Briser la chaîne qui aboutit au cancer : une nouvelle avancée

Les cellules squameuses constituent la couche externe de la peau et la muqueuse de plusieurs autres organes. Lorsque ces cellules surproduisent une protéine cancérigène, elles deviennent un type de cancer agressif avec peu d’options de traitement. Le professeur Alea Mills du laboratoire de Cold Spring Harbor et son groupe de recherche ont découvert un moyen de désactiver la protéine en coupant une ligne d’autres protéines qui l’activent.


Tumeur d’un patient atteint d’un carcinome épidermoïde. Les cellules cancéreuses surproduisent une version cancérigène de la protéine p63, appelée Np63α (colorée en brun sur cette image). Des niveaux élevés de Np63α font que les cellules cancéreuses ressemblent davantage à des cellules souches, ce qui entraîne des tumeurs agressives. Image: © Matt Fisher/Laboratoire Mills.

Dans une ligne de dominos, si vous retirez une seule pièce, la dernière ne tombera jamais. De même, de nombreux morceaux doivent s’aligner et être poussés en même temps dans une cellule pour provoquer un cancer. Il y a vingt-deux ans, le professeur Alea Mills du Cold Spring Harbor Laboratory (CSHL) a découvert la protéine p63. Plus récemment, elle a découvert qu’une version spécifique de p63 (∆Np63α) provoque le cancer lorsqu’elle est hyperactive. Mills et ses collègues ont essayé de trouver des moyens de l’éteindre, mais en vain. Maintenant, ils ont trouvé un moyen d’empêcher les dominos de tomber, non pas en éteignant ∆Np63α lui-même, mais en éteignant d’autres protéines qui travaillent ensemble pour l’activer.

La méthode et les résutlats

La population de cellules souches cancéreuses (CSC) est un facteur clé de récidive et de métastase chez les patients atteints de cancer. p63 régule les cellules souches, qui sont des cellules immatures qui ont le potentiel de se développer en différents types de cellules matures. Lorsqu’une variante de la protéine, ∆Np63α (un facteur de transcription clé essentiel à la fonction des cellules souches épithéliales et souvent surexprimé dans les cancers), est hyperactive, la production de cellules souches ne s’arrête jamais. Lorsque cela se produit dans les cellules squameuses, qui recouvrent la peau et de nombreux autres organes, les cellules souches se développent de manière incontrôlable et forment des tumeurs. Ces cellules souches cancéreuses envahissent d’autres tissus et s’enroulent même autour des nerfs du visage. Les tumeurs peuvent alors être douloureuses, défigurantes et difficiles à enlever.

A présent, l’équipe de Mills a identifié une cascade de quatre protéines qui agissent comme une série de dominos pour activer ∆Np63α, dont le bromodomaine contenant la protéine 4 (BRD4) qui joue un rôle essentiel dans le contrôle de l’expression des gènes impliqués dans le développement et le cancer. BRD4 régule un complexe EZH2/STAT3 qui conduit à une transcription accrue médiée par ΔNp63α.  Certaines de ces protéines étaient déjà connues pour être impliquées dans la promotion d’autres types de cancer (par exemple la Brd4), il y avait donc déjà des médicaments en essais cliniques pour les désactiver. Lorsque le groupe Mills a ajouté ces médicaments à des cellules souches cancéreuses dérivées de patients se développant dans une boîte de Pétri, les cellules sont devenues moins agressives, moins mobiles et à croissance plus lente. Les souris avec ces cellules squameuses cancéreuses traitées avec ces médicaments ont développé des tumeurs plus petites.

Impact et perspectives

Cette nouvelle étude montre que les cellules souches cancéreuses peuvent être enrichies à partir de carcinomes épidermoïdes (SCC) et que ces cellules présentent un phénotype agressif avec une expression, une migration, une invasion et une croissance tumorale améliorées des marqueurs de cellules souches. Matt Fisher, un boursier postdoctoral du laboratoire de Mills qui a dirigé cette étude, déclare: “Le cancer à cellules squameuses n’est pas un cancer facile à traiter en ce moment, et il n’y a pas beaucoup d’options thérapeutiques. C’est pourquoi nous pensons qu’il est si important d’identifier des voies qui incluent des cibles médicamenteuses”.

L’inactivation de BRD4 inhibe la croissance du cancer, ce qui en fait une cible prometteuse pour les médicaments anticancéreux. Le ciblage de BRD4 dans le SCC humain réduit ΔNp63α, conduisant à l’inhibition de la formation de sphéroïdes, de la migration, de l’invasion et de la croissance tumorale. Ces études identifient un nouveau réseau de signalisation régulé par BRD4 dans une sous-population de cellules souches cancéreuses, élucidant une voie possible pour une intervention thérapeutique efficace. La découverte de quatre nouvelles cibles thérapeutiques pour cette maladie offre donc un nouvel espoir pour le traitement de ce cancer mortel.

Voir la publication

Fisher, M.L., et al., “BRD4 regulates transcription factor ∆Np63α to drive a cancer stem cell phenotype in squamous cell carcinomas”, Cancer Research, October 25, 2021. DOI: 10.1158/0008-5472.CAN-21-0707

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