Des outils utilisés par Homo erectus découverts dans les années 1980 au Gabon ont récemment été datés par des équipes du CEREGE. Ces découvertes sont une avancée considérable dans notre connaissance de l’évolution de nos ancêtres africains.
Outil taillé en forme de rabot provenant de la terrasse alluviale d’Elarmékora dans l’ensemble historique Epona, classé au patrimoine Mondial de l’UNESCO. Photographie de Richard Oslisly
En 2019, une expédition a permis de recueillir des données plus précises en termes de datation d’échantillons prélevés sur le gisement d’Elarmékora. Située dans le Parc national de la Lopé, cette région est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2007 sous le nom d’«Écosystème et paysage culturel relique de Lopé-Okanda». * L’expédition scientifique menée par le géoarchéologue Richard Oslisly, qui travaille au Gabon depuis près de 40 ans, en partenariat avec le Centre de Recherche et d’Enseignement de Géosciences de l’Environnement (CEREGE), l’Initiative pour le patrimoine mondial forestier d’Afrique centrale (CAWHFI) et l’Institut de recherche pour le développement (IRD) ont permis de dater les plus anciennes preuves de présence humaine dans cette région, au cœur de l’Afrique, dont on a souvent dit qu’elle était réservée aux grands singes.
En 1987, les premières expéditions avaient permis la découverte d’outils de pierre taillée dans les terrasses alluviales d’Elarmékora, mais c’est finalement en 2019 que ces outils ont révélé leurs secrets. «Je me suis rendu au CEREGE d’Aix en Provence pour savoir quelles techniques nous pouvions exploiter pour dater ces outils, nous avons donc utilisé le Béryllium 10 et l’Aluminium 26» explique Richard Oslisly. C’est grâce à des technologies modernes, les nucléides cosmogéniques, et à l’aide d’un instrument de datation national du nom d’ASTER, un spectromètre de masse par accélérateur, que les chercheurs du CEREGE ont pu estimer que les outils étaient vieux d’au moins 620 000 ans et au plus 850 000 ans. «Les outils macrolithiques que nous avons découverts pouvaient servir à creuser et les éclats tranchants étaient utilisés pour découper la viande et les végétaux mais aussi pour désarticuler et récupérer la viande des carcasses» explique Richard Oslisly.
C’est une nouvelle étape dans la découverte du genre Homo erectus puisqu’elle pourrait chambouler les modèles établis sur l’histoire des origines des peuples du Bassin du Congo. Elle pourrait aussi contribuer à une meilleure compréhension des changements climatiques anciens. «Le bloc forestier n’a pas toujours été comme il est actuellement, les niveaux marins non plus, il faut savoir qu’il y a eu des climats beaucoup plus froids», ajoute Richard Oslisly à propos des climats anciens, «par exemple on pense que le Gabon qui est actuellement recouvert à 85 % de forêt, devait être recouvert d’environ 50 % de savane». Les chercheurs envisagent de réaliser des fouilles plus approfondies l’an prochain et d’entamer l’étude d’autres sites. «Elarmékora n’a pas fini de livrer tous ses secrets et ça, nous en sommes certains» conclut Richard Oslisly.