaient ce que c’était. Ils m’ont compris et ils nous ont fourni des armes et la logistique. J’ai discuté de la situation avec James Kabarebe.

Au départ, ce soutien était une bonne chose et j’ai pensé que le Rwanda comprenait ma situation mais ils en ont profité pour créer une autre situation. Ils voulaient qu’Ituri soit leur base arrière pour attaquer l’Ouganda. Ils ont continué d’envoyer des armes dont des missiles et des munitions pour les tanks alors qu’on n’a même pas de tanks. Ils envoient même des troupes. Ils recrutent de jeunes soldats et leur inculquent la peur. Ils viennent avec de petits avions sur des pistes d’atterrissage comme Mongbwalu, Aru, Boga et Bule. Je sais qu’ils font ça parce que j’avais moi-même l’habitude de me rendre de Kigali en Ituri dans des petits avions.[77]

Après avoir perdu ses illusions sur le soutien rwandais et sur la direction de la politique de l’UPC de Lubanga, le Chef Kahwa s’est senti menacé. Il s’est séparé du groupe de Lubanga et a rétabli des liens avec les Ougandais. Il a ainsi poursuivi: J’étais sur la liste des gens à éliminer par l’UPC. Quand Museveni l’a découvert, il a envoyé un avion me chercher. Il m’a encouragé à parler aux Lendu à Kpandruma pour qu’on puisse cesser les combats. J’ai lancé un parti politique, PUSIC puis j’ai participé à la coalition FIPI qui veut la paix en Ituri et qui comprend des Lendu et d’autres. J’ai parlé au Président Kabila à Dar es Salaam où je lui ai dit qu’il devait cesser d’apporter son soutien aux Lendu. Ils étaient en train de nous tuer. Il a compris. Je vais réattaquer Bunia et je vais prendre cette ville, même si j’en meurs. L’UPDF est informé de nos plans mais je ne compte pas sur eux pour être aidé.[78]

L’aide d’acteurs extérieurs peut inciter des dissidents à se séparer d’un groupe et à former leur propre organisation comme l’a fait le Chef Kahwa. Cependant, des acteurs extérieurs peuvent aussi promouvoir des coalitions, y compris des coalitions dépassant les frontières ethniques comme le groupe FIPI qui incluait des groupes politiques hema, lendu et alur. L’augmentation du nombre de groupes combattants dans Bunia et dans ses environs est allée de pair avec un flux d’armes vers l’Ituri alors que les acteurs extérieurs tentaient d’assurer la victoire de leurs alliés locaux. Cette plus grande disponibilité en armes a contribué à faire davantage de victimes en Ituri dont des civils.[79] En plus d’être mieux armées que par le passé, les milices hema, lendu et ngiti semblent aussi être mieux organisées et entraînées et semblent fonctionner avec une hiérarchie militaire plus structurée.

Le conflit entre Hema et Lendu

Les Hema sont des pasteurs et les Lendu des agriculteurs mais historiquement, il existait un fort niveau de coexistence entre les deux groupes et les mariages mixtes étaient fréquents. Cependant, le régime colonial belge a accentué les divisions ethniques entre les deux communautés en essayant de réorganiser les chefferies traditionnelles en des groupes plus homogènes et en favorisant les Hema aux dépens des Lendu. Même après l’indépendance de 1960, les Hema sont restés dans leur position d’élite administrative, possédant terres et affaires. Lorsque le territoire de Kibali-Ituri a été créé en 1962 par exemple, aucun Lendu n’a obtenu de positions d’importance dans l’administration. Le Président Sese Sokoto Mobutu a confirmé les Hema aux postes de gestion dans les secteurs fermier, minier et celui de l’administration locale dans le cadre de sa politique de «zaïrisation». Les Hema et les Lendu se sont livrés de petites batailles pour la terre et les droits de pêche à plusieurs reprises après l’indépendance mais en général, l’arbitrage coutumier soutenu par l’état, a réussi à contenir les incidents.[80]

A aucun moment de l’histoire de l’Ituri pour laquelle des documents sont disponibles, la violence n’a atteint les niveaux qui existent depuis 1999. La guerre plus large du Congo a sans aucun doute suscité la violence plus grande du conflit actuel.

Ce conflit a débuté en juin 1999 lorsqu’un petit nombre d’Hema auraient tenté d’acheter des autorités locales afin qu’elles modifient les registres de propriété foncière en leur faveur dans la zone de Walendu Pitsu qui fait partie du district djugu d’Ituri. Ils auraient utilisé de faux papiers pour expulser les habitants lendu de leurs terres comme le pensent certains Lendu du coin. Ces Lendu ont décidé de se venger. En l’absence d’une forte autorité locale, l’incident a rapidement viré à une confrontation entre les deux communautés.

L’ingérence de l’Ouganda a aggravé la situation. Le Brigadier Général James Kazini, alors en charge de l’armée ougandaise en RDC, a nommé Adèle Lotsove Mugisa, une Hema, gouverneur provisoire des districts d’Ituri et du Haut Uele,[81] qui faisaient anciennement partie de la Province Orientale.[82] Si la proposition de créer une telle unité a été soutenue par certains hommes politiques de la région, ce fut le décret du général ougandais qui modifia les frontières administratives, créant effectivement une nouvelle «province». Dans la lettre instituant le nouveau poste de gouverneur, le Général Kazini a donné toutes les assurances du soutien ougandais à une telle entreprise.[83] Cette importante décision, coïncidant avec la dispute foncière locale, a donné l’impression que l’armée ougandaise se rangeait du côté des propriétaires fonciers hema.

En 2003, la dispute originelle avait pris de l’ampleur et la violence touchait davantage de gens et de zones. Des groupes comme les Nande, les Bira et les Alur qui n’étaient pas auparavant associés à aucun des belligérants ont maintenant été contraints de choisir un camp.

Rumeur, propagande et préjugés

Alors que le conflit entre les Hema et les Lendu s’étendait et devenait plus radical, chaque groupe a eu recours à la propagande et aux mythes pour justifier sa cause. Les intellectuels hema comme lendu ont déformé l’histoire à des fins politiques, fabriquant de nouveaux récits pour appuyer leur point de vue.[84] Un porte-parole hema a affirmé aux chercheurs de Human Rights Watch: «Nous savons qu’il y a un génocide contre les Hema mais on a été ignoré pendant longtemps.» D’autres Hema ont évoqué un lien avec les Tutsi du Rwanda et ont affirmé que les Lendu accompagnés des Interahamwe et des rebelles ougandais, l’ADF, perpétraient un génocide comme celui de 1994 au Rwanda.[85] Ces Hema font entrer dans l’appellation «forces négatives» les Lendu.[86] L’expression avait auparavant été utilisée pour décrire les Interahamwe et l’ADF. Des déclarations officielles hema affirment que ces «forces négatives» sont hostiles à la paix et doivent être éliminées.[87] Certains Hema ont parfois décrit les Lendu comme des «terroristes».

Certains Lendu et Ngiti qui leur sont alliés cherchent à aviver la colère contre le Rwanda, l’Ouganda et leurs alliés locaux. Le groupe armé ngiti, le FRPI a publié un pamphlet accusant les Présidents Kagame et Museveni de chercher à établir un empire hima[88]-tutsi. Ils ont affirmé que les Hema, soutenus par l’Ouganda et le Rwanda allaient procéder à une «purification ethnique» et éliminer les peuples lendu (y compris les Ngiti) de l’Ituri. Ils ont vivement encouragé àune «résistance féroce» contre les agresseurs extérieurs et contre ces groupes qui sont leurs complices.[89]

En novembre 2002, un groupe lendu, l’Association culturelle LORI a insisté sur les griefs historiques de son peuple et a appelé «tous les Lendu à résister à l’agression et à toutes les formes de domination qui ont fait partie de l’histoire lendu.»[90] Dans un communiqué de janvier 2002, le Chef lendu, Longbe Tschabi Linga s’est plaint de la marginalisation et de la subordination de sa communauté. Il a poursuivi en «dénonçant l’alliance de mort entre l’UPC et le RCD-Goma» qui a fait que les Hema «chantent fièrement sur l’extermination des Lendu.»[91]

V.  Massacres et autres abus contre les droits humains

L’attaque contre Bunia

Début août 2002, les combattants UPC qui contrôlaient alors une partie de Bunia ont travaillé avec l’armée ougandaise pour déloger les forces RCD-ML et prendre le contrôle de la ville et de certains de ses quartiers excentrés. Ce faisant, ils ont commis les abus détaillés ci-dessous. La prise de Bunia fut le prélude à l’établissement du gouvernement UPC un peu plus tard dans le mois.[92]

La violence de début août à Bunia a démontré trois aspects essentiels du conflit en Ituri. Premièrement, toutes les parties en présence commettent des abus. Dans ce cas, ce fut plus ou moins simultanément, avec les groupes armés hema comme lendu tuant des civils appartenant à l’autre groupe ethnique, souvent dans leurs maisons. Dans d’autres cas, les tueries se sont produites successivement, censées être des actions de représailles pour des attaques commises préalablement. Deuxièmement, le soutien apporté par des acteurs extérieurs est important. Dans la plupart des cas, un tel soutien reste modeste mais dans ce cas, l’aide de l’armée ougandaise a clairement assuré la victoire de l’UPC. Troisièmement et comme dans tous les autres cas, les victimes les plus nombreuses ont été et continuent d’être parmi les civils.

La montée vers la violence d’août a commencé en juin et juillet alors que l’hostilité de la milice hema à l’encontre du gouverneur Molondo augmentait  tandis qu’il intégrait des milices lendu et ngiti dans l’APC. Logée dans la maison de Lubanga et protégée par des soldats de l’armée ougandaise, la milice a cherché à contrôler des parties de plus en plus importantes de la ville de Bunia. Elle s’est accrochée avec les combattants APC, le 10 juillet dans un bar appelé TV5 et le 25 juillet au Camp Ndoromo où l’APC formait environ 1 200 combattants lendu et ngiti. Le 6 août, des combattants hema, apparemment soutenus par des soldats ougandais, ont lancé une attaque majeure à Ndoromo et ont été repoussés après quatorze heures de combat seulement. Deux soldats ougandais auraient trouvé la mort. Selon des sources locales, l’UPC a utilisé des mines anti-personnel, l’une d’entre elles ayant blessé un soldat APC. Les familles des combattants lendu et ngiti ont fui vers la résidence du gouverneur à Bunia pour chercher protection.[93]

Les 7 et 8 août, la milice UPC a tenté d’occuper certains quartiers de Bunia et au cours de cette tentative, a délibérément tué des civils lendu et d’autres, comme des Nande et des Bira, perçus comme des alliés des Lendu. Les milices lendu ont pris pour cibles et tué des douzaines de civils hema dans le quartier de Mudzi Pela et dans d’autres quartiers majoritairement hema comme Saio, Rwambuzi et Simbiliabo. Les deux parties ont brûlé des maisons provoquant le déplacement d’un nombre important de civils.[94] Un témoin a ainsi raconté : Le 7 août, les jeunes miliciens hema ont poursuivi les Bira et les Lendu dans Bunia. Ils savaient vers quelles maisons aller et qui prendre pour cible. Ils étaient environ 200, certains en uniforme, d’autres en civil. Ils ont tué beaucoup de personnes ce jour-là – environ 37 – même si je pense qu’il y en a eu plus. Quelques jours plus tard, le 9 août, ces personnes ont été enterrées par la Croix Rouge et le chef du coin. Il y avait des hommes, des femmes et des enfants. Le massacre s’est produit de 7 heures du matin jusqu’à 1 heure de l’après-midi environ.[95]

En dehors de la ville, à Lengabo, les milices lendu et ngiti ont délibérément tué trente-deux civils hema qui avaient cherché refuge dans la ferme de Tibasima Ateenye, un chef hema auparavant lié au RCD-ML mais qui résidait alors à Kinshasa. Un témoin a rapporté les faits suivants : Trente-deux hema sont morts là bas [à la ferme de Tibasima]. Je les ai comptés. Sept environ sont morts par balle alors que les autres ont été tués à la machette. Cette attaque a vraiment augmenté les tensions. Certains des blessés sont venus à Bunia. Ils avaient même coupé les jambes d’un enfant et le bras d’un autre.[96]

La milice aurait tué deux soldats ougandais qui avaient protégé les Hema à la ferme et a chassé les autres. Il n’est pas clair si ces soldats ougandais ont cherché à protéger les Hema par sens du devoir, par contraste avec leurs camarades qui n’ont rien fait ou se sont joints aux tueries perpétrées contre les Hema ou s’ils avaientété engagés de façon privée pour protéger la ferme de Tibasima, une disposition que les soldats ougandais prennent parfois pour leur propre bénéfice.[97]

Le 8 août 2002, le Gouverneur a rencontré les commandants de l’armée ougandaise pour appeler à la mesure dans la ville. Il a déclaré que l’armée ougandaise se trouvait là pour assurer la sécurité et non pour prendre parti. Selon un témoin présent à cette réunion, l’un des commandants de l’armée ougandaise a menacé le gouverneur Molondo en disant qu’il avait reçu ordre des plus hautes instances militaires à Kampala de le neutraliser.[98] A 8 heures du soir ce soir là, l’armée ougandaise a attaqué la résidence du gouverneur. L’attaque a duré dix minutes seulement mais a suffi à causer une panique supplémentaire en ville. Les Lendu, craignant pour leur vie, ont couru chercher protection dans la résidence du gouverneur alors que les tueries se poursuivaient à Mudzi Pela et dans d’autres quartiers de Bunia.

Le 9 août 2002, à 2 heures de l’après-midi, l’armée ougandaise suivie par l’UPC, a de nouveau attaqué la résidence du gouverneur et le quartier environnant, connu sous le nom de sous-région, en utilisant des armes lourdes dont des tanks. Après une courte bataille, le gouverneur Molondo et les troupes APC ont fui à pied en direction de Beni. Après leur départ, les combattants UPC ont continué de tuer des civils lendu, nande et bira aux abords de l’hôpital principal, dans le quartier de Bigo et près de la prison centrale. Un témoin a rapporté le récit suivant : Le 11 août, j’ai enfin pu aller à la résidence du gouverneur. J’ai vu l’UPDF et les Hema qui pillaient les maisons. Dans la maison d’un commandant militaire nommé Pichu, il y avait cinq corps de femmes dont celui de la femme de Pichu et quatre autres. Toutes avaient été tuées par balle et sa femme avait une balle dans la tête. Dans la maison suivante, j’ai encore trouvé trois autres corps, ceux d’une femme et de deux enfants. Il y avait encore des gens qui cherchaient refuge là-bas. Plus loin, j’ai trouvé le corps d’un petit enfant. Ça m’a vraiment choqué. Dans la maison du gouverneur-adjoint, j’ai vu dix-sept corps, dont ceux de femmes et d’enfants. Après avoir vu tout ça, je suis retourné là où je restais. J’avais peur.[99]

Plusieurs fosses communes ont été découvertes, dont deux près de la résidence du gouverneur et d’autres près de la prison et de l’hôpital. Selon la MONUC, 110 personnes sont mortes au cours des violences d’août à Bunia et dans ses environs mais des sources locales ont estimé le nombre de morts à au moins 150. Les victimes étaient à la fois des civils hema et lendu dont beaucoup avaient été pris pour cibles pour la simple raison de leur appartenance ethnique. Plusieurs fosses communes ont par la suite été découvertes dont une avec vingt-six corps principalement de femmes et d’enfants, beaucoup portant des blessures par balles dans le dos.[100] Selon des témoins, certaines victimes ont aussi été jetées dans la rivière Chari.[101]

L’armée ougandaise a soutenu l’attaque de l’UPC qui a délibérément tué un nombre important de civils. De plus, cette armée a échoué, dans la plupart des cas, à protéger les civils qui ont été pris pour cibles dans la ville et dans ses environs, malgré la disponibilité d’un nombre important de soldats à moins de deux kilomètres. Les soldats ougandais se sont également joints à l’UPC et à d’autres pour piller des maisons et des magasins. Le Major David Muhoozi et le Capitaine Eddy Muwonge de l’armée ougandaise rejettent la responsabilité de ces abus, en affirmant qu’il s’agissait «d’une affaire congolaise.»[102]

Massacres et autres abus commis par l’UPC

Le gouvernement UPC et la montée de l’extrémisme

L’UPC fut le premier parti politique avec une assise ethnique en Ituri. Sa formation d’un gouvernement sous Thomas Lubanga en août 2002 a suscité la création de plusieurs autres mouvements à base ethnique cherchant à s’opposer à sa croissance (voir l’encadré ci-dessus). Initialement, l’UPC prétendait être un mouvement représentatif national, créé par des gens de la province d’Ituri afin d’apporter la paix et la réconciliation dans la région. Il serait financé par des hommes d’affaires hema dans la région qui auraient eu une influence non négligeable dans de nombreuses décisions politiques.[103]

D’août 2002 à mars 2003, l’UPC a contrôlé Bunia et la zone qui lui était immédiatement proche, y compris la plupart du territoire Djugu juste au nord. Même si l’UPC prétendait contrôler l’ensemble de l’ancien district d’Ituri, le mouvement ne contrôlait pas Mambasa à l’ouest et la zone de Kpandruma et Rethy au nord où les Lendu avaient leur base. L’UPC exerçait seulement un contrôle sporadique sur les zones alur et lugbara, proches de la frontière ougandaise. Au cours de cette période, l’ancien gouverneur d’Ituri, Jean-Pierre Lompondo Molondo nommé par Mbusa Nyamwisi du RCD-ML, a prétendu gouverner encore les régions occidentales d’Ituri qui étaient sous le contrôle militaire de l’APC.

Sur le papier, le gouvernement UPC apparaissait représentatif  avec un certain nombre de ministres appartenant à d’autres groupes ethniques mais en pratique, il était contrôlé par les Gegere, la branche nord du groupe ethnique hema. Certains représentants d’autres groupes ethniques ont rejoint le mouvement et le gouvernement sous la contrainte. L’un de ces ministres a ainsi raconté : J’ai décidé de rejoindre l’UPC pour des raisons de sécurité et non parce que je le voulais. Je cherchais à tout prix à protéger ma famille. Beaucoup de gens disparaissaient et j’ai pensé que je n’avais pas le choix. Chaque jour, je vais au travail et à la réunion du mouvement mais mon cœur n’y est pas. Beaucoup d’autres sont dans la même position.[104]

D’autres personnes ne souhaitant pas rejoindre l’UPC ou son gouvernement ont pris la fuite ou se sont cachées lorsqu’elles ont appris qu’elles avaient été nommées à des postes ministériels. [105]

A peu près au moment où l’UPC a établi son gouvernement, un groupe composé essentiellement de Gegere a tenté d’établir une politique plus clairement hostile aux Lendu pour le parti. Le groupe aurait inclus Adele Lotsove Mugisa, Jean-Baptiste Dhetchuvi et Richard Lonema, influent porte-parole hema localement. Selon des Hema maintenant en rupture avec l’UPC, ce groupe aurait prôné avec Lubanga – que le groupe aurait plus orienté que suivi – l’élimination des Lendu et des Ngiti afin de mettre un terme au conflit ethnique de façon définitive. Ils auraient proposé de tuer d’éminents responsables lendu et ngiti, en particulier des intellectuels et de rompre les relations économiques avec les communautés lendu.[106]

Un groupe hema maintenant opposé à l’UPC a déclaré: «Les réunions du mouvement ont créé des divisions parce qu’un groupe central comprenant Lotsove, Lubanga et Dhetchuvi a tenu des réunions à part, en kilendu, une langue que ne parlent pas les Hema du Sud. Il nous est clairement apparu qu’ils avaient une vision différente.»[107] Certains membres de l’UPC ont affirmé qu’ils s’opposaient à la nouvelle direction. L’une de ces personnes a expliqué: «Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, la logique du mouvement a changé pour s’orienter vers l’élimination des Lendu et des Ngiti. J’étais opposé à cela et je l’ai dit aux responsables.»[108] Après ses protestations, le dissident a estimé que les responsables planifiaient de le tuer et il a pris la fuite pour sauver sa vie.

Sur cette toile de fond d’un extrémisme en pleine expansion, l’UPC a fait pression pour l’autonomie de l’Ituri. Dans des déclarations publiques, ils ont demandé: «Pourquoi des personnes qui ne sont pas de l’lturi devraient-elles gérer notre territoire?»[109] Ils ont avancé l’argument que si le gouvernement national prenait le contrôle de la région, il pillerait l’Ituri comme d’autres l’ont fait avant lui. Certains responsables de l’UPC se sont exprimés en utilisant un vocabulaire faisant référence à un nouveau partage des gens entre «originaires» et «non-originaires».[110] S’il n’a jamais été très clair qui étaient les originaires, de nombreuses personnes ont estimé qu’il s’agissait des Hema et des Gegere. Les gens des autres groupes ont eu peur et ont éprouvé du ressentiment à l’encontre de l’UPC qui prétendait rassembler les habitants originels de la région.

L’attaque de Mabanga

Alors que les responsables de l’UPC ont commencé à définir toute personne n’étant pas dans leur camp comme un «ennemi», les groupes armés hema et gegere ont attaqué d’autres groupes qui s’étaient auparavant perçus comme neutres dans ce conflit. A Mabanga, une ville minière habitée par plusieurs groupes ethniques, par exemple, les milices gegere se sont tournées contre les «non-originaires» le 28 août 2002. Une attaque par les milices lendu venait juste d’être repoussée et les combattants gegere locaux ont forcé les «non-originaires» à les rejoindre pour chasser les combattants lendu qui se retiraient. Après avoir repoussé les assaillants à une distance sure, les combattants gegere s’en sont pris aux «non-originaires». Un témoin a raconté : Quand on est revenu du combat, les Gegere ont dit que tous ceux qui parlaient swahili et n’étaient pas originaires devaient partir tout de suite. Puis j’ai vu un groupe de Gegere qui était venu de Iga Barrière. Ils étaient en civil, ils couraient tous ensemble et étaient tous armés de lances, de machettes, de chaînes et de fusils. Ils chantaient: «Non-originaires massacrés, Bira tués.» Quelques minutes seulement après leur arrivée, ils ont commencé à tuer des gens. S’ils te voyaient et que tu avais la peau claire, ils te tuaient en criant «jajabo».[111] Ils tailladaient les gens à la machette sur les bras et sur la tête. Je les ai vus tuer des gens. Ils ont tué M. Totosca et aussi Ramon Faraho, deux personnes que je connaissais. Ils les ont coupés en morceaux avec leurs machettes puis ils les ont brûlés.[112]

Le massacre de Songolo

L’UPC s’est déplacé vers le Sud après avoir établi son contrôle sur Bunia et les zones environnantes. Les Ngiti, un peuple lié aux Lendu, qui vivaient dans cette zone ont ressenti une pression grandissante au fur et à mesure que l’UPC prenait des chefs lieux et des routes clefs. Ceux vivant près de Nyakunde étaient particulièrement inquiets parce qu’ils avaient un passé de disputes foncières avec les Bira, peuple localement important. Lors de la violence d’août à Bunia, les Hema ont attaqué les Bira, les assimilant aux Lendu. Cependant, dans cette région, peut-être à cause de la compétition pour la terre, les Bira étaient le plus souvent alliés aux Hema et voulaient chasser les Lendu, voyant leur présence comme une raison possible à l’importation de la guerre dans leur région.[113] En août 2002, les troupes de l’UPC ont remplacé une petite force ougandaise qui s’était retirée de Nyakunde la semaine précédente. Plusieurs civils ngiti ont été tués fin août, morts que les Ngiti ont imputés aux combattants hema.

Le colonel Khandro et d’autres venus d’un groupe de combattants ngiti ont rencontré les chefs communautaires ngiti à Songolo, une ville située à environ seize kilomètres de Nyakunde pour discuter de possibles actions militaires contre les Hema. Les chefs communautaires ont appelé à la retenue et ont obtenu que les combattants acceptent de ne pas attaquer Nyakunde et de lancer des opérations militaires uniquement dans les cas d’autodéfense.

Tôt le 31 août 2002, l’UPC et les Bira ont attaqué Songolo. Un témoin a raconté : L’UPC et les Bira ont attaqué en trois groupes, ils étaient environ 500 venant de trois directions différentes. Ils avaient des uniformes militaires. La plupart étaient de l’UPC. Le Commandant Bagonza a ordonné aux troupes d’attaquer Songolo. Il y était en personne, je l’ai vu. Ils étaient ensemble avec des Bira en civil qui avaient des machettes et des lances. Au centre de Songolo, il y a eu un affrontement entre des combattants ngiti et l’UPC et les Bira. Ils ont utilisé des mortiers et des roquettes. On a vu ça de l’endroit où on était, au bas de la colline. Neuf combattants ngiti ont été tués et plus de vingt Hema/UPC. Puis les combattants bira ont guidé l’UPC jusqu’aux maisons. Ils ont tué des gens, la plupart par balles, d’autres avec des machettes et des lances. J’ai vu surtout des vieux se faire tuer. Certains ont été attaqués pendant leur sommeil, dont des enfants et des femmes. Les combattants bira ont également décapité certaines personnes à la machette. Il y a eu 140 morts dont de nombreux femmes et enfants. On a demandé aux gens de sortir de la brousse pour enterrer les morts. On s’est relayé pour les enterrer.[114]

L’attaque a duré environ neuf heures. Des témoins ont eu le sentiment «d’être encerclés» alors que les attaquants entraient en ville, coupant les routes qui auraient pu permettre une fuite, y compris les petits sentiers. L’un d’eux a raconté : Je me suis caché dans les montagnes et je suis redescendu à Songolo à environ 3 heures de l’après-midi. J’ai vu beaucoup de gens tués et j’ai même vu des traces de sang là où on avait tiré les gens par terre. J’ai compté 82 corps, la plupart tués par balles. On a fait une étude et on a trouvé que 787 personnes manquaient. On a supposé qu’ils étaient tous morts mais on ne sait pas. Certains corps étaient sur la route, d’autres dans la forêt. Trois personnes ont même été tuées par des mines. Ceux qui ont attaqué connaissaient la ville et se sont postés sur les sentiers pour tuer les gens quand ils s’échappaient.[115]

Les responsables communautaires ngiti ont cherché de l’aide en informant la MONUC à Bunia et en soumettant un rapport sur les événements. La MONUC a effectivement informé son siège à Kinshasa, le 3 septembre 2002 que les soldats UPC avaient été vus en train de piller Songolo[116] mais aucune autre action n’a été entreprise. Les combattants ngiti ont accusé les responsables communautaires de laisser tomber leur peuple «puisque les rapports ne valaient rien.»[117] Ils ont commencé à planifier des représailles contre les Hema qui ont été menées à bien le 5 septembre 2002 à Nyakunde (voir ci-dessous).

Massacre à Mongbwalu

Mongbwalu, importante ville aurifère au Nord-Ouest de Bunia, au cœur de la concession Ashanti Goldfield a fréquemment changé de mains, suite à une série d’attaques et de contre attaques au cours du conflit. Mi-juin 2002, alors que le RCD-ML contrôlait encore Ituri, ses forces et la milice lendu ont attaqué des civils hema dans la ville tandis que la milice hema prenait pour cibles des civils lendu dans les quartiers excentrés. A la recherche de plus de sécurité, les gens se sont déplacés vers des quartiers habités par d’autres personnes appartenant au même groupe ethnique, un déplacement apparemment facilité par les chefs locaux. De nombreux civils hema ont quitté Mongbwalu à travers «des corridors sûrs» en direction d’autres régions. Ceux qui ont décidé de rester ont subi des abus infligés par les Lendu, dontdes exécutions sommaires de femmes et d’enfants accusés d’être des sorcières (voir plus bas).

Lorsque l’UPC a pris le pouvoir à Bunia en août, ses membres désiraient vivement prendre Mongbwalu afin d’avoir accès aux mines d’or. En octobre, ils ont attaqué la ville mais ont été repoussés par les combattants lendu et les soldats APC. L’UPC s’est regroupé et fin novembre 2002 a mené une autre attaque, cette fois-ci conjointe avec certains des soldats MLC de Bemba, des Ougandais et peut-être quelques Rwandais.

Les forces MLC de Bemba étaient dans la région depuis plusieurs semaines avec les troupes RCD-N de Lumbala. Ces troupes tentaient de pousser vers l’est en direction de certaines régions de l’Ituri contrôlées par le RCD-ML de leur rival, Mbusa Nyamwisi (voir plus bas). Leur campagne s’est fait connaître sous le nom «effacer le tableau» et les témoins de ces opérations ont alors fait référence aux soldats de Bemba en utilisant l’appellation «les effaceurs». De nombreux témoins ont également dit que des Ougandais avaient apporté leur aide à l’UPC. L’un d’entre eux a déclaré: «Les Hema et les Ougandais étaient toujours ensemble.»[118] Un autre témoin a expliqué leur tactique en disant que les Ougandais étaient devant et que les Hema étaient derrière lors de l’attaque.[119]

Au cours de leur seconde attaque, l’UPC a utilisé des armes lourdes, y compris des mortiers et d’autres engins explosifs, probablement fournis par l’un ou l’autre de leurs soutiens étrangers. Ils ont débuté leur attaque dans un village appelé Pluto, dans les faubourgs de Mongbwalu. Un témoin a raconté: Les Hema de l’UPC, les Ougandais et les «Effacer le tableau» sont venus à 11 heures le vendredi. Ils ont tous travaillé ensemble et ont attaqué Pluto, juste à l’extérieur de Mongbwalu. Ils sont entrés directement avec leurs fusils pour tirer sur la population. J’étais chez moi, à Pluto et j’ai entendu des cris et des mortiers tomber. Alors j’ai su que la guerre avait débuté. J’ai fui Pluto et j’ai couru jusqu’à Mongbwalu. J’ai vu que c’était des soldats qui nous attaquaient parce qu’ils avaient des treillis et certains portaient des bérets noirs. Ils avaient tous des fusils et ils étaient partout. Pendant que je courais, j’ai vu des gens qui étaient touchés par des balles. Des femmes et des enfants tombaient. Certains ne sont pas partis en courant et se sont cachés dans leur maison à Pluto. J’ai entendu après que ces gens avaient tous été massacrés. Les assaillants ont continué à tuer des gens pendant cinq jours à Pluto. Des gens qui se sont échappés de Pluto me l’ont dit même si très peu ont réussi à s’échapper. Puis, ils ont aussi attaqué Mongbwalu et j’ai encore dû fuir vers Saio, à environ cinq kilomètres de Mongbwalu. Les attaquants cherchaient des Lendu, des Ngiti et des Nande. Les combattants hema nous connaissaient alors ils pouvaient facilement savoir qui on était. Pourtant, d’autres personnes ont aussi été tuées. Un peu plus tard, ils sont aussi venus nous attaquer à Saio. J’ai dû fuir de nouveau. Ils ont tué beaucoup de gens.[120]

Un autre témoin a raconté ce qui s’était produit à Mongbwalu même : Les Hema et les «Effaceurs» sont venus en ville et ont commencé à tuer des gens. On s’est caché dans notre maison. J’ai ouvert la fenêtre et de là, j’ai vu ce qui se passait. Un groupe de plus de dix personnes armées de lances, de fusils et de machettes a tué deux hommes dans Cité Suni, au centre de Mongbwalu. Je les ai vus sortir les deux hommes de leur maison et les tuer. Ils ont pris Kasore, un Lendu d’une trentaine d’années, à sa famille et l’ont attaqué avec des couteaux et des marteaux. Ils l’ont tué ainsi que son fils (d’environ vingt ans) avec des couteaux. Ils ont coupé la gorge de son fils et lui ont ouvert la poitrine. Ils ont coupé les tendons de ses talons, ils ont écrasé sa tête et ont sorti ses intestins. Le père a été massacré et brûlé. On a fui vers Saio. Sur la route, on a vu d’autres corps … ils tiraient sur tout le monde, ils tiraient juste. Ceux qui prenaient une balle mouraient. La plupart des gens sont morts par balle. Beaucoup de gens ont aussi été tués à l’aéroport, par des machettes et des fusils. Il y avait encore plus de corps là bas, plus de trente. [121]

Un chercheur d’or qui travaillait à Mongbwalu a raconté : Il y avait deux groupes de miliciens hema: l’un avec des armes à feu, l’autre avec des machettes, des lances et des mukuki (un couteau aiguisé attaché à un morceau de bois qui est lancé). Le second groupe tuait les civils qui n’avaient pas fui. Les victimes étaient des Lendu et des Jajabo. La milice hema était sans pitié pour les gens. Ils les tailladaient à la machette et les tuaient.[122]

De nombreux civils ont fui avec les combattants lendu vers Saio, à quelques kilomètres. Lorsque l’UPC, le MLC et les assaillants ougandais les ont suivis après la prise de Mongbwalu, certains civils ont couru dans les forêts alors que d’autres ont tenté de se cacher dans Saio, notamment dans une église appelée «Mungu Samaki». Lorsque les combattants UPC ont découvert les gens dans l’église, ils les ont massacrés. [123]

Les combattants UPC ont capturé d’autres civils et les ont emprisonnés dans un camp militaire où ils les ont ensuite tués. Un homme emprisonné là-bas a raconté aux chercheurs de Human Rights Watch : On m’a emmené à la prison et je pouvais voir par la fenêtre de ma cellule. La milice hema tuait des gens appartenant à des groupes particuliers. Ils cherchaient spécialement les Lendu. Ils choisissaient les prisonniers à tuer. Ils les prenaient un à un pour les interroger, puis ils les libéraient ou les tuaient. Ils tiraient sur les gens devant les autres prisonniers. Ils leur attachaient les bras derrière le dos avec des fils de fer. Ils tailladaient leur tête avec des couteaux. Ils les faisaient s’asseoir puis ils les tuaient. Ils tiraient aussi sur tous ceux qui tentaient de s’échapper. Parfois, ils emmenaient des gens à l’extérieur et ils ne revenaient jamais. Ils ont tué environ vingt personnes, y compris des garçons de mon quartier que je connaissais. Je les ai même vus tuer deux Pygmées, un homme et une femme. Une autre femme est venue à la prison chercher son fils. Ils lui ont demandé pourquoi elle était venue puis ils l’ont tuée. Ils nous frappaient avec des fouets et des cordes. Ils nous interrogeaient aussi. Ils m’ont demandé où les Lendu et l’APC avaient fui. Je n’ai rien dit. J’ai réussi à m’échapper le lendemain. J’ai vu plus de dix corps en dehors de la prison. La milice hema était partout dans Mongbwalu et je me suis caché pour qu’ils ne me voient pas. J’ai vu des trous comme des tombes à la limite de la ville. Ils venaient d’être creusés et étaient couverts de terre. Je suppose qu’il y avait des corps dedans.[124]

Sur la base des déclarations des témoins, les organisations locales de défense des droits humains ont estimé qu’au moins 200 personnes avaient été tuées dans Mongbwalu et dans ses environs mais le bilan humain pourrait être bien supérieur. Au nombre des victimes, se trouvent Freddy Bosama, Lokana Kpakani et deux professeurs appelés Budhe et Lossa.[125] Un témoin a fait le récit suivant : Six jours plus tard, je suis retourné parce que je connaissais des Hema et je voulais récupérer mes affaires. Il n’y avait que des combattants à Mongbwalu et ils avaient tout pillé. J’ai vu que de nombreux Hema étaient revenus pour occuper les maisons des Lendu. J’ai compté cinq corps de civils dont ceux de femmes et d’enfants. J’étais venu à Mongbwalu depuis la forêt avec une autre fille qui se rendait à Saio. Je l’ai revue plus tard et elle m’a dit qu’il y avait de nombreux corps sur le bord de la route. De nombreuses maisons avaient aussi été brûlées. Les soldats ont pris de nombreux jeunes hommes ce jour-là pour enterrer les corps des gens qu’ils avaient tués.[126]

L’abbé Boniface Bwanalonga, curé ngiti de la paroisse de Mongbwalu a disparu  au cours de l’attaque de novembre. Certains rapports font état de sa détention par des combattants UPC en compagnie de deux religieuses. Ces dernières ont été libérées et sont ensuite retournées apporter de la nourriture à l’abbé mais les combattants UPC leur ont refusé la permission de le voir et leur ont dit de partir et de ne plus revenir. L’abbé Bwanalonga n’a plus été revu depuis cet épisode.[127] La coopération entre le MLC de Bemba et l’UPC de Lubanga était un fait nouveau. L’UPC a peut-être exploré la possibilité d’une réelle alliance avec le MLC alors qu’apparemment, le MLC était intéressé par un accès à l’or de Mongbwalu. Un témoin rentré à Mongbwalu aprèsles attaques a raconté: A ce moment, il était clair que c’était l’UPC qui contrôlait les choses. Le Commandant Bosco avait dirigé l’attaque mais il n’est pas resté longtemps après la fin de l’attaque. Les troupes du MLC étaient conduites par l’UPC. Ils parlaient tous lingala. J’ai parlé à quelqu’un que je connaissais dans ce groupe. Il m’a dit que l’UPC d’Aru leur avait demandé de venir attaquer Mongbwalu. On leur avait promis de l’or s’ils apportaient leur aide. Dès qu’ils ont pris Mongbwalu, ils ont organisé un système pour collecter des impôts et de l’or auprès des mineurs.[128]

Peu de temps après l’attaque, l’UPC a tenté de lancer les opérations pour trouver de l’or. Ceci nécessitait de la main d’œuvre et les mineurs les plus expérimentés étaient des Lendu et des «non-originaires». L’UPC a envoyé des messagers pour encourager la population à rentrer. Selon un témoin, «le commandant UPC a déclaré dans une réunion que l’UPC était pour tout le monde. Il a demandé à la population de rentrer, en particulier aux Lendu mais ils ont refusé.»[129] Quand quelques personnes sont rentrées, l’UPC a essayé de les utiliser pour persuader d’autres de faire la même chose. Un témoin a raconté: Gbala est aussi revenu et les Hema lui ont demandé d’aller dans la forêt et d’appeler les autres à rentrer. Il est effectivement allé dans la forêt et a dit aux gens la vérité, que leurs maisons avaient été pillées. Certains ont refusé de rentrer mais d’autres l’ont fait. Quand Gbala est rentré le 16 décembre 2002, il a été arrêté et accusé d’être contre l’UPC parce qu’il avait dénoncé le pillage. On l’a emmené en prison puis il a été tué.[130]

Parce que la plupart des Lendu ont refusé de rentrer, les troupes de l’UPC ont forcé d’autres personnes à commencer à travailler dans les mines. Un témoin a déclaré: De nombreuses personnes ont fui mais ceux qui sont restés à Mongbwalu ont dû travailler pour la milice hema à chercher de l’or. Il y avait trois équipes: ceux qui travaillaient le matin, ceux qui travaillaient l’après-midi et ceux qui travaillaient le soir. Ils n’étaient pas payés. C’était un travail dur. Ils devaient creuser sous de grosses pierres sans machine. Ils n’avaient que des outils à main comme des pioches. On leur donnait des bananes et des haricots à manger et ils étaient battus. Certains ont essayé de s’enfuir en faisant semblant d’aller aux toilettes. La milice hema surveillait les travailleurs. Comme les Lendu avaient pris la fuite, tous les autres groupes devaient creuser. Je les ai vus travailler là-bas le premier jour. Les Ougandais étaient aussi là-bas pour assurer la sécurité. S’ils n’avaient pas été là, cela aurait été terrible. La carrière appartenait à Mr. Baou. Avant, tout le monde creusait pour trouver de l’or mais les Lendu étaient considérés comme des experts.[131]

Dans ce cas précis, les soldats ougandais présents pour protéger les opérations de collecte de l’or ont apparemment également limité les abus de la milice à l’encontre des personnes forcées de travailler là-bas. Des témoins locaux ont rapporté que des Rwandais étaient présents lors de l’attaque de Mongbwalu, affirmant les avoir reconnus par leur langage, leur accent et leur apparence. Selon une personne, les combattants lendu ont capturé plusieurs Rwandais ainsi que des Ougandais lors des combats. Cette personne a affirmé: «Ils ont trouvé leurs cartes d’identité montrant qu’ils étaient ougandais et rwandais. Je les ai vus amener des Rwandais à Saio. Les Lendu nous ont appelés pour venir voir les Rwandais qu’ils avaient capturés.»[132]

Compte tenu de la tension entre l’Ouganda et le Rwanda, il est très improbable que des soldats réguliers de leurs armées aient coopéré dans des opérations militaires mais il est possible que des dissidents ou des rebelles de l’une des forces aient rejoint les forces régulières de l’autre force. Un journal spécialiste des questions minières a publié un article dans ce sens. Les Rwandais, qui fourniraient déjà formation et armes à l’UPC, auraient été poussés en partie par le désir d’exploiter les ressources locales en or. Lubanga aurait promis d’acheminer l’or par bateau via Kigali plutôt que Kampala.[133] Etablir l’identité de tous les auteurs d’abus à Mongbwalu demandera des investigations supplémentaires. Cependant, il est d’ores et déjà certain que les civils ont énormément souffert de ces exactions.

En plus des cas décrits ci-dessus, les chercheurs de Human Rights Watch ont recueilli des informations sur des meurtres délibérés de civils commis par des combattants UPC à Bolombo, fin août ou début septembre 2002 et à Zungulouka en octobre 2002.

Abus commis par l’UPC contre des Lendu et d’autres perçus comme des opposants politiques

Peu de temps après la prise de pouvoir à Bunia et avec la présence d’extrémistes à des positions de pouvoir, l’UPC de Lubanga a lancé une campagne d’arrestations arbitraires, d’exécutions et de disparitions forcées. Des témoins ont décrit cette campagne comme «une chasse à l’homme» menée contre les Lendu, les Ngiti, les «non-originaires» et d’autres opposés aux politiques extrémistes de l’UPC. Beaucoup ont fui et d’autres ont fait le choix de se cacher. Partout où l’UPC a pris le contrôle, il a initié une campagne contre «l’ennemi», notamment à Bunia, Mahagi et Aru. La campagne fut systématique et a souvent comporté un recours à la torture apparemment autorisée aux plus hauts niveaux de la hiérarchie UPC.

Les commandants Bagonza, Kisembo Bahemuka (chef d’état major de l’UPC) et Rafiki Saba Aimable (chef des services de sécurité de l’UPC) auraient dirigé cette campagne. Deux endroits utilisés comme prisons à Bunia ont acquis une certaine notoriété comme étant des lieux d’exécution et de torture. Il s’agit du Bureau Deux,[134] un ancien entrepôt sur l’une des principales rues de Bunia et de la maison du Commandant Bagonza lui-même, toute proche de la rue principale, dans le centre ville. Les chercheurs de Human Rights Watch ont recueilli des informations sur plus de 100 personnes victimes de cette campagne, dont les cas décrits plus bas.

Le 28 septembre 2002, Adriko Johnson, maire adjoint de Bunia âgé de trente ans et membre éminent de l’UPC, a disparu après une réunion du parti. Un certain nombre de Lendu ont attesté que M. Johnson leur avait donné refuge dans sa maison lorsque les troupes de l’UPC cherchaient des Lendu en août.[135] D’autres témoins ont attesté que Johnson avait voulu stopper les attaques spécifiquement dirigées contre les Lendu et les Ngiti, en avançant que le mouvement ne pouvait reposer sur un seul groupe ethnique. Selon des rapports, il a été emmené à la maison du Commandant Kisemu, chef d’état major de l’UPC, la nuit de sa disparition. Là-bas, il a été interrogé puis exécuté quelques jours plus tard. Son corps n’a jamais été retrouvé. Ses amis et sa famille ont appelé l’UPC à lancer une enquête. L’un d’eux a dit aux chercheurs de Human Rights Watch: «Quand on posait des questions sur l’endroit où il se trouvait, l’UPC ne voulait pas répondre. Ils ont dit qu’ils allaient faire des recherches mais ils ne l’ont pas fait. Les services de sécurité de l’UPC affirment que c’est un cas très compliqué mais jusqu’à ce jour, on ne sait rien. On a même parlé aux Ougandais et au Président Lubanga mais eux non plus n’ont rien fait. C’est toujours le silence en retour.»[136]

Chef Bulamuzi Dieudonné, un chef traditionnel de Nyakunde âgé de 40 ans, a été tué à Bunia le 5 septembre 2002. Il lui avait été demandé de rejoindre l’UPC mais il avait refusé. Il aurait été torturé au Bureau Deux puis libéré. La même soirée, six soldats de l’UPC sont venus le tuer à 100 mètres environ de chez lui.[137] Un jeune étudiant, accusé d’être un combattant lendu a été emmené par la milice UPC dans une prison souterraine située dans l’enceinte de la résidence du gouverneur à Bunia où il a passé au moins quatre jours avec des cadavres. Il a ensuite été emmené à la prison du Commandant Bagonza où il a été si violemment torturé qu’il en porte encore les cicatrices sur tout le corps. Ses tortionnaires lui ont mis une pierre dans la bouche et ont piétiné sa tête. Il a crié et s’est évanoui. Ils l’ont ranimé en le fouettant et en l’arrosant d’eau. Des soldats ougandais situés non loin l’ont entendu crier et sont intervenus pour mettre un terme aux abus. Il s’est ensuite échappé.[138]

Les personnes soupçonnées d’être en contact avec le gouvernement RDC ou avec les autorités du RCD-ML à Beni étaient considérées comme des ennemis et souvent soumises à des arrestations arbitraires, des actes de torture et parfois des exécutions : Le 9 décembre 2002, je parlais avec ma famille à Aru quand des soldats de l’UPC sont entrés dans la concession. [Des commandants]…ont ordonné aux soldats de tirer sur toute personne qui tenterait de fuir. Ils nous ont forcés à nous déshabiller, nous ont attachés et nous ont fait nous coucher, face contre terre. Puis, ils nous ont battus avec de gros bâtons sur les jambes, les fesses et le dos. Le Commandant Ali nous a accusés de communiquer avec Kinshasa, Beni, les Lendu et Aru pour déclencher la guerre à Bunia mais j’étais simplement un étudiant. Ils ont dit qu’ils essayaient de trouver du pétrole pour me brûler. J’ai prié et ils se sont moqués de moi en disant que Dieu ne pouvait pas me sauver. On m’a ensuite emmené à la maison du Commandant Bosco et on m’a mis dans un large trou dans le sol. Ils nous ont battus jusqu’à ce qu’on pleure. Il y avait d’autres prisonniers dans le trou qui étaient dans un état terrible. On était 20 au total. Il y avait deux hommes lendu qui semblaient avoir été battus vraiment très méchamment: Ngdjole et Lobo, qui avait un bras cassé et un homme nande appelé Kasiko. La nuit du 12 décembre, les soldats sont venus avec des fusils et ont appelé ces trois hommes. Toute la journée, ils les avaient harcelés en leur demandant comment ils voulaient mourir. On leur criait que ce qu’ils faisaient était illégal mais ils ont quand même emmené les hommes. On les a entendus pleurer et dix minutes plus tard, les soldats sont revenus. On m’a dit que les trois hommes avaient été tués. Ce n’était pas un endroit normal. C’était un lieu d’exécution.[139]

Dans ce cas et dans ceux décrits plus bas, les témoins ont donné le nom de leurs bourreaux aux chercheurs de Human Rights Watch. Le 11 novembre 2002, les autorités UPC ont arrêté le juge le plus expérimenté en Ituri, Jacques Kabasele, l’accusant d’avoir des contacts avec leurs ennemis. Le juge a relaté les faits suivants : J’étais chez moi lorsque deux personnes du DGM [Département de la sécurité intérieure] et un soldat m’ont dit que j’avais été convoqué par leur chef. Ils m’ont remis un «bulletin de services» qui disait qu’on me demandait pour une enquête. Ils m’ont arrêté et m’ont emmené dans l’une des cellules de la prison de la DGM. Pendant deux jours, j’ai attendu. Il n’y avait pas de chef d’inculpation formel contre moi et je n’avais pas le droit de faire appel à un avocat. Le 13 novembre, à 7 heures du matin, une équipe est venue pour m’interroger dont des officiels de la DGM. Ils m’ont posé de nombreuses questions, si j’avais été en contact avec Beni, Kinshasa ou l’extérieur. Ils m’ont accusé d’être en contact avec Kabila, Mbusa Nyamwisi et l’ancien gouverneur Molondo mais ce n’était pas vrai. Ils m’ont dit que mon ordre d’arrestation était venu du Président Lubanga et puis ils sont partis. Je n’ai pas été physiquement menacé et je crois qu’ils faisaient plus attention que d’habitude parce qu’ils savaient que je connaissais le droit. Ils m’ont gardé en prison pendant dix-huit jours puis ils m’ont libéré. Aucune accusation n’a été portée contre moi. J’ai demandé un document officiel pour expliquer mon absence au travail et je voulais aussi que mon dossier soit vierge. Je n’ai reçu aucun document et le Président de l’UPC, Lubanga, a refusé de me rencontrer. Je ne peux pas me déplacer librement et souvent, je ne dors pas chez moi. Les gens ici ont peur. Ceux de l’UPC font ce qu’ils veulent et ne respectent pas la loi.[140]

Si des officiels de haut rang ont été accusés de trahir l’UPC, ce fut également le cas pour de simples travailleurs. Les transporteurs à bicyclette, connus localement sous le nom de Kumba Kumba,[141] ont été soupçonnés de transporter des messages de Beni ou Mongbwalu à Bunia. Le 23 août 2002, les autorités UPC se sont rendues dans un entrepôt où les transporteurs à bicyclette vont d’ordinaire chercher leurs marchandises. Ils ont arrêté onze hommes dont Mahamba Kisala, Tavugha Nzuva, Kalandero Kambale et Sivyalo Ndungo. Un témoin a raconté: L’UPC a demandé aux transporteurs leurs cartes d’identité. La plupart avaient deux cartes d’identité pour faciliter leur travail, une de l’endroit d’où ils sont et une pour là où ils vont. C’est tout à fait courant. Mais l’UPC a utilisé cela comme une excuse pour les arrêter et ils leur ont aussi demandé de l’argent. Ils les ont emmenés au Bureau 2 et on ne les pas revus depuis. Quelques jours plus tard, des corps ont été jetés dans la rivière Chari à Bunia. Je ne sais pas combien de corps il y avait mais quelqu’un que je connais … a reconnu les corps comme étant ceux des Kumba Kumba arrêtés plus tôt. Il n’y a maintenant plus aucun transport à bicyclette parce que les gens ont trop peur.[142]

Une campagne similaire a été conduite dans des zones du Nord de l’Ituri comme à Mahagi et à Aru où les troupes de l’UPC ont menacé, torturé et tué de nombreux hommes d’affaires impliqués dans le commerce avec les Lendu. Deux hommes d’affaires alur ont raconté : Le 23 novembre 2002, on a été arrêté sur la route à Aru par deux commandants UPC. Ils nous ont emmenés à leur quartier général puis quatre soldats nous ont battus avec des bâtons pendant plus d’une heure sur le dos, les jambes et les fesses. Ils nous ont accusés d’être pro-Lendu et contre l’UPC. Après nous avoir battus, ils nous ont mis dans un container[143] qu’ils utilisent comme prison. Il y avait quatre autres personnes en plus de nous détenues là bas. On nous a gardés pendant onze jours. Nos femmes ont dû payer à l’UPC U.S.$4 par repas pour nous nourrir. Sous la pression des autres, on a été libéré et puis, on a fui. Il y en a beaucoup d’autres comme nous ici.[144]

Inquiets que leurs abus ne soient connus, les autorités UPC ont aussi pris pour cibles ceux qui avaient parlé à la MONUC et aux journalistes internationaux. Un étudiant lendu soupçonné de contacts avec la MONUC a raconté : Les soldats UPC m’ont arrêté le 29 octobre 2002 et m’ont emmené chez le Commandant Bagonza. Je l’ai vu sur la véranda. Quand on est arrivé là bas, ils m’ont jeté à leurs collègues. Ils m’ont donné des coups de pied et ils m’ont frappé avec la crosse de leurs fusils. Ils m’ont déshabillé. Ils m’ont tiré jusqu’à un puits peu profond et m’ont jeté dedans. Ils m’ont frappé avec des pierres. J’ai mis mes bras sur ma tête. Ils m’ont demandé ce que je faisais à la MONUC mais ils ne m’ont pas laissé répondre. On était sept au total dans un espace de deux mètres carrés. D’autres prisonniers ont dit que la veille, des soldats avaient tué par balle un prisonnier civil lendu. Le lendemain matin, les soldats m’ont emmené au Commandant Bagonza qui m’a interrogé sur mes contacts avec la MONUC. Je lui ai dit. Il a dit: «Si tu continues à mentir, tu vas finir comme les autres, mort.» Il m’a interrogé pendant quinze minutes environ … Quand je suis allé chercher de l’eau, ils m’ont battu avec des bâtons, comme une chèvre. Puis ils m’ont remis dans le puits. J’ai été libéré seulement parce que la MONUC est intervenue.[145]

L’équipe de la MONUC à Bunia avait connaissance de certains des cas d’exécutions arbitraires, d’arrestations et de tortures et a rapporté une vingtaine d’entre eux, impliquant de nombreuses personnes, au siège de la MONUC à Kinshasa en septembre et octobre 2002. Ces rapports incluaient notamment l’affaire du 9 septembre avec l’arrestation par l’UPC d’environ trente-trois hommes d’affaires locaux, celle du 12 septembre avec le meurtre, à l’extérieur de Bunia de dix hommes et six femmes dont les corps ont ensuite été jetés dans la rivière et une autre, le 14 septembre avec l’arrestation par l’UPC d’un homme d’affaires, plus tard retrouvé mort dans la ville de Bunia.[146] Malgré ces rapports, aucun membre du personnel droits humains du siège de la MONUC n’est venu mener l’enquête avant janvier 2003 et aucune dénonciation publique n’a été prononcée concernant ces graves abus. Dans plusieurs cas cependant, le personnel de la MONUC est intervenu sur le moment pour stopper les abus et pour organiser la libération de personnes arbitrairement arrêtées.[147]

Honoré Musoko, avocat et président de Justice Plus, une organisation de défense des droits humains basée à Bunia, a cherché à défendre plusieurs personnes victimes d’abus commis par les autorités UPC.[148] Il s’est alors retrouvé accusé de travailler pour l’ancien gouverneur Molondo et d’être un ennemi de l’UPC. Maître Honoré a fui la région en novembre 2002 mais les autorités de l’UPC ont lancé un raid contre son organisation, Justice Plus, le 5 février 2003 après un entretien donné à une radio internationale concernant les droits humains en Ituri. Ayant trouvé les bureaux de Justice Plus vides, les autorités UPC se sont alors rendues dans les bureaux de Bunia Business Communications, organisme qui appartient à Maître Honoré. Deux employés y ont été arrêtés, un téléphone par satellite et du matériel informatique ont été saisis. Les deux employés ont ensuite été libérés sans inculpation mais dans la crainte d’un traitement similaire, d’autres membres de Justice Plus ont fait le choix de se cacher.[149]

Lorsque les chercheurs de Human Rights Watch ont soulevé ce cas avec le Président de l’UPC, Lubanga et le Ministre UPC des Affaires Etrangères, Jean-Baptiste Dhetchuvi, ils ont répondu que l’équipement avait été saisi parce qu’il était utilisé pour une «propagande négative». Ils avaient saisi cet équipement, ont-ils dit, «pour les faire réfléchir et les calmer», ajoutant que les militants des droits humains «créaient des situations dangereuses pour eux-mêmes.»[150] Le lendemain de cette rencontre, l’équipement de Justice Plus a été rendu.

Un journaliste étranger, Gabriel Khan, a suscité la colère des responsables UPC quand il a rapporté, début 2003, sur une télévision internationale, la situation critique de plus de 100 Lendu qui avaient trouvé refuge dans une maison abandonnée de Bunia. Lors d’un entretien avec Human Rights Watch, Lubanga a qualifié Khan de «criminel» impénitent et l’a rendu responsable «d’avoir transformé l’Ituri en une région explosive.» Il l’a accusé d’avoir «donné de fausses informations au public ce qui est pire que d’utiliser des armes à feu et des machettes.»[151] Les autorités de l’UPC ont été particulièrement contrariées par le fait que Khan ait diffusé une déclaration faite par un Lendu affirmant qu’il ne voulait pas que les soldats ougandais partent parce qu’il craignait, avec leur départ, que les Hema ne le tuent.

Au moment où nous rédigeons ce rapport, il semble que les autorités UPC n’ont enquêté sur aucun de ces abus et n’en ont tenu personne pour responsable. Nombre de ceux impliqués dans des abus contre les droits humains continuent d’occuper des positions d’importance à l’UPC.

Massacres et autres abus commis par l’APC et par des groupes armés lendu et ngiti

Les combattants lendu et ngiti ont massacré des civils des groupes hema, gegere et parfois bira fin 2002. Parmi les cas que les chercheurs de Human Rights Watch ont étudiés se trouvent le massacre de Komanda en août et début septembre 2002, celui de Nyakunde le 5 septembre 2002, celui de Nizi le 11 octobre 2002 et ceux de Blukwa et Logo en octobre 2002. Se percevant souvent comme des victimes, les combattants lendu et ngiti estimaient apparemment que leurs attaques étaient des représailles justifiées contre des violences antérieurement commises par des Hema. Soutenus par le RCD-ML de Mbusa Nyamwisi et à travers lui, par le gouvernement RDC, les groupes lendu et ngiti ont parfois mené à bien des opérations conjointes avec les troupes de l’APC. En réponse à l’accession au pouvoir du groupe hema via l’UPC, les Ngiti et les Lendu ont aussi établi leurs propres partis politiques notamment le Front Nationaliste et Intégratif (FNI) et la Force de Résistance Patriotique en Ituri (FRPI) qui collaborent de façon rapprochée. Le FRPI est souvent perçu comme la branche armée du FNI. Certains des responsables de ces massacres ont ensuite joué un rôle important dans ces partis.

Le massacre de Nyakunde

En réponse aux attaques de l’UPC contre Songolo décrites plus haut, le Colonel Khandro, ngiti et le commandant Paluku Faustin, APC ont lancé une attaque en représailles contre Nyakunde, le 5 septembre. Sur une période de dix jours, ces forces ont systématiquement massacré au moins 1200 civils hema, gegere et bira dans la ville ainsi que dans le Centre Médical Evangélique (CME), un hôpital soutenu par l’église.[152]

Au cours de l’attaque, le Commandant Faustin aurait dit au personnel de l’hôpital que des combattants ngiti voulaient attaquer l’hôpital, l’un des plus grands ensembles hospitaliers et centres de formation de l’Est de la RDC et l’un de ceux où travaillaient plusieurs médecins expatriés. Ces combattants auraient vu cette attaque comme un moyen d’attirer l’attention internationale sur leur cause. Le commandant a prétendu qu’il s’était personnellement opposé à ce plan. En accord avec le chef du RCD-ML, Nyamwisi, il voulait une attaque ciblée sur une défaite infligée aux soldats UPC et sur la prise de Nyakunde en prélude à la reprise de Bunia. Le commandant Faustin a affirmé que les Ngiti et lui étaient finalement tombés d’accord pour attaquer le camp UPC et pour tuer les Hema qu’ils y trouveraient, puis pour piller le centre commercial. L’hôpital devait en revanche être épargné.[153]

S’il y a jamais eu un accord de ce type, certains combattants ngiti ont immédiatement montré qu’ils ne le respecteraient pas. Un témoin a raconté: J’ai vu une colonne de Ngiti descendre de la montagne. Comme les groupes entraient en ville, ils sont partis dans des directions différentes de façon tout à fait organisée. Un groupe est allé à gauche et un autre à droite pour encercler la piste d’atterrissage. Quelques instants plus tard, on a entendu des coups en provenance de trois directions différentes, comme un signal. Puis un second groupe a descendu la route en direction du centre de la ville. J’ai entendu le commandant crier: «Ne toucher pas à l’hôpital». Puis, un troisième groupe est apparu quelques instants plus tard. Leur commandant leur a aussi crié de ne pas toucher à l’hôpital mais ils lui ont immédiatement désobéi et sont entrés dans l’enceinte de l’hôpital où ils ont commencé à tuer des gens. Je les ai vus tuer une femme bira qu’ils ont laissée mourir au carrefour. J’ai vu une autre femme se faire tuer par flèche. Après le troisième groupe, un autre groupe est arrivé. L’arrivée de ces quatre groupes, comme par vagues successives, a pris moins d’une heure. Il y avait un combat près du camp de l’UPC qui a duré pendant plusieurs heures même si le premier groupe seulement participait à ce combat. Tous les autres sont entrés dans l’enceinte de l’hôpital et ont commencé à tuer des gens.[154]

L’APC et les combattants ngiti ont détruit le camp UPC au cours des premières heures de l’attaque. Mais ils ont poursuivi l’opération en l’orientant vers une recherche systématique des civils hema, bira et gegere. Selon des témoins, les combattants ngiti auraient désigné cette opération du nom «d’opération Polio», signifiant ainsi une recherche maison par maison similaire à une campagne de vaccination. Ils ont poursuivi les tueries pendant au moins dix jours.

La milice ngiti, qui portait des vêtements civils et des fétiches, était essentiellement équipée d’armes traditionnelles telles que machettes, lances, couteaux et haches. Certains, en nombre plus réduit, portaient des armes à feu. Une femme a raconté: J’étais au marché à vendre des fruits et des légumes. On a vu des gens descendre des collines en criant. On ne savait pas ce qui se passait. Ils sont allés à l’hôpital et ont tué tous ceux qu’ils trouvaient. Ils voulaient tuer ma mère. J’ai crié que ma mère n’était pas hema. Ils ont tué deux femmes, Marie-Louise et Françoise, entre vingt et vingt-cinq ans, toutes les deux bira et deux enfants, dont ma propre fille de huit mois. Sept combattants ngiti les ont massacrés devant moi. L’autre enfant était un petit garçon d’un an.[155]

Un homme qui était à l’hôpital a raconté: Par la fenêtre de l’une des chambres de l’hôpital, je les ai vus entrer en cassant la barrière. Ils étaient nombreux et ils sont entrés de force dans le bâtiment où je me trouvais et ont commencé à tuer des gens. Ils leur tranchaient la gorge et prenaient leur cœur ou des morceaux de la gorge. Parfois, ils enlevaient la chair des os des cuisses des gens et la mettait dans leurs sacs. Ils demandaient aux gens de quel groupe ils étaient parce qu’ils cherchaient des Hema, des Bira et des Gegere. Le premier jour, je les ai vus tuer seize personnes.[156]

Certains assaillants connaissaient les victimes qu’ils avaient l’intention de tuer et les cherchaient, en les appelant par leur nom. Un témoin a raconté: Quand ça a commencé, j’étais à l’hôpital et j’ai entendu des cris. Les gens couraient partout. Je les ai entendus appeler des gens par leur nom. L’un d’eux est entré en courant dans ma chambre, terrifié et j’ai caché cette personne sous la machine à coudre et l’ai couverte avec des couvertures.[157]

L’une des personnes prises pour cibles a raconté: Je me suis caché dans le plafond de la salle des soins intensifs avec d’autres mais les attaquants ont essayé d’entrer. Ils ont utilisé de grosses pierres pour forcer la porte et ils ont ensuite commencé à tuer. Dans la salle de chirurgie pour hommes, ils ont tué douze personnes, toutes des patients hema. Ils ont juste jeté leurs corps dans les latrines.[158]

Les assaillants ont forcé des gens d’autres groupes ethniques et du personnel hospitalier à les aider à trouver les victimes. Une autre personne prise pour cible a raconté: Je me suis caché dans le plafond de la salle d’opération avec le Pasteur Salomon, sa famille et d’autres. On a passé quatre jours là bas. On descendait juste pour aller chercher de l’eau et après, on remontait. Il faisait très chaud et il n’y avait pas de nourriture. On était quatorze là bas, certains travaillaient à l’hôpital, certains étaient étudiants, il y avait des femmes. Le mardi [le 10 septembre 2002], l’APC et les Ngiti sont allés voir le docteur et lui ont dit que s’il ne remettait pas les Hema qui se cachaient sur place, ils le tueraient. Le docteur les a suppliés mais ils ont insisté. Il a été forcé d’ouvrir la salle d’opération où on se cachait. On a dû descendre. Ils ont noté nos noms et l’administrateur a remis la liste. On était quatorze et il y avait des Hema, des Gegere, des Lendu et des Alur. Ils ont relâché deux femmes, une Alur et l’autre, une Lendu. Ils ont gardé les Hema et les Gegere. Les soldats ont dit qu’on devait rester calme et qu’ils allaient nous donner de la nourriture mais que si on prenait la fuite, le docteur aurait des ennuis. Ils nous ont donné beaucoup de nourriture mais on ne pouvait pas manger beaucoup.

Ils sont revenus quelques heures plus tard pour nous prendre. Ils nous ont attachés les uns aux autres avec des cordes autour de nos poignets sauf pour le Pasteur Salomon qui avait les bras attachés derrière le dos, puis était attaché aux autres. Ils ont fouillé tout l’hôpital et ont pris beaucoup de gens qui se cachaient. Ils nous ont tous fait nous asseoir dans le couloir. L’APC et les combattants ngiti nous gardaient et nous frappaient. Ils nous ont fait mettre les mains sur la tête. Ils ont dit que si on baissait les mains, ils nous battraient. Ils ont fouillé chaque pièce. Ils nous ont frappés et nous ont demandé notre appartenance ethnique. Ils ont dit: «Si vous dîtes la vérité, cela vous sauvera peut-être. Si vous mentez, vous mourrez.» On ne savait pas quoi dire. Ils m’ont demandé et j’ai dit hema. Ils ont dit: «Tu dis la vérité.» Les combattants ont dit qu’ils allaient nous tuer. Ils ont pris ma chemise et ma montre. Ils m’ont frappé avec des torches, ils m’ont donné des coups de poing et des coups de pied. Je n’ai rien dit. Vers dix heures du soir, ils nous ont dit de nous aligner. On a marché avec d’un côté des combattants ngiti et de l’autre, l’APC, sans savoir où on allait. En tout, on était plus de soixante-dix, dont des femmes qui venaient juste d’accoucher et des patients sous perfusions … Ils nous ont fait aller dans une maison, dans la concession des infirmières. On a passé une nuit là-bas. C’était très petit et surpeuplé. On a juste prié. Les soldats et les combattants ngiti montaient la garde à l’extérieur et entraient pour vérifier la situation. Ils nous battaient. Dans la chambre où on était, un bébé de deux semaines est mort. Son corps a été jeté dans les latrines. Sa mère n’avait pas de lait pour le nourrir. Les gens pleuraient, urinaient et déféquaient dans cette pièce.[159]

Un membre du personnel de l’hôpital a raconté comment ils avaient tenté de faire appel au commandant ngiti. Il a affirmé: On est allé vers le colonel Khandro pour lui demander si on pouvait voir les gens qui avaient été enlevés de l’hôpital la nuit précédente. Ils nous a permis de parler avec eux à travers une petite fenêtre dans l’aile du bâtiment qu’ils utilisaient comme prison. On a réussi à parler avec le Pasteur Solomon qui nous a dit qu’ils étaient environ soixante dix dans le bâtiment et que beaucoup étaient attachés. Il a dit qu’il était avec sa famille, sa femme et son petit bébé. On pouvait voir des gens assis et d’autres debout. La pièce était surpeuplée. Il a demandé de l’eau pour tout le monde parce qu’ils n’avaient rien eu à boire depuis qu’ils avaient été pris la nuit précédente. On est retourné voir le Colonel Khandro pour demander la permission d’apporter de l’eau aux gens. Il a refusé et a dit que ce n’était pas nos affaires. On s’est senti complètement abattu et on a pris la décision qu’on devrait faire tout ce qui était possible pour quitter Nyakunde. Il n’y avait plus d’espoir.[160]

Après des jours de négociation, le personnel hospitalier qui restait a finalement été autorisé à quitter l’hôpital, tard le 12 septembre. Escortés par huit soldats APC et portant quelques biens, un peu d’équipement et des médicaments, quelques centaines d’employés de l’hôpital ont accompli un voyage à pied de dix jours, vers le sud en direction d’Oicha. Ils ont laissé derrière eux un hôpital détruit, des centaines de morts et certains de leurs amis et collègues détenus prisonniers. «Alors qu’on s’éloignait en marchant, les combattants ngiti ont vérifié avec soin tout le groupe toujours à la recherche d’ennemis.» a raconté une personne ayant participé à cette longue marche. «Sur la route, on a vu le corps d’un homme dont la gorge venait d’être tranchée. C’était un bien triste rappel de ce qui pouvait nous arriver. On était tous si silencieux et tristes.»[161]

Les combattants ngiti et l’APC ont interrogé les prisonniers restants et ont libéré ceux qui n’étaient pas hema, bira ou gegere. Quelques autres ont réussi à s’échapper. Les prisonniers qui restaient ont été séparés en groupes selon leur force. Un témoin a fait le récit suivant : Le matin, à 6 heures 40, ils sont venus et ont détaché les cordes des femmes parce qu’on avait dormi attachés. Ils ont séparé les femmes plus fortes et ont emmené environ soixante parmi nous. Un total similaire d’environ soixante hommes et femmes plus faibles, y compris la femme du Pasteur, est resté. Ils nous ont donné des charges à porter comprenant les choses qu’ils avaient pillées. J’ai dû porter du matériel de toiture. Ils ont dit: «On va porter ça dans notre village, Singo.» On a porté ça sur plusieurs kilomètres, en montant, au-delà de la rivière Talolo. Sur la colline, il y avait une plaine et on a vu une troupe de combattants. Ils nous ont fait nous diriger dans cette direction. Quand on est arrivé à Singo [à dix-huit kilomètres], j’ai entendu qu’un groupe précédent était déjà arrivé là-bas et avait été tué. On était le second groupe. Ils nous ont mis dans une maison comme une prison. C’était surpeuplé et suffocant. Les enfants pleuraient. On ne pouvait pas respirer, ni même s’asseoir.

Le samedi [14 septembre 2002], le troisième groupe de prisonniers est arrivé. C’était les hommes dont le Pasteur Salomon. Il était épuisé après avoir porté des munitions et il n’avait pas mangé. Il s’était évanoui sur la route. Les Ngiti ont dit que c’était un homme politique et qu’il devait être tué. Certains parmi les autres n’étaient pas d’accord et ont dit qu’ils devraient attendre l’arrivée du Colonel Khandro avant de le tuer. Ils sont retournés pour chercher le Pasteur qui était tombé et le ramener. Je l’ai vu. Il portait juste un short marron. Ils l’ont porté et l’ont appuyé contre un autre homme. Puis ils l’ont «testé». Ils l’ont accusé d’appeler la milice hema depuis Bunia pour tuer des Lendu et de jouer la politique contre les Ngiti. Il a nié avoir parlé avec la milice hema. Ils l’ont frappé. Il a nié être impliqué dans la politique. Puis ils ont «testé» d’autres personnes. Chacun de ces tests durait dix minutes environ mais le Pasteur était le seul accusé d’implication dans la politique. Aux autres, on a juste dit qu’ils causaient des problèmes parce qu’ils étaient Bira ou Hema. Puis, ils les ont emmenés vers deux autres prisons.

Le lendemain matin, un combattant ngiti a annoncé que le pasteurétait mort. Il a dit: «Le pasteur est mort avant son heure.» Quelqu’un d’autre m’a dit qu’il avait été tué à cause de son implication dans la politique. Son corps a été coupé et les morceaux jetés dans les latrines. A environ 5 heures du soir le dimanche [15 septembre 2002], le Colonel Khandro est arrivé. Il était en colère parce qu’on était encore tous prisonniers. Il a déclaré que tous les gens dans les prisons devaient être tués.[162] L’un des prisonniers était une fille rwandaise hutu âgée d’environ dix-huit ans. Khandro était très énervé. Il a dit: «Vous avez encore les otages?» Il a fouetté les gardes puis a lui-même tué Kasima avec un couteau à double tranchant. Je l’ai vu la tuer. Je suis parti en courant. A environ 6 heures ce soir là, Khandro a donné l’ordre de tuer ceux qui restaient dans la prison. Les gens des deuxième et troisième groupes ont été emmenés en brousse et ont été tués là-bas. Je pense qu’il y avait environ soixante personnes dans chaque groupe. J’ai vu quand les combattants ngiti revenaient avec leurs couteaux et leurs lances couverts de sang et avec les vêtements des prisonniers. Ils les ont tués rapidement. Je me cachais et j’avais très peur.[163]

Le second jour, l’APC et les combattants ngiti avaient installé des barrages pour s’assurer qu’aucun Hema, Gegere ou Bira ne s’échappent de Nyakunde. Des témoins ont raconté: L’APC et les Ngiti nous ont arrêtés juste à l’extérieur de Nyakunde. Ils nous ont demandé notre groupe ethnique et ont demandé nos cartes d’identité. Ils ont séparé les gens en groupes: ceux de Kivu d’un côté et les Hema et les Bira de l’autre. Les Bira ont prétendu qu’ils étaient d’autres groupes. Certains Bira ont dit qu’ils n’avaient pas de carte. L’APC nous a dit que si on cachait des Bira ou des Hema, ils nous tueraient.[164]

Au cours de ces journées de tueries, le commandant Hilaire du 13ème bataillon de l’APC a été envoyé de Komanda à Nyakunde pour évaluer la situation. Il a affirmé aux chercheurs de Human Rights Watch qu’il n’avait pas vu de corps de civils lors de sa visite mais seulement les corps de combattants UPC. Il n’est pas resté longtemps et a escorté le personnel médical jusqu’à sa sortie de Nyakunde, laissant derrière lui de nombreux autres civils qui auraient pu être sauvés.[165] Le Commandant Hilaire et le Commandant Faustin auraient tous les deux apparemment rapporté les faits au chef d’état major de l’APC. Le Président du RCD-ML, Nyamwisi a lui-même admis avoir eu connaissance du massacre de Nyakunde. Il a affirmé aux chercheurs de Human Rights Watch: «Je suis au courant des événements mais nous n’avons pas donné d’ordre pour que cela se produise », a-t-il déclaré.[166] Les troupes de l’APC «ont été débordées en nombre et prises en otages par les Ngiti », a-t-il continué et il a ajouté qu’il «n’avait aucun contrôle sur elles au moment des événements de Nyakunde.»[167] Selon des témoins, certaines troupes del’APC ont parfois tenté de stopper les tueries mais ont été incapables de contenir les combattants ngiti.

En supposant que le RCD-ML s’opposait au massacre de Nyakunde, il est remarquable qu’il n’ait pas lancé d’enquête sur la conduite des troupes APC et de leurs alliés et encore moins procédé à des arrestations pour participation au massacre. Le Commandant Faustin est actuellement en prison à Beni mais il est accusé d’avoir laissé des soldats sous son commandement déserter l’APC et non d’aucune action qu’il aurait pu avoir commise à Nyakunde.[168] Le Colonel Khandro aurait été tué quelques jours seulement après le massacre par quelqu’un issu de ses propres rangs. L’un de ses adjoints, le Commandant Germain qui avait également participé au massacre, a pris le contrôle et est actuellement un commandant clef dans le groupe armé politique nouvellement formé qu’est le FRPI, avec des liens avec le RCD-ML et le gouvernement dela RDC.[169] Il avait la charge d’éléments significatifs relatifs aux combattants ngiti et lendu qui ont combattu à Bunia en mai 2003, une bataille qui a causé la mort de plus de 400 civils.

La MONUC, avec des ressources et un mandant fortement limités n’était pas en position d’éviter ce massacre ou de le stopper une fois qu’il avait débuté. En juillet, une délégation d’importantes personnalités de l’hôpital du CME a prévenu la MONUC que le risque de violence était élevé et que l’hôpital était menacé. L’équipe de la MONUC a envoyé un bref rapport au siège à Kinshasa mais n’a rien fait de plus. A l’hôpital, le personnel était au désespoir et l’un des employés a déclaré: «Les Congolais sont en train de mourir mais les Nations Unies ne disent rien.»[170]

Des informations sur la nature et l’étendue du massacre étaient disponibles dès le début du second jour lorsque le personnel expatrié a été évacué. Un message électronique ultérieur, courageusement envoyé de Nyakunde le 7 septembre intitulé «Nyakunde – à feu et à sang»[171] a également alerté de nombreuses personnes sur l’ampleur et la nature ethnique des tueries. Le message électronique était adressé à un certain nombre d’organisations religieuses qui l’auraient transmis à d’autres ainsi qu’à la délégation de la MONUC à Bunia mais la force de l’ONU n’est pas venue porter secours aux victimes.[172]

L’équipe de la MONUC à Bunia a rapporté à son siège le 19 septembre, deux semaines après le massacre, que plus de 150 personnes avaient été tuées à Nyakunde,[173] une sous estimation stupéfiante du réel bilan humain. S’il a pu être difficile initialement de confirmer les informations sur le massacre, la MONUC n’a pas, à notre connaissance, conduit d’investigations ultérieures sur ce massacre.

Exécutions sommaires perpétrées par les Lendu et les Ngiti tolérées par les autorités du RCD-ML

Les milices lendu et ngiti ont tué des individus appartenant à des groupes ethniques opposés en s’attaquant à de larges communautés de ces personnes. Lorsque les autorités du RCD-ML contrôlaient Mongbwalu, la milice s’est livrée à des abus contre des Hema et a parfois tué des Hema pour la simple raison de leur appartenance ethnique. De nombreux Hema redoutaient les passages à tabac ou pire et ont quitté la ville. Un témoin a relaté le meurtre d’un nouveau-né masculin pris dans la salle de la maternité de l’hôpital parce que son père et sa mère étaient tous les deux hema. Si le père de l’enfant avait appartenu à un autre groupe ethnique, le bébé n’aurait pas été tué puisque l’affiliation ethnique est transmise par le père selon le témoin.[174]

Le témoin du meurtre d’une femme hema lors d’un autre incident a raconté: Un jour en octobre, ils ont arrêté une femme accusée d’être une sorcière. Mais elle était hema et c’était la véritable raison. Il y avait environ dix combattants lendu avec des machettes et des couteaux. Ils l’ont fait sortir de chez elle, l’ont déshabillée etl’ont complètement coupée. Ils ont coupé ses bras puis ils ont coupé ses organes génitaux. Puis ils l’ont tuée près du marché central et ont brûlé son corps. Quinze d’entre nous ont vu ça. Les autorités sont finalement intervenues et le Commandant Pay de l’APC a fait cesser la situation. Ils ont essayé de faire venir les notables lendu pour calmer la situation mais ils n’ont arrêté personne.[175] Dans ce cas, les soldats rattachés au RCD-ML étaient prêts à prévenir d’autres crimes de ce type – au moins dans un futur immédiat – mais ils étaient également prêts à tolérer l’impunité pour le crime qui venait d’être commis.

A Mongbwalu, le commandant APC Kongolo a publiquement jugé l’un de ses soldats, Pierre Ukila Wadhum, accusé d’avoir tué un combattant lendu très populaire. Après des menaces considérables, Wadhum a avoué le crime mais sa culpabilité n’a pas été autrement établie. Kongolo a proposé d’arrêter Wadhum et de l’envoyer à Beni mais la foule a refusé et a demandé qu’il lui soit remis afin d’être tué. Kongolo a cédé aux demandes de la foule. Un témoin du meurtre collectif du 2 octobre 2002 a raconté: Kongolo a échoué dans ses négociations, comme d’autres et ils ont finalement dit aux Lendu: «Si c’est votre jugement, alors prenez-le.» Ils l’ont emmené vers la zone centrale de Mongbwalu et ont appelé tout le monde pour venir voir. Pierre [Wadhum] était attaché et complètement nu. Ils l’ont fait s’asseoir sur le sol puis un combattant lendu s’est assis sur une chaise derrière lui, en tenant la tête de l’homme entre ses jambes. Il a coupé la gorge du soldat d’un coup rapide avec son couteau. Un autre combattant lendu est venu avec une grosse machette et a ouvert sa poitrine et a sorti son cœur. Ils ont donné le cœur à leur chef, Maître Kiza, qui a pris le cœur et l’a lavé dans un bol d’eau qu’ils avaient préparé. Il a ensuite placé le cœur sur le feu … Le Chef et son entourage ont ensuite mangé le cœur avec le manioc alors que le reste des combattants lendu a mangé le corps. Ils ont même offert à la foule des morceaux de viande. Les soldats APC ont d’abord regardé puis sont partis quand ils ont vu leur camarade se faire dévorer. Tout ce qui n’a pas été mangé a ensuite été brûlé. Toute cette cérémonie a pris plus de deux heures. On était nombreux à avoirété témoins de ça. Ils nous ont dit de ne pas prendre de photos et si quelqu’un en prenait, il y aurait des problèmes.[176]

Deux jours après, Maître Kiza et Kung Fu, un autre combattant lendu, ont été envoyés à Béni où ils auraient été jugés par des officiels militaires. Ils sont rentrés à Mongbwalu quelques jours plus tard. Ils ont appelé à une nouvelle réunion au même endroit et ont déclaré à la population qu’il n’y aurait plus d’exécutions de ce type. Maître Kiza est devenu une figure clef au sein du groupe politique armé lendu, le FNI, qui a des liens avec le RCD-ML.[177] Il aurait été tué lors de combats en Ituri début juin 2003.

Comme dans le cas de Nyakunde, les autorités RCD-ML sont apparues disposées à ne pas enquêter sur de graves abus contre les droits humains, des affaires de justice collective et de cannibalisme et à ne pas les juger mais elles ont cherché à dissuader d’autres crimes de ce genre.

Abus commis par le MLC et le RCD-N

Le MLC a été impliqué dans les affaires de l’Ituri pendant le bref accord du Front pour la Libération du Congo (FLC), un regroupement entre le MLC, le RCD-N et le RCD-ML, soutenu par l’Ouganda, sous le leadership de Jean-Pierre Bemba. Mais Nyamwisi a refusé d’accepter le leadership de Bemba en Ituri et ses forces ont poussé Bemba et les troupes du MLC hors de Beni et de Bunia. Au cours des derniers mois de 2002, le MLC a essayé par le combat de revenir en Ituri avec le soutien du RCD-N de Roger Lumbala, prétendant que Nyamwisi avait violé l’Accord de Lusaka. Ce faisant, leurs combattants ont commis des violations du droit international humanitaire, dont le meurtre délibéré de civils, des viols en nombre important, des pillages et des actes de cannibalisme. Certaines de ces violations ont pu être dirigées contre le groupe ethnique des Nande, pris pour cible à cause de leur lien avec Nyamwisi, lui-même nande.

Exécutions sommaires et pillages à Mambasa

Mambasa, un district dans la partie occidentale d’Ituri, a été relativement peu touché au cours des premières années du conflit entre les Hema et les Lendu. Bien qu’il fasse officiellement partie de l’ancien territoire d’Ituri, il est resté aux mains du RCD-ML après la chute de Bunia et sa prise par l’UPC en août 2002. Alors que les tueries se poursuivaient dans les parties orientales de l’Ituri, de nombreux civils ont fui vers l’Ouest en direction de Mambasa et Komanda. Au début de novembre, 5 200 personnes déplacées en provenance d’autres régions de l’Ituri bénéficiaient d’une assistance à Mambasa.[178]

Début octobre, le MLC et le RCD-N ont lancé leurs attaques près de la ville de Mambasa et ont ensuite tenté de se déplacer plus au sud, en direction de la capitale du RCD-ML, Beni, dans le cadre de la campagne «Effacer le tableau» qui allait prendre fin avec le cessez-le-feu signé à Gbadolite le 31 décembre 2002. Dans la région de Mongbwalu, les troupes UPC ont attaqué conjointement avec les forces MLC, comme décrit plus haut et la rumeur affirmait que l’UPC cherchait à établir une alliance avec le MLC.[179]

Lorsque les troupes du MLC et du RCD-N sont arrivées à Mambasa, le 12 octobre 2002, la plupart des résidents ont fui vers la forêt. Les troupes ont traqué les habitants dans la brousse, tentant d’identifier un certain nombre d’entre eux au moins par leur groupe ethnique. Un témoin a déclaré: On avait fui là-bas mais ils nous ont trouvés. Ils nous ont demandé nos noms. Si les noms ressemblaient à des noms nande, ils emmenaient les gens. J’ai été capturé en même temps que mon frère aîné. Ils ont attaché nos bras derrière nos dos avec de la corde et nous ont emmenés au cimetière de Mambasa … Ils nous ont fait nous allonger sur le sol. Ils ont dit: «Vous êtes nande et on est contre les Nande. Donc, on doit vous éliminer.» Vingt-cinq soldats nous avaient emmenés là-bas. Ils étaient bien armés avec des fusils. Ils ont dit qu’ils allaient nous tuer. On a eu de la chance parce qu’après dix minutes environ, des soldats APC ont fait leur apparition et les soldats MLC ont pris la fuite. On est parti en courant, toujours avec les bras liés.[180]

Les troupes du MLC de Bemba et celles du RCD-N ont également tué quatre personnes à cause de leurs allégeances politiques supposées. Un témoin a raconté:

Plusieurs jours après la prise de Mambasa, ils ont pris mon beau-frère dans sa maison. Ils avaient des uniformes APC et prétendaient être ses amis mais en fait, c’était les Effaceurs. Ils lui ont demandé à lui et à un groupe de huit autres comment ils voyaient les Effaceurs. Les gens ont répondu qu’ils étaient très mauvais et qu’ils avaient tout pris à la population. Les Effaceurs ont alors pris quatre des neuf personnes et les ont tuées, y compris le chef de quartier de Mambasa Centre. Ils ont enterré les corps derrière l’église St Anouarite, dans le centre de la ville. Les autres ont été autorisés à partir.[181]

Un autre témoin qui a vu les cadavres a affirmé que leurs bras et leurs oreilles avaient été coupés. Sur les quatre victimes, il en connaissait deux, Daniel Kahindo et François.[182]

Les soldats auraient tué Gérard de Mandima parce qu’il avait refusé de leur dire où trouver le chauffeur de son camion qu’ils voulaient voler.[183]

Les officiels de la Croix Rouge locale ont rapporté que dans le district de Mambasa, y compris dans la ville et dans les régions avoisinantes de Teturi, Lwemba et Byakato, quelque 185 victimes de la violence ont été enterrées suite aux violences qui se sont produites entre octobre et décembre 2002.[184] Il n’est pas clair combien de personnes parmi ces victimes ont été tuées par les combattants MLC et combien sont mortes d’une autre façon.

Les soldats du MLC et du RCD-N, beaucoup ivres ou drogués, ont systématiquement pillé la ville. Certains étaient torse nu, d’autres avaient des uniformes ou portaient des bandeaux de tête avec le drapeau américain. Un soldat a déclaré aux habitants d’une maison dans laquelle il venait d’entrer: «Ne résistez pas parce que pendant quatre jours, on peut faire tout ce qu’on veut. C’est ça l’accord.»[185] Ils ont contraint des habitants à porter les fruits de leur pillage jusqu’à leur camp.[186] Le Colonel Freddy Ngalimo qui commandait l’opération pour le MLC a expliqué aux chefs communautaires que le pillage était normal. «Même les Palestiniens le font», aurait-il déclaré.[187] Pour calmer les protestations de la communauté, les troupes ont fait semblant de rendre leur butin mais ont en fait rendu seulement quelques-uns des articles les moins précieux.

Le gouvernement de Kinshasa et son allié, le RCD-ML étaient outragés suite aux tentatives de Bemba pour s’immiscer dans un nouveau territoire. Ils ont peut-être provoqué une certaine publicité sur les abus commis par les forces du MLC. Bemba a réagi aux critiques substantielles formulées nationalement et internationalement en jugeant le Lieutenant-Colonel du MLC, Freddy Ngalimo et vingt-six autres pour «extorsion, viol, assassinat, pillage et désobéissance aux ordres.»[188] Selon l’Article commun 3 des Conventions de Genève, le MLC avait l’autorité légale pour poursuivre en justice et punir ses propres soldats dans le cadre d’un tribunal régulièrement constitué mais les procès n’ont pas réussi à répondre aux critères internationalement reconnus d’impartialité. Les juges n’étaient ni indépendants, ni impartiaux et l’accusation n’avait pas conduit de réelle enquête et n’avait pas sérieusement examiné les chefs d’inculpation. Le procès, qui s’est tenu en février 2003, semble avoir été un exercice de relations publiques dans le but de protéger Bemba et ses principaux officiers contre de plus sérieuses poursuites judiciaires. Le procès a abouti à un certain nombre de condamnations et les officiers des rangs les plus bas ont été condamnés à des peines plus dures que leurs commandants. La peine la plus lourde de prison à vie a été prononcée contre le Caporal Katembo Kombi et le Lieutenant Jose Zima pour meurtre. Le Colonel Freddy Ngalimo, qui était en charge de l’opération militaire avec un contrôle direct sur les événements, a été uniquement jugé coupable d’avoir permis l’insubordination des troupes sous son contrôle et a été condamné à trois ans d’emprisonnement. Seize combattants ont reçu des peines allant de six mois à trois ans pour crimes de désertion, désobéissance ou viol et sept autres n’ont reçu que des «sanctions internes» pour indiscipline. Ces procès n’ont été qu’une parodie de justice pour des actes qui auraient pu relever de crimes contre l’humanité.

Assassinat du gouverneur Joseph Eneko

Afin de faire accepter leur mouvement par un plus grand nombre, l’UPC a nommé, en août 2002, un Alur, Joseph Eneko, gouverneur de l’Ituri. Le gouverneur Eneko était un chef communautaire alur très respecté et il a surpris  nombre de ses administrés lorsqu’il a accepté la position. Certains ont même considéré son rapprochement des forces UPC comme une trahison. Dès le début, les choses ne se sont pas déroulées comme prévu. Des personnalités de haut rang envoyées en délégation à Aru pour procéder à l’annonce officielle de sa nomination furent surprises – certaines personnes auraient même été choquées – lorsque le gouverneur nouvellement nommé a déclaré publiquement qu’il acceptait la position mais qu’il ne devait pas être considéré comme un membre de l’UPC.[189]

Le gouverneur a reporté son départ pour Bunia afin de résoudre certains problèmes à Aru et à Mahagi, une attitude qui a peut-être augmenté les inquiétudes de l’UPC à son égard. Il a évoqué ouvertement sa mission pour la paix et a rencontré plusieurs groupes dans le Nord de l’Ituri, notamment Roger Lumbala du RCD-N, des responsables lendu à Kpandruma et certains responsables locaux hema à Fataki. Il a rendu visite aux Lendu avant de rendre visite aux Hema suscitant la rumeur d’une position favorable aux Lendu. L’UPC a envoyé une délégation dirigée par Kisembo Bahemuka, chef d’état major de l’armée UPC afin d’obliger le gouverneur Eneko à se rendre à Bunia.

Avant de partir pour Bunia, le gouverneur Eneko s’est rendu le 21 novembre à Mahagi pour installer dans ses fonctions un nouvel administrateur territorial. Juste avant son départ, le commandant UPC à Aru a changé les gardes du corps du gouverneur ainsi que son chauffeur. Sur le trajet, près de Simbi, les gens du coin ont arrêté la voiture du gouverneur et l’ont informé que les troupes APC et les miliciens lendu avaient livré combat à l’UPC sur la route, à l’avant de leur position, un peu plus tôt dans la journée. La nuit tombait mais le gouverneur était décidé à poursuivre son chemin. Une source locale a rapporté les faits suivants:

A environ huit kilomètres de Mahagi, la délégation a vu trois corps sur la route. Le chauffeur s’est arrêté en disant qu’ils devraient rebrousser chemin mais le gouverneur a insisté pour continuer. Puis une personne a fait irruption sur la route, elle portait une veste militaire. Les gardes du corps se sont raidis et voulaient tirer mais le gouverneur les en a empêchés. Ils ont crié qu’ils étaient avec le gouverneur. Le soldat a répondu: «Quel gouverneur? C’est celui qui nous tue ici?» et puis, il a donné l’ordre de tirer. En quelques minutes, tous les passagers ont été tués sauf deux gardes du corps qui étaient à l’arrière du véhicule et qui ont réussi à s’échapper. Le gouverneur Eneko, son chauffeur, son secrétaire, le chef du Bureau Public et cinq autres gardes ont été tués.[190]

Les habitants d’un village tout proche ont entendu les coups de feu et sont partis enquêter le lendemain matin: «J’ai marché sur la route qui montait pour voir ce qui s’était passé. J’ai vu tous les corps et j’ai eu vraiment peur», a déclaré un témoin. «Je ne savais pas alors que c’était le gouverneur. Puis l’UPC est arrivé et a commencé à détruire les maisons dans mon village. Je ne sais pas pourquoi. Ils ont obligé les gens à aller avec eux sur les lieux et à enterrer quatre soldats UPC mais pas ceux qui se trouvaient près de la voiture. Ils étaient très nerveux et les ont fait travailler très vite parce qu’ils voulaient partir tout de suite après.»[191]

Le lendemain, avant qu’aucune enquête formelle ne soit réalisée, les autorités UPC ont annoncé que les deux survivants avaient identifié des soldats APC comme étant les tueurs. Au moment de la mission de Human Rights Watch en Ituri, les deux survivants se trouvaient sous la surveillance de l’UPC, justifiée par le souci soi-disant de préserver leur vie.[192]

Des témoins et des habitants du coin qui vivaient près de l’endroit où s’est déroulée l’embuscade ont affirmé que des soldats UPC avaient attaqué la voiture du gouverneur. L’un d’eux a déclaré : Vers 6 heures du soir, il y a eu de nombreux coups de feu dans la zone de Nzii, pas loin de l’endroit où l’APC combattait contre l’UPC. J’ai fui 800 mètres plus loin environ avec les autres. Les coups de feu ont stoppé à environ 6 heures 30 et je suis rentré chez moi. Près de chez moi, j’ai vu des soldats APC sur la route qui s’éloignaient en marchant de l’endroit où s’étaient déroulés les combats. Ils ont entendu une voiture s’approcher alors ils se sont cachés sur le bord de la route. Après son passage, certains sont sortis et ont crié: «APC, APC, on y va.» et puis, beaucoup sont sortis et ont continué à marcher sur la route dans la direction opposée à celle prise par la voiture … Quelques instants plus tard, j’ai entendu de nouveau des tirs dans la direction que la voiture avait prise qui ont duré pendant environ 15 minutes. Je suis resté seul chez moi cette nuit et je n’ai plus vu de soldats ce soir-là. [193] Quelques jours plus tard, les soldats de l’UPC ont lancé un raid contre la maison du gouverneur à Bunia et ont tout pillé à l’intérieur.

Au moment de la rédaction de ce rapport, aucune enquête officielle n’avait été conduite et personne n’avait été inculpé pour le meurtre de la plus importante autorité locale à Bunia.

Bloquer l’aide humanitaire et prendre les travailleurs humanitaires pour cibles

Des groupes armés en Ituri ont commencé à intimider les travailleurs humanitaires et à bloquer l’arrivée de l’aide dans les zones «rivales» fin 1999. Toutes les parties au conflit se sont rendues coupables de cette violation du droit international humanitaire, phénomène qui s’est produit de façon plus fréquente et plus grave au fil du temps. Au cours de l’année dernière seulement, il y a eu plus de trente cas au cours desquels des travailleurs humanitaires ont été arrêtés, menacés, battus ou expulsés de la région. Les autorités UPC sont responsables de la majorité des cas récents, accusant souvent les agences et leurs employés de complicité avec les Lendu. Ce fut le cas lorsque des soldats UPC ont emprisonné deux travailleurs humanitaires en novembre 2002. Dans d’autres cas, des soldats UPC ont arrêté des travailleurs humanitaires qui avaient refusé de leur fournir de la nourriture et des médicaments.[194] Dans une déclaration du 1er septembre 2002, le Ministre UPC des Affaires Etrangères, Jean-Baptiste Dhetchuvi a déploré «l’attitude négative» des agences humanitaires et les a accusées d’avoir aidé les Lendu à couper les canalisations approvisionnant Bunia en eau propre, ignorant totalement le fait que c’était précisément ces agences qui avaient installé ces canalisations.[195]

Début 2003, les autorités UPC ont expulsé un prêtre belge, Mark Deneckere des Pères Blancs d’Afrique, pour avoir aidé un groupe de Lendu déplacés, le même groupe dont l’histoire a suscité la colère des autorités contre le journaliste Khan dans l’incident décrit plus haut. Le Père Deneckere travaillait en Ituri depuis plus de 40 ans. Il a raconté:

En août, l’UPC a brûlé de nombreuses maisons à Bunia et cette nuit, les Lendu sont venus vers nous, avec le peu qu’ils avaient et en demandant de l’aide. Ils ont trouvé refuge dans une maison vide toute proche. J’ai ensuite été accusé d’avoir pris ces gens en otages, ces 120 personnes. Comment aurais-je pu vraiment faire ça? Bien sûr, je les ai aidés. Comment ne pas le faire? C’était des gens dans le besoin et en tant que prêtre, je ne pouvais pas ne rien faire.

Puis un journaliste a fait un papier sur la situation à Bunia qui a vraiment irrité l’UPC. Le 9 février, l’UPC m’a emmené dans une maison où les Lendu avaient trouvé refuge et où ils disaient ne pas savoir que ces gens-là s’y trouvaient. C’était bien sûr impossible parce qu’ils étaient venus de nombreuses fois et souvent, les soldats regardaient par-dessus le mur. On m’a dit que je devais venir pour un interrogatoire. Le 11 février 2003, j’ai été officiellement convoqué dans leur bureau et ils m’ont posé beaucoup de questions. Ils m’ont accusé d’aider les Lendu, de leur donner des armes et ils voulaient savoir pourquoi je leur avais ouvert ma porte. C’était absurde.[196]

Le 14 février 2003, l’UPC a accordé au Père Deneckere 48 heures pour quitter l’Ituri. L’ordre d’expulsion justifie ainsi cette mesure: «hébergement secret de personnes déplacées avec l’intention de ternir le mouvement UPC et d’être en contact avec des forces négatives hostiles à la paix et la réconciliation.»[197]

Les soldats UPC ont menacé et effectivement attaqué des prêtres et des travailleurs humanitaires dans d’autres régions également. Le 15 janvier 2003, l’UPC a attaqué la paroisse de Nioka dans laquelle un centre nutritionnel pour enfants mal nourris avait été installé avec l’aide d’une organisation non-gouvernementale internationale. Ils ont arrêté et battu les prêtres, les accusant d’aider les Lendu. Ils ont pillé la paroisse puis ont détruit l’entrepôt où était stockée la nourriture du centre. Un témoin a raconté: Quatre soldats UPC sont venus avec un civil hema appelé Jabu. Ils nous ont accusés d’être avec l’APC et d’avoir des armes. Ils ont dit qu’ils pouvaient nous faire tout ce qu’ils voulaient. Ils m’ont battu pendant presque 30 minutes. Ils m’ont accusé d’être avec les Lendu et ont dit qu’ils allaient me tuer comme ils tuaient les Lendu. Ils ont pris certains Lendu du village, des hommes appelés Njangu et Kpatchuma et ils les ont exécutés derrière la prison. J’ai dû dormir dehors toute la nuit. Ils ont pillé la paroisse, ont tiré dans le plafond et ont attaché le Père Mario,l’un des prêtres blancs. Ils l’ont accusé d’aider des Lendu parce qu’il travaillait au centre de nutrition pour les enfants mal nourris. Ils l’ont emmené à la prison de Nioka et lui ont demandé de l’argent. Ils l’ont battu. Ils ont fait porter de l’eau à un autre prêtre pendant toute une journée. Ils l’ont gardé pendant deux jours et l’ont battu avec un bâton. J’ai réussi à m’échapper dans la forêt où je suis resté pendant quatre jours. Tout ce qu’on faisait, c’était aider des enfants qui avaient faim, des Lendu et d’autres aussi. Maintenant, tout ça c’est fini, ce qui est exactement ce qu’ils voulaient.[198]

L’augmentation des attaques par les groupes armés a entraîné une réduction des activités des agences humanitaires dans la région, malgré les énormes besoins d’aide de dizaines de milliers de personnes. Selon un travailleur humanitaire, les résultats ont été catastrophiques: «Des milliers de gens sont morts à cause de jeux politiques.»[199]

Les autorités ont également intimidé et dans un cas expulsé le personnel des Nations Unies. Le 23 novembre 2002, le Président Lubanga de l’UPC a déclaré persona non grata un officier des Nations Unies travaillant pour le Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) qui avait protesté contre l’arrestation et l’intimidation des travailleurs humanitaires. Les raisons officielles de son arrestation sont «arrogance, intervention malveillante, diffusion de fausses rumeurs et langage discourtois à l’encontre d’officiels de l’UPC», accusations que Lubanga a qualifiées de «très graves pour la sécurité du territoire contrôlé par l’UPC.»[200] Un autre représentant d’OCHA et un employé de la MONUC avaient préalablement quitté Bunia après avoir été victimes d’intimidations de la part de responsables hema.

Les meurtres d’employés du CICR

La plus grave attaque contre les travailleurs humanitaires en Ituri fut le meurtre de six employés (quatre Congolais et deux expatriés) du Comité International de la Croix Rouge (CICR) le 26 avril 2001.[201] La police locale a commencé à mener l’enquête sur ces meurtres sous l’autorité du Front de Libération Congolais (FLC) qui a brièvement contrôlé l’Ituri en 2001. Depuis la chute du FLC, aucun officiel n’a apparemment poursuivi l’enquête en dépit des appels répétés à l’action en provenance de la communauté humanitaire internationale.

Human Rights Watch a eu accès aux informations rassemblées par la police et a pu en vérifier certaines indépendamment. Les preuves suggèrent une conspiration afin d’éliminer les travailleurs de l’aide internationale exécutée par certains responsables locaux hema, dont des membres de l’UPC et des soldats ougandais.

Le 26 avril 2001, une équipe du CICR a été attaquée au début de l’après midi peu de temps après avoir quitté Fataki, dans le territoire djugu d’Ituri et alors qu’elle se dirigeait vers Bunia. Les six employés du CICR ont été tués et leurs deux voitures brûlées. Les corps ont été découverts peu de temps après par d’autres personnes sur la route qui ont donné l’alarme et une équipe de militaires ougandais et de policiers locaux est arrivée de la ville proche de Djugu. Un témoin a raconté: Derrière le second véhicule, il y avait cinq corps alignés. Le sixième corps était un peu plus loin. On aurait dit que les corps des gens avaient été déplacés après leur mort. Ils avaient tous des coupures et des marques faites par des lances et un avait une marque de lance derrière la tête. Certains corps avaient des marques comme s’ils avaient été traînés et on aurait dit qu’ils avaient ensuite été bougés. Les corps ont été rassemblés et emmenés par l’armée à Djugu et peu de temps après, à Bunia, sous escorte du Commandant du secteur UPDF, le Colonel Muzoora.[202]

Selon des témoins, le Major David de l’armée ougandaise, normalement en poste à Fataki, se trouvait à Fataki le matin des meurtres et est arrivé à Djugu à environ 5 heures 30 de l’après midi, ayant apparemment emprunté un itinéraire plus long, peut-être pour éviter de se trouver dans les environs de l’attaque. Il était accompagné par trois extrémistes hema bien connus nommés Loringa, Assau et Tharcisse. Cette nuit-là, le Major David, les soldats ougandais et les trois civils hema se sont rendus sur le lieu du crime mais ont refusé que la police locale les accompagnent.[203]

Deux jours plus tard, une équipe officielle d’enquêteurs comprenant des enquêteurs de la police et certains ministres est arrivée de Bunia. Thomas Lubanga en faisait partie même si ses responsabilités professionnelles d’alors, Ministre de la jeunesse, des sports et des loisirs ne comportaient pas les investigations criminelles. Il y avait aussi un nombre important de soldats ougandais rattachés à l’équipe malgré les réserves quant à leur présence exprimées par le Ministre de la Justice.[204] Un témoin a affirmé à l’équipe qu’il avait vu cinq hommes quitter le lieu du crime, trois en uniforme portant des sacs à dos et deux en civil. Ce témoin a modifié sa déclaration quelques jours plus tard et a déclaré que les hommes n’étaient pas en uniforme.[205] En dépit des demandes de l’administrateur adjoint du territoire, l’armée ougandaise n’a pas assuré la protection de ce témoin qui a par la suite disparu. Plusieurs jours après le crime, l’armée ougandaise aurait conduit un exercice de «nettoyage» au cours duquel les soldats ont encerclé la région appelée Likopi proche du lieu du crime et ont tué environ vingt-cinq personnes, dont un juge appelé Jicho qui vivait à cinq kilomètres de l’endroit où les meurtres des employés du CICR se sont produits.[206] La police civile a eu peur de mener l’enquête sur ces derniers meurtres.

Peu de temps après, l’armée ougandaise a arrêté un homme lendu nommé Dongo Tchuda qu’ils ont accusé d’avoir commis ces crimes avec d’autres bandits lendu. Selon l’armée ougandaise, M. Dongo a avoué les meurtres. L’accusé cependant a changé sa déclaration à plusieurs reprises et s’est trompé sur de nombreux détails dans sa «confession» comme sur la date, la couleur des voitures et le nombre de personnes tuées.[207] L’armée ougandaise a gardé le «coupable» dans un container dans son camp militaire à l’aéroport de Bunia et a refusé de le remettre aux autorités judiciaires civiles. Un observateur de la MONUC qui a parlé à Dongo a déclaré qu’il semblait «déséquilibré».[208]  Le suspect est resté en détention sans chef d’inculpation et en janvier 2002, le magistrat a envoyé une lettre au nouveau procureur se plaignant que Dongo[209] continue à être interrogé. Selon des sources locales, des soldats ougandais ont ensuite emmené Dongo à Kampala sans demander l’autorisation des autorités judiciaires locales ou sans même les en informer. Le sort qui lui a été réservé ne nous est pas connu.

Les Ougandais et le FLC ont annoncé que le tueur de l’équipe du CICR avait été appréhendé avant la fin de l’enquête officielle. La police locale a tenté de poursuivre son investigation et a convoqué pour interrogatoire des hommes de Fataki, dont ceux appelés Mohindo, Tharcisse, Assau, Adidace et Loringa. Lorsque les personnes convoquées ne se sont pas présentées à la police, cette dernière n’a trouvé aucun moyen pour les contraindre à le faire. A un moment donné, ils ont demandé le soutien du gouverneur adjoint qui a refusé de leur accorder en déclarant: «Ce n’est pas mon affaire.»[210]

Lubanga a cherché à avoir accès aux dossiers de la police locale comme l’ont fait des officiers haut placés de l’armée ougandaise. Finalement, l’armée ougandaise a envoyé un officier pour prendre les dossiers au procureur en déclarant qu’un avion devait arriver de Kampala pour emporter les informations au Président Museveni. L’officier ougandais a reçu certains des documents mais non l’intégralité du dossier.[211] Des personnes connaissant bien la politique hema pensent qu’un certain nombre de responsables communautaires hema ont pu organiser des réunions plusieurs mois à l’avance afin de planifier le crime. Comme l’a expliqué une personne bien informée aux chercheurs de Human Rights Watch, «Je pense que les responsables hema avaient prévu de tuer les gens du CICR. J’ai entendu des gens en parler avant que cela se produise et ils m’ont dit qu’ils allaient faire une embuscade… Ils ne voulaient pas que le CICR aide les Lendu et ils étaient vraiment contre eux.»[212]

Selon des sources diplomatiques, le gouvernement ougandais a lancé une enquête militaire sur les meurtres des employés du CICR mi-2002 mais aucun résultat n’a été publié et à notre connaissance, aucune arrestation n’a été faite.

Actes inhumains – cannibalisme et mutilations délibérées de cadavres

Les membres des plus importants groupes armés en Ituri ont commis des actes inhumains, tels que cannibalisme et mutilations délibérées de cadavres. Suite à un communiqué de presse de la MONUC accusant les forces du MLC de Bemba d’avoir commis des actes de cannibalisme, la presse internationale s’est concentrée sur ces actes, répugnants par nature. Cependant, ceux-ci ne concernaient qu’un nombre limité de personnes. Les journalistes ont accordé à ces crimes beaucoup plus d’attention qu’aux actes beaucoup plus répandus de meurtres qui ont dévasté la région de façon beaucoup plus importante. La mission de Human Rights Watch en Ituri s’est inscrite dans le sillage de cette publicité et a trouvé que les actes de cannibalisme n’étaient pas propres aux forces MLC à Mambasa mais avaient été également commis par d’autres groupes armés dans le conflit depuis 1999 y compris par les milices ngiti et lendu et par les forces hema de l’UPC. Les victimes provenaient de plusieurs groupes ethniques.

Dans ces cas, les auteurs de ces actes ont peut-être consommé de la chair humaine dans le cadre d’un contexte politique et rituel plus large comme cela s’est produit ailleurs en RDC et dans le monde.[213] Le cannibalisme est parfois associé à la croyance que ceux qui consomment la chair d’une personne acquièrent sa force. A ce moment précis en Ituri, l’apparence de cette pratique pourrait indiquer que des peuples soumis à des menaces constantes, pendant plusieurs années sont devenus cannibales de façon à augmenter leur force et à assurer leur survie. Cela pourraitégalement signifier que les auteurs de ces actes ont découvert que la peur du cannibalisme terrorise les victimes et les rend plus obéissants que la simple peur de la mort, si fréquemment affrontée dans la vie quotidienne.

Au cours des trois derniers mois de 2002, les troupes du MLC et du RCD-N ont violé, tué et mangé des Pygmées, des chasseurs et des gens vivant de la cueillette dans la forêt. Ils ont ainsi cherché à terroriser les Pygmées afin que ceux-ci les aident en les guidant à travers la densité de la forêt et qu’ils évitent ainsi d’emprunter les routes principales sur lesquelles ils pouvaient faire l’objet d’attaques. Certains des combattants engagés dans cette pratique espéraient peut-être ainsi acquérir la force de leurs victimes.

Les chercheurs de Human Rights Watch ont rassemblé des informations sur le cas d’un Pygmée nommé Amuzati. Un témoin a raconté : A environ trente kilomètres de Mambasa, les soldats MLC ont attaqué un camp pygmée. Amuzati qui chassait dans la forêt a entendu des tirs. Comme il n’était pas loin de son camp, il est retourné voir ce qui se passait. Huit cents mètres plus loin environ, il a entendu des cris et des pleurs puis le silence s’est fait. Il s’est approché et a vu plusieurs soldats. Il a vu les cadavres de sa famille dont celui de son neveu de quatre ou cinq ans, avec l’estomac ouvert. Ils enlevaient la chair des victimes. Puis il a regardé et les a vus manger sa mère, son frère aîné et deux de ses neveux. Il était très ému et il avait peur qu’en criant, ils le prennent aussi alors il est parti en rampant.[214]

Certains miliciens lendu ont délibérément mutilé des cadavres et ont accompli des actes de cannibalisme contre leurs victimes, en prenant principalement pour cibles les Hema. Ceci a souvent impliqué un rituel au cours duquel la chair de la victime était distribuée aux combattants lendu. Un témoin pris par les milices lendu sur la route proche de Makofi en novembre 2002 a raconté: J’étais dans un camion avec cinq autres personnes en direction de Mongbwalu. Près de Makofi, on a eu une panne d’essence. On a commencé à marcher quand on a été attaqué par les Lendu. Ils étaient nombreux avec des fusils et des machettes. Ils nous ont encerclés et nous ont capturés. Ils ont commencé à interroger le chauffeur, Independent Dedjo et ils l’ont frappé. Ils m’ont aussi battu. Ils nous ont demandé de quelle tribu on était et on a dit Alur. Ils nous ont demandé nos cartes d’identité. Ils n’ont pas cru le chauffeur et ont pensé qu’il était hema. Un homme qui me connaissait et qui connaissait certaines des autres personnes s’est porté garant pour nous et a dit qu’on était alur mais il ne connaissait pas le chauffeur. Ils ont décidé de faire un test. Ils ont fait rouler deux œufs sur le sol. Si les œufs roulaient vers l’arrière, alors l’homme n’était pas hema. Si les oeufs ne roulaient pas vers l’arrière, alors c’était un Hema. Les oeufs n’ont pas roulé vers l’arrière.

Ils ont dit à Dedjo de courir pour sauver sa vie. Pendant qu’il courait, ils lui ont tiré dessus avec des flèches. Il est tombé et ils l’ont coupé avec leurs machettes. Ils l’ont tué. Puis, ils ont allumé un feu et ont fait griller son corps pendant des heures. Six des combattants lendu ont mangé la viande. Nous autres, on les a vus le faire. On a été détenus pendant quatre jours et ils nous ont menacés de nous faire la même chose. Le Commandant Katumba était en charge des combattants et a tout organisé. Je pense qu’il est mort maintenant. Finalement, on les a payés avec les biens du camion et ils nous ont laissés partir.[215]

Certains combattants hema de l’UPC ont accompli des actes similaires de mutilation délibérée de corps et de cannibalisme. Un témoin de Mongbwalu a expliqué ce qu’il a vu faire par la milice hema : Les Hema n’avaient aucune pitié pour les gens. Ils les ont tailladés avec des machettes. Ils ont coupé les oreilles des gens et leur ont fait manger puis ils les ont tués. J’ai vu cela se produire à Pluto. Par exemple, ils ont pris un combattant lendu. Ils ont coupé son oreille et une partie de ses fesses et lui ont fait manger. Puis ils l’ont tué avec des machettes.[216]

Un témoin de la zone de Boga, au sud de Bunia a raconté : En septembre 2002, les Hema ont intercepté certains Ngiti au sud de Kyabwoke, dans la zone de Boga. Un jeune homme, le fils d’Obadhia, est venu vers moi et s’est vanté d’avoir tué une femme ngiti. Il lui avait coupé les organes génitaux et s’était mis son clitoris sur le front comme un trophée. Il voulait montrer combien il était fort. En octobre 2002, les Hema ont de nouveau attaqué les Ngiti à Zungulouka. Quand ils sont revenus de l’attaque, ils ont rapporté avec eux quarante oreilles et une main qu’ils avaient coupées sur leurs victimes. Ils les portaient dans un plastique rayé comme ceux qu’on utilise pour porter les courses. Ils nous ont appelés pour qu’on les regarde et je l’ai vu moi-même. Ils chantaient des chants de victoire. Le Commandant Ateenyi Kagwa dirigeait l’opération. Ils ont dit qu’ils avaient tué beaucoup de personnes et qu’ils avaient pillé leurs biens aussi. Ils sont revenus avec plus de vingt chèvres. La tuerie a dû être horrible. Aujourd’hui encore, on peut voir des squelettes à l’endroit où les gens ont été massacrés.[217]

Violence sexuelle

Au cours de l’année dernière, les combattants de tous les groupes armés ont commis des viols et d’autres formes de violence sexuelle en Ituri.[218] Ils ont souvent violé des femmes et des filles dans le cadre d’une attaque plus vaste au cours de laquelle ces forces ont tué et blessé des civils et pillé et détruit des biens. De tels actes ont été perpétrés pour terroriser les communautés ou les punir pour l’aide réelle ou supposée apportée aux forces adverses. Dans d’autres cas, des femmes et des filles ont été violées simplement à cause de leur appartenance ethnique. Dans certains cas, les victimes ont été obligées de partir avec les violeurs et elles n’ont pas été revues depuis. Certaines ont probablement été tuées et d’autres sont probablement retenues captives par ceux qui les ont enlevées auxquels elles doivent continuer de rendre des services sexuels et d’autres formes de services. Certains violeurs ont aggravé leurs crimes en y ajoutant d’autres actes d’une violence extraordinaire tels que la perforation du vagin avec des lances ou la découpe de certaines parties du corps. Les combattants armés issus des milices et les soldats réguliers responsables d’actes de violence sexuelle commettent des crimes de guerre. Là où ces crimes sont généralisés ou systématiques, ils peuvent entrer dans la  catégorie des crimes contre l’humanité.

En RDC, une fille ou une femme qui a subi un viol a été personnellement déshonorée et bien qu’elle ne soit en rien coupable, elle a couvert sa famille de honte. Une femme célibataire violée aura des difficultés à trouver un époux si le crime est connu. Une femme mariée est susceptible d’être rejetée par son mari ou sa belle-famille et endure des humiliations quotidiennes si elle n’est pas tout simplement renvoyée du foyer. De nombreuses victimes ont peur de parler de ces crimes mais des groupes qui travaillent avec des femmes décrivent la situation comme désespérée, affirmant que le viol est très répandu même s’il est rarement évoqué.[219] Les chercheurs de Human Rights Watch ont confirmé cette conclusion au cours de leur travail de terrain.

Lors des attaques sur Mambasa en octobre et novembre 2002, de nombreux soldats MLC et RCD-N ont violé des femmes. Des témoins ont ainsi décrit le cas suivant: A Mambasa en novembre 2002, une jeune fille âgée de 14 ans a été violée par quatre soldats du MLC. Elle était vierge. Ils l’ont attachée au lit. Ils ont forcé son frère à regarder et ont dit que s’il partait, ils la tueraient … Après le viol, elle s’est mise à pleurer. Ils l’ont giflée sur le visage et sur la jambe et lui ont dit de cesser de pleurer. Ils ont dit: «On peut faire ce qu’on veut tant qu’on ne tue pas les gens.» Elle a saigné pendant trois jours et a ensuite été malade pendant deux mois.[220]

L’oncle d’une victime a raconté un autre cas de viol : Un jour, début novembre, on était sur la route près de Mabasa quand on est tombé sur trois soldats qui semblaient être du MLC. Certains portaient des treillis et d’autres avaient juste des tenues vertes. Certains avaient des bérets verts. Ils nous ont tout pris y compris notre bicyclette et nos chèvres et puis, ils ont pris notre nièce qui n’avait que quinze ans et ils l’ont violée devant nous. Ils nous parlaient en lingala et ils l’ont emmenée avec eux. On ne l’a pas revue depuis. Son nom est Marie Anzoyo et elle est logo. Je sais que d’autres filles ont aussi été prises, notamment une fille qui s’appelle Thérèse et une autre, Véro.[221]

Un témoin a décrit un autre cas : En octobre 2002, à trois kilomètres de Mambasa, la fille d’un homme appelé Ndalo a été violée puis a disparu. Elle avait environ douze ans. Plusieurs soldats l’ont violée dans la brousse puis ils l’ont emmenée. C’était la nuit. Le père était présent. On n’a jamais revu la fille.

Une victime dans un autre cas encore a raconté: J’ai été violée une nuit, en décembre à environ 11 heures du soir, dans notre maison, par cinq soldats bemba. Ma belle-mère a aussi été violée. Ils sont venus pendant qu’on dormait. Ils portaient des uniformes militaires. Les cinq l’ont fait. Mon beau-père a dû tenir mon enfant d’un an et ils l’ont forcé à regarder. Ils l’ont aussi battu avec des cordes. Ils ont dit qu’ils voulaient tuer tous les Nande et prendre Mambasa. J’ai réussi à sortir par la fenêtre. Mon beau-père m’a aidée à monter pour sortir. Il a pris la fuite. Je ne sais pas où il est maintenant. Ma belle-mère a suivi les soldats.

Dans un autre cas, une femme pygmée a été sexuellement agressée par des soldats. Un témoin a raconté: A Nombi, une femme pygmée a été attaquée par des soldats. Elle était allée dans la forêt pour chercher de la nourriture et elle est tombée sur un groupe de militaires de Mambasa. Ils étaient en civil et parlaient lingala et swahili. Ils étaient nombreux. Ils ont capturé la femme et l’ont interrogée. Elle leur a dit qu’elle cherchait de la nourriture à échanger contre du sel. Ils ont sorti du sel qu’ils avaient et l’ont forcée à le manger avec leur arme à bout portant. Ils l’ont aussi fait manger une sorte de viande qu’elle n’a pas reconnue. Après avoir mangé tout ça, ils ont rasé sa tête et l’ont forcée à se déshabiller. Un soldat a alors mis sa main dans son vagin. Personne ne l’a arrêté. Ils l’ont laissée partir mais ils lui ont dit qu’elle ne devait pas parler de ce qui c’était passé. Elle était très malade d’avoir mangé tout ce sel et quand elle est arrivée au camp pygmée, elle a dit aux autres ce qui s’était passé. Ils ont essayé de trouver des médicaments traditionnels pour l’aider mais elle est toujours malade à Nombi.[222]

Le viol a fréquemment fait partie des massacres généraux et des autres formes de violence, ciblant un groupe ethnique donné, qui se sont produits en Ituri. A Nyakunde, un témoin a raconté comment elle avait été violée par des combattants ngiti: La nuit où ils sont venus pour chercher les Hema et les ennemis, j’ai été prise avec deux autres femmes qui étaient étudiantes. Quand ils sont venus vers nous, ils ont dit qu’ils avaient auparavant dit à ceux qui n’étaient pas des ennemis qu’ils devaient quitter Nyakunde. Donc comme j’étais restée, je devais être une ennemie et je devais être torturée. Ils ont attaché mes mains, m’ont fait sortir de la pièce et ont commencé à me battre. Ils m’ont frappée de façon répétée sur la tête et sur le dos.

A environ 4 heures du matin, ils nous ont fait marcher vers la concession des infirmières. Ils nous ont fait entrer dans la première maison et ont continué à nous frapper. Il y avait environ neuf combattants, quatre avaient des armes, les autres avaient des machettes, des lances et des haches. Ils nous ont fait nous déshabiller, puis, ils nous ont violées. Deux hommes m’ont violée, trois hommes ont violé chacune des deux autres filles. Ça a duré environ une heure et demi. Je connaissais les hommes qui m’ont violée. C’était des gens de Nyakunde. L’un d’eux m’a dit qu’il m’aimait bien avant mais que mes parents ne voulaient pas qu’il m’épouse. Il a dit qu’il pouvait me faire tout ce qu’il voulait et que je n’avais rien à dire. Il a même dit qu’il pouvait me tuer s’il voulait.

Quand le viol a été fini, ils ont dit que je pouvais remettre mes vêtements et que je devais aller voir mon fils, il n’a que douze ans. Le père de mon fils était lendu donc il est lendu même si je suis considérée comme hema. Ils ont commencé à m’accompagner à l’hôpital puis ils ont disparu et j’ai pris la fuite. Les deux autres filles ont été emmenées dans une autre maison mais je ne sais pas ce qui leur est arrivé. J’ai cherché mon garçon partout cette nuit-là mais je ne l’ai pas trouvé. J’ai entendu dire qu’ils l’avaient emmené pour transporter leurs biens à Songolo. C’est beaucoup plus tard seulement qu’un ami m’a dit qu’il était mort.

Je suis maintenant enceinte de cinq mois de l’homme qui m’a violée. Je ne sais pas quoi faire. Je n’ai pas d’avenir.[223]

Dans un autre cas, ce sont les combattants hema de l’UPC qui ont violé deux jeunes femmes lendu. Un témoin a raconté: En juillet 2002, deux jeunes femmes lendu ont été enlevées et violées par les miliciens UPC. Elles se rendaient au marché depuis Rwankole avec le mari de l’une d’elles quand des membres de l’UPC ont identifié les femmes comme étant lendu. Ils ont emmené les deux femmes et le jeune mari dans un bâtiment tout proche. Ils les ont mis dans une pièce et ils les ont battus. Ils ont tué le mari avec des machettes et ont violé les femmes. Plusieurs soldats les ont violées. Elles sont restées là-bas pendant treize jours presque sans nourriture. Un soldat leur donnait de temps en temps de l’eau. Pendant tout le temps, elles étaient nues et ont été violées plusieurs fois. Elles ont vu le mari enterré dans la concession. Un autre garçon bira a aussi été tué devant elles avec des machettes et enterré dans la même tombe. Les soldats le soupçonnaient d’être un combattant lendu.[224]

Les femmes brutalisées par des actes de violence sexuelle peuvent continuer à souffrir de problèmes physiques ou peuvent avoir contracté des maladies sexuellement transmissibles ou avoir été infectées par le virus VIH. La plupart de ces victimes ne reçoivent aucune aide médicale, soit parce qu’il n’y a pas de services hospitaliers en fonctionnement suffisamment proches pour qu’elles s’y rendent, soit parce qu’elles craignent que chercher de l’aide ne contribue à faire connaître à l’ensemble de la communauté le crime qu’elles ont subi. De nombreuses femmes et filles ne récupèreront jamais des conséquences physiques, psychologiques et sociales de ces attaques et certaines en mourront.

Les enfants soldats

Tous les groupes armés qui livrent combat en Ituri comportent un nombre important d’enfants dans leurs rangs. [225] Alors que la guerre s’intensifiait, le recrutement forcé d’enfants a également augmenté dans des proportions dramatiques. Des enfants de sept ans seulement, y compris des filles, ont été recrutés pour des services militaires. Le Protocole II de 1977 aux Conventions de Genève de 1949 interdit à tous les combattants, dans un conflit armé interne, de recruter des enfants de moins de dix-huit ans ou de leur permettre de prendre part aux hostilités.[226] Le critère fondamental en matière de droits humains sur le recrutement des enfants dans les forces armées est défini par l’article 38 de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC) ratifiée par la RDC en 1990 qui réaffirme l’interdiction du recrutement d’enfants de moins de quinze ans établie dans le Protocole II. [227]

L’article 38 de la CRC présente une particularité en utilisant un âge minimum de 15 ans. Partout ailleurs, la CRC considère comme un enfant toute personne de moins de dix-huit ans. D’autres critères internationaux ont été adoptés depuis l’élaboration de la CRC pour renforcer les protections pour les enfants affectés par un conflit armé. Ces critères reflètent la montée en puissance d’un consensus international selon lequel les enfants de moins de dix-huit ans ne devraient pas participer à un conflit armé. Le Protocole facultatif concernant la participation des enfants aux conflits armés fixe à dix-huit ans l’âge minimum pour une participation directe aux hostilités, pour un recrutement obligatoire et pour tout recrutement ou toute utilisation dans des hostilités par des groupes armés irréguliers. La RDC a ratifié le Protocole facultatif en novembre 2001.

Les chercheurs de Human Rights Watch ont noté la présence d’un nombre important d’enfants soldats chez les combattants UPC. Dans un entretien avec les chercheurs de Human Rights Watch, le Président de l’UPC, Lubanga a affirmé disposer de 15 000 soldats. Des experts locaux estiment qu’environ 40 pour cent de ces soldats sont des enfants de moins de dix-huit ans. En février 2003, des témoins ont vu des enfants nouvellement recrutés, portant encore leurs uniformes d’écoliers, dans les rues de Bunia. Lors de leur visite au Président, les chercheurs ont vu un certain nombre de soldats qui gardaient la résidence et qui avaient de toute évidence moins de dix-huit ans. Interrogé à ce sujet, Lubanga a déclaré: «L’UPC n’a pas beaucoup d’enfants de moins de dix-huit ans. Quand on récupère des gens des milices, on trouve parfois des enfants. On ne force personne. C’est juste eux qui viennent librement.» [228]

Cependant, des rapports font fréquemment état du recrutement forcé d’enfants par l’UPC. Le 8 novembre 2002, à 8 heures du matin, l’UPC serait entré dans l’école primaire de Mudzi Pela et aurait emmené de force tous les cinquième années, environ quarante enfants, pour le service militaire. Une opération similaire a été conduite à Salongo où l’UPC a encerclé un quartier et a ensuite enlevé tous les enfants qu’ils pouvaient y trouver. A la fin novembre, un directeur d’école s’est plaint que la moitié des ses élèves avaient été perdue et s’est exprimé ouvertement contre leur recrutement forcé. Le Forum des mères d’Ituri s’est plaint au Président Lubanga de l’UPC, fin 2002 du recrutement des enfants. L’UPC a ouvert un petit centre de démobilisation mais selon les gens locaux, ceci n’était qu’une astuce de relations publiques. Le recrutement des enfants s’est poursuivi.[229]

Des témoins ont rapporté qu’au début du conflit, chaque famille hema a dû donner un enfant aux milices hema ou a dû payer pour être exemptée de cette obligation. Si les parents refusaient, leurs enfants étaient pris de force. Les parents disposant des moyens financiers nécessaires ont envoyé leurs enfants à Kisangani, Kampala ou ailleurs afin de leur éviter ce service militaire forcé.[230]

De nombreux observateurs ont décrit les forces UPC comme «une armée d’enfants». Les enfants, certains de sept ans seulement, certains étant des filles, ont été formés par l’UPC dans les centres de formation de Mandro et Rwampara pendant un ou deux mois avant d’être jetés dans l’action. Une personne arrêtée par l’UPC à Bunia a déclaré qu’elle était gardée par des enfants soldats. «Il y avait quatre enfants qui gardaient la cellule, tous avaient moins de treize ans,» a-t-elle raconté. «Je leur ai demandé ce qu’ils faisaient. Ils ont dit que leurs parents étaient morts et qu’ils pouvaient gagner quelque chose dans l’armée. L’un d’eux a dit qu’il avait fréquenté l’école pendant trois ans seulement. Ils étaient tous armés mais il était évident qu’ils ne voulaient pas être là.»[231]

Les observateurs de la MONUC ont rapporté au siège à Kinshasa qu’environ vingt pour cent des recrues du camp de Mandro étaient des enfants.[232] D’autres sources ont estimé que le camp de Mandro hébergeait environ 5 000 soldats, ce qui signifie qu’il pourrait y avoir eu 1 000 enfants soldats là-bas. Les 10 et 27 septembre, des officiers de la MONUC ont rapporté à Kinshasa que l’UPC continuait à recruter de force des enfants. Lorsque le personnel de la MONUC a abordé le problème avec le Commandant Bosco de l’UPC, celui-ci a déclaré que «les enfants mineurs étaient tous des orphelins et que l’UPC s’occupait d’eux.»[233] Il a insisté pour dire que tous les recrutements étaient volontaires.

L’UPC a même mobilisé des enfants soldats qui avaient été démobilisés suite aux efforts de l’UNICEF fin 2000. Les officiers de protection de la MONUC et d’autres sources indépendantes, dont  Human Rights Watch, ont rapporté que des enfants congolais, principalement hema, étaient en formation en Ouganda. Après des pressions locales et internationales, l’armée ougandaise a admis qu’elle formait les recrues congolaises et a permis à l’UNICEF et à d’autres agences d’accéder à ces recrues. Le groupe comprenait 163 enfants. Début 2001, ces enfants soldats ont été renvoyés en grande pompe à Bunia, exemple de «succès» dans la démobilisation des enfants. Mais peu a ensuite été fait pour ces enfants après leur retour et la majorité d’entre eux, soit un total estimé à 130, a été depuis de nouveau recrutée par l’UPC.[234]

Les miliciens lendu et ngiti auraient également de jeunes enfants dans leurs rangs. Des témoins ont affirmé qu’au cours d’un certain nombre d’attaques, des femmes et des enfants étaient utilisés comme des boucliers pour les combattants mais qu’à d’autres moments, ils servaient de force de combat, principalement pour piller mais parfois aussi pour livrer combat. Lors de l’attaque de Nyakunde décrite plus haut, un témoin a rapporté que l’un des groupes qui avaient attaqué «était essentiellement composé de femmes, d’enfants et de personnes âgées. Ils transportaient tous des armes plus traditionnelles comme des haches, des flèches et des lances.»[235] Un autre témoin a déclaré que «Les enfants tuaient aussi. Ils avaient douze ans et plus. Ils portaient des armes à feu et des couteaux.» Un recruteur ngiti a affirmé aux chercheurs de Human Rights Watch que la plupart des membres des milices ngiti formés à Bunia étaient des adultes mais que parfois des enfants de moins de dix-huit ans étaient aussi formés.[236]

VI.  La situation actuelle

Dans les Accords de Luanda du 6 septembre 2002, l’Ouganda et la RDC avaient accepté qu’une Commission de Pacification en Ituri (CPI) soit établie comme structure intérimaire pour gouverner l’Ituri après le départ de l’armée ougandaise et avant qu’une administration congolaise régulière puisse être mise sur pied. Le gouvernement RDC et les parties locales devaient organiser la CPI avec le soutien des Nations Unies mais les premiers efforts d’organisation ont échoué et les combats se sont poursuivis. Un certain nombre de réunions de haut rang ont fait naître l’espoir que des actions seraient entreprises en février 2003 mais l’UPC a contesté la composition de la commission, rejeté tout rôle joué par Kinshasa et demandé qu’une présidence plus «neutre» remplace celle de la MONUC. Selon des observateurs, Lubanga a poussé en faveur d’une paix obéissant à ses conditions. Pour lui, c’était cela ou pas de paix du tout.[237]

L’armée ougandaise a délogé l’UPC du pouvoir en mars, faisant des objections de l’UPC un obstacle en moins et la CPI a été lancée début avril. Le 24 avril, la commission avait terminé son travail:

  • Etablissement d’une nouvelle assemblée intérimaire spéciale avec un pouvoir exécutif dirigé par un coordinateur jusqu’à ce que le nouveau gouvernement de transition de la RDC prenne le pouvoir.
  • Abolition du rôle de gouverneur, mettant ainsi un terme au statut de province de l’Ituri.
  • Mise sur pied d’un Comité de prévention et de vérification pour examiner les causes du conflit et prévenir toute violence supplémentaire.
  • Création d’une équipe consultative à partir de tous les groupes armés afin de contrôler les combattants.
  • Etablissement d’un Comité sur les droits humains pour aider les victimes et travailler à l’éducation du public sur les questions des droits humains.

La nouvelle structure n’avait pas de force réelle pour exécuter ses décisions. L’armée ougandaise a essayé d’installer un personnel général mixte avec le Commandant Jérôme d’Aru à sa tête mais les autres parties ont refusé et cette proposition s’est effondrée en quelques jours. Avec le départ des forces ougandaises début mai, une force de la MONUC renforcée d’environ 200 soldats uruguayens s’est vue confier la tâche de tenter de soutenir la CPI. Quelques jours après le retrait de l’armée ougandaise de Bunia, les combats ont repris entre l’UPC et les milices lendu et ngiti, faisant des centaines de morts civils alors que chaque milice attaquait les gens du groupe opposé. La MONUC a augmenté le nombre de ses soldats pour atteindre 700 mais les unités de gardes uruguayens n’étaient ni capables, ni équipées pour traiter des combats de cette ampleur. Les soldats se sont retirés dans leurs quartiers, entourés par presque 20 000 civils terrifiés cherchant protection.

Dans la perspective d’une augmentation de la violence, le Conseil de Sécurité a voté le 30 mai 2003 la création d’une Force multinationale intérimaire d’urgence pour assurer la sécurité et la protection des civils à Bunia, dont les membres de l’assemblée intérimaire alors que la MONUC renforçait sa présence par l’arrivée avant le 1er septembre de troupes supplémentaires.

VII.  Droit international et justice

Les forces armées et les milices impliquées dans le conflit en Ituri sont responsables de graves violations du droit international humanitaire, aussi connu sous le nom de lois de la guerre. Les individus et les groupes armés qui ont perpétré des massacres, des viols et des actes inhumains comme le cannibalisme ainsi que d’autres crimes en Ituri doivent assumer la responsabilité première de ces crimes. Mais les forces armées et les mouvements politiques sous le contrôle de gouvernements, à savoir l’Ouganda, le Rwanda et la RDC, sont également responsables parce qu’ils ont fourni un soutien militaire et des soutiens d’autre nature à des groupes locaux aux bilans exécrables en matière de droits humains. Mis à part quelques cas exceptionnels où les soldats ougandais ou congolais sont intervenus pour faire cesser les abus, les forces gouvernementales n’ont pas freiné les groupes armés sur lesquels elles exercent un contrôle. L’Ouganda porte une responsabilité particulière parmi les gouvernements parce qu’il a alimenté la violence ethnique entre les Hema et les Lendu dans la poursuite de ses propres intérêts immédiats. Les soldats ougandais ont eux-mêmes commis de nombreuses violations du droit international humanitaire en Ituri, depuis 1999.

Droit international humanitaire

Selon les Conventions de Genève de 1949, la guerre actuelle en RDC, y compris la guerre en Ituri est un conflit armé international qui s’entremêle avec plusieurs conflits internes. Les conflits armés internationaux, définis comme ceux opposant des états, sont régulés par les Conventions de Genève de 1949, le Premier protocole additionnel de 1977 aux Conventions de Genève (Protocole I) et le droit international humanitaire coutumier. Les conflits armés internes sont ceux qui se déclarent sur le territoire d’un état partie aux Conventions de Genève et sont couverts par l’Article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et au Second protocole additionnel de 1977 aux Conventions de Genève  (Protocole II) ainsi que par le droit coutumier applicable aux conflits internationaux. La RDC a ratifié les Conventions de Genève de 1949 en 1961 et le Protocole I en 1982. L’Ouganda a ratifié les Conventions de Genève en 1964 et les Protocoles I et II en 1991.

L’Article 3 commun aux Conventions de Genève lie expressément toutes les parties à un conflit interne, y compris les groupes armés non-étatiques, comme les milices lendu, les milices ngiti et les milices UPC/hema bien que ces groupes n’aient pas la capacité légale de signer les Conventions de Genève. L’Article 3 commun exige le traitement humain des civils et des combattants captifs et interdit les atteintes portées à la vie et à l’intégrité corporelle, en particulier les meurtres, les mutilations, les traitements cruels et tortures, les prises d’otages, les atteintes à la dignité des personnes, les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrement constitué.[238] Le droit international humanitaire coutumier interdit également aux groupes armés d’attaquer directement des civils ou de mener des attaques ayant un impact disproportionné ou non sélectif sur la population civile.

En violation de l’article 3commun, les divers groupes politiques armés et les milices, y compris le RCD-ML, le MLC, le RCD-N, les milices UPC/Hema, les milices lendu et les milices ngiti ont commis, sur une vaste échelle, des meurtres délibérés de civils non armés. Ils ont également effectué des meurtres sommaires de combattants captifs, des actes de torture et des arrestations arbitraires, des viols et d’autres attaques directes. Certaines forces se sont également livrées à des actes de cannibalisme et ont délibérément mutilé des cadavres. Si dans certains cas, les coupables présumés ont été identifiés, ceux qui sont responsables d’atrocités innombrables en Ituri n’ont pas été traduits en justice. Cette culture de l’impunité a alimenté encore davantage le cycle de la violence.

Là où les forces ougandaises exerçaient contrôle ou autorité sur la population civile en RDC, elles étaient liées par les dispositions de la Quatrième Convention de Genève qui s’applique aux territoires occupés.[239] Les commandants militaires sur place doivent respecter les droits fondamentaux de la population civile.[240] Sont spécifiquement interdits la contrainte d’ordre physique ou moral contre les civils et les combattants captifs (article 31), les peines corporelles et la torture (article 32), les peines collectives, le pillage et les mesures de représailles (article 33). Les femmes doivent être particulièrement protégées contre toute attaque, en particulier contre le viol, la contrainte à la prostitution ou tout attentat à leur pudeur. Chacun doit être traité avec la même considération par la puissance occupante sans hostilité spécifique sur base, en particulier, de la race, de la religion ou de l’opinion politique. Les biens privés ne peuvent être confisqués.[241] Les soldats ougandais déployés en Ituri se sont parfois livrés à l’une ou plusieurs de ces actions interdites, comme le meurtre délibéré de civils lors de l’attaque sur la résidence du gouverneur et ses environs à Bunia, début août 2002.

Selon le droit international humanitaire, une puissance occupante a le devoir de restaurer et d’assurer l’ordre public et la sécurité sur le territoire sous son autorité. Cette puissance est responsable de protéger la population, y compris les membres des groupes minoritaires contre la violence et les représailles en provenance de parties tierces comme des groupes armés.[242] Au cours de la période d’occupation par l’Ouganda, les forces armées ougandaises avaient alors pour devoir de restaurer et d’assurer l’ordre public dans des endroits comme Bunia, Nyakunde, Mongbwalu et Drodro. Dans des cas innombrables, l’armée ougandaise a bafoué ses responsabilités selon les Conventions de Genève en ne défendant pas les populations vulnérables, tant hema que lendu, dans les zones qu’elle contrôlait.

L’Ouganda a également la responsabilité, selon le droit international humanitaire de prévenir les violations du droit international humanitaire par les forces sur lesquelles ce pays exerce un contrôle effectif. La Cour Internationale de Justice a décrété qu’une puissance étrangère est responsable de la conduite d’une faction dans une guerre civile si la faction est de facto l’agent de la puissance étrangère ou si par ailleurs, la puissance étrangère lui donne l’ordre de commettre certains actes.[243] Les autorités ougandaises ont eu une relation étroite à différents moments avec les forces de l’UPC, les milices hema, les milices lendu et d’autres de l’ancienne coalition FIPI, ayant armé et formé ces groupes. L’Ouganda a violé le droit international humanitaire en n’usant pas de son influence pour stopper les flagrantes violations des droits humains commises par ces groupes.

La situation en Ituri est celle d’une catastrophe humanitaire: plus de 500 000 personnes ont dû quitter leur foyer et ont été déplacées, et de larges segments de population en danger n’ont pas accès à l’aide humanitaire.[244] Selon les Conventions de Genève, l’Ouganda avait la responsabilité de permettre aux agences humanitaires un accès sûr et sans entraves aux populations vulnérables et de respecter l’indépendance et l’impartialité du personnel humanitaire. Le personnel humanitaire devait également être respecté et protégé. En tant que puissance occupante, l’Ouganda avait la responsabilité spéciale de maintenir les hôpitaux et les autres services médicaux «dans toute la mesure de ses moyens»[245] ce qui inclut la protection des hôpitaux civils, du personnel médical, des blessés et des malades. L’Ouganda a violé ses obligations internationales en laissant les agences humanitaires bloquées à Bunia pendant plus de six mois en 2002 sans revoir la restriction et sans exercer d’influence pour que soient ouverts les accès aux zones où des civils se trouvaient dans le besoin le plus total. Suite à cela, des milliers de personnes seraient mortes d’un manque d’accès à l’aide humanitaire.

La Cour Pénale Internationale

Le gouvernement de la RDC a ratifié le Statut de la Cour Pénale Internationale (CPI) le 30 mars 2002[246] et son cabinet a élaboré une loi de mise en œuvre en juin et octobre 2002 même si celle-ci n’a pas encore été envoyée au parlement. Le projet de loi incorpore dans le droit national tous les crimes de la CPI et prévoit une collaboration complète entre le procureur de la CPI et les autorités judiciaires congolaises.

Avec la ratification du Statut de la CPI, le crime de génocide, les crimes contre l’humanité ou les crimes de guerre [247] commis après le 1er juillet 2002 sur quelque partie que ce soit du territoire de la RDC ou ailleurs par des ressortissants congolais peuvent faire l’objet de poursuites judiciaires dans le cadre de la CPI, si le gouvernement de la RDC ne peut ou ne veut poursuivre lui-même en justice de tels cas.

Il est très probable que les crimes commis en Ituri après le 1er juillet 2002 seront soumis à la compétence de la CPI. Le gouvernement de Kinshasa n’a pas encore le contrôle total de l’Ituri et n’est pas en mesure d’exercer des fonctions judiciaires sur le territoire. Tout procès en RDC pour crimes commis en Ituri après le 1er juillet 2002 n’empêchera pas l’exercice de la compétence de la CPI s’il est prouvé que les procès ont été organisés pour des raisons politiques et sans souci du respect des procédures légales.

VIII.  La réponse de la communauté internationale

Les principales puissances ayant un intérêt en Afrique ont depuis longtemps professé leur désir de voir la guerre en RDC prendre fin. Elles ont consenti des efforts diplomatiques et des ressources financières pour faciliter les négociations entre les gouvernements nationaux et les mouvements rebelles à prétentions nationales qui représentent les parties en conflit. Des membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies et des missions de différents chefs d’état ont parcouru la région, tentant de rallier les soutiens en faveur de la fin du conflit. Mais ces efforts n’ont porté que sur la partie supérieure du conflit et ne sont pas parvenus à traiter les guerres locales, plus petites, elles-mêmes soutenues par la guerre plus vaste, qui ont tué des milliers de personnes[248] et ravagé la vie de milliers d’autres personnes, violées, blessées ou privées de leur maison et de leurs biens. L’échec à traiter le conflit en Ituri a finalement produit une crise qui a nécessité l’intervention d’une force internationale. Si cette force n’est pas correctement soutenue et capable d’assurer la protection de la population civile en Ituri, ce conflit et d’autres similaires dans les Kivus mettront en danger tous les accords élaborés avec grand soin censés mettre un terme à la guerre au niveau national.

Les Nations Unies et la MONUC

En dépit des déclarations des Nations Unies sur la nécessité de mettre un terme à la guerre en RDC, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a mis du temps à autoriser une force pour superviser les Accords de paix initiaux de Lusaka et la force qu’il a rassemblée était petite et équipée de façon inadéquate. Le Conseil de Sécurité a initialement autorisé quelque 5 537 hommes dont 550 observateurs des Nations Unies, le reste étant des soldats chargés de les protéger et de protéger les installations des Nations Unies, mais il a fallu des années aux forces de la MONUC pour atteindre ce niveau. En charge du suivi de la mise en œuvre des accords mettant un terme aux combats entre les forces nationales, la MONUC a concentré son premier déploiement limité d’hommes, moins de 2 000 soldats, le long de la ligne de cessez-le-feu où a été enregistré un respect global des termes des traités. Mais à distance du front, les combats se sont poursuivis dans les Kivus et en Ituri où les forces mandataires et les milices locales ont repris les armes déposées par les acteurs principaux.

Des informations sur la guerre locale en Ituri étaient disponibles tant auprès des agences des Nations Unies que de sources indépendantes. Une agence des Nations Unies, activement présente en Ituri, a mis en garde dans un rapport interne de février 2001: «La situation aujourd’hui en Ituri est hautement explosive. Des individus et des groupes de tous les côtés seraient en train de préparer de nouveaux massacres, des armes sont achetées et distribuées dans Bunia et dans ses environs. Si des actions ne sont pas entreprises immédiatement pour faire retomber les tensions, des confrontations de plus grande ampleur, plus violentes et incontrôlables sont à craindre.»[249] En mars 2001, Roberto Garreton, alors Rapporteur spécial des Nations Unies pour le Congo, a publié un rapport décrivant la violence à base ethnique en Ituri et a établi un lien entre celle-ci et l’exploitation des ressources naturelles.[250] Le rapport final en 2002 du Groupe des experts des Nations Unies sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et d’autres formes de richesse en RDC a décrit de façon plus détaillée le lien entre violence ethnique et le désir de l’Ouganda d’exploiter les ressources naturelles de l’Ituri.[251] Le Conseil de Sécurité a invité des analystes d’associations non-gouvernementales, dont Human Rights Watch, pour informer ses membres sur les guerres locales. En septembre 2002, le Secrétaire Général des Nations Unies, dans un Rapport spécial sur la Mission des Nations Unies en RDC (MONUC) a qualifié la situation «d’explosive».

En dépit de la quantité d’informations disponibles, certains membres des Nations Unies et certains officiels des Nations Unies n’ont pas reconnu les liens complexes entre la guerre locale et la guerre plus large et ont traité l’Ituri comme «une guerre tribale», n’entrant pas dans le champ d’action des Nations Unies. Le Représentant Spécial du Secrétaire Général, Amos Ngongi, a été cité comme ayant déclaré qu’en Ituri, «les Congolais se battent entre eux,» une conclusion très loin de décrire la complexité du conflit.[252]

Réticentes à s’engager encore davantage dans le volet local de la guerre, les Nations Unies ont consenti à laisser l’Ouganda continuer de contrôler l’Ituri, soit directement, soit par l’intermédiaire de ses divers substituts. Après l’établissement de la CPI en septembre 2002, la MONUC a entrepris de soutenir la nouvelle institution mais avec dix observateurs seulement, elle a manqué de moyens pour appuyer la commission et obliger l’UPC à coopérer avec elle.

A la fin de 2002, la MONUC a effectivement agi avec rapidité lorsque le MLC et le RCD-N ont avancé contre les positions du RCD-ML à Mambasa et plus au sud vers Beni. La MONUC a dénoncé cette violation du cessez-le-feu et a finalement contribué à l’établissement d’un nouveau cessez-le-feu qui a mis un terme à d’autres combats et a posté une équipe de la MONUC à Mambasa pour observer sa mise en œuvre. Peut-être parce qu’il avait enfin été forcé d’admettre que les dispositions pour mettre un terme à la guerre plus large seraient constamment menacées si la question des guerres locales n’était pas abordée, le Conseil de Sécurité a adopté la Résolution 1445 faisant passer les troupes de maintien de la paix des Nations Unies de 5 527[253] hommes à 8 700 et a demandé au Secrétaire Général de placer davantage de ressources de la MONUC dans la région d’Ituri, si la sécurité le permettait. Deux ans pratiquement après les premiers signes de l’imminence de la violence, la résolution a exprimé «les profondes inquiétudes [du Conseil de Sécurité] quant à l’intensification de la violence à base ethnique dans la région de l’Ituri», a condamné la violence et l’incitation à la violence qui avait cours et a appelé les forces combattantes dans la région à prendre des mesures immédiates pour assurer la protection des civils et mettre un terme aux violations des droits humains.

Cependant, il s’est avéré difficile de trouver des troupes pour la mission en RDC. Aucun des gouvernements européens ou nord-américains n’a voulu apporter sa contribution et peu d’états africains étaient enthousiastes quant à leur participation. Dans l’attente d’une action du siège, la petite équipe de la MONUC à Bunia a tenté, là où cela était possible, de faire retomber les tensions et d’aider les civils. C’était en apparence une tâche impossible mais en certaines occasions, l’arrivée des observateurs de la MONUC sur les lieux a contribué à éviter les confrontations. Le mandat de la force autorisait les soldats à protéger les civils si ceux-ci se trouvaient confrontés à un danger imminent. La conduite de cette petite équipe a montré ce que pouvait accomplir une interprétation courageuse du mandat confié.[254]

En janvier 2003, la MONUC a également réalisé l’une des ses enquêtes sur les droits humains les plus complètes, étudiant les accusations contre le MLC et le RCD-N au cours de leurs activités militaires des derniers mois de 2002. La MONUC a rapporté avoir trouvé des cas de viols systématiques, de pillages, d’exécutions sommaires et dix cas confirmés de cannibalisme contre le groupe ethnique «nande».[255] Le 15 janvier, le Conseil de Sécurité a condamné «en des termes les plus fermes» les massacres systématiques et les violations perpétrés par le MLC de Bemba et le RCD-N. Exprimant des sentiments probablement partagés par d’autres membres du Conseil de Sécurité, le représentant des Etats Unis a exprimé sa révulsion quant au fait que des membres d’une faction armée censés assumer le pouvoir dans un prochain gouvernement puissent se livrer à de tels actes de torture, viol, meurtre et cannibalisme.[256]

Pendant le même temps, les pressions bilatérales et multilatérales se sont  accrues contre l’Ouganda afin qu’il retire ses troupes d’Ituri. Mais le départ des troupes ougandaises sans une force internationale pour les remplacer allait créer un vide de pouvoir qui risquait alors d’être comblé par les groupes locaux armés. Dans la résolution 1468 du 20 mars 2003, le Conseil de Sécurité a appelé l’Ouganda à se retirer et a exprimé ses préoccupations sur le fait que l’Ouganda ne s’était pas préalablement retiré selon le calendrier prévu. Le Conseil a également souligné auprès du Rwanda que tout retour de ses forces «serait inacceptable.» Le Conseil a également demandé au Secrétaire Général d’augmenter les effectifs de la MONUC en Ituri et de soutenir la Commission de Pacification en Ituri.[257]

Après qu’un massacre à Drodro eut fait la une de l’actualité[258] et avec le retrait imminent de l’armée ougandaise, la MONUC a annoncé le 23 avril que ses effectifs en Ituri passeraient à 850 dont 200 hommes seraient immédiatement envoyés à Bunia. Le retrait ougandais le 6 mai 2003 a entraîné la vacance de pouvoir qui avait été redoutée. Les troupes de la MONUC nouvellement arrivées composées d’unités de gardes uruguayens n’avaient pas la capacité de prévenir les combats à Bunia alors que les groupes armés hema et lendu rivalisaient pour le contrôle de la ville pendant tout le mois de mai. Le 30 mai 2003, le Conseil de Sécurité a autorisé une Force Multinationale Intérimaire d’Urgence pour l’Ituri avec un mandat Chapitre VII, reconnaissant ainsi le besoin urgent de protéger les civils, y compris par le recours à la force si nécessaire. Mais cette mesure de court terme arrive à échéance le 1er septembre 2003 lorsqu’un contingent de troupes du Bangladesh doit venir renforcer les troupes de la MONUC à Bunia. Au moment de la rédaction de ce rapport, il n’y a pas d’indication claire sur la façon dont la MONUC, avec un mandat Chapitre VI beaucoup plus faible, sera en mesure de protéger les civils, dans Bunia ou dans ses environs après le départ de la force d’urgence.

Dans sa résolution du 20 mars 2003, le Conseil de Sécurité a condamné les violations des droits humains commises en RDC, en particulier en Ituri. Il a affirmé que des membres du MLC, du RCD-ML et de l’UPC avaient perpétré ces crimes et qu’ils seraient tenus pour responsables de leurs actions. La CPI aura compétence pour lancer une investigation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis après juillet 2002. Cependant, il est beaucoup moins clair quel sera le mécanisme – s’il y en a un – qui sera mis en place pour enquêter sur ces crimes internationaux commis avant cette date et les traduire en justice. Le Conseil de Sécurité a demandé au Secrétaire Général, en consultation avec le Haut commissariat aux droits de l’homme, de faire des recommandations au Conseil sur la façon dont traiter la question de la justice pour ces crimes.

Les bailleurs internationaux

Les gouvernements de l’Ouganda, du Rwanda et de la RDC dépendent fortement de l’assistance des bailleurs, une situation qui pourrait offrir aux principaux bailleurs un moyen significatif pour influencer leurs décisions politiques. Ces bailleurs déclarent souvent qu’ils s’engagent individuellement, en tant que membres des Nations Unies et en tant que membres des institutions financières internationales à mettre un terme à la guerre en RDC, en partie parce qu’ils savent que le conflit et les dépenses militaires qui lui sont liées entravent la réduction de la pauvreté et le développement économique qu’ils cherchent à promouvoir. Les bailleurs savent également que l’assistance qu’ils accordent pour le développement économique ou pour l’aide humanitaire est fongible, à savoir que les fonds donnés dans un but précis, comme l’éducation, libèrent de l’argent qui peut être dépensé pour un autre objectif, comme l’achat d’armes. Les bailleurs doivent trouver des moyens efficaces pour suivre l’utilisation des fonds qu’ils remettent. Sans cela, ils courent le risque de financer une guerre supplémentaire ainsi que les violations des droits humains qui l’accompagnent.

Pour l’année fiscale 2000 à 2001, les bailleurs internationaux ont financé 55 pour cent du budget de l’Ouganda soit un total de 582,2 millions de dollars US. Depuis 2000, l’Ouganda a également bénéficié d’une remise de dette d’environ 2 millions de dollars US de sources diverses. Le Fonds Monétaire International (FMI) a approuvé en septembre 2002 un nouvel accord de trois ans dans le cadre de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance d’un montant de 17,8 millions de dollars US pour l’Ouganda.  Au même moment où se concluaient ces nouveaux engagements, l’Ouganda a dépassé son budget de la défense de plus de 30 pour cent, selon des estimations formulées par l’International Institute of Strategic Studies.[259] Il a également fait basculer des dépenses d’autres ministères vers ses budgets de la défense et de la sécurité.[260] Le Ministre de la défense a admis en 1999 lors d’une enquête que le Ministère de la défense avait dissimulé ses dépenses derrière d’autres lignes budgétaires afin d’éviter la pression des bailleurs.[261]

En dépit de leur désir affirmé de mettre un terme à la guerre en RDC, les bailleurs ont échoué à utiliser efficacement les moyens dont ils disposaient et pendant des années, ont fait peu de progrès pour persuader les parties de cesser le conflit. En 2002, les bailleurs multilatéraux et bilatéraux ont tous pris des positions plus fermes. En mai, le Fonds Monétaire International (FMI) a lié la reprise de son aide à la RDC à des progrès supplémentaires dans le processus de paix (et également à des progrès dans la poursuite des réformes économiques).[262] Les Etats Unis ont également refusé de soutenir un appel du Rwanda au renouvellement de l’aide qu’il reçoit du FMI et selon des sources au Département d’Etat, les Etats Unis ont affirmé aux autorités rwandaises que leur position était une réponse à la présence continue du Rwanda en RDC et aux abus contre les droits humains commis par les forces rwandaises sur place.[263] Le gouvernement danois a coupé son aide à l’Ouganda début 2002 suite à des préoccupations sur les activités militaires ougandaises en RDC.[264] Face à ces cas de pression accrue et probablement à d’autres également, le Rwanda et l’Ouganda ont retiré leurs unités militaires régulières en 2003, remplissant ainsi un objectif politique majeur de nombreux bailleurs. Ces deux pays ont conservé une influence suffisante auprès des acteurs congolais pour protéger leurs intérêts, tant en Ituri qu’ailleurs.

Les bailleurs ont soulevé des préoccupations relatives aux droits humains mais ont utilisé les moyens dont ils disposaient de façon encore moins efficace sur ces questions que sur celle concernant l’arrêt de la guerre. Suffisamment bien informés sur les abus contre les droits humains par leurs propres ambassades, par les agences des Nations Unies et par les organisations de défense des droits humains nationales et internationales, les bailleurs n’ont pas réussi à amener les gouvernements et les autres acteurs à mettre un terme aux abus en RDC, ni à punir les auteurs de ces actes dans leurs rangs.

L’Union Européenne

Jusqu’à la mi-2002, l’Union Européenne (UE) a largement prouvé son inefficacité pour influencer les développements en RDC parce que les états membres de premier plan étaient divisés sur le choix du camp à soutenir: le Royaume Uni, généralement soutenu par l’Allemagne et les Pays Bas appuyaient le Rwanda et l’Ouganda alors que la France, souvent avec la Belgique, appuyaient le gouvernement de la RDC. Tout au long de la guerre, l’UE a fait plusieurs déclarations dénonçant la violence contre les civils dont une en février 2001 qui identifiait le rôle de l’Ouganda dans l’exacerbation du conflit entre les Hema et les Lendu. Il était noté: «la présence militaire continue de l’armée ougandaise dans cette partie de la RDC … entrave les efforts pour y rétablir la paix.»[265] Cependant, cette réprimande mise à part, l’UE a peu fait publiquement pour exercer des pressions sur l’Ouganda afin que ce pays change de comportement.

Les membres de l’UE souscrivent à un Code de conduite sur l’exportation des armes qui interdit les transferts d’armes pouvant «aggraver des tensions existantes ou des conflits armés dans le pays de destination finale» ou qui risquent d’alimenter les abus contre les droits humains. Cependant, ils n’ont rien fait pour stopper la livraison d’armes à la région des Grands Lacs, une région où la pléthore d’armes a certainement contribué aux abus contre les droits humains. En juin 1999, une déclaration présidentielle de l’UE rappelait aux membres leur obligation de respecter le Code de conduite mais un an plus tard, en mai 2000, les membres ne parvenaient toujours pas à se mettre d’accord sur une suspension des livraisons d’armes à la région des Grands Lacs, certains avançant comme argument qu’un tel embargo serait toujours violé. Mais les 22 et 23 janvier 2001, le Conseil des affaires générales a décidé de demander aux instances européennes appropriées de faciliter à l’avance des recommandations sur «un possible embargo et sur ses modalités pour contenir le flux d’armes qui alimentait et prolongeait le conflit en RDC et dans la région des Grands Lacs.»

Au cours de l’année dernière, des efforts auraient été faits pour garantir une politique européenne plus cohérente sur les Grands Lacs. En janvier 2002, les Ministres français et britannique des affaires étrangères ont effectué une mission commune dans la région des Grands Lacs, censée promouvoir la paix dans la région et tenter d’unifier la politique européenne sur la zone, avec une visite de suivi prévue en 2003. Le rôle de l’UE en RDC et spécifiquement en Ituri, a reçu un coup de fouet non négligeable avec l’accord faisant de l’UE le chef de file de la Force Multinationale Intérimaire d’Urgence en Ituri dans le cadre du Pacte européen de sécurité et de défense, créant la première occasion d’utilisation de cette force hors d’Europe. Bien que la France prenne un rôle de premier plan dans la force multinationale, le Royaume Uni enverra également un petit nombre de troupes.

Le Royaume Uni

Le Premier Ministre, Tony Blair a publiquement déclaré en octobre 2001 que «la communauté internationale pouvait … avec notre aide résoudre la situation néfaste que constitue le conflit permanent en République Démocratique du Congo, où trois millions de personnes sont mortes de la guerre ou de la famine au cours de la dernière décennie.»[266] En étant le plus important bailleur bilatéral de l’Ouganda et le second bailleur du Rwanda, le RU apparaît bien placé pour faire pression sur ces gouvernements afin qu’ils changent leur conduite en RDC. L’ancien Secrétaire d’Etat pour le développement international, Clare Short, a déployé des efforts considérables pour tenter de réduire les tensions et éviter une guerre possible entre le Rwanda et l’Ouganda mais n’a pas fait d’efforts similaires pour tenter de mettre un terme aux abus contre les droits humains dans certaines parties de la RDC contrôlées par l’Ouganda ou le Rwanda.

Le gouvernement du Royaume Uni, comme beaucoup d’autres bailleurs, apporte maintenant son assistance sous la forme d’un soutien à la balance des paiements des gouvernements de l’Ouganda et du Rwanda. Ceci signifie que les fonds sont donnés sans qu’ils soient liés à des projets spécifiques. Reconnaissant la possibilité que de telles contributions non-limitées finissent par couvrir des dépenses militaires, le RU a exhorté les autorités ougandaises à revoir leurs dépenses militaires et en 2001, le RU a commencé à examiner de telles dépenses dans le but d’assurer une plus grande transparence. A ce jour, les résultats de cette mesure ne sont pas connus. Dans le même temps, le gouvernement britannique a continué à soutenir l’Ouganda et le Rwanda politiquement et financièrement. Les autorités britanniques se sont dans l’ensemble abstenues de toute critique ouverte à l’encontre de l’Ouganda ou du Rwanda. Si ces autorités ont exercé des pressions privées pour persuader ces pays de stopper les violations des droits humains commises par leurs soldats ou par les groupes contrôlés par leurs soldats en RDC, de telles pressions ont produit peu de résultats visibles.

Le parlement britannique a été plus critique sur cette guerre continuelle et sur son coût pour les civils. Dans un rapport de novembre 2002, le Groupe multipartite pour les Grands Lacs et la prévention d’un génocide exprimait ses préoccupations sur le rôle de l’Ouganda en RDC et exhortait à ce que «les allégations sur le rôle de l’armée ougandaise dans l’exploitation des ressources et les violations des droits humains, en particulier dans la région de l’Ituri» soient complètement évaluées quand sera mesuré le succès de l’assistance britannique à l’Ouganda.

Les Etats Unis

Les Etats Unis ont depuis longtemps fourni un soutien substantiel à l’Ouganda, non pas seulement à cause de son succès apparent dans le domaine du développement économique et de la lutte contre le VIH/SIDA mais aussi parce qu’il a offert son assistance pour restreindre le pouvoir du Soudan, considéré par les Etats Unis comme une menace majeure sur la stabilité dans le Nord-Est de l’Afrique. Pour l’année fiscale 2001, les Etats Unis ont apporté 81 millions de dollars US d’aide au développement et d’aide alimentaire à l’Ouganda. Pour l’année fiscale 2002, l’assistance américaine a atteint un total d’environ 71,8 millions de dollars US et environ 70 millions de dollars US ont été demandés pour 2003.

En décembre 2002, l’administration Bush a certifié que l’Ouganda pouvait être admis dans la catégorie des pays à statut commercial privilégié dans le cadre de la Loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique (AGOA), un programme censé comporter parmi ses critères de sélection, les performances réalisées dans le domaine des droits humains. En 2001, le Département d’Etat américain dans son rapport annuel Country Reports on Human Rights Practices a critiqué les soldats ougandais pour leurs abus contre les droits humains en RDC mais l’année suivante, le rapport affirmait qu’il n’y avait pas «de rapports confirmés» d’abus supplémentaires dans ce pays en 2002. Le rapport 2002 a effectivement pris note que des milliers de civils avaient été tués par la violence entre Hema et Lendu dans les zones sous influence de l’armée ougandaise.

En mars 2003, le Sous-Secrétaire d’état des Etats Unis pour les affaires africaines, Walter H. Kansteiner III a rencontré le Président Museveni en Ouganda pour discuter des questions bilatérales et régionales mais il n’a fait aucune référence publique aux abus associés à la présence de l’Ouganda en RDC. De la même façon, la Maison Blanche n’a publié aucune déclaration critique sur les actions de l’Ouganda en RDC après une réunion en juin 2003 entre les Présidents Bush et Museveni. Cependant, selon des rapports de presse et d’autres sources, Bush aurait critiqué en privé le rôle de l’Ouganda en Ituri.

Dans une audience sur les Grands Lacs devant le Sous comité Afrique du Comité de la chambre des représentants sur les relations internationales, le 3 avril 2003, le Sous-Secrétaire d’état adjoint, Charles Snyder, s’est largement concentré sur les développements politiques et humanitaires en RDC. Il a insisté sur la nécessité du retrait des troupes ougandaises et a seulement affirmé que les Etats Unis avaient un engagement «constant et actif» sur la question des droits humains, sans donner de détails.

Dans un document de mars 2003 sur l’AGOA, les autorités américaines ont décrit le bilan du Rwanda en matière de droits humains comme «faible», une évaluation qui fait écho au Country Reports on Human Rights Practices qui critiquaient ces dernières années la conduite des troupes rwandaises en RDC. Dans l’audience donnée en avril 2003 par Snyder, ce dernier appelait le Rwanda à cesser son soutien aux troupes congolaises, y compris l’UPC et à garder ses soldats hors de la RDC. La décision du Département d’Etat de refuser de soutenir le renouvellement de l’aide du FMI au Rwanda aurait eu plus de poids auprès des autorités rwandaises si cette position n’avait pas été amoindrie par une attitude plus conciliante envers le Rwanda au Conseil pour la Sécurité Nationale, l’instance de la Maison Blanche en charge de la politique étrangère. Dans un cas similaire, le Département d’Etat a tenté de suspendre la participation du Rwanda à l’International Military Education and Training Program (IMET, Programme international d’éducation et de formation militaire) géré par l’armée américaine à cause des activités rwandaises en RDC mais cette position a été rejetée par l’administration Bush. L’administration a également décidé d’admettre le Rwanda au programme AGOA en dépit de son «faible» bilan sur les droits humains.

Remerciements

Les informations présentées dans ce rapport ont été recueillies par Anneke Van Woudenberg et Carina Tertsakian, chercheuses à la Division Afrique de Human Rights Watch.

Ce rapport a été rédigé par Anneke Van Woudenberg et corrigé par Alison Des Forges, Conseillère à la Division Afrique, Peter Takirambudde, Directeur exécutif de la Division Afrique et  Carina Tertsakian. Ce rapport a été revu par Iain Levine, Directeur des programmes, Janet Fleishman, Directrice à Washington pour l’Afrique, Pascal Kambale, du Programme justice internationale, Tony Tate, Division droits des enfants et James Ross qui a revu les aspects légaux. Jeff Scott, Kate Fletcher, Floriane Begasse et Veronica Mathushaj ont aidé à la production et à la coordination de ce rapport. Anne Fonteneau a assuré la traduction en français.

Nous souhaitons remercier pour leur engagement et leur aide, nos collègues dans le Nord-Est de la RDC qui risquent leur vie pour défendre les droits des autres. Nous sommes très reconnaissants à tous ceux qui ont pris le temps et qui ont eu le courage de parler à nos chercheurs, en particulier ceux qui ont personnellement été victimes d’abus.

 «On n’échappe pas à l’horreur»

L’histoire d’Elise, quinze ans, n’est qu’une histoire parmi tant d’autres en Ituri. Elise a fui d’une attaque à l’autre et a été le témoin d’atrocités effroyables. Ayant parcouru plus de 480 kilomètres à pied dans sa quête d’un endroit sûr, Elise a survécu pour raconter son histoire; beaucoup d’autres n’y sont pas parvenus.

J’ai quinze ans. Mon père est hema et ma mère nande. J’étais à Komanda en août 2002 quand les combattants ngiti ont attaqué la ville. Ils tuaient les gens, en particulier les Hema. Je me suis cachée avec ma famille dans la forêt mais ils nous ont trouvés. Ils étaient six, en civil, avec des haches et des machettes. J’ai vu des gens se faire tuer, des hommes, des femmes et des enfants. Puis, ça a été notre tour. Ils nous ont demandé de quel groupe ethnique on était. On a dit nande. Ils ne nous ont pas crus et ils ont dit qu’ils allaient nous tuer. Ils nous ont pris un par un. Ils ont tué ma mère, mon père et mon frère, celui qui est plus âgé que moi. Puis ils m’ont prise et ils ont coupé mon poignet, mon cou et mes deux épaules. Ils pensaient que j’étais morte, c’est pour ça qu’ils m’ont laissée. Je pense que plus de 200 personnes ont été tuées ce jour-là, surtout des Hema et des Gegere.

J’ai réussi à me relever et à trouver un hôpital à Komanda. Cela m’a pris environ cinq heures. J’ai dû marcher 10 kilomètres pour arriver là bas. J’étais toute seule. A l’hôpital, ils se sont occupés de ma main et de mon cou. J’ai passé un certain temps à l’hôpital avant que la milice hema décide de m’emmener dans un hôpital plus grand, à Nyakunde. J’ai passé à peu près un mois là-bas et puis le 5 septembre, les Ngiti ont aussi attaqué cette ville. Ils ont tué beaucoup de personnes. Cette fois, c’était les Ngiti, les Lendu et les soldats de l’APC. Je me suis cachée dans la salle d’opération avec d’autres Hema. Ils tuaient tout le monde et épargnaient seulement les Nande et ceux qui n’étaient pas hema. Je ne savais pas quoi faire. Je leur ai dit que j’étais nande et j’ai réussi à m’échapper. Avec 50 autres personnes, on a réussi à prendre la fuite en courant.

Je voulais m’éloigner de la tuerie alors j’ai marché jusqu’à Mambasa [à environ 320 kilomètres]. Je suis allée voir le prêtre blanc qui s’est débrouillé pour que je sois soignée dans l’hôpital de Mambasa. Une autre femme a aussi aidé à s’occuper de moi. Mais en octobre, Mambasa a aussi été attaqué par les Effaceurs [les troupes du MLC et du RCD-N]. Ils tiraient du matin au soir. On a fui dans la forêt. Ils ont pillé nos affaires. Ils ont violé de nombreuses filles. J’ai passé environ un mois dans la forêt. Ils ont tué quatre personnes à Mambasa. Elles ont été tuées sous un arbre, près de la maison du commissaire. Elles ont été enterrées dans une fosse commune. J’ai trouvé les corps en pleine décomposition. J’ai encore pris la fuite vers Mayuano, à environ 33 kilomètres mais les Effaceurs sont arrivés là-bas aussi. Alors je suis allée à Teturi où ils ont aussi attaqué, puis à Byakato. J’ai continué jusqu’à Mangina où je suis restée.

Est-ce-que ces tueries vont cesser un jour?

(Entretien conduit par Human Rights Watch, Mangina, février 2003).

Ituri : "Couvert de Sang": Violence ciblée sur certaines ethnies dans le Nord-Est de la RDC | HRW

NOTES

  1. Initialement connu sous le nom de RCD-Kisangani, le nom a été changé en RCD-ML après le déplacement vers Bunia. Ce mouvement est parfois désigné par le sigle RCD-K-ML pour traduire ses origines premières.
  2. Selon les Accords de Luanda, l’Ouganda a promis de retirer immédiatement ses troupes de Gbadolite et Beni mais a décidé de laisser des soldats à Bunia jusqu’à l’établissement d’une administration civile là-bas.
  3. Human Rights Watch, , « Chaos in Eastern Congo: UN Action Needed Now, » Briefing Paper, octobre 2002.
  4. Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  5. Human Rights Watch, « Chaos in Eastern Congo: UN Action Needed Now. »
  6. Human Rights Watch, Short Report, L’Ouganda dans l’est de la RDC: une présencequi attiselesconflits politiques et ethniques, mars 2001.
  7. Ibid. Voir aussi Réseau Régional Intégré d’Information des Nations Unies (IRIN), Special on Ituri, décembre 2002.
  8. Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  9. Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bunia, Beni et Kampala, février 2003; Human Rights Watch, L’Ouganda dans l’est de la RDC: une présence qui attise les conflits politiques et ethniques, mars 2001 et chronologie IRIN sur l’Ituri, décembre 2002
  10. Ibid.
  11. RCD-ML, MLC, RCD-N et le regroupement FIPI de trois groupes à base ethnique. Pour le soutien apporté au RCD-ML, au MLC et au RCD-N, voir Human Rights Watch, A Short Report, L’Ouganda dans l’est de la RDC: une présence qui attise les conflits politiques et ethniques, mars 2001. Pour le soutien à l’UPC et au FIPI, voir les chapitres suivants de ce rapport.
  12. Gouverneurs Adele Lotsove Mugisa, Ernest Uringi Padolo et Jean-Pierre Molondo Lompondo.
  13. Il s’agit du Colonel Mohammed Buli Bangolo dans le premier cas et de Ruhugwa Baguma dans le second.
  14. Pendant cette période, il n’y avait pas de gouverneur officiel et le Colonel Muzoora a effectivement exercé un contrôle administratif.
  15. Captain Kyakabale, Colonel Arosha, Colonel Edison Muzoora et Colonel Freddy Segamwenge.
  16. Rapport final de la Commission judiciaire d’enquête sur les allégations d’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse en République Démocratique du Congo, 2001 (mai 2001-novembre 2002), novembre 2002, p. 138. La Commission Porter mentionne le Capitaine Kyakabale, le Colonel Arosha, le Capitaine Peter Karim et le Colonel Angina.
  17. Colonel Charles Angina.
  18. Communication électronique et téléphonique avec des délégués ayant assisté à la conférence, 16 avril 2003.
  19. « A Whole New Genocide is Well Underway in Congo, » The New Vision, Kampala, 17 avril 2003.
  20. « Army Sets Terms for Pulling out of DRC, » The Monitor, Kampala, 11 avril 2003.
  21. Conseil de Sécurité des Nations Unies, « Special report of the Secretary-General on the United Nations Organization Mission in the Democratic Republic of the Congo, » S/2002/1005, 10 septembre 2002.
  22. Entretiens conduits par Human Rights Watch, Kampala, février 2003.
  23. « A Genocide Could Erupt After UPDF Quits DRC, » the New Vision, Kampala, 23 avril 2003.
  24. « UPDF to Meet Congo Deadline, Says Wapa, » The Monitor, Kampala, 18 avril 2003.
  25. Ibid.
  26. « UPDF Says Congo Mission a Success, » The Monitor, 28 avril 2003.
  27. Le 10 juin 2002, Heritage Oil a annoncé un accord avec le gouvernement de la RDC pour développer une production pétrolière sur approximativement 7,7 millions d’acres de l’Est du Congo (Ituri).  Dominic Johnson, « Shifting Sands: Oil Exploration in the Rift Valley and the Congo Conflict, » Pole Institute Report, 13 mars 2003.
  28. Entretien conduit par Human Rights Watch, Beni, février 2003.
  29. Entretien conduit par Human Rights Watch avec Mbusa Nyamwisi, Beni, 11 février 2002.
  30. Entretien conduit par Human Rights Watch, Beni, février 2003.
  31. Entretien conduit par Human Rights Watch, Beni, février 2003.
  32. Réseau Européen Congo (REC), Bulletin d’Information no. 10 / 2002, 16 octobre 2002, item 17.
  33. Des représentants du gouvernement, environ 100 délégués de neuf communautés ethniques d’Ituri, des membres de la MONUC, de la société civile et des religieux étaient présents à la conférence mais il n’y avait aucun représentant des factions rebelles et des milices ethniques.
  34. Ceci incluait Bagonsa et Bosco Taganda qui seraient plus tard des individus clefs dans l’administration UPC.
  35. Entretien conduit par Human Rights Watch, Kampala, février 2003.
  36. Ibid.
  37. Entretien conduit par Human Rights Watch, Chef Kahwa Mandro, Kampala, 22 février 2003.
  38. Entretiens conduits par Human Rights Watch, Beni et Kampala, février 2003.
  39. Entretien conduit par Human Rights Watch, Thomas Lubanga, Bunia, 14 février 2003.
  40. Entretiens conduits par Human Rights Watch, Beni et Kampala, février 2003.
  41. « Congo, Rwanda Sabre Rattling Turns Into PR War, » The East African Standard, Nairobi, 31 mars 2003.
  42. Entretiens conduits par Human Rights Watch avec des analystes locaux, Beni, Bunia et Kampala, février 2003.
  43. Entretien conduit par Human Rights Watch, Chef Kahwa Mandro, Kampala, 22 février 2003.
  44. Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  45. Entretiens conduits par Human Rights Watch avec des sources diverses à Beni, Bunia, Kampala, février 2003.
  46. Entretien conduit par Human Rights Watch, Mbusa Nyamwisi, Beni, 11 février 2003.
  47. Entretien conduit par Human Rights Watch, commandant militaire, Beni, février 2003.
  48. Entretien conduit par Human Rights Watch, source militaire ougandaise, Kampala, février 2003.
  49. Connues alors sous le nom d’Armée Patriotique Rwandaise (APR), les forces armées rwandaises s’appellent maintenant les Forces Rwandaises de Défense (FRD).
  50. Correspondance interne de la MONUC, septembre et octobre 2002.
  51. Entretien conduit par Human Rights Watch, Paidha, février 2003.
  52. Entretien conduit par Human Rights Watch, février 2003.
  53. Entretien conduit par Human Rights Watch, Thomas Lubanga, Bunia, 14 février 2003. Voir aussi les articles de la presse locale dans The Millenaire, février 2003 et dans U.N. IRIN, février 2003.
  54. Conseil de Sécurité des Nations Unies, « Addendum to the report of the Panel of Experts on the Illegal Exploitation of Natural Resources and Other Forms of Wealth of the DRC, » S/2001/1072, 13 novembre 2001.
  55. Ibid.
  56. Conseil de Sécurité des Nations Unies, « Final Report of the Panel of Experts on the Illegal Exploitation of Natural Resources and Other Forms of Wealth of the DRC, » S/2002/1146, 16 octobre 2002.
  57. Ibid.
  58. Ibid., paragraphe 118.
  59. Ibid., paragraphe 121.
  60. Rapport final de la Commission judiciaire d’enquête sur les allégations relatives à l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse dans la RépubliqueDémocratique du Congo 2001 (mai 2001 – novembre 2002), Kampala, novembre 2002, p 199.
  61. Ibid., p. 202 et 207.
  62. Ibid., p. 203.
  63. Ibid., p. 205.
  64. « UPC Rebels Grab Mongbwalu’s Gold, » African Mining Intelligence No. 53, 15 janvier 2003.
  65. Heritage Oil Press Release, « Heritage Confirms Uganda Oil Potential and Outlines Further Investment Plans », 31 mars 2003.
  66. Ibid., Johnson, « Shifting Sands, » p. 24.
  67. Ibid., p. 24.
  68. Entretien conduit par Human Rights Watch, Kampala, février 2003.
  69. Entretien conduit par Human Rights Watch, Chef Kahwa Mandro, Kampala, 22 février 2003.
  70. Ibid., Johnson, « Shifting Sands, » p.19.
  71. Le groupe ethnique hema est divisé en deux sous-groupes: les Gegere également connus sous le nom d’Hema du Nord qui parlent le kilendu et les Hema, également connus sous le nom d’Hema du Sud qui parlent le kihema. Les divisions entre ces deux groupes sont de plus en plus nombreuses. Ce rapport utilise l’appellation Hema pour les deux groupes et celle de Gegere uniquement lorsque leurs points de vue sont différents.
  72. Le groupe ethnique lendu est également divisé en deux sous groupes: les Lendu qui sont originaires du Nord de l’Ituri et les Ngiti qui viennent du Sud. En général, ils se considèrent comme frères et ont des vues politiques similaires.
  73. En langue locale, le terme est «Bakuyakuya».
  74. Entretien téléphonique conduit par Human Rights Watch, Bunia, mai 2003.
  75. Entretien téléphonique conduit par Human Rights Watch, Kampala, mai 2003.
  76. Voir plus bas pour le conflit entre le Gouverneur Molondo et les Hema.
  77. Entretien conduit par Human Rights Watch, Chef Kahwa Mandro, Kampala, 22 février 2003.
  78. Ibid.
  79. Différentes estimations existent sur le nombre de personnes tuées en Ituri, aucune n’étant basée sur une étude systématique. Le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) citait 50 000 morts dans son rapport du Réseau Régional Intégré d’Informations (IRIN) sur l’Ituri en décembre 2002.
  80. Les tensions ont été fortes en 1962, 1965, 1975, 1983, 1984, 1997.
  81. Le Gouverneur Lotsove a finalement laissé de côté le district du Haut Uele suite à sa rébellion contre son autorité. Elle a repris le contrôle du Kibali-Ituri, fréquemment désigné sous le nom d’Ituri.
  82. Haut commandement ougandais, Brigadier Général James Kazini à Madame Lotsove, 18 juin 1999, référence OPN/SH/C/6A.
  83. Ibid.
  84. Voir Johan Pottier, Re-Imagining Rwanda: Conflict, Survival and Disinformation in the Late Twentieth Century ; Cambridge University Press, 2002.
  85. Entretien conduit par Human Rights Watch avec des responsables hema dont le Dr Dhejju Maruka, le Professeur Karimagi Pilo, M. Philemon et M. Kiza, Bunia, 13 février 2003.
  86. Jean Baptiste Dhetchuvi, lettre ouverte, Ituri – What Future?, 1er septembre 2002.
  87. Ibid.
  88. Les Hima sont un groupe ethnique de l’Ouganda dont on estime souvent qu’il est apparenté aux Tutsi du Rwanda. Museveni aurait un Hima parmi ses ancêtres.
  89. Force de Résistance Patriotique en Ituri (FRPI), Manifeste de résistance, janvier 2003.
  90. Association culturelle LORI, Déclaration de la communauté lendu, 16 novembre 2002.
  91. Chef Longbe Tchabi Linga et le Comité éditorial, SOS de la communauté lendu à Kpandruma, 22 janvier  2003.
  92. Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  93. Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bunia, Beni et Kampala, février 2003; Human Rights Watch, « Chaos in Eastern Congo: UN Action Needed Now, A Briefing Paper, octobre 2002.
  94. Ibid.
  95. Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  96. Ibid.
  97. Human Rights Watch, « Chaos in Eastern Congo. »
  98. Entretien conduit par Human Rights Watch, Beni, février 2003.  Voir aussi Human Rights Watch, « Chaos in Eastern Congo. »
  99. Entretien conduit par Human Rights Watch, Kampala, février 2003.
  100. Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  101. Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  102. Entretien conduit par Human Rights Watch, Major David Muhoozi et Capitaine Eddy Muwonge, Bunia, février 2003.
  103. Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bunia et Kampala, février 2003.  Voir aussi Conseil de Sécurité des Nations Unies, « Final Report of the Panel of Experts on the Illegal Exploitation of Natural Resources and Other Forms of Wealth of the DRC, » S/2002/1146, 16 octobre 2002, paragraphe 121.
  104. Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  105. Entretien conduit par Human Rights Watch, Beni, février 2003.
  106. Entretiens conduits par Human Rights Watch, Kampala et Bunia, février 2003.
  107. Entretien conduit par Human Rights Watch, Kampala, février 2003.
  108. Ibid.
  109. Jean Baptiste Dhetchuvi, lettre ouverte, Ituri – What Future?, 1er septembre 2002.
  110. «Originaires» et «non-originaires» signifient indigènes et non-indigènes. Le terme français est utilisé tout au long du rapport parce qu’il a une pertinence spécifique en Ituri. Les groupes ethniques qui sont «originaires» tendent à inclure les Hema, les Bira, les Lendu, les Ndo Okebo et les Alur bien que ceci soit contesté. En pratique, puisque les Lendu sont considérés comme «ennemis», le concept «originaires» pour les Hema les exclut.
  111. Terme local pour les personnes parlant le lingala qui ne sont pas de la région de l’Ituri.
  112. Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  113. Ceci fut fait par le chef bira d’Andisomma. Des liens ont pu exister avec des tensions historiques entre les Bira et les Ngiti pour des questions foncières. Une grande part de cette histoire est toujours présente dans la mémoire de ces deux groupes et est souvent citée comme justification supplémentaire pour les tueries des deux côtés. Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.
  114. Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  115. Entretien conduit par Human Rights Watch, Beni, février 2003.
  116. Correspondance interne à la MONUC, septembre et octobre 2002.
  117. Ibid.
  118. Entretien conduit par Human Rights Watch, Erengeti, février 2003.
  119. Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.
  120. Ibid.
  121. Ibid.
  122. Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.
  123. Entretiens conduits par Justice Plus, mars 2003.
  124. Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.
  125. Entretiens conduits par Justice Plus, Ituri, mars 2003.
  126. Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.
  127. Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  128. Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  129. Ibid.
  130. Ibid.
  131. Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.
  132. Entretien conduit par Human Rights Watch, Erengeti, février 2003.
  133. « UPC Rebels Grab Mongbwalu’s Gold », African Mining Intelligence No. 53, 15 janvier 2003.
  134. C’est le terme utilisé par les habitants du coin.
  135. Entretien conduit par Human Rights Watch, Kampala, février 2003.
  136. Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  137. Ibid.
  138. Ibid.
  139. Entretien conduit par Human Rights Watch, Arua, février 2003
  140. Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  141. Mot lingala signifiant les gens des bicyclettes.
  142. Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  143. Les grands containers contenant des cargaisons voyageant par bateaux sont souvent recyclés en prisons en Afrique Centrale.
  144. Entretien conduit par Human Rights Watch, Arua, février 2003.
  145. Ibid.
  146. Correspondance interne à la MONUC, septembre et octobre 2002.
  147. Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  148. Il avait préalablement été arrêté par les autorités RCD-ML pour avoir accordé un entretien sur Voice of America relatif aux abus contre les droits humains commis par ce groupe.
  149. Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bunia et Kampala, février 2003.
  150. Entretien conduit par Human Rights Watch avec Thomas Lubanga, Bunia, 14 février 2003.
  151. Ibid.
  152. Ce chiffre est basé sur des informations rassemblées à partir de diverses sources, dont des témoins et d’autres qui ont rassemblé les corps pour les enterrer. Nombre de victimes ont été enterrées dans des fosses communes à Nyakunde. Le nombre de personnes tuées est en fait probablement beaucoup plus élevé.
  153. Entretien conduit par Human Rights Watch, Beni, février 2003.
  154. Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.
  155. Ibid.
  156. Ibid.
  157. Ibid.
  158. Ibid.
  159. Ibid.
  160. Ibid.
  161. Entretien conduit par Human Rights Watch, Erengeti, février 2003.
  162. D’autres personnes qui ont parlé séparément avec les chercheurs de Human Rights Watch ont rapporté la même information. Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  163. Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  164. Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.
  165. Entretien conduit par Human Rights Watch avec le commandant Hilaire, Beni, 12 février 2003. Le témoin a refusé de donner son nom complet.
  166. Entretien conduit par Human Rights Watch avec le Président Mbusa Nyamwisi, Beni, 11 février 2003.
  167. Ibid.
  168. Ibid.
  169. Entretiens conduits par Human Rights Watch, Beni et Kampala, février 2003.
  170. Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.
  171. Membre du personnel hospitalier du CME, «Nyakunde, à feu et à sang», 7 septembre 2003.
  172. Entretien conduit par Human Rights Watch, Beni, février 2003; correspondance électronique, juin 2003.
  173. Correspondance interne à la MONUC, septembre et octobre 2002.
  174. Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.
  175. Ibid.
  176. Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  177. Entretien conduit par Human Rights Watch, Kampala, février 2003.
  178. Entretien conduit par Human Rights Watch, Beni, février 2003.
  179. Ibid.
  180. Entretien conduit par Human Rights Watch, Mangina, février 2003.
  181. Ibid.
  182. Ibid.
  183. Ibid.
  184. Entretien conduit par Human Rights Watch, Beni, février 2003.
  185. Ibid.
  186. Ibid.
  187. Ibid.
  188. U.N. IRIN, entretien avec Jean-Pierre Bemba par IRIN, 6 février 2003.
  189. Entretien conduit par Human Rights Watch, Arua, février 2003
  190. Ibid.
  191. Entretien conduit par Human Rights Watch, Nebbi, février 2003.
  192. Ibid.
  193. Ibid.
  194. Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  195. Jean Baptiste Dhetchuvi, Ituri: What Future?, 1er septembre 2002.
  196. Entretien conduit par Human Rights Watch, Père Mark Deneckere, Kampala, 20 février 2003.
  197. Procès verbal de refoulement contre Mark Deneckere signé par Saba Aimable, Officier judiciaire de l’UPC, 14 février 2003.
  198. Entretien conduit par Human Rights Watch, Paidha, février 2003.
  199. Entretien conduit par Human Rights Watch, Kampala, février 2003.
  200. Procès verbal de refoulement signé par Saba Musanganya, Administrateur général de sécurité pour l’UPC, 23 novembre 2002.
  201. Il s’agissait de Aduwe Boboli, Julio Delgado, Rita Fox-Stuecki, Jean Molokabonge, Véronique Saro et Unen Ufoirworth.
  202. Entretien conduit par Human Rights Watch, Arua, février 2003.
  203. Dossiers de la police de Bunia, 2001.
  204. Entretien conduit par Human Rights Watch, Arua, février 2003.
  205. Dossiers de la police de Bunia, 2001.
  206. Ibid.
  207. Ibid.
  208. Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, 2001.
  209. Lettre de Jérôme Lutimba Hussein àMonsieur le Procureur le 5 janvier 2002.  Réf. No 001/JLU/PIR/2002.
  210. Dossiers de la police de Bunia, 2001.
  211. Entretien conduit par Human Rights Watch, Kampala et Arua, février 2003.
  212. Entretien conduit par Human Rights Watch, Kampala, février 2003.
  213. Des cas de cannibalisme ont été rapportés concernant les Mai Mai dans les Kivus en RDC, voir IRIN-CEA Weekly Round-up 161, 8 – 14 février 2003.  Manger la chair ou les organes internes de l’ennemi est un fait rapporté dans un certain nombre de conflits armés, ces dernières années. Voir par exemple « You’ll Have to Learn Not to Cry »: Child Combatants in Colombia, Human Rights Watch, à paraître, juillet 2003 ; Sowing Terror:  Atrocities against Civilians in Sierra Leone, Human Rights Watch, juillet 1998, p. 12 ; Leave None to Tell the Story:  Genocide in Rwanda, Human Rights Watch: New York, mars 1999, p. 255 ; Vigilantes in the Philippines:  A Threat to Democratic Rule, Lawyers Committee for Human Rights:  New York, 1988, p. 44.
  214. Entretien conduit par Human Rights Watch, Programme d’assistance aux Pygmées (PAP), Beni, 9 février 2003.
  215. Entretien conduit par Human Rights Watch, Arua, février 2003.
  216. Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.
  217. Entretien conduit par Human Rights Watch, Kampala, février 2003.
  218. Les chercheurs de Human Rights Watch et leurs collègues congolais ont recueilli des informations sur un phénomène similaire dans les provinces du Nord et du Sud Kivu, dans l’est de la RDC en 2002. Human Rights Watch, The War Within the War: Sexual Violence Against Women and Girls in Eastern Congo, juin 2002.
  219. Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  220. Entretien conduit par Human Rights Watch, Beni, février 2003.
  221. Entretien conduit par Human Rights Watch, Mangina, février 2003.
  222. Entretien conduit par Human Rights Watch, Beni, février 2003.
  223. Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.
  224. Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  225. Dans ce rapport, conformément aux critères légaux internationaux, le mot «enfant» fait référence à toute personne de moins de dix-huit ans.
  226. Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 et relatif à la Protection des victimes des conflits armés non-internationaux (Protocole II), 8 juin 1977, art. 4(3)(c). Bien que la RDC ne soit pas partie au Protocole II, nombre de ces dispositions sont largement acceptées comme droit coutumier international.
  227. Convention sur les droits de l’enfant, G.A. res. 44/25, annexe, 44 U.N. GAOR Supp. (No. 49) à 167, U.N. Doc. A/44/49 (1989), entré en vigueur le 2 septembre 1990.
  228. Entretien conduit par Human Rights Watch avec le Président de l’UPC, Thomas Lubanga, Bunia, 14 février 2003.
  229. Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  230. Ibid.
  231. Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  232. Correspondance interne à la MONUC, septembre et octobre 2002.
  233. Ibid.
  234. Entretien conduit par Human Rights Watch avec des ONG locales, Bunia, février 2003.
  235. Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.
  236. Entretien conduit par Human Rights Watch, Beni, février 2003.
  237. Entretien conduit par Human Rights Watch avec un officiel des Nations Unies, Kampala, février 2003.
  238. Conventions de Genève du 12 août 1949.
  239. Selon le droit international humanitaire, une puissance occupante assume le rôle d’administrateur transitoire d’un territoire souverain. Dans ce cadre, elle n’est pas autorisée à changer le statut légal du territoire, un principe que l’Ouganda a violé en créant la province de l’Ituri.
  240. Quatrième Convention de Genève, articles 29 et 47.
  241. Convention de la Haye, article 46; Quatrième Convention de Genève, article 27.
  242. Convention de la Haye de 1907, article 47.
  243. VoirCase Concerning Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua, Nicaragua v. U.S.A (Merits) (« Nicaragua »), 1986 I.C.J. Reports ; voir par exemple, ICTY, Prosecutor v. Zlatko Aleksovski, jugement du 25 juin 1999.
  244. Estimations du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), janvier 2003.
  245. Quatrième Convention de Genève, articles 55 et 56.
  246. Journal Officiel de la RDC, 43ème année, numéro spécial, 5 décembre 2002, p. 169.
  247. Le droit international humanitaire a historiquement restreint l’utilisation de l’expression «crimes de guerre» aux conflits armés internationaux. Une bonne part du conflit en Ituri est considérée comme un conflit armé non-international (interne). De plus en plus, de graves violations du droit international humanitaire commises dans des conflits armés non-internationaux ont été reconnues comme des crimes de guerre, comme dans le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale.
  248. International Rescue Committee, « Mortality in the Democratic Republic of Congo: Results from a Nationwide Survey », avril 2003. Selon ce rapport, les estimations varient entre 3 et 4,7 millions de morts dans tout le Congo depuis le début de la guerre.
  249. Document interne des Nations Unies, février 2001.
  250. Commission des Droits de l’Homme, Rapport du Rapporteur spécial sur la question de la violation des droits humains et des libertés fondamentales en RDC, E/CN.4/2001/40/Add.1, 27 mars 2001.
  251. Conseil de Sécurité des Nations Unies, «Rapport final du groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse en DRC», S/2002/1146, 16 octobre 2002.
  252. Réseau Régional Intégré d’Information (IRIN), Rapport spécial sur l’Ituri, décembre 2002.
  253. Bien que le Conseil de Sécurité ait initialement autorisé une force de 5 537 hommes, le déploiement initial d’hommes n’a pas atteint ce total maximal.
  254. Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.
  255. « North Kivu:  MONUC Investigation », Communiqué de presse de la MONUC, 18 février 2003.
  256. Remarques de l’Ambassadeur Richard S. Williamson, Représentant aux Nations Unies pour les affaires politiques spéciales sur la République Démocratique du Congo, Conseil de Sécurité, 13 février 2003. A ce jour, le rapport d’enquête n’a pas été publié.
  257. Conseil de Sécurité des Nations Unies, Résolution 1468, 20 mars 2003.
  258. Le bilan initial des victimes de ce massacre a été très fortement exagéré avec des rapports avançant le chiffre de presque 1000 morts. Des investigations ultérieures ont révélé un nombre de morts bien inférieur mais ce massacre fut symptomatique des tueries se produisant en Ituri.
  259. IISS fait des estimations de dépenses militaires plutôt que d’utiliser les chiffres rapportés. Ce chiffre est basé sur des estimations provenant de plusieurs publications de l’IISS (Military Balance), 1997-2001.
  260. République de l’Ouganda, Semi-annual Budget Performance Report FY 2001 / 02, MFPED, avril 2002.
  261. « Creative Accounting in Africa: Hidden skills », The Economist, 9 octobre 1999.
  262. « IMF dangles aid carrot for Congo », BBC New Online, 1er mai 2002.
  263. Entretien conduit par Human Rights Watch, Washington, 23 juillet et 8 octobre 2002.
  264. « Denmark cuts Aid to Kampala, » The New Vision, Kampala, 1er février 2002.
  265. Union Européenne, « Declaration of the Presidency on behalf of the European Union on the Hema-Lendu conflict in north-eastern DRC, » Bruxelles, 1er février 2001.
  266. Premier Ministre, Tony Blair à la Conférence du Parti travailliste, octobre 2001.

Liste des sigles

APC : Armée Populaire Congolaise, branche armée du RCD-ML ; FAC : Forces Armées Congolaises, FAPC : Forces Armées Populaires du Congo, FIPI : Front pour l’Intégration et la Paix en Ituri, FLC : Front de Libération du Congo, FNI : Front Nationaliste et Intégratif, FPDC : Force Populaire pour la Démocratie au Congo, FRPI : Force de Résistance Patriotique d’Ituri, CPI : Cour Pénale Internationale, FMIU : Force Multinationale Intérimaire d’Urgence, CPI : Commission de Pacification en Ituri, ARS : Armée de Résistance du Seigneur, MLC : Mouvement pour la Libération du Congo, MONUC : Mission de l’Organisation des Nations Unies en République Démocratique du Congo, ARP : Armée de Rédemption du Peuple, PUSIC : Parti pour l’Unité et la Sauvegarde de l’Intégrité du Congo, RCD-GOMA : Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Goma, RCD-ML : Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Mouvement de Libération, RCD-N : Rassemblement Congolais pour la Démocratie-National, APR : Armée Patriotique Rwandaise, UPC : Union des Patriotes Congolais, UPDF : Forces de Défense du Peuple Ougandais.

Source

Human Rights Watch, ITURI: « COUVERT DE SANG ». Violence ciblée sur certaines ethnies dans le Nord-Est de la RDC, 7 juillet 2003. Cliquez ici pour télécharger le fichier PDF.

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