Le marxisme est un corps de doctrine développé par Karl Marx et, dans une moindre mesure, par Friedrich Engels au milieu du XIXe siècle. Il se composait à l’origine de trois idées liées: une anthropologie philosophique, une théorie de l’histoire et un programme économique et politique. Il existe aussi le marxisme tel qu’il a été compris et pratiqué par les différents mouvements socialistes, notamment avant 1914. Puis il y a le marxisme soviétique tel qu’il a été élaboré par Vladimir Ilitch Lénine et modifié par Joseph Staline, qui sous le nom de marxisme-léninisme est devenu la doctrine des partis communistes créés après la Révolution russe (1917). Les autres ramifications comprenent le marxisme tel qu’interprété par l’antistalinien Léon Trotsky et ses partisans, la variante chinoise du marxisme-léninisme de Mao Zedong et divers marxismes dans le monde en développement. Il y avait aussi les marxismes non dogmatiques de l’après-guerre qui ont modifié la pensée de Marx avec des emprunts aux philosophies modernes, principalement à celles d’Edmund Husserl et de Martin Heidegger mais aussi à Sigmund Freud et d’autres.
Karl Marx – peu avant la révolution de 1848, et en rapport étroit avec la fermentation révolutionnaire de l’Europe – aperçut, d’abord dans l’indifférence générale, les grandes lignes de ce vaste ensemble théorique qui devait porter le nom de marxisme. Dès que l’influence et le rayonnement du marxisme commencèrent à s’imposer, les interprétations plus ou moins erronées et autres exégèses de son œuvre se multiplièrent.
Le marxisme comporte les théories politiques et économiques du philosophe politique et des économistes allemands Karl Marx (1818-1883) et Friedrich Engels (1820-1895), développées plus tard par leurs disciples pour former la base de la théorie et de la pratique du communisme. Au cœur de la théorie marxiste se trouve une explication du changement social en termes de facteurs économiques, selon laquelle les moyens de production fournissent la base économique qui influence ou détermine la superstructure politique et idéologique. Marx et Engels ont prédit le renversement révolutionnaire du capitalisme par le prolétariat et la réalisation éventuelle d’une société communiste sans classes.
La pensée de Karl Marx
L’œuvre écrite de Marx ne se réduit pas à une philosophie, encore moins à un système philosophique. L’ensemble de son œuvre est une critique radicale de la philosophie, en particulier de G.W.F. du système idéaliste de Hegel et des philosophies des post-hégéliens de gauche et de droite. Il ne s’agit cependant pas d’un simple déni de ces philosophies. Marx a déclaré que la philosophie doit devenir réalité. On ne pouvait plus se contenter d’interpréter le monde ; il faut se préoccuper de le transformer, c’est-à-dire de transformer à la fois le monde lui-même et la conscience humaine de celui-ci. Ceci, à son tour, exigeait une critique de l’expérience ainsi qu’une critique des idées.
En fait, Marx croyait que toute connaissance implique une critique des idées. Il n’était pas empiriste. Son travail regorge plutôt de concepts (appropriation, aliénation, praxis, travail créatif, valeur, etc.) qu’il avait hérités de philosophes et d’économistes antérieurs, dont Hegel, Johann Fichte, Immanuel Kant, Adam Smith, David Ricardo et John Stuart Moulin. Ce qui caractérise uniquement la pensée de Marx, c’est qu’au lieu de faire des affirmations abstraites sur tout un ensemble de problèmes tels que la nature humaine, la connaissance et la matière, il examine chaque problème dans sa relation dynamique avec les autres et, surtout, essaie de aux réalités historiques, sociales, politiques et économiques.
Le matérialisme historique
En 1859, dans la préface de sa Zur Kritik der politischen Ökonomie (Contribution à la critique de l’économie politique), Marx écrivait que l’hypothèse qui lui avait servi de base à son analyse de la société pouvait être brièvement formulée comme suit: « Dans la production sociale que mènent les hommes, ils entrent dans des rapports déterminés, indispensables et indépendants de leur volonté, rapports de production qui correspondent à un stade déterminé de développement de leurs forces matérielles de production. L’ensemble de ces rapports de production constitue la structure économique de la société, le fondement réel, sur lequel s’élève une superstructure juridique et politique, et à laquelle correspondent des formes définies de conscience sociale. Le mode de production dans la vie matérielle détermine le caractère général des processus sociaux, politiques et intellectuels de la vie. Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence; c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience ».
Élevée au rang de loi historique, cette hypothèse fut par la suite appelée matérialisme historique. Marx l’a appliqué à la société capitaliste, à la fois dans Manifest der kommunistischen Partei (1848 ; Le Manifeste communiste) et Das Kapital (vol. 1, 1867 ; « Capital ») et dans d’autres écrits. Bien que Marx ait réfléchi pendant de nombreuses années à son hypothèse de travail, il ne l’a pas formulée d’une manière très exacte : des expressions différentes lui ont servi pour des réalités identiques. Si l’on prend le texte au pied de la lettre, la réalité sociale est structurée de la manière suivante:
1. La structure économique est sous-jacente à tout en tant que véritable base de la société. Cette structure comprend (a) les «forces matérielles de production», c’est-à-dire le travail et les moyens de production, et (b) l’ensemble des « rapports de production » ou les arrangements sociaux et politiques qui régulent la production et la distribution. Bien que Marx ait affirmé qu’il existe une correspondance entre les « forces matérielles » de la production et les « rapports » indispensables de la production, il ne s’est jamais précisé sur la nature de la correspondance, un fait qui allait être la source d’interprétations divergentes parmi ses adeptes ultérieurs.
2. Au-dessus de la structure économique s’élève la superstructure, constituée de «formes de conscience sociale» juridiques et politiques qui correspondent à la structure économique. Marx ne dit rien sur la nature de cette correspondance entre les formes idéologiques et la structure économique, si ce n’est qu’à travers les formes idéologiques, les individus prennent conscience du conflit au sein de la structure économique entre les forces matérielles de production et les rapports de production existants exprimés dans les relations juridiques de propriété. Autrement dit, « la somme des forces productives accessibles aux hommes détermine la condition de la société » et est à la base de la société. « La structure sociale et l’État découlent continuellement des processus de vie d’individus déterminés … tels qu’ils sont en réalité, c’est-à-dire agir et produire matériellement. Les relations politiques que les individus établissent entre eux dépendent de la production matérielle, de même que les relations juridiques. Ce fondement du social sur l’économique n’est pas un point fortuit: il colore toute l’analyse de Marx. On le trouve dans Das Kapital ainsi que dans Die deutsche Ideologie (écrit 1845-1846 ; L’idéologie allemande) et le Ökonomisch-philosophische Manuskripte aus dem Jahre 1844 (Manuscrits économiques et philosophiques de 1844).
L’erreur la plus répandue (volontairement ou non) consiste dans la confusion entre le matérialisme historique (dialectique) et le matérialisme vulgaire (mécanisme). Ce dernier réduit la nature à la matière brutalement définie par ses propriétés mécaniques (volume, densité, élasticité, etc.); il réduit les êtres de la nature aux aux combinaisons mécaniques de ces propriétés élémentaires (combinaisons de particules, de corpuscules ; atomisme). Il réduit la pensée à une sécrétion, et la conscience à un épiphénomène des processus physiologiques ou physico-chimiques. Il réduit l’humain aux besoins élémentaires, organiques (manger, boire, etc.). Cette réduction du complexe au simple, du supérieur à l’inférieur, aboutit à une conception extrêmement pauvre du monde et de l’homme. (Que sais-je ? Le marxisme, Henry Lefebvre, p. 105).
Références
Chambre, Henri and McLellan, David T. « Marxism ». Encyclopedia Britannica.
Henri Lefebvre. Le marxisme. Que sais-je?, 24e éd. 122 p.
Georg Lukács (trad. E. Kelemen). Existentialisme ou Marxisme?. Paris, Nagel, coll. «Pensées», 1948 (réimpr. 1961), 290 p.
Maximilien Rubel. Marx: critique du marxisme. Payot, 1974. réédité en 2000.