Le Plan National du Numérique est un document de planification stratégique qui résulte de la réflexion amorcée dans le cadre de l’Atelier de Validation du Plan National du Numérique «Horizon 2025» qui s’est tenue à Kinshasa le 03 septembre 2019. Il a pour vocation à fédérer les Congolais autour des objectifs communs d’appropriation populaire des technologies, d’économie numérique et de développement durable, Il contient de grandes orientations devant conduire à la transformation de la société congolaise en une société de l’information avec, à la clé, l’élaboration des stratégies pour une réelle structuration de l’industrie Numérique en RDC. Le PNN est axé sur quatre piliers stratégiques : Infrastructures, Contenus, Usages applicatifs, Gouvernance et Régulation. Il porte la stratégie de développement numérique à l’horizon 2025, avec un accent appuyé sur la modernisation des infrastructures ; l’extension de la couverture des télécoms et de l’accès au Numérique ; la sécurisation des voies et accès aux contenus numériques, etc. Il est un facteur important de soutien à la modernisation de l’État, à la croissance économique et au progrès social.
Introduction
La République Démocratique du Congo (RDC) est un pays vaste aux énormes potentialités que la population rêve de transformer en richesses au bénéfice de l’amélioration de ses conditions de vie. C’est un marché important des biens et services, étendu sur un territoire de 2.345.410 Km². Il est entouré de 9 pays ci-après: Angola, Burundi, Congo-Brazzaville, Centrafrique, Rwanda, Ouganda, Tanzanie, Sud-Soudan et Zambie, avec lesquels elle partage 9.165 Km de frontières.
Plus grand pays francophone en termes de locuteurs, la RDC possède d’immenses ressources naturelles (minerais, terres arables, …) et une population d’environ 78,7 millions d’habitants, dont moins de 40% vivent en milieu urbain. Avec ses 80 millions d’hectares de terres arables et plus de 1.100 minéraux et métaux précieux réper-toriés, la RDC pourrait devenir l’un des pays les plus riches du continent africain et l’une de ses locomotives de croissance, si elle parvenait à surmonter son instabilité politique [Rapport de la Banque Mondiale sur la RDC, diagnostic systématique pays, 2018].La RDC a connu un taux de croissance de 4,1% (2018) contre 3,7% (2017), et de 2,4% (2016).
Sa tendance haussière est soutenue par le secteur primaire (37,2%), le secteur secondaire (24,3%), le secteur tertiaire (33,2%) dont 8,6% des transports et télécommunications, et 5,2% des taxes sur le produit [Rapport annuel de la Banque Centrale du Congo, 2017].Sur le plan politique, le pays a réussi en 2018 des élections libres et transparentes qui créent les conditions d’une stabilité politique favorable à son développement économique. C’est sur le fond de cette stabilité politique, grâce à une alternance des pouvoirs réussie, que les dirigeants du pays ouvrent plusieurs chantiers sur les plans économique, social, technologique, environnemental et des infrastructures. Les dirigeants du pays entendent aussi tirer avantage du dividende démographique (3,30 % taux de croissance démographique par an) et de la bonne gouvernance, pour relever le défi d’une croissance inclusive et d’un développement durable.
En 2015, la RDC a élaboré son Programme National Stratégique de Développe-ment (PNSD) qui donne le reflet de la vision gouvernementale et décline le cadre stratégique pour affronter les défis de développement. L’ambition du PNSD est de propulser la RDC au rang des pays à revenu intermédiaire en 2021, au rang des pays émergents en 2030, et au rang des pays développés en 2050. Cette ambition tient compte du processus de décentralisation que le pays a entamé depuis 2017, processus qui agence le champ de l’exercice du pouvoir central avec la libre administration des provinces. En effet, depuis 2017, la RDC compte 26 provinces aux potentialités diverses, sur lesquelles le Gouvernement entend accélérer le développement du pays. Les stratégies nationales prennent en compte les spécificités provinciales en les intégrant dans les objectifs globaux et vice-versa. L’élaboration des cadres stratégiques suit une démarche itérative.À la faveur de la mise en œuvre de son Document de Stratégie de Croissance et de Réduction de la Pauvreté (DSCRP) I et II, la RDC a progressivement mis en place depuis 2010 des politiques sectorielles. Ce Document vise une meilleure prise en charge des priorités stratégiques sectorielles, de même que leur mise en cohérence pour rester en phase avec les objectifs généraux de développement de moyen et long termes.
Tous ces documents programmatiques sectoriels ont servi de référence, ces dernières années, aux programmes d’intervention publique et aux principaux plans prioritaires des partenaires en faveur du développement du pays. Toutefois, le secteur des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) est resté sans cadre stratégique sectoriel actualisé depuis le dernier Document de Politique Sectorielle (DPS) définie en 2009. Dans le secteur plus étendu du Numé-rique, il convient de noter que le pays connaît une fracture numérique qui accentue des disparités intra-urbaines, inter-urbaines, entre les villes, les campagnes ainsi que les provinces. Sur le plan régional et international, la RDC doit répondre aux défis de croissance de sa télé-densité et de son taux de pénétration des TIC [Indice de développement des TIC, UIT 2018].
Pour tous ces motifs, le Président de la République Félix-Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO a pris l’initiative du «Plan National du Numérique». Ce plan est axé sur 4 piliers stratégiques : Infrastructures, Contenus, Usages applicatifs, Gouvernance – Régulation. Il porte la stratégie de développement numérique à l’horizon 2025, avec un accent mis particulièrement sur : (i) la mise en place et la modernisation des infrastructures ; (ii) l’extension de la couverture des télécoms et de l’accès au Numérique ;(iii) la sécurisation des voies et accès aux contenus numériques; (iv) la transformation numérique des administrations et des entreprises ;(v) l’exploitation des plateformes des technologies financières ;(vi) l’amélioration du capital humain ;(vii) la production, la promotion, l’hébergement et la sauvegarde du contenu national ;(viii) le suivi et l’appropriation des progrès technologiques du Numérique ;(ix) la promotion du Numérique par les politiques publiques.
Cette vision va significativement contribuer à l’accroissement de la capacité du pays dans sa transformation numérique (circulation des informations, économie de la donnée, économie de la connaissance, transparence et traçabilité, interopérabilité des systèmes d’informations, …). Elle va permettre au Numérique de devenir un facteur important de soutien à la modernisation de l’État, à la croissance économique et au progrès social. Le législateur a consacré la libéralisation du sous-secteur de l’audiovisuel en 1996 et du secteur des télécommunications en 2002, jadis monopoles publics. Ces deux secteurs connaissent une forte croissance avec l’expansion de la téléphonie mobile (2G, 3G et 4G), de la télévision numérique terrestre (TNT) et de l’Internet, dont la demande est toujours à la hausse. Il est évident que les nouvelles générations des technologies numériques ont trouvé un écho retentissant dans les ménages, les administrations et les entreprises. Toutes ces innovations et cet accroissement de la demande créent des nouvelles opportunités socio-économiques. Leurs applications structurent la demande et l’offre de desserte numérique.
L’avenir du Numérique est d’autant plus prometteur qu’il annonce la popularisation de l’intelligence artificielle, des objets connectés, de l’Internet des objets, la technologie 5G, l’informatique des nuages (cloud computing), les données massives et ouvertes (Big Data et Open Data), la chaîne de blocs (blockchain), la monnaie électronique, l’ubérisation de l’économie (applications utilitaires), la génomique, la nanotechnologie, … Le PNN capitalise les efforts antérieurs de diagnostic, pour une prospective claire du Numérique congolais. Les études des experts ont démontré que le marché du Numérique est large, mais qu’il souffre de plusieurs obstacles qui limitent l’optimisation de son potentiel. Notamment, le secteur numérique est fragmenté sur le plan des infrastructures en l’absence d’une volonté encadrée de leurs mutualisations ; les initiatives sont éparses sur les contenus numériques et sur les usages applicatifs ; la gouvernance et la régulation du Numérique sont à améliorer.
L’année 2019 inaugure une volonté manifeste des gouvernants congolais, de voir la RDC tirer enfin avantages de toutes les opportunités du Numérique et de relever les défis qui les accompagnent. Dans ce contexte, les dirigeants entendent faire de l’économie numérique un vecteur d’attractivité du pays, en termes d’investissements, de compétitivité des entreprises et de nouveaux emplois. La volonté politique est de faire du Numérique un facteur d’efficacité des administrations publiques et du secteur privé, d’assurer l’interopérabilité des services sectoriels, d’améliorer l’accès de la population aux services de base et son bien-être. En revanche, le pays doit relever des défis connexes à la transformation numérique : déficit énergétique, incohérence fiscale, effets environnementaux et/ou sanitaires des technologies numériques. Les nouveaux paradigmes du Numérique doivent servir au développement durable, à la création de nouveaux métiers, ainsi qu’à l’éclosion des nouvelles pratiques de gouvernance et de gestion.
Les applications du Numérique vont certainement permettre au pays d’assurer un service de qualité dans divers domaines, comme l’informatisation de l’administration publique, la dématérialisation des procédures, la constitution et la gestion du fichier général de la population (état civil, casier judiciaire, passeports biométriques, carnets de santé, cartes d’étudiant, numéros de sécurité sociale, numéros d’impôt, …). Le processus de numérisation pourra aussi bénéficier au cadastre foncier, à la sécurisation des documents officiels, à la perception d’impôts et de taxes, à la monnaie, au système de paiement, au transfert d’argent, aux assurances, à la santé, à l’éducation, à la culture, à la mémoire continue (archivage), à la protection et sécurité sociale, à l’immigration, à la lutte contre la criminalité transfrontalière, à la diplomation sécurisée des élèves et étudiants, …. Aussi, la RDC est un des plus grands pourvoyeurs en intrants indispensables à l’industrie mondiale du Numérique.
Avec le développement de son secteur du Numérique, elle s’offre l’opportunité de tirer profit de la quatrième révolution industrielle. La transformation numérique du pays lui permet également de participer à l’économie régionale et internationale. Elle peut soutenir la coopération économique, en facilitant la libre circulation des personnes, des don-nées, des biens et des services. Par ailleurs, le Numérique est porteur d’espoirs, tout autant qu’il comporte de nouvelles menaces liées à la cyberdépendance, à la cybercriminalité, aux malveillances informatiques de tout genre. Il en est autant des atteintes à la vie privée, à l’ordre public, aux activités des entreprises, aux données personnelles, aux intérêts des États, que des expositions des enfants à des contenus violents et pornographiques, des internautes à des applications intrusives et agressives.
Contre ces fléaux, l’État doit organiser des réponses structurées, professionnalisées et efficaces de cybersécurité et de cyberdéfense. Cela procède non seulement du cadre légal adapté, mais aussi de moyens de sécurité informatique. Le Numérique englobe un vaste champ d’activités, d’enjeux et de technologies, qu’il convient de circonscrire dans le cadre du Plan National du Numérique. Aussi, le Plan que nous avons développé couvre les secteurs du Numérique dans ses aspects suivants[Dictionnaire pratique : Informatique, Internet et nouvelles technologies de l’information et de la communication, Gualino, 2005] :
(i) Télécommunications : la transmission, l’émission et la réception à distance d’informations de toutes natures, par différents moyens, optiques, électriques, électromagnétiques, … pouvant donner lieu à la télécommunication des sons (téléphonie, radiodiffusion), de l’image (télévision), des données (télé-informatique) ;
(ii) Informatique : la science du traitement rationnel, notamment par des machines automatiques, de l’information considérée comme le support des connaissances humaines et des communications dans les domaines technique, économique et social ; en cela compris : l’informatique embarquée, l’intelligence artificielle et les objets connectés ;
(iii) Technologie de l’Information et de la Communication : l’ensemble des techniques et usages de l’informatique et des réseaux. «Le secteur des TIC […] comprend les secteurs producteurs de TIC (fabrication d’ordinateurs, de matériels informatiques, de télévisions, de radios, de téléphones…), les secteurs distributeurs de TIC (commerce de gros de matériel informatique…) ainsi que les secteurs des services de TIC (télécommunications, services informatiques, services audiovisuels…)» ; [OCDE, 2008]
(iv) Internet : le nom du réseau mondial associant des ressources de télécommunications et des ordinateurs, serveurs et clients, destiné à l’échange des messages électroniques, des informations multimédias et des fichiers.
Le présent document a suivi les orientations stratégiques du Chef de l’État, données le 03 septembre 2019 lors de son discours d’ouverture des travaux de l’Atelier de validation du Draft Zéro du PNN (Chapitre 1).
En fonction de ce cadre de référence, le Plan National du Numérique a été élaboré et validé au 05 septembre 2019 suivant les meilleures méthodes de planification stratégique et une approche participative (Chapitre 2). Plusieurs compétences de la République, opérant dans divers domaines du Numérique, ont été mises à contribution du 13 au 24 août 2019 à travers des missions diligentées dans les 26 provinces afin de recueillir les avis et considérations des gouverneurs, des membres des assemblées provinciales, des administrations, du secteur privé, de la société civile et des forces vives. Le même exercice a été entrepris à Kinshasa les 26, 27 et 30 août 2019 dans le cadre des réunions de consultations préliminaires. Au pays comme dans le reste du monde, des discussions ouvertes et interactives ont été rendues possibles en ligne grâce au site Internet www.numerique.cd ainsi qu’aux réseaux sociaux en vue de récolter des opinions, des critiques et des recommandations autour du Draft Zéro du PNN.
Ainsi, le Numérique congolais a fait l’objet d’un état des lieux dans ses axes majeurs se rapportant aux infrastructures, aux systèmes d’information, aux usages applicatifs, au marché de la téléphonie mobile et des services à valeur ajoutée, aux indications de couverture électrique, à la fiscalité du secteur des TIC, à la gouvernance et à la régulation (Chapitre 3). Le plan stratégique du Numérique, bâti sur 4 piliers porteurs, s’articule autour des axes stratégiques déclinés en objectifs et en actions (Chapitre 4). Pour faciliter les prochaines étapes opérationnelles, les orientations du Chef de l’État ont été traduites par les panelistes en chronogramme des actions prioritaires avec des indi-cateurs-clés, au cours des 3 jours de l’Atelier de validation du PNN (Chapitre 5).
Cadre de référence
L’élaboration du PNN traduit la volonté nationale de se hisser au niveau des États modernes et prospères. Cette volonté a été maintes fois exprimée par les congolais lors des assises tant nationales qu’internationales.
Dans son Programme de gouvernance 2019 – 2024, le Président de la République a retenu 4 axes stratégiques, à savoir : «Bonne gouvernance», «Croissance économique durable», «L’Homme» et «Société solidaire». Cette vision est portée par le Gouvernement de la République Démocratique du Congo. Prenant la parole le 03 septembre 2019 à l’ouverture de l’Atelier de validation du PNN, le Chef de l’État a inscrit le Numérique dans la déclinaison de son Programme quinquennal, en ces termes : «Dans mon programme, j’ai fait de l’homme le centre de mon action et de la bonne gouvernance le socle pour la croissance économique, une société solidaire et le développement durable. Je reste persuadé que le Numérique va contribuer à la performance de notre économie, au renforcement de notre sociabilité, à l’amélioration de nos connaissances, à l’efficacité de nos institutions et à la lutte contre la pauvreté». En substance, le Président de la République, Symbole de l’unité nationale, a précisé à l’endroit des panelistes de l’Atelier de validation du PNN, venus de l’étranger et de toutes les provinces du pays, ses 7 attentes suivantes :
1. Tirer profit de l’approche multipartite des discussions ;
2. Définir les grandes orientations devant conduire à la transformation dela société congolaise en une société de l’information ;
3. Coordonner l’ensemble des projets de numérisation des administrationspubliques, du secteur privé ainsi que d’autres partenaires ;
4. Concevoir une architecture intégrée des infrastructures ;
5. Assurer la transparence, la traçabilité des processus et la remontée de l’information à tous les niveaux par la mise en œuvre des mécanismes garantissant l’unicité de l’information par la saisie unique des données ;
6. Faciliter les échanges et le partage des informations entre les services de l’État et les acteurs du Numérique au niveau national ;
7. Adapter notre dispositif législatif pour qu’il soit en adéquation avec les nombreux changements liés à la transition numérique.
Le Chef de l’État considère que : «Partout à travers le monde, l’informatique, la capacité à produire, à utiliser et à rendre accessible l’information conditionnent le progrès et le développement des nations modernes». Aussi, le Chef de l’Exécutif a-t-Il annoncé une série d’actions prioritaires consistant à :
– Introduire le Numérique dans les programmes de formation et d’enseignement à tous les niveaux ;
– Voir la culture numérique gagner toutes les couches de notre population et les mœurs de nos administrations;
– Lancer la campagne d’identification biométrique de tous les citoyens en vue de doter notre pays d’un Registre national de la population d’ici à 2020 ;
– Faire de la République Démocratique du Congo un Hub technologique au cœur de l’Afrique;
– Organiser en 2020, un Forum Panafricain dénommé «Africa Digital»;
– Mettre en place un Conseil National du Numérique, CNN en sigle, qui réunira, dans un cadre fonctionnel, le Premier Ministre et les ministres concernés autour des orientations thématiques de mise en œuvre à la fois de la stratégie et des actions prioritaires du Numérique, sous ma Présidence ;
– Créer l’Agence de Développement du Numérique, ADN en sigle, rencontrant le vœu du législateur de doter le pays d’un Établissement public de gestion du Fond de Service Universel (FSU en sigle) et de promotion des technologies de l’information et de la communication ;
– Mettre en place d’ici peu le système de visa électronique d’entrée en République Démocratique du Congo.
Le Plan National du Numérique tient compte de ce cadre de référence.
Voir le fichier PDF : Présentation du Plan National du Numérique (PNN) de la République Démocratique du Congo (PDF).