Du 04 janvier 1959 à nous jours : de la révolution trahie à celle à réaliser !

La RDC d’avant 1996 était pacifique et pacifiste. Pacifique jusqu’à l’imprudence. Pacifiste jusqu’à l’aveuglement. Par crainte de la révolution sociale, pour conserver les privilèges périmés, la ploutocratie a trahi le pays dans la folle espérance de tourner protection auprès de Mobutu. La guerre de 1996 portera un coup mortel à ce régime qui n’a pas su organiser le pays sur des bases rationnelles et humaines. Par la suite, les gouvernements des Kabila, nés de la défaite et de la trahison, ont instauré une caricature démocratique qui a assuré la continuité de la prédation, car tenu par des vassaux des intérêts de la classe possédante et des étrangers. Devant tout cela, et aujourd’hui avec le nouveau régime qui n’assure pas la refonte de notre nation , célébrer le 04 janvier 1959 est un véritable supplice – Par Joseph Baraka.

Le chemin de la liberté: pour que vive l’Afrique éternelle

En janvier 1959, le Congo n’est pas l’empire du silence qu’imagine le pouvoir colonial. Le feu couvait sans que le pouvoir colonial s’en aperçoive. Les habitants parlent, écoutent, connaissent plein de choses, savent écrire, ont une conscience politique. “Et ça, le Belge n’a pas voulu le voir”, rappelle François Ryckmans. Le monde colonial ne sent pas encore qu’il va falloir lâcher du lest. On refuse toute réforme de fond, raciale, sociale ou salariale. Les aspirations indépendantistes elles sont dans l’air depuis quelques années. Puis, un dimanche, plutôt pas comme les autres, un meeting politique est annulé dans la confusion, survient la la sortie agitée d’un match de football, un commissaire de police perd le nord, des coups de feu… : c’est l’explosion ! “Tout ce qui est blanc, il faut attaquer !” L’émeute se transforme en soulèvement : 200.000 Congolais se dirigent vers la ville blanche en criant Dipanda, indépendance. Dès le 4 janvier 1959, le radicalisme, qui touchait déjà une élite éduquée, se répand dans les campagnes.

Le soir de 04 janvier 1958, il n’y a dans les rues que des tuniques fanées, des vareuses usées que portaient courageusement des hommes trainant la jambe et sans baisser la tête, et des officiers qui avaient raclé leurs manches ainsi que des civières et des corbillards avec des blessés en train de mourir ou bien des pauvres déjà morts: la révolte venait d’être réprimé, le sang venait d’être versé pour payer à forte prix, la liberté, l’indépendance! Le Bilan? Plusieurs centaines des morts. Au-delà de ce nombre élevé, les émeutes de marquent un tournant dans le mouvement de libération du Congo et forcent les autorités belges et coloniales à reconnaître l’existence de sérieux problèmes au sein du pays. 

L’armée congolaise intervient lors des émeutes de Léopoldville. Photo © Charles DESSART.

Congo Vendu, Congo Trahi!

Aujourd’hui, tenant compte du sacrifice des pères fondateurs, et devant ce qu’est devenu le Congo, personne ne peut réussir à chasser sa tristesse; et nous sommes tous même pris de terreur en mesurant des yeux la route que les idées ont parcourue depuis ces temps, zigzaguant comme des chiens ivres, ou piétinant sur place dans la boue et le sang. Si le combat de 1958-1960 nous donna l’indépendance, celle-ci, a-t-elle relevée les pauvres du fardeau qui pesait sur leurs épaules, et le peuple, n’est-il pas aussi malheureux que jadis? On a pas fait de chemin, autrement que par des bons terribles qui ont cassés les jambes et les cotes à des générations, et les seules charrues qui ont creusées un sillon sont la crise dès 1960, et le canon dès 1996.

Une révolution trahie, une nation vendue

L’histoire de notre pays depuis 1959, est une histoire de 62 ans d’arrêt, de recul puis de destruction ! 62 ans perdus ! La liberté de notre peuple, la fierté nationale, notre sécurité, et la prospérité de notre pays, que nous désirons tant, ont été remplacées par une honte nationale et une prédation meurtrière.

Avec Mobutu, les classes possédantes et aveugles ont ont laissé le pays dans les bras d’un sombre prophète, ennemi de la liberté et adorateur de la force brutale. Après 1996, et 2006, dans le simulacre de Démocratie et de République instaurée, on a droit qu’à un défilé des malentendus et des trahisons ! Et ce sont les élus du suffrage universel qui mutilent peuple et lois, piétinent, les étranglent. C’est pour donner le bras à un crime que la liberté du vote rentre en scène, les urnes reparaissent, pendues à la ceinture des charlatans politiques. Les institutions selon leurs chargent, le dos tourné au peuple, votent des lois liberticides, brouillent la loi électorale, supprime l’élection à deux tours, valident des nominations intéressées, s’accommode à des ministres charlatans, assure la couverture du pouvoir prédateur. Pire, elles ne fonctionnent pas plus mal le jour où l’opposition enlève quelques sièges: cette résistance pour rire fait équilibre à la trop grosse servilité du troupeau de Kingakati, aujourd’hui de Limite, et demain de nous ne savons où.

Et à cotés d’eux sont acoquinés les mille vendus, vendus de la presse, vendus de la finance, vendus de religion, de l’éducation, de la sécurité, qui sont tous, fanatiques aveugles, des défenseurs en carte du système et qui vont battant tambour pour abêtir le peuple, semer la haine et la calomnie, baver le mensonge, égratigner à coup de plume les pavés de la révolution, allumer avec une feuille de journal les canons du chantage, etc. C’est avec cela qu’ils ont jusqu’à ce jour creusé tant des tombes et/ou nourri le système alors que le peuple qui avait avec lui tout un avenir de travail, de probité et de bonheur, retombe au coin de la borne où la misère et les gendarmes viennent l’achever.

Dans ce but, les grands services publics, les grandes entreprises, les branches le plus centralisées de la production seront gérées par l’État contre le peuple. Le grand capital (les grands domaines agricoles, les mines, les assurances, les banques, la métallurgie, et quelques autres branches fortement concentrées de l’économie) sont délaissées et pris en otage légalité irresponsable. Normalement, l’État n’en est que le mandataire, contrôlé par le peuple … lorsqu’il est organisé pour cela. Ici, l’État est contre le peuple, pour des individus, les multinationales, ami des ceux qui pillent, massacres, violent et humilient.

04 janvier 2020, l’anniversaire qui sonne comme un appel

Le voilà donc cet anniversaire ! Nous sommes toujours bernés, roulés, meurtris. Il doit y avoir une raison, nous l’avons montrée. Le constat fait, comme en 1959, encore une fois, jeunes, soyons impassibles devant notre devoir. Mais alors, quel est le remède, où est le chemin? Pour nous, le remède est simple, le chemin est trouvé: Le remède, c’est la Vérité. Le chemin, c’est celui où passera quiconque aura écrit: Révolution Aujourd’hui et cette fois pour toujours sur son drapeau. Révolution Totale! Oui, il faut que le 04 avril 1958 se réfugie dans la citadelle populaire! Et puisque ce n’est pas tout d’être révolté, pas assez d’être engagé, puisqu’il il faut aujourd’hui nous organiser, alors assurons à l’avenir du pays un issu en écrivant un nouveau roman national.

Nous qui sommes le sang même de la patrie, et de qui la patrie attend tout, nous devons aider notre pays à se relever de ce nouveau lit de mitraille où l’ont étendu, à demi-morte, ces traitres de la République qui reviennent un à en en pré-campagne électoral pour mentir, et se présenter en innocents. Si nous avons eu l’ignorante lâcheté de laisser tuer la patrie avant, ayons au moins, la pudeur de nous battre nous la ressusciter. Une nouvelle classe politique, rien qu’une nouvelle classe. Et dehors tous ces parvenus, vigilance un jour, vigilance toujours, sentinelle vaillante !

L’heure, en effet, devient de plus en plus trouble dans notre pays. Il y a dans l’air, au-dessus de nos têtes, des frémissements sinistres, et chaque jour nous ramène le défi sanglant jeté aux foules. Car il est effectivement plus que temps pour que les médiocres dégagent, il est temps de nous organiser pour sortir de la République fossile où nous sommes enfouis, sans remplacer nos médiocres dirigeants par d’autres médiocres à coffre-forts. Et la révolution à faire, ce n’est pas dans le massacre, l’éclosion d’une dictature de parti, de classe ou de coterie. C’est l’organisation d’un politique de liberté, fraternité et de Justice, d’un système économique assurant à l’homme le maximum de bien-être permis par le progrès technique, libérant la nation de la dictature occulte de l’argent et des étrangers, et faisant travailler tout le peuple non plus pour produire des dividendes, mais pour satisfaire les besoins et les aspirations de la société, pour le rêve congolais.

Disons-le franchement: cette révolution ne se fera pas en un jour, par un coup de baguette magique. C’est une œuvre de longue haleine, de la discipline. La IVe République doit sortir des entrailles du pays, et ne peut être instauré que par la volonté populaire, par la révolution. Il faut donc que dès maintenant tous ceux qui pensent comme nous recrutent des adeptes, jettent à tous les vents d’idées du socialisme libérateur, l’imposent à l’esprit du plus grand nombre. Après cela, il appartiendra alors à l’assemblée nationale transitoire de définir le statut juridique qui régira la nouvelle constitution.

Nous devons nous battre pour elles dans les urnes par un renouvellement total de la classe politique, nous nous devons nous battre pour elles dans la rue en exigeants une vie différente, nous devons nous battre pour elles dans nos universités, sur les réseaux sociaux, et partout où réunit à deux ou plus, notre voix comptera. Et cette révolution ne peut être ni le fait de ceux qui ont montré leur mépris pour l’infortune et la misère du peuple en édifiant leurs fortunes sur le désordre social et national, et moins encore le fait d’idéologies destructrices et conquérantes qui asservissent le peuple en une régression physique et morale.

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