Affaire Vital Kamerhe: Ascension et chute d’un  »faiseur des rois »

Le 30 janvier, une pluie diluvienne s’abat sur Kinshasa, emportant les tôles bleues qui cachent les travaux de construction des sauts-de-mouton, ces ponts urbains censés fluidifier la circulation dans la capitale congolaise. Le lendemain matin, les Kinois découvrent avec stupeur des chantiers à l’arrêt, malgré les millions de dollars dépensés par l’État depuis presque un an. Dans sa résidence de la cité de l’Union africaine, le chef de l’État Félix Tshisekedi fulmine. Ces travaux étaient la vitrine de son programme des «100 jours» censé marquer un nouveau départ. Or, depuis des mois, «les rapports s’accumulaient sur le bureau du président, évoquant de possibles détournements de fonds, se souvient l’un de ses conseillers. Le même nom revenait très souvent: Vital Kamerhe.»

Celui que l’on surnomme «VK» ou le «président bis» est, avant sa condamnation à vingt ans de prison pour détournement de fonds publics et corruption, le tout-puissant directeur de cabinet du président Tshisekedi. Originaire du Sud-Kivu, dans l’est du pays, ce stratège politique a longtemps servi Joseph Kabila comme conseiller puis ministre, avant d’être élu à la présidence de l’Assemblée nationale (2006-2009). Quand la rupture est consommée avec l’ancien chef de l’État, il passe dans l’opposition, crée son propre parti et tente un rapprochement avec l’opposant historique Étienne Tshisekedi, sans succès.

«Rétrocommissions»

L’alliance se fera finalement avec le fils, Félix. Fin 2018, à Nairobi, la capitale kenyane, les deux hommes se mettent d’accord : en cas de victoire du second à la présidentielle, «VK» lui succéderait à la tête de l’État en 2023. Après une élection entachée d’importants soupçons de fraudes, l’actuel président se voit également obligé de composer avec le camp de son prédécesseur Joseph Kabila, et accepte de former une coalition avec sa plate-forme politique, le Front commun pour le Congo (FCC), qui remporte les deux tiers des sièges à l’Assemblée nationale. Un tel enchevêtrement d’alliances est propice aux règlements de compte et les premières fissures apparaissent à l’été 2019. Félix Tshisekedi est informé par son conseiller financier, Marcellin Bilomba, de la disparition de 15 millions de dollars des caisses de l’Etat. L’affaire sort dans les journaux et éclabousse la présidence. Pointé du doigt, Vital Kamerhe coupe court aux enquêtes de l’Inspection générale des finances. Dans une interview accordée au Monde et à TV5 Monde, le président Tshisekedi évoque des «rétrocommissions», reconnaît des «maladresses» mais rejette toute «méconduite» de son directeur de cabinet.

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