«Accords de compensation carbone», COP28 et écocolonialisme : la RDC à la croisée des chemins

La lutte est clairement engagée pour un nouveau système mondial (nouvel ordre mondial économique, financier et politique) qui déterminera l’orientation du monde pour les décennies à venir et au-delà. Certains de ses phénomènes peuvent se manifester de manière plus explicite en surface, comme la guerre par procuration entre les États-Unis et la Russie et son empreinte en Ukraine, les éléments plus profonds qui sont en réalité en jeu depuis des décennies commencent à devenir plus évidents que jamais. C’est le cas de l’obsession occidentale envers l’insoutenable idéologie verte à laquelle les pays en développement sont avec raison de plus en plus réservés, refusant de renoncer à développer leurs réserves de combustibles fossiles (indispensables à leur développement), et insistant plutôt sur le droit à réduire d’abord la pauvreté.

Mais à ce sujet, un aspect de la lutte à mener n’a pas encore été suffisamment abordé : le fait que les politiques écologistes, avatar d’un capitalisme financier en crise, visent d’abord et avant tout la conservation de la suprématie occidentale. Otto Edenhofer, co-président du Groupe de travail III du GIEC et auteur principal du Quatrième rapport d’évaluation du GIEC, n’avait-il pas déclaré qu’«il faut se libérer de l’illusion que la politique climatique internationale est une politique environnementale», et qu’«il faut dire clairement que nous redistribuons de facto la richesse mondiale par la politique climatique»? (John Howard, One Religion Is Enough, 2013 Annual GWPF Lecture). Et une arnaque l’exprime mieux : les «accords de compensation carbone», qui sont un moyen extraordinaire de re/colonisation des pays aux ressources forestières immenses au nom de la lutte contre le changement climatique et de la «conservation de la planète», une des expressions de l’on appelle l’écocolonialisme.

Les «accords de compensation carbone», une arnaque

Les «accords de compensation carbone» sont des contrats privés entre émetteurs de gaz à effet de serre et propriétaires de terres forestières. Ces terres agissent comme un puits de carbone naturel. En effet, grâce à la photosynthèse, les arbres éliminent le dioxyde de carbone (CO2) de l’atmosphère et le convertissent en fibre de bois tout en libérant de l’oxygène dans l’atmosphère. Lorsqu’elle est utilisée dans des produits ligneux à long terme tels que le bois d’œuvre, cette fibre de bois stocke le carbone de l’atmosphère pendant de nombreuses années. Les émetteurs de dioxyde de carbone paient les propriétaires fonciers pour qu’ils ne coupent pas le bois absorbant le carbone sur leurs terres. En échange, les producteurs obtiennent des crédits carbone contre des promesses de décarbonisation de leurs opérations ou sur les marchés du carbone.

Pour la compréhension de tous, simplifions en caricaturant. En fait, imaginons que quelqu’un vous propose de s’occuper de votre voiture dans le cadre d’un accord de 50 ans. La voiture reste à votre nom mais vous lui en céder la propriété pour une période de 50 ans. Pendant cette période, vous n’avez aucun droit sur la voiture, vous ne pouvez pas la conduire et vous ne pouvez pas l’utiliser pour quoi que ce soit. Le cas échéant, le nouveau gérant de votre voiture pourrait vous faire arrêter pour intrusion si jamais il vous trouvait à l’intérieur de la voiture, car c’est lui seul qui peut en disposer à sa guise. Pire, chaque année, vous devez payer l’assurance de la voiture et toute autre amende puisque la voiture est à votre nom. Est-ce que cela est imaginable? Bien sûr que non! Pourtant, c’est ainsi que fonctionnent les «accords de compensation carbone». Ceci est une vaste arnaque.

Contre les intérêts de nos pays africains, les dirigeants africains, payés en monnaie de singe, accordent une légalité à ces accords. C’est le cas du Libéria, Zimbabwe, Tanzanie et de la Zambie, qui ont récemment signé des «accords de compensation carbone» avec une société basée à Dubaï appelée Blue Carbon. La promesse du Blue Carbon et de toutes les entreprises de ce genre est de conserver les terres au nom des pays africains, de les exposer sur les marchés d’échange de carbone pour les «investissements» des grands pollueurs. C’est une aliénation de nos terres et de notre droit à discuter directement avec les pollueurs, comme l’est toute la politique du développement durable, de l’agriculture durable, de l’économie et finances vertes, des énergies renouvelables, de la santé publique durable, et celle de la mise sous tutelle de nos parcs nationaux, … qui ne va in fine, aboutir qu’à priver l’Afrique des moyens et de son droit au développement et donc appauvrir davantage nos peuples, dans la logique de la baisse de la population mondiale voulue par l’oligarchie mondialiste qui a déclaré ouvertement cet objectif. Et pourtant, c’est cette politique qui sera généralisée à tous les pays, dont la RDC, dès la COP28.

COP28, nouvelle Conférence de Berlin?

Du 28 novembre au 6 décembre 2023, les Émirats arabes unis (E.A.U) accueilleront la COP28 où l’Afrique sera exposée à une nouvelle partition entre les pays américains, européens, asiatiques et arabes. Ce sera une nouvelle Conférence de Berlin, mais cette fois-ci avec la participation et la signature des Africains.

La RDC convoitée

Le président kenyan William Ruto, certainement au nom de l’oligarchie mondialiste, vise à obtenir l’approbation de l’EAC sur les «accords de compensation carbone» qu’il compte présenter aux soumissionnaires à la COP28. Il veut se positionner comme le courtier des 143 millions d’acres de forêts de la RDC, que la Banque mondiale a évalués à 6 400 milliards de dollars, avec un potentiel de génération d’une valeur locative de 383 milliards de dollars par an grâce à la vente de crédits carbone.

Visiblement, comme pour les minerais congolais qui ont été l’origine de l’agression et de la destruction du Congo-Zaïre et de son peuple depuis 1996, il est clair, que les pays étrangers et leurs entreprises qui veulent mettre la main sur la manne que représente nos forêts vont veiller à ce que l’instabilité en RDC augmente afin qu’ils puissent corrompre et en profiter à bas prix ou devenir les gardiens de nos forêts et le point de vente des crédits carbone.

L’Afrique à la croisée des chemins

L’Afrique est perçue par le monde comme un « réservoir » des matières premières. A coté de cette vision, se greffe celle d’un continent à préserver pour « sauver la planète », au détriment des attentes nation de plus d’un milliard d’estomacs affamés. Avec un leadership approprié, l’Afrique doit changer cette perception, en se repensant elle-même. Elle doit arriver à se faire un continent comptant plus d’un milliard d’esprits ambitieux, plus de deux milliards de mains compétentes et des centaines de millions de jeunes extrêmement compétitifs. Dans le cas contraire, au moment où se meurt nous sommes confrontés à la mort du système néolibéral actuel, mort qui ne se déroulera pas aussi pacifiquement que l’Union soviétique, nous courrons le risque de mourir avec lui du fait que ses tenants (suprémacistes et néomalthusiens) ne veulent garder le contrôle sur le monde qu’en le réinitialisant politiquement (gouvernement mondial), économiquement (économie verte, énergies vertes1), financièrement (finances vertes), …, le tout passant par une réinitialisation démographique (baisse de la population mondiale).

Nous devrions adopter l’idée de gagner cette bataille, car l’alternative n’est pas acceptable. Nous appelons donc le peuple congolais en particulier et celui africain en général à la vigilance et à l’action citoyenne. Que la jeunesse congolaise en particulier et africaine en général, se lève, combatte, et exige aux dirigeants africains le refus de conclure tout accord avec quiconque leur promet de l’argent en échange de leur droit au développement !

JOSEPH BARAKA

Notes

1 A ce sujet, l’hypocrisie est stupéfiante et flagrante. Alors que l’Allemagne et l’Europe connaissent la désintégration de leur économie – en grande partie due à l’adoption des «énergies renouvelables» et au rejet des combustibles fossiles – elles imposent des conférences aux Africains, leur disant qu’ils doivent investir dans la même énergie verte. Ou prenons le cas de l’alimentation : tandis que l’Occident affirme que la Russie affame le monde parce qu’elle a suspendu l’Initiative céréalière de la mer Noire – en fait à cause des sanctions occidentales contre les transports maritimes russes – on dit aux agriculteurs des Pays-Bas qu’ils polluent trop et qu’ils doivent cesser définitivement de cultiver !

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