La démocratie est une forme d’organisation politique qui est supposée agir dans l’intérêt général. Le peuple est à la fois détenteur du pouvoir et, est soumis à ce pouvoir politique. «Il existe fondamentalement deux conceptions de la démocratie : procédurale et substantielle. La première envisage la démocratie comme mode de fonctionnement étatique : elle met en évidence ses règles, ses agencements institutionnels, ses mécanismes. La seconde l’aborde dans une perspective philosophico-politique, en tant qu’idéale de société, et ouvre des débats sur la loi, la liberté, l’égalité l’éducation, etc.» (Schiffino, 2003, p. 16).
Nombreuses sont les organisations qui publient les « indices de démocratie ». Nous pouvons citer l’Indice de qualité de la démocratie (Democracy Ranking) [1], la typologie de Freedom House[2], l’Indice Vanhanen[3], l’Indice Polity[4] et le Baromètre de la Démocratie (The Democracy Barometer) [5]. Pour aborder la notion de démocratie, deux auteurs nous servirons de guide. La première, Nathalie Schiffino, fait une synthèse en dix critères de la démocratie et le second, Patrick Quantin, aborde la démocratie en Afrique avec une autre approche pour éviter une vision trop occidentalo-centrée.
La démocratie universelle
Nathalie Schiffino, l’auteur de l’ouvrage, Crises politiques et démocratie en Belgique, énumère dix critères pour parler de la démocratie. Les trois premiers critères abordent les fondements tandis que les sept restants portent sur la représentation. «Ils constituent en quelque sorte une déclinaison des trois premiers ou les développe, à l’image des branches pour un tronc» (Schiffino, 2003, p. 16). De maniéré simple, voici les dix critères développés par l’auteur.
- Critère 1: la souveraineté du peuple. La société publique (L’État) tient ses pouvoirs des citoyens.
- Critère 2: les citoyens sont égaux. « L’égalité (comme la liberté) est une condition culturelle de la démocratie. Elle revêt trois formes : l’égalité des droits, l’égalité des opportunités et l’égalité des conditions » (Ibid., p. 17).
- Critère 3: Le fonctionnement du système démocratique a un prérequis d’efficacité et un prérequis de valeurs. « Le régime doit sa légitimité à une double source : l’efficacité et le respect des droits universels » (Ibid.).
- Critère 4: le peuple peut déléguer son pouvoir à des représentations « Quoi qu’il en soit, elle doit toujours prendre la forme de l’élection au suffrage universel pur et simple » (Ibid.).
- Critère 5: le pouvoir des élus est limité dans le temps. « Dans son application, le principe de délégation fait toujours l’objet d’une restriction temporelle » (Ibid., p. 18).
- Critère 6: le pouvoir délégué échu, une procédure permet de constituer le suivant.
- Critère 7: l’accès au pouvoir se fait par la compétition.
- Critère 8: l’opposition conserve la possibilité d’accéder au pouvoir. «La démocratie aspire à un équilibre entre la protection de ceux qui ont moins de voix et l’écoute de ceux qui en ont plus» (Ibid., p. 19).
- Critère 9: les trois pouvoirs sont séparés et les élus détiennent le pouvoir législatif. «Le caractère démocratique du régime n’est effectivement assuré que si chaque pouvoir respecte le champ des fonctions qui lui est assigné» (Ibid.).
- Critère 10: les lois instaurées par le pouvoir législatif créent un État de droit. «La Constitution et les lois doivent refléter la volonté du peule et garantir les valeurs démocratiques» (Ibid.).
La démocratie en Afrique
«L’étude de la démocratie prend généralement soin de distinguer les modèles et les expériences. Les premiers sont normatifs et exposent ce que devrait être une démocratie ; les secondes décrivent ce qui se passe réellement dans l’instauration et la pratique d’un régime démocratique. Au fil du temps, modèles et expériences s’influencent réciproquement sans pour autant se confondre. Il n’est rien de comparable en Afrique» (Quantin, 2009, p. 65).
Concernant la démocratie en Afrique, il y a la vision optimiste qui affirment que les pays africains s’avancent par des voies imperceptibles vers la démocratie et, celle pessimiste, qui pensent que les élites des pays africains ne veulent pas introduire des règles du jeu qui risqueraient de leur faire perdre leurs intérêts. «Entre démocratie et non-démocratie, les expériences africaines actuelles se situeraient, en moyenne et avec une faible variance, dans une zone intermédiaire de « régimes hybrides » » (Ibid.). L’auteur explique que dans ce «régimes hybrides», il y a des éléments de démocratie comme les élections couplés avec des pratiques autoritaires. Nous sommes en présence des régimes qui ne sont ni vraiment démocratiques, ni vraiment autoritaires avec la tenue régulière d’élection multipartites et le respect de quelques droits politiques de bases.
De manière générale, les oppositions sont confrontées à un double barrage. Il y a le blocage dans l’organisation et le déroulement des scrutins, ensuite viennent la limitation des libertés qui s’étend en amont et en aval des élections. «Ce scénario donne la figure de la démocratie réduite aux élections : la démocratie «électorale». Parfois, le harcèlement des opposants ne suffit pas et les détenteurs du pouvoir doivent agir en recourant à la violence ouverte durant l’élection et manipuler les résultats » (Ibid., p. 74). Avec la prise de distance, l’auteur, Patrick Quantin, montre que «l’Afrique n’est pas aujourd’hui confrontée à un modèle unique, imposé et rigide, celui de la démocratie «importée», mais qu’elle dispose d’un jeu de différents modèles qu’elle peut adapter en fonction des contraintes, déroutant certes l’observateur extérieur mais pas nécessairement condamné à pérenniser l’autoritarisme pur» (Ibid., p. 76).
Synthèse sur la démocratie
L’auteur Nathalie Schiffino reprend les caractéristiques universellement acceptées sur la notion de la démocratie tout en reconnaissant l’importance des spécificités locales. «Cette définition est générale : il faudra préciser pour chaque pays auquel elle est appliquée comment les critères y sont mise en ouvre, en tenant compte des variations non seulement dans l’espace mais également dans le temps, puisque la démocratie est dynamique et évolutive» (Schiffino, 2003, p. 16).
Nous pouvons dire que le référentiel de la démocratie en Afrique aujourd’hui n’est pas sur la voie de la convergence avec le modèle occidental. «Concrètement, à quelques exceptions près, la plupart des régimes sont soit des démocraties électorales, soit des autoritarismes électoraux, selon les définitions proposées plus haut. Ces régimes hybrides africains ne se définissent pas directement par référence à un modèle précis, mais plutôt par leurs capacités à feindre, par une sorte de mimétisme, la conformité du modèle démocratique libéral» (Quantin, 2009, p. 74).
Notes :
- L’Indice de qualité de la démocratie (Democracy Ranking) est composé de six éléments : la politique, le sexe, l’économie, la connaissance, la santé et l’environnement.
- Freedom House est une organisation non gouvernementale fondée en 1941, qui prône le développement des libertés dans le monde. Pour cette organisation, la liberté n’est possible que dans un système politique démocratique.
- L’Indice Vanhanen utilise les deux principales catégories de Robert Dahl (la participation, la concurrence) pour déterminer le degré de démocratisation de l’État.
- L’Indice Polity se base sur une évaluation des élections au sein des États en qui concerne la compétition, du niveau de participation et d’ouverture.
- Le Baromètre de la Démocratie (The Democracy Barometer), embrasse les idées libérales et participatives de la démocratie. Elle repose sur trois principes fondamentaux et neuf fonctions : la liberté (libertés individuelles, la primauté du droit et la sphère publique), le contrôle (la concurrence, les contraintes mutuelles et la capacité gouvernementale) et l’égalité (la transparence, la participation et la représentation).