RDC : à Uvira, une intronisation met le feu aux poudres

Des jeunes sont descendus dans la rue pour exprimer leur mécontentement à la suite de l’intronisation d’un chef coutumier munyamulenge dans le groupement de Bijombo. Tout a commencé avec l’intronisation d’un chef coutumier à Bijombo, une chefferie Bavira. Ce nouveau chef appartient apparemment à la communauté Banyamulenge. Un événement qui a déplu à la communauté Bavira qui l’apparente à un complot. De leur côté, les autorités du Sud-Kivu ne reconnaissent pas ce nouveau chef.


Uvira s’est réveillé, ce jeudi 09 septembre 2021, dans un silence presque sépulcral ! Pas de circulation, les magasins fermés, les rues désertes, etc. Des jeunes en colère ont barricadé la route nationale numéro 5 depuis Kawizi jusqu’à Makobola. Ces jeunes de la communauté Bavira s’indignent de l’intronisation abusive et illégale d’un mwami des Banyamulenge dénommé FURAHA SOBASONERE Fidèle. Celui-ci a été fait mwami du groupement de Bijombo, une entité de la chefferie des Bavira.

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Théophile Kiluwe, le ministre provincial de l’Intérieur, rappelle qu’à Bijombo aucun chef de groupement n’a été nommé. Il précise que ni lui, ni le gouverneur de la ville, n’ont signé un quelconque arrêté portant nomination ou intronisation d’un chef dans cette entité. “A Bijombo, il y a eu un monsieur qui s’appelait Tabarore. Ce dernier était chef de groupement ad intérim. Après sa mort, d’une manière cavalière, son fils a été intronisé par sa communauté en bafouant toutes les lois et les procédures en la matière. C’est ce qui a attisé la colère de la population à Uvira”, explique le ministre de l’Intérieur.

Situation toujours sulfureuse

Si les autorités parlent d’un retour au calme, une église dont les membres sont majoritairement Banyamulenge a toutefois été saccagée ce 9 septembre et des messages affirmant que cette communauté serait stigmatisée et victime de violations des droits de l’Homme ont circulé sur les réseaux sociaux.

Félix Rubogora est le président du Collectif des mutualités Banyamulenge. Pour lui, il y a urgence et les autorités doivent protéger les membres de sa communauté. “Les jeunes émanant de la communauté Bafulero et Bavira se sont soulevés hier pour chasser les Banyamulenge qui sont à Uvira. Ils ont commencé par détruire l’église 38e Cadec dont les membres sont majoritairement des Banyamulenge, ça s’est passé devant les policiers. Ils ont détruit des maisons. La situation est critique pour les Banyamulenge à Uvira. Il n’y a aucun Munyamulenge qui peut sortir de sa maison ne fut-ce que pour aller chercher à manger”, déplore Mr. Rubogora. La région des Hauts plateaux est le théâtre d’un conflit opposant des groupes armés constitués sur des bases communautaires, notamment des Banyamulenge et d’autres communautés (Bafuliro, Babembe, Banyiundu…).

Dialogue intercommunautaire, oui mais comment ?

La Dynamique communautaire pour la cohésion sociale et le développement se dit préoccupée par la récente montée des tensions communautaires, comme l’explique son coordinateur, le révérend Nicolas Kyalangalilwa. “Cette montée de la tension nous préoccupe au plus haut niveau car on connait l’historique des tensions communautaires dans cette région. Nous en appelons aux autorités politico-administratives sur place afin qu’elles prennent des mesures allant dans le sens de favoriser cette cohésion et cette collaboration entre les peuples, et non pas les suspicions. Nous pensons qu’il est nécessaire de revoir l’approche et même les acteurs dans cette dynamique des conflits.”

Pour rappel, en octobre 2020, des faits pratiquement similaires s’étaient déroulés dans la même région avec l’installation contestée d’un maire dans la commune de Minembwe. A l’époque, la mise en place d’une commission ad hoc semblait être la solution pour une sortie de crise. Cette année, au mois de mars, les autorités ont invité des Congolais tutsis aux lointaines origines rwandaises, et d’autres communautés congolaises, à un dialogue pour mettre fin au conflit qui les oppose dans la région des Hauts plateaux du Sud-Kivu.

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