Le pouvoir malien a demandé, lundi 24 janvier, au Danemark de retirer “immédiatement” la centaine de soldats arrivés récemment dans le pays en crise pour participer au groupement européen de forces spéciales Takuba initié par la France.
Le quartier général de la force Takuba à Gao, au Mali, le 20 août 2021. © Paul Lorgerie, Reuters.
Le gouvernement malien, dominé par les militaires arrivés au pouvoir à la faveur d’un putsch en août 2020, a indiqué dans un communiqué lu à la télévision nationale et publié sur les réseaux sociaux que “ce déploiement est intervenu sans son consentement“.
Mardi 25, le Premier ministre de transition malien Choguel Kokalla Maïga a ajouté que plus personne n’irait “par procuration” dans le pays. “Avant, ça se faisait. Aujourd’hui, c’est fini“, a déclaré Choguel Kokalla Maïga à des journalistes à l’occasion d’une rencontre avec le président de la commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, à la tête d’une délégation.
Une task force lancée en mars 2020
Le Danemark a annoncé la semaine passée l’arrivée au Mali de 90 hommes, majoritairement des soldats d’élite et des chirurgiens militaires, censés participer au sein de Takuba à la protection des civils contre les jihadistes dans la zone dite des trois frontières (Mali, Burkina Faso, Niger) et être basés à Ménaka (est du Mali). Regroupement de forces spéciales européennes destiné à accompagner les soldats maliens au combat face aux jihadistes, la “task force” Takuba a été lancée en mars 2020 à l’initiative de la France pour partager le fardeau avec ses partenaires européens.
Exceptionnelle dans le contexte de crise sécuritaire et politique qui ébranle le Mali depuis des années, la demande de retrait de ce contingent danois survient en plein bras de fer entre la junte et une partie de la communauté internationale qui entend la voir tenir son engagement à rendre le pouvoir aux civils dans un avenir proche. Les relations avec la France en particulier, engagée militairement au Mali et au Sahel depuis 2013, se sont sévèrement détériorées.
“La junte multiplie les provocations“, s’est indignée mardi la ministre française des Armées, Florence Parly. Elle a souligné sa “solidarité avec nos partenaires danois, dont le déploiement se fait sur une base juridique légale, contrairement à ce qu’affirme aujourd’hui la junte malienne“.
Réponse aux sanctions de la Cédéao
Depuis que l’organisation des Etats ouest-africains Cédéao a imposé au Mali le 9 janvier des sanctions soutenues par la France et différents partenaires du pays, la junte s’arc-boute sur la souveraineté du territoire. Elle a riposté à la fermeture des frontières par la Cédéao en fermant ses frontières en retour. Elle soumet l’entrée des avions dans l’espace aérien du Mali à de nouvelles approbations et procédures. Elle dit par ailleurs avoir demandé la révision des accords de défense avec la France. Le gouvernement malien assure dans son communiqué que le déploiement des forces danoises s’est fait sans qu’ait été conclu un accord bilatéral entre Copenhague et Bamako, comme l’aurait voulu selon lui le protocole applicable aux pays participant à Takuba. Par conséquent, “la République du Mali invite la partie danoise à retirer immédiatement ledit contingent du territoire“.
Le gouvernement rappelle à ses partenaires engagés dans la lutte antijihadiste “la nécessité de l’obtention préalable de l’accord des autorités maliennes avant tout déploiement au Mali“. Un diplomate danois a assuré sous le couvert de l’anonymat que le pays était en règle et qu’une réponse commune aux participants à Takuba allait être préparée.
Grande incertitude
Dans un communiqué le 24 janvier au soir, le ministère danois des Affaires étrangères a déclaré que les autorités danoises “travaillaient intensément pour apporter plus de clarté à la situation” et étaient “en contact avec le gouvernement de transition malien”. “Il y a actuellement une grande incertitude quant à l’annonce du gouvernement de transition. La contribution danoise fait partie de l’opération dirigée par la France au Mali, et nous sommes donc également en coordination étroite et permanente avec nos partenaires, notamment la France“, ajoute le ministère.
Outre la France, qui pilote Takuba, les Pays-Bas, l’Estonie, la Suède, la Belgique, la République Tchèque, la Norvège, le Portugal, l’Italie et la Hongrie y participent. La demande de retrait du contingent danois ajoute encore un motif de friction entre le Mali et ses partenaires, alors que la France s’interroge sur la voie à suivre avec une junte qui entend se maintenir au pouvoir plusieurs années et que les partenaires de Bamako accusent d’avoir ouvert les portes aux mercenaires de la société privée russe Wagner. Les pays engagés dans Takuba avaient protesté fin décembre, avec d’autres pays occidentaux, contre le recours à Wagner.
Avec AFP.