Mapping Repport: Crimes de guerre à Kalehe

Nous avons en RDC, dans notre malheur, besoin de ces endroits fait pour qu’on y pleure. Rendons vivantes les victimes des atrocités de la guerre d’agression, celles d’hier et d’aujourd’hui. Pensons à celles tuées à Kalehe, pour déverser quelques fleurs en leur mémoire. En mémoire des rêves des enfants détruits, et du sang gratuit répandu le long des rues élevons ce souvenir et si rien n’a refleuri à l’endroit de leur martyr, ni le présent sans charmes, ni l’avenir brisé, que du moins nos pauvres cœurs, fatigués des larmes, servent d’asile sûrs à ces âmes.

Après la prise de Bukavu par les troupes de l’AFDL/APR et la destruction des camps de réfugiés au nord de la ville, les rescapés se sont enfuis en direction du Nord-Kivu. Ils sont passés soit par le parc national de Kahuzi-Biega (en direction de Bunyakiri/Hombo) soit par Nyabibwe, sur la route de Goma. Les réfugiés qui sont arrivés à Nyabibwe n’ont cependant pas pu atteindre la province du Nord-Kivu car ils ont été pris en étau par les troupes de l’AFDL/APR qui arrivaient de Goma et de Bukavu. L’incident allégué suivant a été documenté :

 » Vers la mi-novembre 1996, des éléments ex-FAR/Interahamwe ont tué un nombre indéterminé de réfugiés dans le village de Nyabibwe. La plupart des victimes étaient des personnes malades, âgées ou physiquement handicapées qui n’avaient plus la force de fuir. Les ex-FAR/Interahamwe les ont tués en lançant une roquette sur la maison et sur les containers dans lesquels certains étaient enfermés. D’autres sont morts brûlés vifs lorsque les véhicules où ils avaient pris place ont été incendiés. Certaines victimes auraient demandé à être tuées de peur
de tomber dans les mains de l’AFDL/APR’’.

La majorité des réfugiés qui étaient bloqués à Nyabibwe ont tenté d’atteindre Bunyakiri et Hombo en passant par les Hauts Plateaux de Kalehe. Un groupe s’est installé dans des camps de fortune au niveau de Shanje et Numbi. Poursuivis par les militaires de l’AFDL/APR, de nombreux réfugiés ont été tués dans ces camps de fortune et au niveau de Chebumba et Lumbishi, dans le territoire de Kalehe.

Dans ce contexte, l’Équipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :  »Le 21 novembre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué plusieurs centaines de réfugiés et en ont blessé des centaines d’autres dans leur camp de fortune à Shanje ainsi que dans la forêt de bambous de Rukiga et ses environs, dans le territoire de Kalehe. Certaines victimes ont été tuées par balles, par des éclats d’obus ou de roquettes. D’autres, parmi lesquelles de nombreuses personnes âgées, des malades et des enfants, ont été tuées le long de la route. Ce deuxième groupe de victimes était constitué de rescapés de l’attaque contre le camp. Les militaires, qui leur avaient demandé de se rassembler et de marcher en colonne en direction du Rwanda, ont ouvert le feu sur eux en cours de route.

Le 22 novembre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué un nombre indéterminé de réfugiés rescapés du camp de Shanje au niveau de Lumbishi. La plupart des rescapés de Shanje ont fui par la forêt de bambous de Rukiga. Au niveau du village de Hombo, ils ont rejoint les rescapés du camp de Kashusha/INERA qui cherchaient à atteindre la province du Nord-Kivu en passant à travers le parc national de Kahuzi-Biega. L’incident allégué suivant a été documenté :  » Aux alentours des 2 et 4 novembre 1996, dans le parc de la Kahuzi-Biega, des éléments de l’AFDL/APR ont tué un nombre indéterminé de réfugiés’’.

Source: Rapport du Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de
l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo, Août 2010.

Nous avons en RDC, dans notre malheur, besoin de ces endroits fait pour qu’on y pleure. En voici un que construit LaRepublica.Cd en mémoire victimes des atrocités qui sont commis chaque jour et lâchement depuis la guerre d’agression de 1996. Nous les rendons vivants, comme autre manière de déverser quelques fleurs. Ainsi nos souvenirs cherchent à combler le désir d’un vrai deuil, de la justice, et l’éternité n’effacera pas cette soif, et moins encore la Vérité, celle non à la portée des politiciens et des intérêts hypocrites. En mémoire des rêves des enfants détruits, et du sang gratuit répandu le long des rues nous élevons ce souvenir et si rien n’a refleuri à l’endroit de leur martyr, ni le présent sans charmes, ni l’avenir brisé, que du moins nos pauvres cœurs, fatigués des larmes, servent d’asile sûrs à ces âmes.

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