Inefficacité de l’ONU : vers une régénération du contrat pour la paix entre les nations ?

Le dépassement de l’état de nature, lutte pour laquelle plusieurs philosophes ; du temps moderne, de l’époque contemporaine et même avant eux, ont tenté de donner quelques pistes de solutions laisse encore en ce 21ème siècle à désirer. Après la première guerre mondiale et surtout au lendemain de la seconde guerre, beaucoup d’hommes politiques, espéraient fermement qu’une force transnationale ou mondiale serait à mesure d’imposer la paix dans le monde entier car visiblement l’expérience de la guerre venait d’en donner une leçon. La mise au point de l’ONU et toutes ses branches, une des conséquences majeures de la seconde guerre mondiale, ne s’inscrivait que dans cette logique d’expression de la puissance et de la domination dans un cadre de vouloir imposer la paix sur toute la planète et en finir avec les hostilités. Mais, il se remarque que ce ne sont que ces puissants, ces hommes forts connus comme des vainqueurs de la guerre qui se liguent pour constituer une force internationale à vocation d’arbitrage sans borne. Cette prétention porte en elle-même les empreintes de ses limites car l’homme est un être essentiellement égoïste. La paix, hélas !!! ne s’impose pas. Elle se cultive.

Quand le passé nous rattrape, l’histoire dit son mot 

 « E n’siku zo zihana ô nonera », dit un proverbe Shi. L’homme avare est toujours victime du temps qui passe. Rien ne résiste au temps. On peut tout caché à l’humanité, des décennies durant, mais la vérité finie par triomphée, les langues finiront par se déliées. A l’aube de la mise au point de cette structure, nombreux de ses acteurs pensaient débordaient la puissance du temps en gardant même secret les sujets sensibles, les topsecrets. Enfin tout se révèle, les plus grands secrets sortent de nos bouches, les tabous sont franchis. L’abcès est crevé ; l’histoire a parlé. C’est la victoire du temps sur les évènements. L’histoire est têtue dit-on.

Les objectifs premiers de l’organisation sont le maintien de la paix et la sécurité internationale. Pour les accomplir, elle promeut la protection des droits de l’homme, la fourniture de l’aide humanitaire, le développement durable et la garantie du droit international. De ce fait, quelques questions tourmentent notre méninge : l’ONU est-elle la première institution mondiale à se fixer des tels objectifs ? Qu’est-ce qui justifie son inefficacité dans ses opérations de maintien de la paix ? Pourquoi les guerres persistent sur la planète plus d’un demi-siècle plus tard ?

Avant l’ONU, en effet, d’autres organisations internationales ont œuvré pour la paix dans le monde. L’action de l’union interparlementaire, créée en 1889, et du Bureau international de la paix, crée en 1891, a contribué à l’instauration de la cour permanente d’arbitrage (tribunal de la Haye) en 1889. Après la guerre, elles soutiennent la création de l’organisation internationale du travail et de la société des Nations. La société des Nations, fut fondée en 1919 avec la signature du traité de Versailles. Son but est de conserver la paix. Elle est active entre 1919 et 1939 mais sa crédibilité est éprouvée par la seconde guerre mondiale. Pour pallier cet échec, et afin d’institutionnaliser un nouvel espace de dialogue international, le président américain Franklin D. Roosevelt proposa la création d’une nouvelle organisation.

Notons, certes que, les premières bases de l’architecture internationale d’après-guerre furent posées le 14 août 1941 avec la signature de la charte de l’Atlantique par le président des Etats-Unis et le premier ministre du Royaume-Uni. Les deux dirigeants sont convaincus que toutes les nations du monde devront finir par renoncer à l’usage de la violence. En attendant l’institution d’un système permanent de sécurité plus large, il est essentiel de désarmer ces nations. Cette déclaration est complétée en Septembre par la signature de neuf Etats européens occupés ou en guerre contre l’Allemagne Nazie, ainsi que par les forces françaises libres. La déclaration des Nations Unies fut signée le 1 Janvier 1942 à Washington par 26 Etats se battant contre les forces de l’Axes. Ce fut donc le début d’une véritable chimère internationale.

Visiblement, il faut noter que ces objectifs demeurent un idéal qu’on ne peut atteindre sans un effort de dépassement de nos égos. Car, déjà la marche actuelle du monde en dit nument. A la fin de la seconde guerre mondiale tous les États victorieux pensaient que la fin de la guerre signifierait le retour de la paix dans le monde. Mais hélas ! Il n’en n’a toujours pas été ainsi. « En tout cas, qu’il s’agisse d’une guerre ou d’une révolution, l’art de liquider est toujours le plus difficile. Non seulement que les qualités que réclament le rétablissement de la paix diffèrent considérablement de celles qui assurent la victoire des armes, mais aussi parce que les alliances conclues sous la menace d’un danger commun s’avèrent fragiles et précaires» C. GRIMBERG et R. SVANSTRӦM, Histoire universelle. En effet, les peuples sortant fraichement de la seconde guerre mondiale devront attendre impatiemment l’aurore tant espérée, l’avènement de la paix. Cependant, les crises ne tardèrent à venir et au lendemain de la seconde guerre, le monde fut divisé en deux blocs (l’URSS et les E.U). Ce fut donc le déclenchement de la guerre froide.

Les conditions de possibilité d’une paix durable ; la parole du Philosophe

Dans son livre, Vers la paix perpétuelle publié en 1795, Emmanuel Kant préconise « une alliance des peuples » qui réunirait les Etats du monde entier dans le souci exclusif de la paix E. KANT, Projet de paix perpétuelle. Déjà vers 1712, l’abbé de Saint Pierre, auteur de Pour rendre la paix perpétuelle en Europe ; préconisait l’instauration d’une confédération européenne des Etats susceptible de rendre impossible le recours à la guerre dans le règlement des conflits. Dépourvues de tout support juridique, les relations internationales se nourrissent de la menace permanente de la guerre. Une société humaine où les relations interpersonnelles seraient rationnellement organisées (ce qui est l’objet du droit), serait aussi une société pacifiée où ne règnerait plus qu’une contrainte légale, c’est-à-dire consentie par tous les acteurs politiques car la paix est le souverain bien politique, estime E. Kant. Elle constitue le bonheur du peuple.

A la suite de deux grandes guerres aggravées par le traitement criminel réservé à des populations considérées comme « sans droits », la référence s’impose tout naturellement à un texte qui préconise une alliance entre les peuples et inscrit le droit des étrangers au rang des fondamentaux du « citoyen du monde ». S’interroger sur la possibilité de la régénération des nouveaux contrats pour la paix entre Nations exige des efforts incalculables au vus de la grandeur et de l’utilité de la question. Si donc, la raison est à même de définir les conditions d’une paix perpétuelle, c’est qu’elle produit par elle seule la loi qui la gouverne ou qui la rendrait possible. La paix en effet, est une exigence de la raison pense E. KANT, Vers la paix perpétuelle. Et par là même, il ouvre les brèches à la considération universelle du droit en vertu de notre identité commune. Le droit est notre seul protecteur.

Le droit international au service des puissants

Le droit international (appelé aussi « droits des gens » et, par Kant, « droit des États ») est celui qui régit les rapports entre les peuples considérés comme entités juridiques. C’est à l’égard de ce type de droit que Kant se montre le plus critique envers ses prédécesseurs jugeant qu’aucun d’entre eux n’a dépassé le point de vue de l’indépendance des Etats qui rend légitime l’emploi de la force dans la résolution des conflits. Visiblement, on comprend alors que la législation internationale joue un rôle prépondérant dans la vision juridique de la paix : dans tous les cas, il s’agit de contraindre les Etats à entrer dans des rapports légaux qui rendent la guerre impossible. La configuration actuelle du monde et ces évènements terribles et terrifiant que l’humanité traverse durant ces dernières décennies ont révélé que l’usage de la force par les puissants dans la résolution des conflits en créé davantage. L’exemple le plus frappant est celui de la toute puissante Etat Russe. Elle brave les collines et contourne toutes les conventions des forts et personne n’en parle. Toutes les longues langues qui se lèvent lorsqu’il s’agit d’un problème africain, n’ont pas eu des mots ; un peu comme qui dirait que les loups ne se mangent pas entre eux. C’est une démonstration des forces dénotant nument l’impuissance de l’ONU à maintenir la paix dans le monde.

L’expérience des forces onusiennes, créés depuis 1945 avec comme vocation le maintien de la paix dans le monde entier, se révèle aujourd’hui impuissante et l’urgence des nouveaux contrats entre nations s’impose. La nécessité des accords entre États, la définition des lignes rouges demeurent aujourd’hui une des voies pour lutter contre les menaces et les agressions extérieures. D’une manière générale et à la suite de Grotius, le droit international est conçu comme un droit positif coutumier, c’est-à-dire résultant des accords conclus entre Etats à la suite des guerres. Comme citoyens d’une Nation, nous avons l’obligation de respecter le droit en tant que résultante de la raison. Le droit nous met à l’abri de l’arbitraire humain. Selon J-J. Rousseau, le non-respect des droits humains engendre une situation précaire et mène nécessairement à la tyrannie comme c’est le cas aujourd’hui dans la partie orientale de la République démocratique du Congo où la population civile meurtrie sans défense depuis des décennies durant se porte garant de sa propre destinée et réclame enfin avec emphase le départ immédiat de l’ONU ou pour le dire mieux la MONUSCO, cette structurée jugée impuissante et incapable de stabiliser cette partie du pays en proie aux violences sans mesure.

L’impuissance de l’ONU : les impasses actuelles

«O. CORTEN La sécurité collective, un rêve contrarié »

Point n’est besoin ici de revenir sur les exploits insurmontables de l’ONU. D’ailleurs nous profitons pour rendre des vibrants hommages aux casques bleus morts sur différents champs de bataille. Nous allons essayer de souligner ici, quelques faits témoignant l’impuissance de cette grande structure internationale à vocation de gendarme mondiale.

Quelle que soit leur rigueur, les règles introduites par la Charte de l’ONU n’ont pas empêché le déclenchement de nombreuses guerres en dehors des mécanismes prévus. Au nom de « justes causes », l’Union soviétique et les Etats-Unis ont entrepris des actions militaires unilatérales en Hongrie (1956), en Tchécoslovaquie (1968) ou en Afghanistan (1979) pour la première, à Cuba (1961), au Nicaragua (années 1980), à la Grenade (1983) ou au Panamá (1989) pour les seconds. La fin du conflit Est-Ouest n’a régénéré ni le droit international ni l’ONU. Les hostilités déclenchées par les Etats de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) contre la Yougoslavie, en 1999, ont montré que les grandes puissances pouvaient contourner le Conseil de Sécurité.

Cette dérive s’est renforcée après les attentats du 11 septembre 2001, la « guerre contre le terrorisme » lancée par les Etats-Unis. Du renversement des talibans, en l’absence d’une agression armée préalable juridiquement imputable à l’Etat afghan, à l’intervention en Irak de 2003, déclenchée sans autorisation du Conseil de Sécurité, la guerre unilatérale a effectué un retour spectaculaire sur la scène mondiale. Les faiblesses institutionnelles de l’ONU n’expliquent qu’en partie son échec relatif. A partir des années 1950, et de l’intervention en Corée, on a assisté à la constitution de forces des Nations unies (désignées comme des «casques bleus») composées, au cas par cas, de soldats qui sont juridiquement sous l’autorité de l’ONU mais qui proviennent de contingents nationaux. L’ONU dépend ainsi de la bonne volonté de ses Etats membres, avec des conséquences parfois désastreuses, comme lors du retrait des casques bleus belges du Rwanda en plein génocide (1994).

L’organisation s’est montrée largement impuissante lors de drames récents : échec de la prévention et de la protection en 1994 au Rwanda lors du terrible génocide des Tutsis qui s’est soldé par 800 000 morts. Incapacité également de prévenir et de stopper les conflits en ex-Yougoslavie de 1991 à 1995, et particulièrement d’assurer la protection des enclaves musulmanes de Bosnie-Herzégovine. Le massacre de Srebrenica (juillet 1995), pour lequel la qualification de génocide est en débat, s’est déroulé dans l’incapacité des 400 Casques bleus néerlandais d’intervenir, et jusqu’à présent (2022) les casques bleus sont critiqués pour leur inaction dans la région de Beni et Goma (RDC) où les civiles sont massacrés par les rebelles d’origine ougandaise et rwandaise. Rappelons certes qu’en 2010, lorsqu’un séisme provoqua un désastre humanitaire à Haïti, l’ONU s’est montrée incapable de coordonner l’aide rapidement, c’est finalement l’armée américaine qui jouera un rôle clé. L’organisation internationale avait été dépassée à peine un mois auparavant lors de la Conférence de Copenhague sur les changements climatiques, les États-Unis et la Chine avaient alors conclu des accords seuls.

L’excès du monde international : De l’ONUC, la MONUC à la MONUSCO, quelle suite ?

Il est de bon ton de noter qu’il y a plusieurs faits aujourd’hui qui témoignent justement de l’impuissance de l’ONU. En RDC où cette institution est présente depuis des décennies durant, le bilan est aussi chaotique qu’on ne pourrait même pas l’imaginer. Plus de 20ans de présence sur le territoire congolais, les situations voisines des sécessions ne cessent, les rebellions, les guerres d’occupation et de dominations, l’exploitation, les pillages, … et tout cela sous l’œil vigilant de l’ONU mais sans suite. Ce qui est plus désolant est que parfois même les graves tueries et massacres se passent à quelques mètres du camp des militaires ou casques bleus de l’ONU mais l’intervention tarde à venir. En plus de ces atrocités, citons un petit cas isolé mais susceptible de susciter notre indignation. Tous les citoyens congolais vivant à Bukavu se rappellent avec exactitude les grands troubles de Muhumba causés par un certain Abbas Kayonga et ses troupes à quelques mètres de l’enclos du bureau de la Monusco mais pour le neutraliser il a fallu plus de 7h de temps. Encore une fois de plus l’impuissance de la Monusco se rend manifeste et la confiance en ses hommes disparait de plus en plus.

En plus de ce cas, notons que beaucoup d’autres cas ses sont produits dans ces longues périodes des troubles, de turpitudes et d’angoisse que le pays a traversé tout au long de son histoire et dont les enquêtes internationales déployées du jour au lendemain n’ont jamais révélé quoi que ce soit. Les massacres d’Ituri, de Kaniola, de Kasika, de Katogota, de Beni-Butembo, les récentes violences du Kasaï avec la rébellion dite de kamwina N’sapu et toutes les violences que la population ne cesse de subir, imposées de l’intérieur comme de l’extérieur méritent d’être soulignées pour exprimer cette impuissance de la communauté internationale et des gouvernants à stabiliser le territoire en proie aux multiples formes de violences. Ces violences, disions-nous, ne cessent de dégénérer la situation humanitaire qui demeure des plus en plus inquiétante au pays de Lumumba.

Ceci dit, de 1885 à 1905, le pays comme propriété privée du roi Léopold II fut sauvagement exploité, ravagé et pillé sans complaisance. Nos compatriotes furent tués, abattus par dizaine des milliers mais hélas sans contrepartie. Toutes les enquêtes inhérentes tombent en désuétudes et leur résultat révèle moins la vérité des faits et personne n’est imputé. Des telles considérations sur le Congo révoltent et tourmentent nos esprits. A tel point que certains esprits critiques se disent désormais que la présence des forces onusiennes en République Démocratique du Congo, est devenue inutile, encombrante et que son départ serait beaucoup plus que nécessaire.

A partir de cette tentative enfin, il se remarque que les échecs de cette force sont incalculables et ses scandales inévitables car les fissures internes en témoignent nûment. Depuis 1961 jusqu’à présent, plusieurs dénominations ont été émises mais rien n’a changé. De l’ONUC, la MONUC à la MONUSCO le résultat est le même. Plusieurs résolutions furent prises mais la situation ne cesse de s’empirer. Et du coup la situation humanitaire devient de plus en plus chaotique car nombre des décisions prises dans les indéfinissables résolutions qui ne sont mises en exécution selon l’esprit et la lettre. La situation actuelle de la RDC telle que décrite et celle de la Lybie en sont des exemples atypiques. Il est encore possible de construire la paix si et seulement, tous nous nous reconnaissons égaux, êtres humains souciant de vivre dans une société harmonieuse, pacifique et pacifiée. L’unité nationale, le patriotisme et le dépassement des nos contingences culturelles et ethniques constituent une clé de voute à l’émergence nationale.

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